14 décembre 2006

Le général parle aux Français

Comprenant que sa tentative de putsch commence à battre de l'aile, le général Aoun cherche à expliquer son juste combat aux opinions publiques mondiales, à commencer par la française. Sur le site de son fan-club, on trouve une interview qu'il a accordé le 5 décembre à Valeurs actuelles, propriété de la famille Dassault et plutôt... à droite.

Pourquoi cette alliance surprise avec le Hezbollah ?
J’ai plongé dans la fosse aux lions mais je sais me défendre, vous le savez. Il n’y avait pas d’autre alternative. Toutes les formations politiques s’étaient alliées contre moi, même le Hezbollah. Ils m’avaient exclu. Je devinais qu’à l’intérieur de cet Etat corrompu à 99 % j’aurais des ennemis irréductibles mais j’ai été bien accueilli par le peuple libanais. C’est ma force.

Peut-on vraiment s’entendre avec le Hezbollah ?
Le comportement sectaire des partis et du gouvernement m’a fait changer d’approche. Il fallait parler avec le Hezbollah. Nous avons étudié ensemble dix points et bâti sérieusement un mémorandum d’entente.

Comment un patriote libanais peut-il en effet s’allier avec un parti soutenu par l’Iran et la Syrie ?
Le Hezbollah est un mouvement de résistance contre l’occupation, un partenaire libanais qui défendait le Sud pour le libérer. Il existait bien avant mon retour d’exil et il n’a pas cessé de s’armer sous les gouvernements successifs.

Il reste un allié fidèle de la Syrie ?
Non, il a une autre approche de sa relation avec la Syrie. Dans ce mémorandum que j’ai signé avec lui, le Hezbollah a renoncé à presque tout son discours politique.
[...]
Regrettez-vous l’attitude de la France à votre égard ?
Elle a refusé de me croire.

Elle vous a pourtant accueilli et protégé.
Pour cela, j’exprime ma gratitude au peuple et aux services français. Mais sur le plan politique, M. Chirac n’a pas fait la politique prolibanaise que j’espérais.


Courageux mais incompris général. La France qui l'a accueilli pendant onze ans n'a pas voulu le mettre à la présidence d'un appareil d'Etat corrompu "à 99%" (ce qui laisse de l'espoir pour les 1% restant), et elle n'arrive pas à comprendre que le Hezbollah est GENTIL et LIBANAIS, voire même (premier miracle) maté par le général puisqu'il affirme que l'organisation terroriste a abandonné tout son discours politique. Enfin, tout, sauf "Mort à Israël et Mort aux Etats-Unis".

Aujourd'hui, le général continue son offensive (de charme) et accorde un entretien au quotidien Le Monde. On essaie donc d'en savoir plus sur les raisons du putsch du général, et celui-ci en bon militaire, explique doctement sa stratégie qui est complètement incomprise depuis l'étranger.

Vous manifestez, avec le Hezbollah et Amal, depuis plusieurs semaines dans le centre de Beyrouth. Que demandez-vous au gouvernement de Fouad Siniora ?

Sa politique a mené à un échec terrible. Depuis dix-huit mois, il n'a jamais respecté le programme promis. Aucun point n'a été appliqué et il refuse de modifier son gouvernement. Dix-huit mois, c'est six fois la période de grâce pour un nouvel exécutif. Il doit être plus représentatif d'une globalité de la population libanaise. Mais aussi que ses décisions soient d'intérêt global, pas sectaires comme actuellement. Fouad Siniora a, dans une première phase, marginalisé les chrétiens, en refusant qu'ils soient représentés par les vrais élus chrétiens. Et maintenant, il n'a plus le soutien des chiites. Donc deux communautés, qui représentent 70 % du peuple libanais, sont en dehors du pouvoir. C'est contraire à notre Constitution, qui est basé sur deux éléments : d'abord, la représentativité des communautés libanaises, et une majorité de deux tiers pour que le gouvernement soit légitime. Il a la légalité sur la forme, mais il lui manque cette deuxième dimension.

Vous êtes alliés, contre le gouvernement, avec Amal et le Hezbollah, deux partis chiites qui sont accusés d'être prosyriens...

Il n'y a plus de prosyriens au Liban, à part des minorités qui sont hors de Amal et du Hezbollah. Nous avons une nouvelle approche des relations avec la Syrie, qui est basée sur l'égalité. Nous voulons des relations équitables, un échange de relations diplomatiques. C'est l'objet d'un accord que nous, le Courant patriotique libre, avons passé avec le Hezbollah. La situation a changé vis-à-vis de la Syrie.

Certes, c'est le moins qu'on puisse dire. Souvenez-vous de cette nouvelle, il y a trois ans seulement :

Samedi 25 octobre 2003 : Les autorités ont lancé un mandat d'arrêt international contre l'ancien premier ministre maronite, Michel Aoun, en exil à Paris, pour défaut de comparution devant le Parquet pour "propos anti-syriens". Inculpé le mois dernier d'atteinte à l'autorité et à l'image de l'état libanais et d'incitation aux tensions religieuses, le général Michel Aoun, farouche opposant à la domination syrienne sur le Liban avait accusé lors d'une audition devant les parlementaires américains "la Syrie d'avoir façonné le Liban en un terreau du terrorisme" et l'avait comparée au "syndicat du crime organisé".

Parlementaires américains ? Les mêmes qui maintenant soutiendraient à bout de bras le gouvernement scélérat de Fouad Siniora ? Quant aux chiffres, ils sont en pleine inflation. Désormais, le gouvernement laisse de côté 70% des Libanais ! Auparavant, le général et le prophète conduisaient seulement 30% des insurgés, puis 50%. Leur nombre a plus que doublé en quelques jours. C'est encore un miracle ! Enfin, n'oubliez pas que dix-huit mois, c'est six fois la période de grâce pour un nouvel exécutif ! Aoun prend-il des cours de poésie politique avec l'homme des cent jours, Domi de Villepin ? Ou alors serait-on en plein foutage de gueule où Aoun reçoit l'appui du Hezbollah pour accéder à la présidence en échange de bons et loyaux services envers Bachar ? Naaan, comment pourrais-je même oser suggérer cela ?

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