29 août 2008

In Memoriam Jan Palach (1948-1969)

Aujourd'hui 29 août, c'est jour férié en Slovaquie car on célèbre le Jour anniversaire du Soulèvement national slovaque de 1944. Et puis lundi 1er septembre, ce sera le jour de la Constitution de la République slovaque. On est donc en congé pendant quatre jours, mais surtout ça me permet de rappeler un anniversaire injustement oublié et dont je n'ai pas pu parler devant les évènements libanais (qui continuent d'ailleurs mais accordez-moi votre attention, on♠ en reparle) : le Printemps de Prague, qui n'a pas épargné Bratislava. Or donc, il y a quarante ans, la Tchécoslovaquie entend pratiquer le "socialisme à visage humain" avec Alexandre Dubček qui, arrivé au pouvoir, veut apporter une certaine flexibilité au communisme monolithique pratiqué jusqu'alors par Brejnev. L'idée est de conserver l'idéologie imposée par Moscou mais de garantir aux citoyens des droits notamment en décentralisant l'économie et en assouplissant les restrictions sur les médias ou la circulation des personnes .

Commencé le 5 janvier 1968, le Printemps de Prague est écrasé le 21 août lorsque les forces du pacte de Varsovie (URSS, Bulgarie, Pologne et Hongrie) envahissent le pays. 200 000 hommes de troupe et 2000 tanks pénètrent en Tchécoslovaquie et occupent d'abord l'aéroport, puis les grandes villes du pays, dont Bratislava. Bien entendu, la presse soviétique publie immédiatement un appel des tchécoslovaques implorant l'aide des forces armées du Pacte de Varsovie afin de justifier l'invasion. La victime de la barbarie aurait elle-même demandé la hache de son bourreau. Outre 76 morts tchécoslovaques, on retient l'histoire de l'étudiant Jan Palach, né le 11 août 1948, et qui s'immole par le feu le 19 janvier 1969 sur la place Wenceslas de Prague en signe de protestation contre la brutalité de l'Union soviétique et des pays frères. Deux autres étudiants, signataires d'un pacte de suicide, le suivent dans son acte désespéré : Jan Zajic le 25 février 1969, puis Evzen Plocek en avril.

Si j'étais étudiant, j'arborerais un T-shirt de Jan Palach plutôt que de Che Guevara. Ou alors celui-là, que j'ai pu acquérir à Bratislava, et qui commémore la prise de la ville par l'armée rouge. Je suis étonné qu'on n'ait pas parlé plus de cet atroce anniversaire, et en même temps, on avait d'autres chats à fouetter, notamment la reconstitution grandeur nature du "Printemps" en Géorgie. L'armée rouge a montré qu'elle avait conservé ses réflexes invasifs, notamment en affirmant venir à l'aide des populations ossètes et abkhazes en danger, et en pillant et détruisant tout sur son passage sans le moindre état d'âme. C'est joli cette expression "état d'âme". Est-ce que les Etats ont une âme ? Si la Russie est la mère des Russes, je pense que le père s'est barré depuis longtemps acheter des cigarettes.

L'histoire se répète ? Pas vraiment, elle ne s'est jamais vraiment interrompue. La fin de la première Guerre froide ou Troisième Guerre mondiale n'a pas mis fin aux vieux réflexes d'opposition binaire, et les Etats-Unis continuent à être critiqués par les mêmes idiots utiles, ou applaudis contre vents et marées par les sociétaires de la CIA. Choisis ton camp, camarade ! Le monde est toujours divisé en deux, et personne ne semble pouvoir y échapper. Le Liban non seulement n'échappe pas à la règle, mais il semble l'incarner. Deux camps irréconciliables sont toujours face-à-face. Hier, le hezbollah a tiré sur un hélicoptère de l'armée et tué un officier. Hier, Chroniques Beyrouthines a fermé de dépit devant la montée de haine qui sévit sur les blogs. Hier, il y a presque quarante ans, Jan Palach se suicidait pour manifester contre la barbarie. Contrairement aux génies bourrés d'idées reçues, je n'ai pas de solution. Je sais juste que l'humanité a encore beaucoup de travail devant elle, et qu'elle ferait mieux de s'y mettre plutôt que de rejouer le passé.

Mais ne pas oublier. Ni Jan Palach, ni le Liban.

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26 août 2008

Gamla Stan, c'est mieux la nuit

A quoi reconnaît-on un politicien chevronné ? A ce qu'il est capable de saisir une situation qui lui échappe en prétendant en être responsable. "Quand le chaos s'installe, feignons d'en être les organisateurs". Walid Joumblatt maîtrise parfaitement le jeu politique selon Naharnet :

Progressive Socialist Party leader Walid Jumblat pledged that "the whole state of Lebanon would confront any Israeli aggression."
"If Israel thought of invading Lebanon it would face the same repeated failure," Jumblat added.

