09 juin 2007

Oignez malin il vous poindra, poignez malin il vous oindra

Moquons-nous gentiment : les autorités libanaises réalisent seulement maintenant que les terroristes ne proviennent plus des pays européens comme lors des années de plomb, mais sont bel et bien ressortissants des pays arabes pour la plupart depuis au moins une trentaine d’années. Fort de cette découverte majeure, le gouvernement envisagerait de renforcer les frontières, qui étaient jusqu'à présent des passoires à condition que l'on provienne d'un pays frère ou sœur.

Lebanon on Friday was reportedly considering stopping issuing entry visas to Arab citizens at the airport in a bid to prevent any terrorist infiltrations into the country.
The daily An Nahar said contacts in this regard were already underway between the Foreign Ministry and the General Directorate of the General Security Department.

It said Arabs interested in visiting Lebanon would be asked to apply for visas at the Lebanese mission accredited in their countries.

The move comes after several citizens from various Arab nations suspected of having links with the terrorist groups Fatah al-Islam and al-Qaida have been detained in recent weeks. (Naharnet)

Evidemment, les riches touristes « bédouins » vont râler, et devoir demander un visa avant de débarquer en 4x4 avec leur armada comprenant femmes, enfants et esclaves asiatiques. On peut toutefois noter que ces riches voisins ne viennent plus depuis la guerre de Juillet, et ne seront guère encouragés par les explosions en série qui risquent de gâcher leur whisky et leurs sorties à Maameltein. Les autorités libanaises semblent du coup comprendre que le Liban subit les mêmes règles que les autres, et que si l’Etat ne se fait pas respecter, il n’est pas respecté. J’ai l’impression d’avoir écrit une phrase idiote, elle est pourtant d’une grande simplicité mais a eu du mal à percer pendant ces années de libéralisme ou de laxisme national. Si on jette des papiers par terre, les rues sont sales, si on laisse faire les gens, ils risquent de faire des conneries, si on sous-traite la défense au hezbollah, il risque de remplacer l’armée, si on accueille tout le monde sous prétexte de faire tourner l’industrie, il est possible que des malandrins s’infiltrent avec des intentions mauvaises à l’encontre du pays.

Le Liban a-t’il l’intention de devenir un pays comme les autres ? Il combat les terroristes, rétablit ses frontières, et on peut oser espérer qu’un jour il fera payer une unique facture d’électricité tout en fournissant de l’eau courante en permanence, et avec un peu de chance, on verra l’apparition des transports en commun, y compris un train nord-sud, innovation qui changerait la vie de tous en diminuant la pollution, les congestions automobiles et favorisant la mixité socio-religieuse. On peut rêver mais pour les nombreux observateurs qui pensaient que le Liban allait dans le sens contraire de la marche, refusant avec fracas l’exemple des pays développés et affirmant un modèle propre qui nierait la plupart des règles historiques (comme deux armées sur un même territoire sont possibles, tout terrorisme est issu de l’oppression et donc se nomme résistance, le citoyen n’a nul besoin d’électricité ou d’eau, on peut affirmer sa souveraineté sans reconnaître aucun de ses deux voisins terrestres…), le pays change avec force, et ce en grande partie grâce à l’impulsion de Fouad Siniora. Autrefois, on le considérait comme le père de la TVA et comme aucun contribuable n’aimant donner de l’argent à l’Etat, Siniora a souvent été vilipendé pour cette petite réforme fiscale qui a pourtant montré que le Liban penchait vers la modernisation. On le considère maintenant plus comme la marionnette de l’Occident ou le grand homme d’Etat qui a su gérer la crise de juillet 2006. Il est pourtant l’un des derniers espoirs de modernité libanaise et a fort à faire car, privé d’exemple arabe de démocratie capitaliste, le pays doit tout adapter, en essayant d’éviter de trop copier les modèles occidentaux qui ne prennent pas en compte certaines spécifités locales.

Personne n’a intérêt à ce que le Liban perde son âme, qui fait tout son charme et son intérêt. Mais arrivé à la croisée des chemins, il faut faire un choix de civilisation pour lequel le gouvernement Siniora a opté, et ce sera la démocratie. Vaste concept qui recouvre de nombreuses réalités, mais procure au moins à ses citoyens la liberté et la sécurité. Pour y arriver, il faudra de nombreux sacrifices et si la population couvre de fleurs son armée qui a su la protéger dans le nord, on peut penser que les émeutes ne commenceront pas avec le démantèlement du hezbollah en tant que milice terroriste, mais lorsque l’Etat enverra des collecteurs d’impôts dans les foyers. Travaillant au Liban, je paie environ 3% de mes revenus à l’Etat. Le chiffre est dérisoire, et la somme qui passe dans les poches du gouvernement ne me manque pas, étant habitué à payer des impôts autrement plus conséquents en France ou ailleurs. Mais combien de Libanais, méditerranéens par nature, seront prêts à s’acquitter de leur obole citoyenne lorsqu’on leur expliquera que c’est donnant-donnant, et que les petits arrangements doivent prendre fin au profit d’une société commune ? Elaborons un scénario de politique fiction : Siniora réforme l’Etat, le Liban devient un pays qui n’est plus le terrain d’affrontements des grandes puissances et chacun vit en paix sur un territoire modernisé. Accomplissement de taille. Mais arrivent les élections législatives : Siniora tombera, car son adversaire promettra une baisse spectaculaire des impôts. Et le Liban sera enfin comme les autres nations, où l’on élit celui qui promet que demain, on rase gratis.

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