22 septembre 2008

Privatiser les recettes, nationaliser les pertes ou Du passé faisons table rase

Deux hommes du passé démissionne coup sur coup, à ma plus grande joie. Thabo Mbeki part de la présidence de l'Afrique du Sud, avec un bilan plutôt négatif. Passons sur ses théories fumeuses sur le SIDA ou son amitié avec Mugabe, Mbeki a surtout démérité pour ne pas avoir su tirer parti du formidable potentiel sud-africain. Coupures de courant sur tout le pays, incapacité à régler les conflits armés africains, insécurité hallucinante, corruption généralisée, l'Afrique du Sud est en mauvais état, alors que ce pays pourrait être un paradis sur terre et une puissance régionale, voire au-delà. Desmond Tutu, que j'avais évoqué à l'occasion d'un post sur la très belle philosophie Ubuntu, avait accusé Mbeki de s'entourer de bénis oui-oui, de créer une petite oligarchie noire et dene pas penser assez aux townships. Mbeki, qui passé des dizaines d'années en-dehors de l'Afrique du Sud, a sûrement péché par manque de connaissance du pays. Concernant sa succession, ce sera bientôt la fin des Xhosa à la présidence, après Madiba et Mbeki, et le temps des Zoulous comme Jacob Zuma viendra sûrement. En attendant, c'est Kgalema Motlanthe qui devient président par la grâce de l'ANC, ancien parti marxiste qui a gardé les bonnes habitudes de confondre finances de l'Etat et caises du Parti.

L'Israélien Olmert avait la même habitude. Il abandonne son poste de premier ministre en laissant un héritage qui semble impossible à gérer pour son éventuel successeur, laissons le terme au masculin car je ne sais pas comment on le dit au féminin. Tzipi Livni, si c'est elle, n'aura pas la partie facile, et ouvre déjà une alliance entre Kadima et un Bibi Netanayahou de sombre mémoire. On ne peut que souhaiter la réussite de cette femme pragmatique qui négocie pour une paix durable avec les Palestiniens, et qui sait que, menacé de toutes parts, Israël ne peut se permettre d'être miné par les scandales de corruption qui ont rythmé le mandat d'Ehud Olmet. A l'heure où la Syrie se prépare sinon à revenir au Liban, en tout cas à une confrontation prochaine, Israël a tout intérêt à montrer un front uni, et pour ça, un coup de torchon d'envergure s'impose. Il faudra commencer par admettre certaines erreurs du passé et à faire cesser les mauvaises habitudes.

Et puis un homme du passé fait peau neuve, ou presque. La rédemption est à la mode, mais je n'aurais jamais pensé que Samir Geagea, bien que leader chrétien, s'y prête. Il l'a pourtant fait ce week-end dans un geste qui ne manque pas de panache. Seul leader de milice au Liban à avoir purgé une peine de prison, il est également le seul à expier publiquement les crimes des Forces libanaises pour tourner la page du passé. Bien entendu, ce n'est pas suffisant pour Aoun, qui aurait voulu des excuses nominales et le siège de président, mais qui ne demandera jamais pardon pour ses exactions personnelles. Vous n'aimez pas Geagea, je n'aime pas Geagea, mais il faut lui reconnaître une volonté (apparente ?) de dépasser les horreurs du passé. Est-il pour autant un homme d'avenir au Liban ? Contrairement à l'Afrique du Sud ou Israël, la relève n'est pas assurée.

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17 septembre 2008

Ziggyyyyy

Ah il a bien dû rigoler, le locataire de l'Elysée, à nous voir nous étriper les uns avec les autres pour la venue de Ben XVI (mais j'y pense, ça veut dire qu'il y en a eu 15 avant lui ??). Je suis tombé dedans le premier, alors même que ce genre de diversions est l'une des plus faciles et les plus connues du jeu politique : faire venir un personnage controversé et en rajouter dans la flagornerie pour susciter une polémique qui n'aboutira à rien, mais permettra de détourner l'attention de problèmes plus sérieux. Quand Kadhafi est venu planter sa tente à Paris, peu l'ont défendu, les rares qui n'ont pas traité le roi de l'Afrique de dangereux fou criminel sont ceux qui appuient Sarkozy contre vents et marées. Mais le pape, c'est autre chose. C'est sacré ! Donc, quand les défenseurs de la laïcité s'indignent qu'on fasse un accueil républicain à un personnage aussi rétrograde, misogyne et homophobe (mais pas contre un peu de pédophilie de temps en temps), nombreux sont les Français pourvus d'une éducation catholique qui y voient un affront à leur foi. Dialogue de sourds donc, les uns s'estimant offensés qu'on ridiculise la République française, les autres se considérant outrés qu'on puisse attaquer le représentant le plus illustre de la chrétienté. Pendant ce temps, Sarkozy marie son fils (par le pape ?) et continue sa politique. Je ne pense pas qu'elle soit si mauvaise que ça, la politique à Sarko, mais il faut bien parfois donner du pain et des jeux aux Français pour permettre à l'UMP de travailler tranquillement. Le pape a été l'attraction-distraction de la semaine. Qui sera la prochaine ? Réponse en fin de post.