He called for bolstering domestic unity by adopting the defense strategy in line with the Doha Accord.

Comme Israël a affirmé vouloir frapper l'ensemble du Liban si le hezbollah parvenait à se greffer sur l'Etat libanais, Joumblatt prétend que la nation fera corps contre l'ennemi, alors même que c'est ce que lui reproche l'Etat hébreu. Auparavant, il existait une sorte d'ambiguité, un Liban qui refusait le fascisme, mais maintenant le Liban intègre le hezbollah et ses milices, et réactive donc la guerre de destruction d'Israël. J'entends Nasrallah prédire la destruction d'un Etat qui n'existe même pas sur la chaîne Al Manar, porte-voix du hezbollah et des gauchistes nostalgiques de la guerre froide, et pour une fois je ne ris pas. Ce fou dangereux est vraiment prêt à sacrifier tout le Liban en le jetant dans une guerre perdue d'avance où Israël réduira le pays en parking fumant. Il y aura des voix qui s'élèveront contre la guerre, mais la plupart des observateurs perdent patience et se détournent du Liban, d'autant que les Libanais finissent aussi par s'en désintéresser. Echange d'ambassadeurs avec la Syrie ? Tout le monde s'en fout. Pas de chef suprême de l'armée ? Pas grave. Arrestations de journalistes par le hezbollah ? Faut pas dramatiser ! La saison touristique a été bonne, les bédouins sont venus dépenser leurs pétro-dollars à Bamdoun, le bronzage bon teint montre qu'on respecte les traditions "d'estivage", on a fait des fêtes mémorables à Batroun et on a uploadé les photos sur Facebook, le reste peut attendre ! Mais l'été prend fin les amis. Que vont faire les cigales de la politique quand l'hiver fut venu ?

Revenant d'un long séjour en Suède, je mesure encore plus ce qui sépare le Liban d'un Etat moderne. C'est d'abord l'individualisme forcené, qui fait qu'encore aujourd'hui, certains "contribuables" libanais en veulent à Fouad Siniora d'avoir introduit la TVA au Liban. Payer des impôts ? Un truc pour les Français ça. Le Libanais ne paie pas ses impôts, ni au Liban, ni ailleurs, c'est une question de principe. De plus, quand la conscription existait, il se faisait un devoir de ne pas se faire entrouper, comme les Français cette fois-ci. Quant au respect du pays lui-même, pourquoi jeter dans des poubelles quand les Africains sont là pour ramasser les canettes par terre ? Pourquoi se préoccuper du délabrement des routes quand on a un 4X4 ? Et pourquoi je devrais baisser ma sono la nuit alors que ça m'a coûté 10 000 dollars de prêt pour l'installer sur ma Subaru ? La Suède m'a humilié, en ce qu'elle m'a montré à quel point un pays pouvait être beau, moderne et facile à vivre quand on respectait un minimum l'autre. Un exemple parmi mille d'autres : l'hôtel où nous sommes descendus accueillait le même soir un rassemblement de corvettes, cette voiture pour dentistes qui connaît le démon de midi. On n'a pas entendu un bruit, ni moteurs qui grognent pour compenser le manque de virilité du propriétaire, ni lancers de canettes à 4h du mat, ni beuglements de chansons à boire comme c'est de règle quand des gars se retrouvent alors qu'ils n'ont d'autre point commun que d'avoir acheté la même voiture. Le respect des autres ne me semble pas naturel, mais les Suédois ont bataillé pour avoir un pays dont le premier intérêt réside dans le calme et la gentillesse de ses habitants (parce que la bouffe, c'est pas encore ça !), ainsi que le respect d'une nature préservée des mégots de cigarettes et des épluchures de pistaches. Et à votre avis, dans l'hôtel des corvettes, qui étaient les plus bruyants ? Gagné ! Les Français ! Il faut dire qu'il faisait 11 degrés, c'est un peu frais pour des Méditerranéens.

Comme la Russie semble soucieuse de reconstituer un empire, pourquoi ne pas remettre le Liban sous tutelle ? La Syrie se porte très bien du soutien fraternel russe, et on sait que le Liban, la Syrie, c'est un peu pareil. Israël n'aurait qu'à bien se tenir, sinon la puissante flotte de Mother Russia pointerait ses canons sur Tel Aviv. Tant qu'à choisir entre les USA, la France ou l'Iran, le Liban ferait un bon choix en introduisant un autre protecteur dans l'équation. Ou la Chine alors ? Peut-être même que le Liban gagnerait une médaille au Jeux olympiques : le retourné de vestes pourrait être discipline aux JO, et Joumblatt est un champion de niveau mondial.

