13 décembre 2006

Le sens de l'histoire (ou presque)

En France, on réécrit l'Histoire pour montrer que la France est avant tout un pays méchant. En Iran, on établit que la Shoah est un monstrueux gag. Au Liban, les héros d'hier deviennent les traîtres d'aujourd'hui.

En exergue du livre de George Orwell, il y a cette phrase : "Who controls the past controls the future. Who controls the present controls the past."

A l'école française, on apprend une Histoire nationale, qui n'a d'autre but que de transmettre des valeurs et de faire prendre conscience du sentiment d'appartenance nationale. On apprend toutes les civilisations à partir desquelles procèderait la nôtre, comme si elles avaient été créées sans autre but que d'accoucher de la France. On étudie donc les Grecs, qui auraient inventé la démocratie mais pour seulement 10% de la population, les Romains qui nous ont envahi et ont tués nos chefs, puis c'est le Moyen-âge obscurantiste, la Renaissance pas trop tôt, la Révolution française fondatrice de la France moderne, Napoléon héros au sourire si doux, les guerres mondiales où on a toujours été du bon côté, et Chirac not' bon maître. On n'étudie pas les Arabes, sauf pour dire que Charles Martel leur a mis une branlée à Poitiers, ni les Chinois à part pour évoquer Marco Polo, et on peut encore lire dans les livres du secondaire que Christophe Colomb a découvert l'Amérique, comme si avant lui, toutes les civilisations affreusement nommées précolombiennes n'avaient aucune importance.

Je me suis souvent demandé ce qui faisait qu'on étudiait telle ou telle civilisation pour m'apercevoir comme tout le monde qu'en fait on apprend l'histoire des vainqueurs. Même après le passage de l'école des Annales, on continue à enseigner l'histoire de la même manière, en partant du présent pour expliquer que tout ce qu'il y avant suit un chemin rectiligne. Ce qui est faux, puisque de nombreux mouvements de l'Histoire n'aboutissent à rien, mais ont leur importance.

Parce que nous avons cette conception faussée de l'Histoire, qui permet de cimenter nos nations en Occident, nous prêtons le flanc à la critique, notamment sur la Shoah. Puisque notre Histoire n'est en fait qu'une histoire, nos adversaires savent parfaitement exploiter cette faiblesse pour l'assimiler à des contes de fées, comme dans le cas de la Shoah. Cette catastrophe qui aurait du alerter l'ensemble de l'humanité sur les risques qu'elle encourt, sa propre capacité à s'auto-détruire, cette volonté délibérée d'éliminer une partie de la population sous prétexte de sa différence mineure et de sa faiblesse, on ne l'a pas comprise. Au lieu de chercher à ne plus jamais commettre un crime aussi atroce, on tente de prouver qu'il s'agit d'un mensonge pour pouvoir le perpétuer à nouveau.

Les rabbins qui servent de caution à l'Iran pour son immonde conférence sont aussi suicidaires que les juifs qui ont voté Hitler en 1933. Ceux qui cherchent à changer l'histoire sont condamnés à la revivre. La montée du fascisme en Iran, au Liban, en Europe devrait nous alerter sur les risques d'un nouvel affrontement, d'une nouvelle estocade contre la démocratie. Une fois de plus, nous n'y croyons pas. "La démocratie, c'est tellement formidable" disent les Européens. "Démocratisez, sinon c'est deux baffes" renchérissent les Américains. Je schématise à dessein : le propos ici est de montrer la proximité du danger, il n'est plus temps de s'interroger pour savoir s'il existe.

En rédigeant ce post, j'écoute "No Quarter", où deux anciens de Led Zeppelin mélangent leurs racines celtiques avec des musiciens du Moyen-Orient. Le résultat est extraordinaire de cohérence. Comme si les hommes, malgré leurs soi-disant différences avaient tellement en commun. Malgré cette évidence, à Téhéran, des hommes proclament comme dans les années sombres de l'Europe, que des hommes sont inférieurs parce qu'ils vénèrent leur dieu d'une façon différente des autres. Pour moi, une des plus grandes falsifications de l'Histoire revient à oublier que Jésus, "fondateur" du christianisme, était juif. Il n'avait d'ailleurs pas les yeux bleus contrairement aux icônes populaires. Il avait certainement une tête d'arabe, mais il était juif. Il ressemblait à beaucoup de Moyen-orientaux, mais il était juif. C'est tout. Si ça se trouve, il était le portrait craché d'Ahmadinejade, sauf que lui est perse, et pas arabe. Et au final, quelle différence ? Réécoutez "No Quarter", et oubliez tous ces connards qui veulent nous faire croire qu'on n'appartient pas à la même race.

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