10 janvier 2007

Classification et évolution des espèces en fonction de leur environnement et de leurs contraintes sociologiques

Non, décidément, à l'est, rien de nouveau. Après un retour au Liban, un de plus, et un passage à l'hôpital, ça par contre ça faisait longtemps, rien de bien nouveau à raconter du pays des cèdres. Le risque de guerre civile fait partie du paysage, le deuxième round entre le hezbollah et Israël ressemble fort à Rocky VII, les chefs de clan continuent de se traiter de forbans par médias partisans interposés, Aoun ne cesse de nous stupéfier par sa capacité à réinventer la réalité chaque jour, l'électricité vient une fois de plus de se couper, il est 18h, c'est la règle, à cette heure-là nos ancêtres commençaient la veillée à la bougie.

C'est peut-être le bon moment de s'interroger non sur l'avenir du Liban, qui s'avère assez sombre, mais sur son présent. Qu'est-ce qui poussent autant de Libanais non à s'exiler, ceux-là on les comprend, ils sont humains, mais à rester au Liban ? Pourquoi, plié en deux ai-je pu trouver des médecins et infirmières compétents qui m'ont aidé à me plier de nouveau en quatre ? Comment se fait-il que mes frères de détresse continuent à faire tourner un pays, certes au ralenti, mais ne se jettent pas du haut d'une falaise en hurlant que décidément la vie est trop dure ?

Il existe plusieurs types de Libanais, de la même façon qu'on recense maintes espèces de Français. Le Libanais exilé en est un, vous l'avez sûrement déjà rencontré. Là-bas, il écoute Fayrouz en boucle et maudit les hommes politiques qui ont détruit son pays si cher, la Suisse du Moyen-Orient, le Costa Rica du Levant, les îles Fidji des pays arabes, que sais-je encore. A de rares exceptions près, le Libanais de l'étranger revient de temps à autre au pays, en général en été sauf en cas de guerre entre Israël et les barbus (voir plus loin), et examinera rapidement la situation pour conclure que décidément, le Canada (ou les USA ou le XVIe), c'est mieux. Il achètera donc plusieurs kilos de pistaches chez Al Rifai à l'aéroport, ne manquera pas d'embarquer quelques manouchés sous vide et reviendra l'an prochain, avec l'espoir que le Wifi broadband avec technologie Mimo sera monnaie courante pour regarder youtube. Revenu au pays, il fustigera à nouveau ces hommes politiques sans foi ni loi qui ont détruit son pays, puis consommera ses pistaches en regardant Jon Stewart (ou Laurent Ruquier, pour le Canada, je n'ose imaginer ce qu'on regarde).

Et puis il y a le Libanais qui vit au Liban mais qui refuse qu'on le prenne pour un Libanais. Celui-là en général affirme à qui veut l'entendre que c'était mieux du temps du mandat français, ou lors de l'Empire ottoman, voire lorsque les Romains faisaient régner l'ordre. Pour lui, les Arabes sont des cons, les Libanais aussi, et il n'y a que les Occidentaux qui sont civilisés. On le croise généralement près du CCF (Centre culturel français) où il organise des conférences ou alors à l'université où il professe que les Arabes sont des cons, les Libanais aussi et il n'y a décidément que les Occidentaux qui sont civilisés.

Ensuite, il y a le barbu libanais et son équivalent féminin, la tente portable. Rarement griffée Quechua contrairement à sa cousine française, la tente portable libanaise ne s'exprime que rarement, mais quand elle le fait, c'est pour soutenir les barbus qui veulent tuer tout ce qui n'est pas barbu, en particulier leurs cousins qui sont peut-être barbus mais portent des ronds de tissu sur l'occiput comme le pape, donc ce sont des traîtres qu'il serait bon de massacrer au nom d'un dieu d'amour. Le barbu se fout du Liban, du Mont-Liban ou de l'Anti-Liban, ce qui importe c'est l'après-Liban, ce qui pose quand même une colle : si le barbu massacre tous les porteurs de ronds de tissu sur l'occiput comme le pape, n'y-a-t-il pas un risque qu'il les retrouve au paradis, et là la fête sera vraiment gâchée ? Le barbu ne se pose pas ce genre de questions ; le mégabarbu est censé se les poser et y répondre en demandant la sagesse du métabarbu. En attendant, on n'a pas le temps pour ces conneries alors il serait bon d'aller envoyer deux-trois roquettes sur les ronds de tissu sur l'occiput comme le pape qui vivent à côté plutôt que de se poser des questions de tafiole.

Il y aussi les druzes, mais d'eux, on ne sait pas grand chose sinon que leur chef est desfois d'un côté, desfois de l'autre. Sinon, ils sont plutôt sympas si on ne les emmerde pas.

Et puis il y a la majorité des Libanais qui continuent de vivre et d'envoyer leurs enfants à l'école parfois sous les bombes. Et ceux-là, je ne dirai jamais assez combien je les aime au quotidien, malgré leurs manies de prendre des sens interdits et de s'habiller comme dans les années 70. Ce blog est pour eux, même s'ils ne m'ont rien demandé, et continuera d'émettre contre vents et marées, pour rappeler à son minuscule niveau que le pays des Libanais doit continuer d'exister malgré ses contradictions. Et peut-être qu'un jour, le Libanais de l'étranger reviendra au pays et restera bouche bée parce qu'on aura reconstruit un pays tel qu'il pourra juste admirer et rien trouver à redire. Et le barbu, de son paradis avec plein de vierges enragera que son plan n'ait pas réussi, et le Libanais-pas Libanais se mettra à professer que décidément, seuls les Libanais sont civilisés.

Yalla, au boulot.

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