11 août 2008

Enslaved

Parce qu'elle possède un accord de protection de "ses" minorités, la Russie décide de frapper la Géorgie qui tente de conserver son unité, certes par la force, mais sur son territoire souverain. La Russie qui défend les Ossètes, c'est comme si la France, protectrice des maronites, décidait de frapper au cœur du Liban pour aider une communauté qui refuse de faire partie d'un ensemble qui la dépasse. Un principe médiéval érigé en concept néo-colonialiste. La Russie se sent menacée, on se doute qu'il s'agit avant tout d'un différend sur les richesses de son ex-empire, mais on a du mal à comprendre sa stratégie : en attaquant un Etat souverain, elle s'expose à des sanctions internationales qui risquent de la placer encore plus à l'écart, sans compter les réactions plus brutales que pourraient prendre les pays maintenant indépendants comme l'Ukraine. Certes, la Géorgie est aidée par les Etats-Unis, qui ont notamment dirigé sa révolution des Roses, et son objectif est d'intégrer l'OTAN au plus vite. Mais analyser le monde de façon binaire, globalement en considérant que tout ce que soutient les Etats-Unis est foncièrement mauvais, résulte d'une logique enfantine ou pire, idéologique.

Je passe donc d'une région complexe, instable et bourrée de blessures historiques à une autre. Pour comprendre l'Europe centrale et de l'Est, quoi de mieux que la culture, la vraie, celle qui permet d'embrasser l'histoire avec plaisir et intelligence ? Je recommande donc chaudement la lecture d'un joyau tchèque Moi qui ai servi le roi d'Angleterre, de Bohumil Hrabal. Dans une langue faussement candide, l'auteur parvient à décrire un morceau de l'histoire de son pays par des scènes absolument brillantes, je pense notamment à ce général qui paie les musiciens d'une soirée endiablée en leur jetant ses nombreuses décorations militaires qu'il arrache à coups de ciseaux, ou à la visite de l'empereur d'Ethiopie et de l'incroyable banquet qui s'ensuit, ou de la montée du fascisme à Prague, ou... Lisez-le, ce chef-d'œuvre vient d'être porté à l'écran, mais je ne vois pas comment l'adaptation cinématographique peut être aussi riche que l'ouvrage initial.

Et évidemment, qui dit culture, dit voyage et gastronomie. Budapest se révèle moins majestueuse que Vienne ou moins envoûtante que Prague, mais elle reste une ville magnifique et la cuisine hongroise est de très bonne tenue, ainsi que les vins qui vont avec. Pour l'essayer, deux adresses à recommander : Klassz, découvert par hasard sur l'avenue Andrassy, et dont les serveurs, compétents et gentils, savent parfaitement accorder vins et mets hongrois revisités ; et Menza, à quelques pas du premier, dont le décor volontairement vintage communiste ajoute une touche d'ironie à des plats excellents et, comme dans Budapest en général, peu onéreux. Et puis, pendant que j'y suis, ce blog étant aussi un peu mon carnet de voyages, Izabella est un hôtel excellent, pas cher, central et avec des chambres vastes comme des suites, mais les bains Gellert sont une attraction dont on peut facilement se passer : un labyrinthe mal entretenu qui donne sur des piscines qui ont perdu d'une splendeur qu'ils n'ont peut-être jamais eus. Cette splendeur passée et dont il ne subsiste que des vestiges fumants comme des bains turcs : c'est peut-être ça l'âme slave, ce qui explique pourquoi la Russie est prête à basculer dans l'après-après-guerre froide en s'en prenant à un protégé de l'occident qui le défie dans ses Marches. Parce que rapprocher l'indépendance du Kosovo à celle de l'Ossétie du Sud ne semble pas avoir force de logique pour l'Empire de Poutine. Je pense que je vais encore lire quelques auteurs du cru avant de prétendre à la compréhension des Slaves. Et me resservir en pinard.

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