Idem pour Sarah Palin : le personnage est tout aussi archaïque et hypocrite, mais permet de détourner le débat sur des sujets plus sexy que le maintien des troupes en Irak et en Afghanistan ou la crise financière qui frappe l'Amérique et le reste du monde. Sauf bien sûr, le Liban qui parvient toujours à développer un système indépendant des grandes tendances mondiales :

La crise sur les marchés mondiaux n’aura aucune répercussion sur l’économie libanaise, ni sur les secteurs bancaire et financier locaux, a affirmé hier le ministre des Finances, Mohammad Chatah.


C'est tant mieux, Monsieur le Ministre, voici au moins une tempête à laquelle le Liban échappera. Car les élections au sein de Kadima vont donner le nouveau guide de la politique israélienne, et ce sera sûrement un changement radical d'avec Olmert le brigand : ex-Tsahal (Mofaz) ou ex-Mossad (Livni) ? La grande tradition des premiers ministres israéliens issus de l'une ou l'autre de ces institutions se perpétuent, alors qu'en France on n'a plus que le choix entre avocat ou énarque. Une fois que les Israéliens auront choisi, puis que les Américains se seront décidés, on aura la nouvelle paire gagnante qui décidera du destin du Liban qui aura été, rappelons-le, le seul pays au monde a échapper à la crise financière des "subprimes". Alors doublé des anciens de l'armée Mofaz-McCain ou jeune garde Livni-Obama ? Je penche pour un compromis Livni/McCain, mais je me méfie : plus les non-Américains aiment un candidat (en l'occurence Obama), moins les Américains l'élisent. Il faut donc encourager l'obamamania et participer au choeur des politiques français qui, dans leur intégralité, souhaitent que le candidat démocrate soit élu. Etrange non, qu'à la fois l'UMP et le PS tombent d'accord sur le futur président américain ? Pensez-vous qu'ils nous jouent la comédie en prétendant n'être d'accord sur rien en France ?

Finalement, quelle importance ? Je me passe en boucle l'interview de Céline Dion par Denise Bombardier, celle-là même qui considère avec son bel accent québécois que "les Français font pas leur job de défendre la langue françaiiiiiise". J'y prends des morceaux de sagesse et d'humilité, cette femme ayant concentré en elle philosophie occidentale et orientale dans une synthèse parfaite et transcendante. Céline ne chante pas avec ses cordes vocales, elle chante avec son coeuuuuur, comme elle le dit avec conviction mais modestie. Et ça c'est important. La prochaine fois que Céline vient en France, j'espère qu'elle sera accueilli par le président, qu'elle viendra s'exprimer devant l'Assemblée nationale et qu'elle nous achètera des centrales nucléaires. Et je la défendrai bec et ongles contre les moqueurs et les mécréants qui ne comprennent pas que Céline, c'est de l'amouuuur. Comme le pape, mais en plus québécois.

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12 septembre 2008

Death Magnetic

Chaque semaine, les news magazines français nous donnent l'opportunité de nous instruire en nous distrayant, l'objectif étant souvent de procurer l'info la plus pertinente et la plus utile, et si possible de fournir un scoop au lecteur afin de rester leader dans la collecte des nouvelles. Ainsi, l'Express, garant de la ligne "gauche qui vote à droite", a eu l'excellente idée d'enquêter sur "les copains d'abord", titre d'une chanson de Georges Brassens qui barre la une du mag, avec en photo l'acteur dramatique Christian Clavier en plein conciliabule avec not' président. Le Nouvel Obs', partisan d'une gauche qui part au Club Med, a préféré aborder un sujet radicalement différent et offre comme dossier "les amis du président". L'idée ici est d'évoquer les amis du président, alors que L'Express enquête sur les copains du président, nuance. Quant à l'hebdomadaire Le Point, il propose un dossier rarement abordé par ce genre de journalisme : un "spécial vins" ! Ce n'est pas Paris Match, qui titre sur le divorce de Bébel, qui oserait rentrer dans un sujet aussi polémique et s'adonnerait à ce genre de journalisme d'investigation. Challenges de son côté, aborde "les réseaux catho", ce qui est une bonne idée puisque leur chef vient en France, pendant que Valeurs actuelles titre "les cathos relèvent la tête" (car eux aussi sont des victimes) et que Le Pèlerin note, avant même l'arrivée de l'hyper saint père que "la France accueille Benoît XVI, qui est le nom de code du pape. Le Pèlerin propose ainsi, dans la grande tradition des démocraties soviétiques, un compte-rendu de ce que sera la visite du dernier poilu des jeunesses hitlériennes, et considère déjà que grâce à Benoît, la France se réconcilie avec la finance. 