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18 août 2008

De Stockholm, où l'on remet chaque année le prix Nobel de la paix

Je pense que vous êtes tous au courant de la mésaventure de mon ami David, journaliste français au Liban, survenue la semaine dernière, si vous ne la connaissez pas, M1 la relate. En deux mots, le hezbollah a encore démontré sa formidable aptitude au fascisme en détenant David pendant six heures, en lui faisant passer un interrogatoire en règle et en le menaçant comme s'il appartenait au Mossad. On pourrait pu penser que cet incident déclenche des réactions de compassion. Cela a été le cas de la part des rédactions auxquelles appartiennent David et Nat, qui tenaient auparavant un blog bien connu et proche de celui que vous lisez. Mais c'était compter sans la connerie humaine. Une apprentie journaliste, sympathique mais visiblement perdue au Liban, a relaté "l'affaire Hury" avec une certaine légèreté sur un blog, où elle cite notamment comme sources pour comprendre le Liban un article de Georges Corm (!). Evidemment, un commentaire d'une stupidité affligeante a suivi, qui montre que nombre d'idiots utiles continuent à défendre le parti de dieu, malgré les preuves de sa nature antidémocratique qui s'accumulent :

Tout le monde sait que le Hezbollah est dans le collimateur d'Israël.. Je conçois que la mésaventure de de Monsieur Hury ait été désagréable. Ne pensez-vous pas néanmoins que le Hezbollah est en droit de prendre des précautions et de vérifier quelles sont les intentions des "visiteurs" de la banlieue Sud ?.


La jeune, très jeune, fille qui tient ce blog, répond que "J'aurai tendance à vous répondre oui, qu'ils ont raison de contrôler les "visiteurs" de la banlieue sud, notamment. Car, comme vous le dites, des précautions s'imposent. Mais, de là à faire passer un interrogatoire, pendant six heures, à un journaliste, il ne faut pas exagérer."

Mais ChristianD, qui visiblement a bien compris le texte à apprendre par coeur par les soutiens occidentaux du hezb, contre-attaque devant la faille béante de l'argumentation de la trop jeune journaliste :

Si vous êtes d"accord que des précautions s'imposent, alors à partir de combien de minutes, d'heures, un interrogatoire devient "exagéré"?

Je me fais un peu l'avocat du diable, mais je vois mal le Hezbollah se contenter de l'agrément du Ministère comme garantie. Si j'ai bien compris, votre ami est un journaliste "free-lance" Dans ces conditions, vérifier l'exactitude de ses affirmations a dû prendre un certain temps.

La question de la "neutralité" des journalistes demanderait de bien plus longs développements..

Certes, et j'aimerais connaître une fois dans ma vie un journaliste neutre, tout comme je serais curieux de rencontrer un juge impartial ou un citoyen juste. Mais ce petit échange montre bien les progrès remarquables en communication du parti de dieu, qui joue sur du velours devant l'antiaméricanisme violent qui sévit dans le monde. Il n'est que de voir les exactions osséto-russes en Géorgie, qui déclenchent chez certains un grand sentiment de revanche ou de jouissance (car Saakachvili est le représentant du diable puisqu'il n'est pas pro-russe mais pro-occidental) pour comprendre comme le hezbollah utilise ce sentiment de rejet des occidentaux honteux de leurs gouvernements post-coloniaux, écrasés par le fardeau de l'homme blanc, gavés de propagande victimaire, harassés par l'idée que l'occidental n'a jamais rien fait de bon dans son histoire sinon opprimer les autres qui étaient tous sans exception de bons sauvages.

Ce qui est arrivé à David montre que le hezbollah, Etat dans l'Etat, ne s'embarrasse même plus d'apparences démocratiques. Ce parti fasciste sait très bien qu'il peut compter sur des témoins aveugles qui nieront ses aspects néfastes et lui pardonneront de façon maternelle car, après tout, "il est le seul à résister au Capitalisme américano-israélien". Pourquoi ces néo-gauchos ne s'exilent-ils pas dans des bonnes dictatures comme l'Iran ou la Syrie qui portent à bout de bras le hezb et le financent et l'arment au mépris de toutes résolutions de l'ONU ? Les joies d'être un communiste dans un démocratie ! Le bonheur de critiquer Bush ou Sarkozy en sachant qu'on n'ira pas en prison comme si on se permettait un commentaire du Bachar el Assad en Syrie ! L'exaltation d'être un petit rebelle au système, bien protégé par les lois de son pays qui n'admettent pas la détention arbitraire, pour le citoyen ou le journaliste !

