Deux poids, deux mesures ou pourquoi je ne serai jamais croyant
Que l'on me corrige si je me trompe, mais ce soir je reste choqué. 15000 personnes seraient sur les routes, fuyant le camp palestinien du Nord pilonné par l'armée, et tout ce que l'on trouve à éprouver comme émotion au Liban, c'est la peur. Entendons-nous bien : je n'ai jamais défendu les terroristes, et c'est pour cela que je ne peux me résoudre à appeler une organisation comme le hezb autrement que par sa vraie nature. Mais quand cet été, l'armée israélienne attaquait les positions du parti de dieu, et donc tuait des civils libanais, on s'indignait à raison. Aujourd'hui, les rôles sont inversés et l'armée libanaise procède avec le même manque de précision et la même sauvagerie pour se débarrasser d'un groupe terroriste dont on sait pourtant qu'il a pris ses quartiers au Liban depuis des mois. On crachait sa haine d'Israël pendant juillet 2006 parce qu'il tentait de se débarrasser d'un groupe terroriste et ne faisait pas de quartier. Mais on soutient l'armée libanaise qui provoque les mêmes exodes auxquelles on a pu assister cet été, parce qu'on craint pour la stabilité du pays. Le Liban apprend-il les dangers de jouer avec le feu ? Même pas. Ce soir, une nouvelle bombe a explosé à Aley, dans le fief montagneux des druzes et on peut penser que de nouvelles explosions vont émailler les nuits beyrouthines. Le seul avantage c'est qu'on ne subit plus les traditionnelles feux d'artifice des beaufs qui marient leurs enfants. Mais au-delà de cet aspect positif mineur, quel avenir pour le Liban ?
A chaque bombe, on précise la "couleur" du quartier, sa confession majoritaire : Achrafieh est maronite, Verdun sunnite, Aley druze, etc. Mais il ne s'agit pas d'un conflit confessionnel : qui pourrait dire aujourd'hui qui les chrétiens suivent majoritairement entre Aoun, Geagea, Frangié, Lahoud ou Sfeir ? De toute façon, les conflits religieux sont toujours une excuse pour des conquêtes territoriales. Dieu sert de prétexte à la sauvagerie. J'ai près de moi l'excellent ouvrage rédigé par Elie Barnavi et Anthony Rowley, intitulé Tuez-les tous, de l'ordre donné aux troupes catholiques pour massacrer les protestants lors de la Saint Barthélémy, car dieu reconnaîtra les siens. La religion est un motif de désunion universel, puisqu'un croyant est persuadé d'avoir adopté la vraie religion, alors que les autres vénèrent des idoles de bois. On peut posséder plusieurs nationalités, surtout au Liban, en revanche, on ne peut être dans le même temps adepte de deux monothéismes, contrairement à un partisan shinto qui adopterait dans le même temps le bouddhisme. L'appartenance à une religion est clanique, mais n'a plus rien à voir avec la foi, qui de toute façon prouve que des centaines de millions de personnes sont dans l'erreur, puisque tout le monde ne peut pas avoir raison avec des théories différentes.
Mais les croyants ne peuvent pas raisonner, ils sont nécessairement dans l'irrationnel. Que se passe-t-il au paradis ? Chacun a sa propre version, en oubliant que le paradis des uns, c'est l'enfer des autres. On est dans la plus parfaire irrationalité, et un croyant ne voit pas les failles de logique dans le raisonnement des théoriciens de sa foi, car ils prendront soin de trouver un sophisme qui rééquilibrera des axiomes déjà branlants. De la même façon, le Liban restera dans l'irrationalité concernant les évènements qui se déroulent en ce moment : les Israéliens étaient des barbares, et leurs victimes civiles des martyres, alors que les mêmes victimes civiles de l'armée libanaise sont des morts qu'on ne pouvait éviter, ils n'auraient pas dû se trouver là. Ce phénomène est connu ; si à la télévision, on déclare que 100 morts ont été causés par un attentat à Bagdad, le téléspectateur français ne s'en émeut plus. Si par malheur, l'une de ces 100 victimes était française, le deuil sera national, et l'émotion à son comble. Les morts n'ont pas tous la même valeur, et les Palestiniens sont les moins chers du marché moyen-oriental.
J'essaie de ramener un peu de raison par le biais de ce blog et de ses commentaires, mais je me doute qu'il est plus aisé de parler calmement et de tenter de voir les aspects de la situation quand on n'a pas vécu la guerre de 1975-90. Je ne jette pas la pierre aux Libanais qui voient déjà le pays revenir à ses pires démons. Je les comprends, mais je me dois d'essayer de ne pas céder à une vision clanique et manichéenne d'un Liban qui pourtant se complexifie au fur et à mesure. Les Américains ont proposé leur aide au gouvernement Siniora, une démarche impensable il y a quelques mois. Le pays change, les alliances se transforment, mais les enjeux restent les mêmes : un Liban moderne, libre et démocratique, et il existe plusieurs façons d'y parvenir car le 14 mars n'est pas la panacée, ou un Iran bis avec la complicité d'un vieux général qui se rêve en Charles de Gaulle ? Sous Franco, on clamait "Viva la muerte", et le fascisme a depuis été condamné par l'histoire. Aujourd'hui, on hurle "Allah Akbar", et on tend les bras à la grande faucheuse. Quelle différence ? Aucune, on reste sous l'emprise de la folie religieuse qui pousse les petits et les sans-grade à se sacrifier pour les ambitions de gloire des chefs de guerre/leaders spirituels. Si vraiment les terroristes veulent atteindre le paradis par la mort, tuez-les tous, dieu reconnaîtra les siens. Mais essayez d'épargner ceux qui n'ont rien demandé, et qui, même s'ils n'ont pas la même couleur de peau ou la même religion que leurs assassins, n'en sont pas moins des hommes. Cela vaut, il me semble, pour tous les pays.