Alors fallait-il, devant la qualité incontestable de nos hebdomadaires, en proposer un de plus aux lecteurs déjà très concentrés sur le vin, les copains du président et le pape, et à peine remis des dossiers lourds de l'été, comme "le sexe en vacances" ou "les réseaux des franc-maçons" ? Siné a estimé que oui, surtout depuis qu'il a réussi à se faire virer de Charlie Hebdo, et fait donc partie de la cohorte des victimes. Car tout le monde ne peut pas être victime, mais l'humanité doit se diviser entre ceux qui souffrent d'un côté, et ceux qui en sont responsables de l'autre. Siné ne pense pas autrement quand il soutient avec force les terroristes palestiniens, mais traitent de noms d'oiseaux leurs cousins corses qui ont plastiqué sa maison en Corse. Ce n'est pas pareil, s'étrangle Siné ! Les terroristes corses sont des enfoirés ! les terroristes palestiniens sont des victimes. En même temps, qui aurait envie de se faire construire une villa dans la bande de Gaza ? Visiblement aucun des contributeurs de Siné Hebdo, que ce soit Isabelle Alonso, Christophe Alévêque ou Delfiel (non non, je n'ai pas fait de faute, c'est une tentative de jeu de mots) de Ton. 

Chaque mercredi, quand j'en ai la possibilité, je lis le Canard enchaîné et Charlie Hebdo, ce qui n'est pas toujours évident car autant le Canard est distribué dans les avions gratuitement et peut donc être lu par un réseau d'expats qui se le prêteront, autant les CCF refusent toujours, à Beyrouth ou à Bratislava, de s'abonner au sulfureux Charlie. Le Canard est souvent rempli de faits divers bêtes et méchants à la Marianne avec parfois une bonne enquête,  mais Charlie s'est transformé et a bien vieilli : de journal contestataire et peu constructif bien que très drôle, il est devenu un hebdo drôle toujours, mais aussi de réflexion et "adulte", s'ouvrant au monde plutôt que le critiquant depuis une chambre d'ado boutonneux, et admettant bien volontiers qu'être "pour les Palestiniens" n'est pas un brevet de morale et n'empêche pas de comprendre Israël ou même le Liban. C'en était trop pour Siné, beauf et fier de l'être, qui conchie la musique qui n'est pas jazz (seuls les noirs, anciennes victimes des "Ricains", savent faire de la zique alors que Mozart préfigurait l'anschluss), considère les femmes avant tout dans un souci de baise (ces "salopes" ne sont pas victimes, mais consentantes) et invite donc des amis à lui pour justifier sa petite ligne idéologique qui consiste à poser qu'il a eu raison de défendre Vergès, même quand celui-ci était payé par le banquier du nazisme (François Genoud) et que Val, rédac' chef de Charlie, est sarkozyste. Siné Hebdo, en plus des nullités d'Alévêque (qui est autant humoriste de gauche que je suis apiculteur roumain), propose ainsi un texte de Normand Baillargeon, ami de Noam Chomsky le spécialiste des attaques contre les vrais systèmes totalitaires, qui explique que l'anarchisme "prône une conciliation possible et souhaitable entre le socialisme et son principe d'égalité, et le libéralisme et son principe de liberté". Fantastique non ? François Bayrou est anarchiste ! Le reste est de la même eau, avec un texte express de Michel Onfray, qu'on a connu plus inspiré, décrivant les crétins utiles qui votent bien entendu à droite, mais aussi à gauche pour Ségolène Royal qu'il avait pourtant soutenu, mais "avant". Il est toutefois bon de procéder à une autocritique, et le billet d'Onfray sur les crétins utiles me rappelle les bobos croqués autrefois par Brétecher dans Le Nouvel Obs...

Rassurez-vous, Siné Hebdo aborde aussi les grands sujets comme la visite du pape et la grossesse de Rachida Dati (notamment un dessin très classe, où elle dit qu'elle ne connaît pas le père de son enfant parce qu'elle a été victime d'une tournante. hahahaha. Oué mais elle est au gouvernement alors forcément c'est une salope), mais pour dire qu'on s'en fout. Je crois que je continuerai d'acheter Siné Hebdo, j'ai encore besoin d'apprendre sur cette partie de l'humanité qui met en avant sa générosité et sa liberté, mais qui pensent qu'il existe un bon et un mauvais terrorisme. Jusqu'à en être victime un jour ?

