18 juillet 2008

Apocalypse joyeuse

Lorsque Hassan II, défunt despote marocain, affirmait qu'Israël représentait l'aphrodisiaque du monde arabe, il exprimait parfaitement le sentiment que l'on a pu ressentir en contemplant les cérémonies de réception des criminels libanais par le hezbollah. Pratiquement toute la classe politique libanaise, 8 comme 14 mars, a assisté à l'avènement de Hassan Nasrallah comme dictateur du Liban dans une sorte d'extase sexuelle, tous les hommes présents (les femmes sont juste à côté...) apparaissant comme fascinés par la virilité du chef du mouvement terroriste chiite libanais. Walid Joumblaat, hier opposant féroce du hezb, semble aujourd'hui son plus grand héraut, et l'union nationale apparaît enfin complète avec le retour au pays de l'enfant prodigue, Kuntar, qui a eu la délicatesse de fracasser le crâne d'une enfant de 4 ans en Israël. Chacun maintenant collabore à la seule résistance légitime au Moyen-orient : non pas le rejet de l'intolérance, du racisme ou de l'inégalité homme-femme pour faire avancer la civilisation, mais la lutte contre Israël, seule capable de faire jouir les foules et de rassembler autant d'abrutis dans le culte de la criminalité.

Pourquoi ces événements sont-ils si tristes ? Est-on obligatoirement un sioniste pur et dur quand on a des envies de meurtre devant la ferveur populaire libanaise ? Ces célébrations m'ont brisé le coeur, non pas que je plaigne Israël dans l'échange, mais plutôt parce que la pitié m'étreint en découvrant la nouvelle donne du jeu politique libanais. Désormais, le Liban est uni dans sa quête imbécile contre son voisin du sud. Je sais pertinemment que nombreux sont les Libanais opposés au hezbollah, et ils doivent se sentir bien seuls désormais. Les fêtes kitsch du retour des cinq prisonniers libanais, qui brisent symboliquement des barreaux de prison en bois pour arriver sur la scène où on les acclame comme des héros, montrent avec force que le Liban bascule la tête (?) la première dans la continuation de la guerre froide, mettant aux prises non plus démocraties et pays communistes, mais pays développés et dictatures néo-fascistes. C'est donc avec tristesse qu'on imagine la suite des événements pour le Liban, qui a suscité tellement d'espoirs dans la région, avec sa fragile démocratie, sa coexistence communautaire pas toujours heureuse et ses batailles électorales perdues d'avance. Sans compter ses médias qui risquent de connaître des jours peu déontologiques, les patrons de presse étant tous impliqués dans la bataille du pouvoir.

Quand on aime le Liban, on s'inquiète de le voir si mal en point se réjouir avec fougue de sa mauvaise fortune. Il devrait être au lit, fiévreux, à combattre ses virus avec des anticorps, et il préfère danser dans un froid glacial en se réjouissant de la bonne avancée de sa maladie. On se doute qu'Israël saura laver les affronts, et Kuntar vivra le reste de sa vie dans la peur, et non comme il l'affirme en libérant les fermes de Chebaa. Mais tout le monde perdra dans ces affrontements futurs qui ne servent au final qu'à imposer la volonté politique de criminels contre l'humanité à des masses qui portent des oeillères. De notre côté, on peut continuer à soutenir le Liban démocratique, en se demandant toutefois avec angoisse qui seront les leaders qui le représenteront. Et espérer fortement que le prochain conflit fasse le moins de victimes possibles, en envoyant les cochons de guerre là où ils peuvent faire l'amour non pas avec 70 vierges, mais avec celui qui les met dans une transe amoureuse qu'on n'avait pas vu depuis Hitler quand il proposait de brûler les juifs. Je sais qu'on retrouve le point Godwin, mais l'histoire se répète pour ceux qui l'ignorent. Souvenez-vous du poème de Martin Niemöller, que je cite souvent dans ce blog, et observez avec vigilance ce qui se passe au Liban.

Quand ils sont venus chercher les communistes,
je n'ai rien dit, je n'étais pas communiste.

Quand ils sont venus chercher les syndicalistes,
je n'ai rien dit, je n'étais pas syndicaliste.

Quand ils sont venus chercher les juifs,
je n'ai rien dit, je n'étais pas juif.

Quand ils sont venus chercher les catholiques,
je n'ai rien dit, je n'étais pas catholique.

Puis ils sont venus me chercher.
Et il ne restait personne pour protester...

Pasteur Martin Niemoller (1892-1984), Dachau 1942

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