11 décembre 2006

Envoyé spécial

Comme hier la marée humaine qui a déferlé sur le Centre-ville était bien déprimante, j'ai décidé d'appliquer le principe du "Et si c'était moi qui avait tort et les autres raison". J'ai donc rencontré pendant une heure une "représentante" du mouvement aouniste afin d'évoquer le futur du Liban. J'ai été d'une neutralité parfaite, et n'ai fait que poser des questions, notamment sur l'alliance avec le Hezbollah.

N'est-il pas contradictoire qu'Aoun, qui a toujours combattu la Syrie, s'allie avec le parti le plus pro-syrien du Liban ? Non, m'a-t-elle répondu, car l'alliance est électorale et ne porte que sur un certain nombre de points, pas sur les programmes en eux-mêmes. Certes, je comprends, ai-je renchéri. Que veulent donc Aoun et ses alliés ? Simple, m'a-t-elle rétorqué, de nouvelles élections afin de mieux représenter le pays. Mais, ces élections n'ont-elles pas eu lieu il y a un peu plus d'un an ? Pourquoi Aoun n'a-t-il pas protesté juste après les élections ? Mais enfin, monsieur (moi), Michel Aoun voulait donner sa chance au gouvernement avant de le condamner. Donc, madame (elle), quel est l'avenir du Liban dans le cas d'un nouveau gouvernement ? Tout le monde sera représenté, m'annonce-t-elle. Mais, n'est-ce pas le rôle du parlement de représenter tous les courants politiques du peuple, et au gouvernement, émanant de la majorité à l'Assemblée nationale, de gouverner ? Nous allons (nous les aounistes) inaugurer une nouvelle forme de gouvernance, qui représentera vraiment le Liban et pas uniquement les sunnites et les chrétiens de droite. Vous m'en voyez ravi, mais, vous n'avez pas peur que le Hezbollah... ? Oh mais enfin, monsieur (moi), pourquoi diaboliser le Hezbollah ? Qu'ont-ils fait de si mal ? Hé bien en tant que français, j'ai du mal à adopter une attitude neutre avec un groupe (je n'ai pas dit terroriste, mais je l'ai pensé très fort) qui a tué nos soldats, nos diplomates, nos journalistes et nos chercheurs.

Et là, la réponse qui m'a cloué :
Mais monsieur, qui ne l'a pas fait ?

J'ai bredouillé : plein de gens. Et elle d'enfoncer le clou : et Israël alors ? Ils n'ont pas tué des journalistes ? Moi : non, pas des français en tout cas. Elle : oui, mais ils ont failli en tuer pendant la guerre de juillet ! Moi : l'ont-ils fait ? Elle : non, mais ils auraient pu. Moi : est-ce que ce n'est pas un peu partial de juger des gens pour un crime qu'ils n'ont pas commis mais qu'ils auraient pu commettre ? Elle : le Hezbollah est un parti comme les autres. Moi : merci beaucoup madame, au revoir.

Je suis rassuré, a priori je ne suis pas fou. Il existe des centaines de milliers de personnes au Liban qui, en revanche, ne voient pas la contradiction entre un parti qui s'affirme "déconfessionalisé" et un mouvement ultra-religieux. Qui pensent qu'une révolution, comme en Ukraine ou en Serbie (!!) est nécessaire au Liban, même si les situations n'ont rien à voir les unes avec les autres. Il y a des centaines de milliers de Libanais qui pensent que le Hezbollah est un parti comme les autres, juste un peu mieux armé. Ha oui, j'ai oublié de dire que la raison pour laquelle Aoun s'est allié avec le Hezbollah était que le parti de dieu était le parti le plus "propre" (clean, on a parlé en anglais). Ce mythe de la propreté, ça ne vous rappelle rien ? "Mains propres, tête haute" ? Qu'importe le programme, tant qu'on est vierge de tout passé politique, on est forcément vertueux.

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