23 janvier 2007

Comment j'ai traité une lectrice de connasse

"Le Moyen-Orient, c'est compliqué", commencent toujours les cuistres, comme si le reste du monde ne l'était pas. C'est vrai que cette région du monde est complexe, mais surtout elle semble attirer et fasciner nombre d'observateurs extérieurs qui semblent adorer le manichéisme que semble offrir cette région toujours en feu. Le plus souvent, je l'ai déjà noté, on aime se positionner en "pro-palestinien" ou "pro-israélien", sans parvenir à comprendre que l'on peut être les deux, ou plutôt qu'il est impossible d'être l'un sans l'autre. Le Liban a sombré à son tour dans la dichotomie brutale, oubliant les subtiles alliances et les nombreux clans qui faisait sa diversité. Maintenant, on est avec le hezb ou contre lui. Ce positionnement regrettable contribue néanmoins à clarifier les choses, mais amène son lot d'extrémisme ; ce blog, de par sa nature, ne saurait être épargné.

J'ai donc traité de "connasse" une lectrice parce que j'en ai marre du romantisme de gauche que représente le Liban, dernier lieu à la mode pour les Lawrence d'Arabie frais émoulus de Sciences -po, ou bastion de la résistance contre l'Occident pour des suicidaires honteux d'eux-mêmes prêts à mourir pour leurs idoles de pacotille. Le Liban est un pays où l'on vit d'abord, c'est-à-dire qu'il ne doit pas de prêter à se savants calculs destinés à tester des hypothèses académiques. Les faits sont là : 18 communautés religieuses, elles-mêmes redivisées en tendances politiques, sont obligées de coexister dans ce trop petit pays. Les Libanais n'ont pas de projet commun comme les Israéliens, ils n'ont pas non plus leur dynamisme ou leur sens des affaires ; mais les Libanais ont réussi ce qu'aucun pays arabe n'a pu accomplir en matière de coexistence. Evidemment, on peut gloser de cette réussite toute relative et faire remarquer que le Liban en matière économique ne produit quasiment rien, attire cinq fois moins de revenus touristiques que la Syrie, et qu'une large frange de la population est laissée pour compte et survit avec des moyens dérisoires et souvent illégaux. L'électricité est fournit par tranches horaires, l'eau devient de plus en plus suspecte, et les routes encombrées de 4X4 font risquer l'accident à chaque tournant, quand les embouteillages n'obligent pas à redoubler, retripler d'attention pour zigzaguer entre les trous. Mais tous ceux qui connaissent un tant soit peu le Liban ne parviennent pas à l'oublier, et des années après, j'en ai la preuve dans les commentaires de ce blog, ils se souviennent de ce pays qui les a tellement déçus et qu'ils n'arrivent pourtant pas à détester, bien au contraire.

Ce soir, aux informations françaises, on s'étonnait d'un scandale : il neige en janvier ! Pas un mot sur le Liban et sa journée noire, bien que Jacques Chirac passe sur la LBC interrogé par trois journalistes. Curieusement, ça m'a rassuré. Moins on parle du Liban, moins on dit de conneries. Et surtout, je suis confiant dans l'avenir. Paris 3 ou III va ramener des sommes colossales qui permettront de solidifier l'embryon d'Etat que nous avons grâce à quelques hommes courageux, dont Fouad Siniora. Aoun échangera la présidence comme un plat de lentilles, et arrivera une fois de plus à convaincre ses troupes de faire volte-face comme il a toujours très bien su le faire. Les Maradas retourneront à leur anonymat et le parti communiste libanais dans son musée. Quant au hezbollah, c'est une autre affaire, mais si l'économie repart, il aura de moins de moins de soutien des damnés de la terre. Si l'Occident avait aidé financièrement l'Allemagne avant 1933, les SA de Hitler n'auraient pas réussi à recruter en masse des Allemands désemparés. Avec un peu de chance, le tribunal international contribuera à faire tomber quelques têtes, dont celle de Nasrallah qui porte le poids des destructions de juillet.

Le rêve d'un Liban en pleine souveraineté de son territoire, accueillant et charmant comme il sait l'être, mérite qu'on se batte contre les barbares. Et qui sait, après les propos de Joumblatt augurant d'une coexistence avec Israël, bientôt une paix régionale pourra être envisagée. A ce moment, et seulement à ce moment, on pourra faire le ménage dans l'histoire du pays. D'ici là, Nabih Berri aura opté pour une retraite dans les Bahamas, bien plus intéressantes que Téhéran, et Hariri aura redonné au Liban une partie des sommes que son père avait réussi à détourner avec l'aide d'une bonne partie des élites grâce à Solidere. C'est compliqué le Moyen-Orient, mais la politique, c'est partout pareil : d'abord on s'allie contre un ennemi commun, après on règle les comptes. Et pour le moment, on soutient le gouvernement contre les insurgés. A fond. Pour le moment...

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