Idiots utiles
Pour beaucoup d'observateurs du Moyen-Orient, la situation devient pénible. Le conflit à Gaza qui oppose le Hamas et le Fatah ou la guerre entre Fatah el Islam et l'armée libanaise sont autant d'évènements violents et inquiétants qui n'impliquent pas Israël. Comment lire le Moyen-Orient si on ne peut plus dire que tout est de la faute des juifs ? Heureusement, il existe des experts dont le métier est justement de sortir de ce genre de crises, et qui savent comment raccorder les problèmes arabes au complot américano-sionistes, même si Israël n'est pas directement impliqué et que les Etats-Unis sont fort éloignés de la question. Après Seymour Hersh et Noam Chomsky, qui a un peu perdu de sa crédibilité lorsque Hugo Chavez a brandi un de ses ouvrages comme une référence à la tribune des Nations-Unies, L'Orient-le jour nous fournit Jeffrey Sachs, qui nous a pensé la réflexion suivante :
La politique américaine au Moyen-Orient a essuyé un nouveau revers ce mois-ci, lorsque le Hamas, membre du gouvernement palestinien que les États-Unis avaient tenté d’isoler, a chassé le Fateh de Gaza. La réponse d’Israël a été de fermer ses frontières avec Gaza, rendant encore plus insupportable la vie dans cette région déjà ravagée par la violence, la pauvreté et le désespoir.
Il est important de comprendre les raisons de cet échec des États-Unis, car il est récurrent et rend la paix entre Israël et la Palestine chaque jour plus difficile. L’origine du fiasco est à chercher dans le fait que les gouvernements américain et israélien pensent que la force militaire et la répression économique peuvent les conduire à conclure une paix selon leurs conditions, plutôt que de consentir à un compromis aux conditions que le Moyen-Orient, le reste du monde et, surtout, la plupart des Israéliens et des Palestiniens ont acceptées depuis longtemps.
Honte à Israël qui ferme ses frontières avec Gaza aux mains des extrémistes ! Jamais la Syrie ne fermerait ses frontières avec le Liban Nord sous prétexte que les terroristes tentent d'appliquer leur loi près de Tripoli ! Ha en fait si, c'est fait, mais les raisons sont différentes, la Syrie est sage, Israël est pervers. Il faut préciser que Jeffrey Sachs est un expert en Moyen-Orient : tout comme Chomsky est linguiste, il est économiste. Quel rapport avec la région, allez-vous me dire ? Je ne vous réponds pas, vous êtes un sale agent du sionisme mondial à ramifications tentaculaires américaines. D'ailleurs, Sachs, qui avec un peu de chance est juif, connaît la solution aux problèmes, et elle n'a rien à voir avec les saloperies américano-juives :
Il n’y a, hélas, qu’une seule solution possible pour démêler la situation : celle d’un vrai compromis et non d’une décision unilatérale. Aucune puissance extérieure ou force intérieure ne parviendra à imposer sa volonté. Israël et la Palestine vont devoir trouver un accord partant du principe qu’ils partagent une petite portion de terre très disputée.
Nom de dieu, mais c'est bien sûr ! Personne n'y avait pensé avant ! Un compromis ! Penser que des générations de négociateurs ont tenté de résoudre le problème sans penser à appliquer un VRAI compromis ! Les gens comme Sachs sont de brillants esprits repris par des journaux à la ligne idéologique fluctuante, qui seront ravis de savoir que "Yaka" et "Faukon". C'est vrai, la situation à Gaza est très simple : il faut trouver un VRAI compromis avec les terroristes du Hamas, du genre on lapide les femmes mais pas trop, on suit la Chariah mais pas tellement, on détruit Israël mais on s'y met mollement, on tue les infidèles mais pas tous, on jure la mort au Grand Satan mais on peut trouver un compromis. J'aime beaucoup ces penseurs américains "de gauche". Ils critiquent leur gouvernement, ce qui est de leur devoir et une pratique parfaitement saine en démocratie. Mais ils oublient dans leur enthousiasme que ceux qui vont les lire ne comprendront pas que critiquer Bush, ce n'est pas vouloir la mort de la fédération US. Et que les ennemis de l'occident seront ravis de pouvoir utiliser des textes de mandarins de tours d'ivoire pour justifier leur lutte contre les régimes démocratiques, certes imparfaits, mais toujours une meilleure alternative à ce que préparent le Hamas, le hezbollah ou Fatah el Islam. On aurait pu penser que l'épisode, toujours en cours, de Nahr el Bared, aurait permis, en tout cas aux Libanais, de comprendre où peut mener le terrorisme, et qu'il n'y a rien de romantique ou de révolutionnaire dans le fait de tuer des militaires ou des civils au nom d'une idéologie totalitaire. Mais non, on continue à considérer les morts militaires comme des martyrs, ce qui procède d'une idéologie mortifère, et surtout qui se voile la face quant aux enjeux du conflit entre Fatah el Islam et le gouvernement libanais.
Fatah el Islam possède la même idéologie que le Hamas à Gaza ou le hezbollah au parlement. Utilisant la religion comme prétexte à la lutte contre la démocratie, alors même que les deux sont compatibles, ces mouvements ont parfaitement su jouer sur le sentiment de culpabilité des nations occidentales au passé colonial douteux. Les Français, par exemple, seront persuadés que, quoi qu'il arrive au Liban, c'est un peu leur faute à cause du mandat, alors même que la France a été foutue dehors en 1943, pendant la Seconde guerre mondiale. En conséquence, le langage restera diplomatique et n'osera pas condamner avec fermeté la situation, par peur de se voir renvoyer son passé au visage. Sachs parle de compromis, mais on ne peut pas trouver de compromis avec des terroristes dont l'idéologie pose la haine de l'autre et la glorification du martyre. Quel consensus trouver avec le Hamas ? Et avec le hezbollah ? Autrefois, pour les intellectuels "de gauche", on organisait des voyages en URSS où on leur refaisait le coup des villages Potemkine, pour qu'ils rentrent en occident et affirme la supériorité du modèle soviétique. Aujourd'hui, les "compagnons de route" ne se déplacent même plus. Que trouveraient-ils à Gaza ou dans les territoires du hezbollah qui les confortent dans leur idée que l'occident est pourri ? Alors ils ne quittent même plus leur bureau, et regardent Al Jazeera qui leur montrent à quel point les démocraties sont méchantes, faute de pouvoir montrer les images des dictatures où les journalistes sont en prison. Et ils écrivent des articles passionnés sur le complot de la démocratie, sans sentir dans leurs dos les fils de marionnettes qui les manipulent depuis Damas ou Téhéran.