Charlie, défends-moi
Le mouvement du 11 mars entend faire la synthèse, ou se situer à égale distance, du 8 et du 14 mars. La photo à gauche vous donne une idée de leur concept qui se veut une pause dans l'affrontement des partis politiques par couleurs interposées. Il est vrai que, devant la violence qui rôde au Liban, chacun fait assaut de communication plutôt que d'armes afin de convaincre le plus grand nombre de la justesse de sa cause. De son côté, un comité libanais dont on ne sait pas grand chose appelle à former une chaîne humaine le 10 février. Voilà les dernières nouvelles du Liban, je ne vais pas vous barber avec les discussions interpoliticiennes, on retombe dans les bonnes vieilles habitudes où les chefs de clan prennent le café en discutant de combien de citoyens ils sont prêts à sacrifier pour asseoir leur trône.
Bien, ça nous fait des vacances. Ou plutôt ça nous permet de nous concentrer sur une affaire d'importance.
Je veux parler d'un procès crucial pour la civilisation : celui qui oppose l'hebdomadaire français Charlie Hebdo aux islamistes. Les 7 et 8 février, le magazine satirique devra se défendre d'avoir insulté la religion musulmane il y a un an exactement en publiant un certain nombre de dessins d'humour, dont la fameuse couverture signée Cabu où Mohammed se lamentait en déclarant "c'est dur d'être aimé par des cons...". De nombreuses personnalités sont venus soutenir le journal, qui est défendu comme d'habitude par l'avocat Richard Malka, mais aussi par Georges Kiejman, ancien ministre de François Mitterrand (et avocat notamment de la famille Trintignant dans l'affaire du meurtre de Marie T.). Le risque de la plainte pour "injure publique à l'égard d'un groupe de personnes en raison de leur religion", c'est que les lois antiracistes se transforment en lois antiblasphèmes, comme le note Charlie Hebdo. Le procès est donc essentiel, car dans un pays laïc comme la France, on dispose encore du droit de se moquer du sacré, sans pourtant insulter ceux qui le vénèrent. Si les islamistes gagnaient leur procès - ce qui n'est pas encore assuré car Charlie a souvent gagné ce genre d'attaques fallacieuses, notamment contre des extrémistes chrétiens - ils seraient de plus en plus difficile de critiquer des institutions comme les religions dont pourtant les seuls garde-fous dans notre pays sont la raison et la vigilance des républicains.
J'espère de tout coeur que les islamistes seront déboutés dès le premier procès, il en va de l'un des piliers de notre République. D'un autre côté, il faut espérer que la communauté musulmane ne sera plus assimilée à l'avenir à une religion terroriste, les affaires du voile comme les scandales des mariages forcés ayant jeté une ombre diabolique sur ce culte pourtant comme les autres : ni plus con, ni moins. Personne ne doit être discriminé à cause de son appartenance religieuse, cela inclut aussi les athées qui ont le droit de ne pas faire le signe de croix, de ne pas porter la kippa ou de ne pas mettre un voile sur les femmes. Et en France, on a encore le droit d'être athée, et de raconter des blagues de curés ou de rabbins. On doit aussi pouvoir rigoler avec les imams.