Vanité de Duloz
Grâce à l'éblouissante Maq, j'ai pu lire un article en rapport avec Beyrouth à propos d'un phénomène que j'avais oublié : le syndrome Lawrence d'Arabie. Rapidement et sans détails, vu que le brevet est en cours d'enregistrement, ce syndrome touche les jeunes occidentaux qui parviennent au Moyen-Orient et sont capables de flairer dans les parfums de mort les effluves de l'action romantique. Jonathan Littell en est donc sérieusement atteint et nous en livre quelques symptômes dans une interview au Point. L'auteur couronné par le prix Goncourt, mais qui bien sûr crache sur ce milieu littéraire pourri, assène d'entrée de jeu sur Beyrouth "«C'est pas pire que Mostar ! », ce qui ne veut rien dire, mais permet aux gens de lui demander "ha bon ? Vous connaissez Mostar ?" et lui répondra "oui, je me souviens lorsque bla bla bla...".
Littel séjourne à l'hôtel Alexandre, qui est l'endroit traditionnel d'accueil pour les "petits" auteurs invités par l'Ambassade de France, sinon c'est l'Albergo, que je vous recommande si vous avez des sous. Evidemment, Jonathan ne peut s'empêcher de demander la même chambre que celle qu'a occupée en 1982 Ariel Sharon, que Littell appelle "Le Lion". Il aurait dit "Arik", ça aurait été aussi provoc, mais Jojo ne fait pas de la provoc, c'est un voyageur qui vient "discuter" avec les gens, un peu comme Dieudonné mais en plus juif. Je me demande si à l'aéroport il le savait que M. Littell est juif. Sans doute pas. Schwartzmann ou Bensoussan oui, c'est juif, mais Littell, ça sonne comme little, ça fait américain. Armé d'un vieux copain qu'on ne connaît pas mais qui dit "khalas" comme un vrai Français arrivé depuis deux jours au Liban, Littell parcourt le pays en voyageur.
Ils sillonnent le pays. Tyr, Baalbek, Byblos, Afqa, où le dieu Adonis aurait été tué par un sanglier, et puis l'endroit iconique des Cèdres, tout en haut de la montagne chrétienne. Ce que Littell y a préféré ? « Le bunker de Samir Geagea », dit-il, évoquant le chef des Forces libanaises, qui depuis sa sortie de prison s'est retranché sur ces hauteurs. Et à Byblos ? « Les trous où les Phéniciens mettaient leurs morts. » Décidément ce type est étrange. Très côté obscur.
Hé quoi ? vous auriez voulu qu'ils disent qu'il a beaucoup aimé le vieux port et les clapotis des bateaux ? Mais enfin, c'est un auteur Littell, il est pas venu pour faire du tourisme, c'est un vo-ya-geur. Et on lui fait pas à lui, il sait la différence qu'il existe entre manche courte et manche longue en Sierra Leone. Il paraît que le bouquin de Littell est bon, bien qu'il ait pris un sujet neuf, les nazis, et pas du tout polémique, un peu comme lui qui fait tout pour passer inaperçu.
A Beyrouth, on n'a pas besoin de télé, le monde vient à nous. Les grands voyageurs comme Littell viennent faire partager leur expérience du monde, expliquer aux Libanais que "c'est pas pire que Mostar", mais reviendront à Paris en disant "je reviens de Beyrouth, ça rappelle beaucoup Sarajevo". C'est sûr que ça n'aide pas le Liban, mais une semaine dans la région, ça vous héroïse son auteur germanopratin.