David est mon ami, mais au-delà de ce que je ressens pour lui et sa famille, que j'aime tout autant, je suis scandalisé qu'on puisse interroger un journaliste comme au temps des systèmes totalitaires, avec en plus des réactions d'imbéciles qui estiment qu'il ne faut pas dramatiser. Quand faudra-t-il dramatiser ? Quand le hezbollah caviardera les articles des correspondants étrangers au Liban ? L'occident présente bien des défauts, et on sait que les Etats-Unis aiment "embedder" les journalistes pour leur faire voir leur vérité, sans parler du comportement souvent inacceptable des Israéliens vis-à-vis des reporters. Mais que l'occident ait des défauts ne justifie pas une seconde le fascisme du hezbollah, et la peur qu'il a infligé à mon ami et sa famille. Le hezbollah ne se cache même plus, car il sait que quoi qu'il fasse, il aura des supporters qui croient en la victoire divine de 2006. Je ne sais plus quoi faire.

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11 août 2008

Enslaved

Parce qu'elle possède un accord de protection de "ses" minorités, la Russie décide de frapper la Géorgie qui tente de conserver son unité, certes par la force, mais sur son territoire souverain. La Russie qui défend les Ossètes, c'est comme si la France, protectrice des maronites, décidait de frapper au cœur du Liban pour aider une communauté qui refuse de faire partie d'un ensemble qui la dépasse. Un principe médiéval érigé en concept néo-colonialiste. La Russie se sent menacée, on se doute qu'il s'agit avant tout d'un différend sur les richesses de son ex-empire, mais on a du mal à comprendre sa stratégie : en attaquant un Etat souverain, elle s'expose à des sanctions internationales qui risquent de la placer encore plus à l'écart, sans compter les réactions plus brutales que pourraient prendre les pays maintenant indépendants comme l'Ukraine. Certes, la Géorgie est aidée par les Etats-Unis, qui ont notamment dirigé sa révolution des Roses, et son objectif est d'intégrer l'OTAN au plus vite. Mais analyser le monde de façon binaire, globalement en considérant que tout ce que soutient les Etats-Unis est foncièrement mauvais, résulte d'une logique enfantine ou pire, idéologique.

Je passe donc d'une région complexe, instable et bourrée de blessures historiques à une autre. Pour comprendre l'Europe centrale et de l'Est, quoi de mieux que la culture, la vraie, celle qui permet d'embrasser l'histoire avec plaisir et intelligence ? Je recommande donc chaudement la lecture d'un joyau tchèque Moi qui ai servi le roi d'Angleterre, de Bohumil Hrabal. Dans une langue faussement candide, l'auteur parvient à décrire un morceau de l'histoire de son pays par des scènes absolument brillantes, je pense notamment à ce général qui paie les musiciens d'une soirée endiablée en leur jetant ses nombreuses décorations militaires qu'il arrache à coups de ciseaux, ou à la visite de l'empereur d'Ethiopie et de l'incroyable banquet qui s'ensuit, ou de la montée du fascisme à Prague, ou... Lisez-le, ce chef-d'œuvre vient d'être porté à l'écran, mais je ne vois pas comment l'adaptation cinématographique peut être aussi riche que l'ouvrage initial.

Et évidemment, qui dit culture, dit voyage et gastronomie. Budapest se révèle moins majestueuse que Vienne ou moins envoûtante que Prague, mais elle reste une ville magnifique et la cuisine hongroise est de très bonne tenue, ainsi que les vins qui vont avec. Pour l'essayer, deux adresses à recommander : Klassz, découvert par hasard sur l'avenue Andrassy, et dont les serveurs, compétents et gentils, savent parfaitement accorder vins et mets hongrois revisités ; et Menza, à quelques pas du premier, dont le décor volontairement vintage communiste ajoute une touche d'ironie à des plats excellents et, comme dans Budapest en général, peu onéreux. Et puis, pendant que j'y suis, ce blog étant aussi un peu mon carnet de voyages, Izabella est un hôtel excellent, pas cher, central et avec des chambres vastes comme des suites, mais les bains Gellert sont une attraction dont on peut facilement se passer : un labyrinthe mal entretenu qui donne sur des piscines qui ont perdu d'une splendeur qu'ils n'ont peut-être jamais eus. Cette splendeur passée et dont il ne subsiste que des vestiges fumants comme des bains turcs : c'est peut-être ça l'âme slave, ce qui explique pourquoi la Russie est prête à basculer dans l'après-après-guerre froide en s'en prenant à un protégé de l'occident qui le défie dans ses Marches. Parce que rapprocher l'indépendance du Kosovo à celle de l'Ossétie du Sud ne semble pas avoir force de logique pour l'Empire de Poutine. Je pense que je vais encore lire quelques auteurs du cru avant de prétendre à la compréhension des Slaves. Et me resservir en pinard.

