Il est mort le soleilSamir Kassir est mort, et personne ne se doutait à quel point il allait manquer à ses amis réunis à l'AUB qui l'ont ainsi qualifiés hier soir selon L'Orient le Jour. Attention, je retranscris une sélection seulement, il y en a plus là d'où ça vient, mais c'est juste pour apprendre aux jeunes comment torcher une apologie funèbre :
Homme-idée qui a conquis les esprits, de Jérusalem à Damas », « homme-multiple » dans son génie de journaliste, d’écrivain, d’historien, de professeur, pour ne citer que ceux-là, « héros », « guerrier », « architecte » d’un passé glorieux, celui du 14 mars, mais aussi fécondateur d’un futur « beau », où l’homme et la femme arabes retrouvent leur dignité perdue, Samir Kassir est désormais « un penseur qui appartient à l’avenir »...Il a vu son ami et collègue Élias Khoury qualifier sa pensée d’« essence de parfum de Jaffa, mélangée à celui des roses de Damas », et versée dans des mots qui ont fait de Beyrouth le cœur du printemps arabe. Il l’a vu dénonçant cette « vengeance contre la vie » qu’a été son assassinat...Ce fut ensuite le tour du poète Mahmoud Darwich qui, dans une intervention enregistrée à partir de Ramallah, se consolait et consolait « les amants de Beyrouth » pour la perte de « l’enfant génial », de celui qui « dansait, svelte, dans les champs de mines », de celui que « la liberté a sauvagement assassiné, elle qui assassine ses amants la nuit de noces venue »... Et c’est Yasser Abed Rabbo, le célèbre ex-ministre palestinien de l’Information, qui s’est intéressé, non sans émotion, au « symbole » Samir Kassir, « dont les articles étaient des oracles », puisqu’il a « appelé depuis 2003 les peuples arabes à se soulever contre leurs tyrans avant qu’on ne vienne, de l’étranger, les destituer et en prendre prétexte pour occuper leurs pays ». « Samir Kassir, ce pont vers le rêve pour les peuples de la région, qui les appelait à secouer le despotisme et l’archaïsme, et qui nous appelait à nous redéfinir », a-t-il ajouté...Même Walid Joumblatt, dans une allocution enregistrée, semblait serein lorsqu’il saluait « la mémoire de Samir Kassir », le père de l’intifada...Hééééééééééé bé. Ma question est la suivante, et elle s'adresse aussi à ma
jeune soeur du Texas qui kiffe le marketing : combien de temps avant qu'on fasse des T-shirts à l'effigie de Kassir, à la manière de ceux que les jeunes portent avec Che Guevara, affublés de slogans du genre "n'abandonnez jamais", "je reste avec vous", "en vérité je vous le dis la Syrie dois partir", "lisez, ceci est mon sang", "Pour vos péchés, Samir a donné sa vie"... En revanche, s'il déclenche un culte, comme dirait Coluche, ses adeptes seront obligés des petites voitures explosées en sautoir. Je sais, je suis cynique, c'est pas bien, mais quand même, est-ce qu'ils n'en font pas un peu trop, même pour le Liban ?