04 avril 2007

Leurre France

Vous avez vu ?! Le TGV a battu son record de vitesse ! On est les plus vite du monde sur rail ! C'est pas génial ??

Non, en fait on s'en tape lourdement, mais toutes les chaînes françaises se sont crues un devoir de retransmettre un train qui roule vite et en direct en plus. C'est aussi con que de voir Manaudou nager. Cette obsession du record, de la quantité, de niquer l'autre me désespère. Quand en plus les journaux du service public, donc ma redevance française, s'extasient pendant les deux tiers du temps sur une locomotive, j'imagine qu'il n'y a rien de plus intéressant dans le monde que de montrer que les Français sont les meilleurs en tchou-tchou rapides. En oubliant de parler des lignes qui ferment et du coût de cette vitesse sur un plan économique ou environnemental. Mais ça, tout le monde s'en fout : voir le TGV aller vite, c'est être aussi fier d'être français que le jour où on a niqué le Brésil au foot.

Comme ce chauvinisme mal placé, comme tous les chauvinismes d'ailleurs, m'a exaspéré, j'en ai profité pour aller voir 300, depuis le temps. Bon, en fait, je l'ai vu dimanche, mais ça me donne une bonne raison de vous en parler, d'autant que ce film me fascine. Pour un compte-rendu historique de la bataille, vous pouvez vous rendre ici. Je savais que cette interprétation de la bataille des Thermopyles allait me plaire, devant les effets spéciaux 100% CGI et Blue screen, et le résultat est à la hauteur des attentes. Mais justement, l'effet que ce film provoque me met mal à l'aise : Sparte la grande, Sparte la juste, Sparte la guerrière, évidente allusion au monde libre américano-européen face au déferlement des barbares moyen-orientaux. Le film est manichéen, comme l'est la légende grecque qui va forcément mythifier les valeurs de notre continent, supérieures à celles de Xerxès le dépravé, dont l'ambiguité sexuelle et la fourberie n'ont d'égales que le courage des 300 spartiates qui donnent leur vie pour leur civilisation. C'est très beau, très fort, très perturbant, et complètement propagande. Le genre de film qui justement provoque un chauvinisme que je dénonçais dans le paragraphe précédent, comme quoi des mecs en speedo qui massacrent à coups de lance des rhinocéros et des ninjas, ça reste plus inspirant que des trains pour enflammer l'identité nationale.

Un qui jongle avec l'identité nationale, c'est Jamel Debbouze le bien-nommé. Invité chez Fogiel (je sais, je sais, je regarde trop la télé et les talk-shows, mais j'assume), JD a clamé son amour pour Arlette Laguiller, traité son ancienne copine Ségolène de Mary Poppins, Sarkozy de Joe Dalton, et fait comme toujours son show de mec qui gagne plein de thunes (respect dans la cité) mais qui reste humble (Jamel président ! clame les SMS décérébrés [Génial ce système où les gens paient pour écrire des conneries à une chaîne de télé qui ne les lira pas, mais encaissera les sous. Même plus besoin de Téléthon, invitez Jamel et Zidane et bingo]). Le "comique" a hurlé son dégoût de la France qui traite si mal ses immigrés, au point que dans certaines cités, "on se croirait au Kosovo". Au Kosovo... Jamel est la bonne conscience de la France, un immigré qui a réussi grâce à sa tchache et qu'on aime inviter pour se faire insulter, c'est si bon, vas-y, traite les femmes de putes et les hommes de bâtards, et on applaudit parce que comme Ted Stanger l'Américain qui n'a rien compris à la France, Jamel insulte le pays de tradition catholique qui ne peut plus se flageller pour se punir d'être si bien portant. Comparer les cités françaises au Kosovo (ou à Beyrouth à une autre époque) est un procédé démago et ignoble. Et une fois de plus, j'imaginais l'électeur de Le Pen regarder Jamel vomir ses billevesées en se disant "St Jean-Marie, protégez-nous", et je me rongeais les sangs en pensant que voilà l'image des Arabes en France. Jamel ne représente pas les Arabes, mais bien ces petites frappes de cité qui manient l'insulte sans vergogne et qui choquent le bourgeois. J'aimerais tellement qu'on ait une autre image des Arabes que Jamel, et une autre idée du Moyen-Orient que les hordes de Xerxès dans 300.

L'amie de Jamel, Arlette la mobylette, nous promet un troisième tour social à l'élection présidentielle, ce que prédit également le postier stalinien de Neuilly. Un troisième tour social, j'explique pour nos amis étrangers, c'est quand au sortir d'une élection en France, on estime à gauche et à l'extrême gauche que le peuple a mal voté. Comme on ne peut pas le changer, ce serait trop long, et il y en a qui ont essayé en URSS ou chez les khmers, ils ont eu des problèmes, on descend dans la rue à plusieurs centaines de milliers et on dit qu'on représente des millions. C'est la représentation nationale, un peu comme à l'assemblée, sauf qu'on ne vote pas pour les manifestants. Pour éviter les drapeaux rouges dans la rue, Besancenot réclame un salaire minimum de 1500 euros ; je le trouve timoré. Je pense qu'il faudrait plutôt demander un salaire minimum de 10000 euros mensuels pour tout le monde, pour abolir la pauvreté. Comme étudier ne servirait à rien, vu qu'on gagnerait plein de sous de toute façon, on pourrait licencier les profs, et comme chacun serait riche, on n'aurait plus besoin des flics. On aurait moins besoin de dépenses de santé parce qu'on ne serait pas stressés, et on pourrait aussi faire l'économie de l'appareil judiciaire devant le peu de délits commis par les gens repus. En revanche, il faudrait une plus grosse armée car on susciterait l'appétit des voisins. Il nous faudrait des spartiates pour nous défendre ! Il faudrait aussi savoir d'où viendrait l'argent pour les salaires, mais ça, nos démagos de l'extrême gauche ne s'en préoccupe pas. Et puis, on a le TGV, alors aujourd'hui, on peut être fier d'être français.

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