Yankee White
Toute la journée, j'ai attendu l'incident. Quelque chose, n'importe quoi qui nous rappelle que le 14 juillet est la seule fête française, célébration de la révolution et de la fin de l'autorité religieuse, commémoration laïque de la naissance de la République. Et rien n'est venu. Quelques images de Reporters sans Frontières sont apparues furtivement à la télévision mais elles n'ont pas réussi à éclipser l'image d'un Bachar el Assad triomphant, ravi d'avoir, à la manière de son père, dupé une fois de plus les occidentaux qui avaient salué la participation de la Syrie à la Guerre du Golfe en 1991. Le despote syrien, sous prétexte qu'il accepte de s'asseoir à quelques mètres de son ennemi israélien, réintègre le concert des nations sous la houlette de celui qui s'est marié avec une chanteuse pop. Pop pour populaire ou pop pour people ? La révolution française a été l'œuvre de la bourgeoisie. En voyant les célébrations d'aujourd'hui, on retrouve cet esprit "Paris Match" qui consiste à décorer Ingrid Betancourt parce qu'elle a été otage en Colombie en oubliant ceux qui sont morts dans l'attentat du Drakkar. D'abord, faire défiler l'armée pour l'anniversaire de la Nation reste une tradition du Tiers monde, des dictatures soviétique ou nord-coréenne. J'ai du mal à apprécier ces alignements d'armes et de soldats pour célébrer une idée. Mais surtout que l'armée française soit appréciée par cette nuée de dictateurs, plus un premier ministre israélien corrompu de manière minable, et un président libanais marionnette, m'a poussé à espérer dans un sursaut de la population, qui n'a rien trouvé à y redire, entre des tanks Leclerc le matin et des vélos du Tour de France l'après-midi.
Et moi, qu'ai-je fait ? Bien qu'à Paris pour la semaine, je n'ai rien fait. J'ai regardé avec tristesse la garden party sarkozyenne, en regrettant presque Chirac qui maintenant donne des leçons de démocratie depuis un appartement haririen alors même qu'il était le seul chef d'Etat occidental à l'enterrement de Hafez el Hassad. Je n'ai pas voté Sarkozy, jusqu'à présent il m'était plutôt indifférent, en particulier devant la vague de haine hystérique et cocasse qu'il soulève, mais le voir "hollywoodiser" ce jour presque sacré pour nous m'a décidé : je ne veux pas que cet homme continue à transformer la France en une démocratie d'opérette. C'est aimable de jouer la comédie devant les caméras de télévision en mettant en valeur son épouse guitariste. Mais la France, ce n'est pas un soap. C'est un vieux pays avec ses défauts éclatants et son génie, n'en déplaise à ceux qui pratiquent le relativisme. Entendre médusé un Kad Merad, comique de seconde zone, lire la Charte de l'ONU apparaissait comme un symbole douloureux : les droits de l'homme ne sont qu'une farce, et le petit Coréen assis à côté du président français servait d'alibi. La Syrie entourloupe l'occident, et réussira à faire enterrer le Tribunal international. Quant à la paix au Moyen-orient, Bachar nous dit qu'il faut attendre six mois, après les élections américaines. Pourquoi pas maintenant ? Parce qu'au Machrek, on dit IBM : Inch'allah, Boukra, Malech. Si dieu le veut, demain, tant pis...
Triste jour en vérité qui en amènera d'autres. Si un Libanais se trouve dans une réunion à l'étranger avec un Israélien, il peut être mis en prison. Cela n'arrivera pas pour le PDG Sleimane, car son tuteur syrien lui laisse un peu de mou. La paix ne viendra pas par l'UPM, pour la simple raison qu'aucun des dictateurs n'a intérêt dans la paix. Ne pas avoir un ennemi orwellien conduirait les populaces à exiger des réponses de leurs dirigeants concernant leur niveau de vie. Mais Sarkozy n'en a cure : l'important est que tout le monde ait passé une bonne journée. Demain, on trouvera encore une occasion de faire la fête, un otage libéré, un nouveau machin inventé (rappelons que l'UPM n'a pas de fonds...), un nouvel album de l'Elysée... La gueule de bois arrivera, mais Nicolas ne sera plus là. Nous si.