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05 août 2008

USA, USB, USC

Si vous vous demandiez la différence entre Slovaques et Tchèques, la photo ci-contre vous l'explique. A gauche, les Slovaques sont des gros hippies qui fument des joints comme des gauchos moyens, à droite, les Tchèques boivent des piles. Cela explique peut-être le monde qui sépare leurs deux capitales, Bratislava et Prague. Au retour (fructueux) d'un séjour dans la capitale tchèque, je suis encore affolé de la beauté de la ville. A un moment, à force de lever le nez pour ne pas louper une merveille architecturales, on commence à en avoir marre de voir tant de bâtiments somptueux, rescapés de l'âge d'or de l'art nouveau, comme en témoignent les superbes illustrations de Mucha. Je vous en mets une pour que vous mettiez un nom sur un style que vous connaissez bien, tant il a inspiré l'illustration contemporaine, et je ne peux que vous recommander son œuvre, présente dans Prague sous forme de vitraux, de fresques et de tableaux. Pendant qu'on y est, je vous encourage également, en cas de séjour dans ce splendide vestige du bon vieux temps impérial, à aller déjeuner au Café Savoy, à vous ébattre dans la piscine de l'hôtel Carlo, et à vous perdre dans les ruelles pour tomber sur la librairie Shakespeare qui reste ouverte tard dans la nuit. Et puis à me rendre visite, j'y serai souvent pour le travail.

Et la Slovaquie ? Me dira-t-on, et on n'aura pas tort. Là aussi, je recommande une des expériences les plus étranges de ma courte vie, car c'était la première fois que je me sentais en état d'ébriété sans picoler. Pour ce faire, essayer les bains de boue chaude de Pistany, un complexe thermal sur une sorte d'île où le temps s'arrête. La Slovaquie possède un potentiel touristique important qu'elle ne parvient pas encore à mettre en valeur. Pourtant, quelques touristes en profitent chaque année, et j'ai été étonné par le nombre d'Arabes qui appréciaient les lieux. Je me demande comment se passe la cohabitation. Les Slovaques sont très catholiques, et j'ai pu noter une forte résurgence de l'extrême droite, notamment par la présence des marques-phares des nazillons comme Lonsdale, Thor Steinar et autres symboles de la "White Supremacy". Les regards sur les femmes voilées ne sont pas tendres, plutôt exaspérés, mais la situation économique slovaque est très bonne, donc pas de pogroms ni de ratonnades. En cas de récession, les immigrés risquent de faire les frais d'un sentiment national qui se cherche après l'Empire, l'ère communiste et la Sécession d'avec la République tchèque. En attendant, les "ethnies" cohabitent. Regardez cette scène prise à Piestany : elle pourrait se dérouler à Beyrouth (notons l'absence des femmes et des mouflets, faut pas déconner non plus, on reste entre hommes).

Bref, je prends mes marques dans une région déjà passionnante. Ce qui, comme promis, ne m'empêche pas de garder un oeil sur le Liban. Et me permet de mélanger les deux cultures, slave et arabe, pour faire remarquer que décidément, la situation libanaise devient kafkaïenne :

Les États-Unis ont demandé des explications officielles au Liban après les déclarations d’un haut responsable sur des préparations en cours visant à libérer les fermes de Chebaa par les armes au cas où les négociations diplomatiques avortaient.
« Vous nous avez beaucoup surpris », ont ainsi dit les Américains aux Libanais, lesquels se sont empressés d’éclairer leur lanterne et de les rassurer, en leur répétant qu’il n’y a pas lieu de s’inquiéter. « Nous allons utiliser l’expression “libérer les fermes par les moyens dont nous disposons” dans les textes officiels », ont précisé les Libanais – sachant que la troupe ne dispose pas des armes adéquates pour libérer les hameaux de Chebaa ou les collines de Kfarchouba.


C'est formidable, non ? Je connaissais le double discours, mais à ce niveau là, je ne sais pas comment ça s'appelle. Je me demande ce que boivent les leaders libanais. Si les Slovaques boivent du Che, les Libanais devraient plutôt manger du Lion. De Damas.

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