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08 septembre 2008

Strandhögg

Hassan Nasrallah, a fait preuve hier de très bonnes dispositions à l’égard de tous, même s’il a tenu à justifier l’agression qu’il a ordonnée contre Beyrouth le 7 mai, assurant qu’elle était destinée « à empêcher la guerre civile ».

Je pense que ce trait d'esprit se passe de commentaires. Tout comme le meurtre de sang-froid d'un officier de l'armée libanaise par un hezbollahi, depuis remis aux autorités (qui, on en est sûr, vont le condamner à mort). Le hezbollah est un parti fasciste, que chacun se fasse son opinion en lisant les faits dans la presse ; chaque jour amène son lot de preuves, mais les enragés n'y verront qu'un honnête rassemblement de boy-scouts très pileux dont le patriotisme et l'amour de la patrie les poussent à détruire le Liban pour son bien. Nicolas Sarkozy est bien allé voir le parrain des castor juniors en Syrie, persuadé que contrairement à tous ceux qui l'ont précédé, il ne se ferait pas avoir par le rejeton Assad. Revenu une main devant, une main derrière, notre président a sans doute compris que si la Syrie parvient à orchestrer le Moyen-Orient depuis quarante ans, il y a peut-être finalement une bonne raison. La capacité de nuisance de la Syrie aurait même pu devenir nucléaire si Israël n'y avait mis un discret mais ferme arrêt, mais on préfère considérer que l'Etat hébreu est un ferment de guerre, alors qu'il faudra bien reconnaître un jour qu'il est au contraire parvenu à empêcher des conflits beaucoup plus sanglants que ce que l'on a pu subir jusqu'à maintenant.

un ouvrage qui sera publié la semaine prochaine aux États-Unis a révélé hier qu’en août 2007, Israël avait envoyé deux hélicoptères transportant 12 membres du commando de l’unité Sayeret Matkal en Syrie pour recueillir des échantillons de la terre se trouvant dans les parages du présumé site nucléaire à Deir-ez-Zor. Intitulé La guerre secrète avec l’Iran, l’ouvrage, écrit le journaliste Ronen Bergman, indique que « les résultats de l’analyse des échantillons ont clairement prouvé que le projet nucléaire existe bel et bien ». Le mois suivant, l’armée israélienne bombardait le site, relève le Jerusalem Post, qui rapporte l’information.

Je n'aimerais pas du tout qu'Israël opère le cancer hezbollah, mais devant l'habileté certaine des stratèges iraniens qui téléguident Nasrallah, peut-être faudra-t-il s'y résoudre. Barak, en pleine campagne électorale (ou militaire) admet que l'armée israélienne est prête à frapper TOUS ses ennemis et on ne peut que constater que de nombreux "progrès" ont été faits depuis juillet 2006 : le seul élément faible de la nouvelle chaîne de commande, Olmert, risque d'être inculpé par le procureur général sur avis des autorités policières et fera place à un nouveau leader. Le chef de l'armée israélienne, Gaby Ashkénazi, a commandé les Golanis et semble avoir l'appui du Ministre de la défense. En cas de conflit, le hezbollah sera écrasé et entraînera dans sa chute tout le Liban, comme l'a promis Barak. A moins que...

A moins que la Syrie et Israël ne concluent une paix séparée, que l'Iran ne soit l'objet des attentions israéliennes, que les Libanais s'unissent non pas contre un ennemi commun mais dans un "projet de civilisation", que les religieux perdent de leur influence au Moyen-Orient et se contentent de brailler dans des lieux de culte vides. On appelle ça des voeux pieux, mais je me sens inspiré par la venue du Vraiment Très Saint Père en France cette semaine. La présence de cet homme sur le sol français est une insulte à l'esprit de la République que nous encaisserons comme toujours avec la patience qui caractérise les vrais laïcs (!), mais qu'il ne vienne pas déclamer son habituel couplet de haine, avec les refrains sur le rôle de la femme à la cuisine comme au bon vieux temps de sa Hitler Jugend. Nasrallah le noir et Ratzinger le blanc, deux facettes du même obscurantisme médieval qui continue à enchanter les amateurs de combat contre l'Autre. Je les rejette violemment pour les mêmes raisons, et je ne m'attends absolument pas à être suivi. Après tout, penser qu'une femme ait enfanté un dieu ou qu'une défaite soit une victoire divine montrent qu'on n'est pas particulièrement fan de la réalité. Vu sa laideur actuelle, ce n'est peut-être pas une mauvaise idée.

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