13 décembre 2007

Atermoiements

La saison des attentats a donc repris, et c'est un Général qui l'inaugure. Comme toujours au Liban, chacun a sa théorie sur les coupables, que ce soit des groupes islamistes palestiniens, l'opposition, la majorité, le Mossad, la main de ma soeur ou celle des Etats-Unis. Ce que je trouve le plus inquiétant est notre incroyable capacité, pour ceux qui résident ici, à ne pas changer nos petites habitudes alors qu'un représentant de l'Etat a été assassiné. En France, on rend le verdict dans l'affaire de l'assassinat du préfet Erignac, représentant de la nation en Corse. Tuer un préfet, c'est s'en prendre à la France, et ça vaut pour tous ses serviteurs. Au Liban, l'attentat du général Hajj ne suscite pas de soulèvement de ras-le-bol, juste des théories, ou des hommages larmoyant appuyés, ou les deux à la fois comme chez Ziyad Makhoul, qui devient de plus en plus incompréhensible dans L'Orient-le jour :

Serait-il tombé, ce général impétueux, valeureux, déterminé, amoureux du concept de la troupe comme de la ligne politique qu’il s’est choisie depuis 1988, au champ d’honneur de Nahr el-Bared, que cela aurait été un événement bien moins retentissant (pourtant, c’est l’exacte même chose)… François el-Hajj, comme les autres martyrs sans que cela ne soit pour de similaires motifs, a été immolé sur l’autel difforme (informe ?) de ce visiblement improbable, impensable made in Lebanon – autogestion politique, sécuritaire, institutionnelle, tout… Les vents mauvais venus de l’Est, des rives du Barada, des couloirs du palais des Mouhajerine, ramènent depuis des semaines de très florentins échos, naturellement amplifiés par les alliés d’ici – ces hercules dont se prévalait avant-hier avec délices Farouk el-Chareh : Émile Lahoud sera le dernier président (maronite ?) de la République libanaise, y répétait-on volontiers.


Bon, j'ai rien compris mais je crois que je ne suis pas le seul. Je parle de l'article, mais aussi de la situation. Qui aujourd'hui aurait la capacité de dire ce que veut le Liban ? En particulier quand les "experts" qui en parlent à l'étranger sont aussi partiaux. Les Libanais veulent-ils en majorité une intervention extérieure pour les aider ? Si, oui de quel type : ONU, occident, frères arabes, valkyries ? Si non, quelle solution à court, moyen et long terme ? Le Liban n'a jamais été le modèle de coexistence pacifique entre communautés religieuses vanté dans les agences de tourisme, il n'y a qu'à relire Nerval pour s'en apercevoir. Mais peut-on pour autant jeter le bébé avec l'eau du bain et renoncer à l'idée même de Liban devant les difficultés qui s'accumulent ?

Pendant ce temps, les démocraties démontrent à quel point elles aussi sont perfectibles : les USA traînent les pieds à Bali pour lutter contre la pollution de la planète, Poutine restaure l'Empire et Sarkozy accueille l'un des dictateurs les plus ignobles de la planète (avec interdiction préfectorale de manifester à Paris ! Voilà un scandale dont je ne me remets pas). Kadhafi est un malade dangereux, doté d'une logique à la limite de l'aounisme et tout ce qu'on trouve à faire au gouvernement, c'est de lui vendre des armes !? J'étais content de ne pas avoir voté Sarkozy, je persiste à penser que quand on est partisan d'une droite ouverte et réaliste, on ne pactise pas avec les salauds de la planète sous prétexte de les ramener dans le droit chemin. Où vont se retrouver les armes vendues à la Lybie ? Sur quelles villes vont-elles s'abattre ? Franchement, mes chers compatriotes, êtes-vous prêts à réduire le déficit de la balance commerciale en vendant des armes à la Syrie la prochaine fois ?

Les frontières deviennent obsolètes, nous sommes de plus en plus liés les uns aux autres. C'est pourquoi les Etats-Unis doivent s'engager à réduire la pollution globale, que Sarkozy devrait réfléchir avant de nous balancer l'argument des infirmières bulgares (notons la très belle image de Rama Yade sur la France paillasson, avant d'adoucir sa critique) pour fêter un dictateur toujours dangereux, et que le Liban doit comprendre qu'il n'est pas seul. Beaucoup de choses se jouent dans ce petit pays avec un avenir incertain et pourtant une certitude absolue : si les lambeaux de démocratie continuent à se déchirer, c'est le monde entier qui va se retrouver de plus en plus à poil. Et quand on est à poil pendant cette saison, on s'enrhume vite.

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