27 mai 2007

Ce n'est pas la girouette mais le vent qui change de direction

Le Général Aoun a publié au début de ce mois un livre qu'il prétend gaulliste, et intitulé Une certaine vision du Liban, référence évidente à une certaine idée de la France développée par notre De Gaulle national. Le problème, c'est qu'Aoun n'est pas De Gaulle, et le Liban n'est pas la France. Persuadé qu'un destin national l'attend après les souffrances qu'a subies son pays, le petit général entend faire entendre sa voix et, après avoir insulté la France pour son soutien sans failles au clan Hariri, Aoun part dans la patrie de son modèle faire la promo de son opus. Le livre est coécrit par Frédéric Domont, dont j'ai déjà parlé maintes fois, car ce journaliste de RFI avait précédemment signé un ouvrage sur le hezb avec Walid Cherara, un des rédacteurs d'Al Akhbar, journal soutenant fortement l'opposition. Même s'il ne fonctionne pas directement avec l'argent de l'Iran, contrairement au parti de dieu, Al Akhbar a dès sa création affirmé que l'ennemi se trouvait à Tel Aviv, et que la campagne de propagande contre les insurgés trouvaient sa source à Washington, ce en quoi il n'a pas tort. Mais Al Akhbar entendait renouveler avec un certain journalisme libanais, et ne parvient au final qu'à être une piètre imitation du Monde diplo pour les thèses conspirationnistes, l'antiaméricanisme et l'antiosionisme primaires.

Frédéric Domont est le correspondant permanent de RFI au Liban ; comment penser qu'il sera objectif dans son travail si, pour se faire un peu d'argent de poche, il ne sert la soupe qu'aux partis de l'opposition ? On peut s'attendre à ce que M. Domont rédige bientôt les mémoires de Frangié des Maradas, un livre de cuisine druze d'Arslan ou un recueil de poèmes de Bachar el Assad. En attendant, le général dont il a été le nègre part faire sa promo mais ne cache pas son intention de rencontrer quelques hommes d'Etat français. Curieux, Kouchner vient de quitter le Liban, Aoun ne pouvait pas lui toucher deux mots de ses droits d'auteur et de son programme présidentiel ? En tout cas, son programme d'auteur est chargé, comme l'indique le communiqué de presse où s'est glissée une coquille révélatrice :

Dans la matinée du mardi 29 mai, il sera l’invité de la presse et des méfias français, étrangers et arabes dans deux conférences de presse, la première au « Presse Club » à 8h45 qui sera suivie d’une autre conférence au CAPE à 10h.

Est-ce qu'il faut lire que les médias sont des mafias, ou juste qu'il faut s'en méfier ? Aoun a compris que, seul, il ne pourrait atteindre son but d'occuper le fauteuil présidentiel. Après s'être mis à dos les principaux parrains du Liban, la France et les Etats-Unis, le grand homme comprend qu'il est temps de dénoncer ses alliés libanais, encouragé certainement par les élections françaises qui ont montré l'intérêt de la traîtrise en politique. Si Sarkozy, Besson, Kouchner ou Morin ont triomphé après avoir trahi leur camp, pourquoi Aoun ne pourrait-il pas atteindre la gloire en vendant ses encombrants alliés du hezb ? Nadim Freiha, membre de la commision politique du Rassemblement pour le Liban, critique sévèrement Chirac, et espère que Sarkozy sera un meilleur ami pour le Liban :

Le président Sarkozy est certainement l’ami d’Israël, et il n’hésite pas à le
déclarer, même devant les Libanais. Cela ne l’empêche pas pour autant d’être
l’ami du Liban. Tout au contraire, cette double amitié peu influencer
favorablement le rôle que la France peut jouer au Liban car Nicolas Sarkozy
pourrait être une force de proposition bénéficiant de la confiance des uns et
des autres.
Dans un tel cas, sa position amicale envers les Etats-Unis
pourra même aider les américains à envisager des solutions pragmatiques qui
garantissent les intérêts de ces derniers tout en instaurant la paix et la
stabilité au Liban.
La condamnation du Hezbollah qui est relative à
l’attaque du 12 juillet est argumentée et compréhensible par rapport à ce fait
précis. [...] D’ailleurs la désignation par Mr Sarkozy du Hezbollah en tant qu’agresseur, et contrairement à ce que souhaite véhiculer comme idée la coalition Hariri-Joumblatt, ne va pas à l’encontre des positions du CPL qui n’a jamais appuyé l’initiative militaire unilatérale du Hezbollah.


Le pire, c'est que ça pourrait passer et que la France, soucieuse de trouver une solution à la crise libanaise pourrait finalement pardonner à Aoun d'avoir été la girouette francophobe et pro-terroriste qu'il a été depuis des mois. Après tout, le poste de président de la République n'est que symbolique au Liban, et s'il est au pouvoir, on risque de moins entendre Aoun râler contre les incapables et les corrompus. Réponse demain après la rencontre avec Kouchner, mais le hezb déjà prépare ses communiqués pour Al Manar et Al Akhbar demandant "Qui connaît M. Aoun ?"

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