02 décembre 2006

Le triomphe de la volonté

Lorsque Hitler charge Leni Riefenstahl de réaliser un film sur le rassemblement du parti nazi à Nüremberg en 1934, l'objectif est clair : donner du NSDAP la meilleure image possible. La jeune cinéaste, assistée de 16 équipes, dépassera les souhaits de son maître en brossant un tableau idyllique des journées de liesse hitlérienne. Le triomphe de la volonté, deuxième épisode d'un tryptique consacré à l'ascension du nazisme, décrit les Hitlerjugend comme de joyeux boy-scouts, les dignitaires nazis comme des hommes politiques déterminés mais pacifistes, et le Führer comme un leader soucieux de son peuple et amoureux de sa patrie. Impossible dans ce film de propagande, de reconnaître les bêtes immondes qui ravageront la civilisation européenne et l'anéantiront presque à Auschwitz. On est au contraire tentés de se rassurer, et en contemplant les images fortes de Leni Riefenstahl, il prend l'envie de penser qu'on s'est sûrement trompés, que le NSDAP était bien un parti pacifiste et patriote, que ce sont les autres images qui mentent, qui calomnient et qui nous aveuglent.

Hier, le Hezbollah et ses sbires ont fait leur marche sur Rome, comme les fascistes des années 20. Le procédé est antidémocratique, mais le Hezbollah a appris à contrôler son image. Il apparaît dans les reportages comme le garant de la constitution, celui qui oeuvre pour la réconciliation des Libanais. Les drapeaux libanais sont légion, les jeunes sont mis en avant, foule sympathique et rieuse qui ne veut que le bien de son pays et la libération du carcan gouvernemental, les vrais tyrans qu'il faut brutaliser. On a l'impression de se retrouver en mars 2005, quand une foule réellement éprise de liberté se rassemblait pour demander la souveraineté du Liban, et l'obtenait sans trop savoir qu'en faire.

Inutile de se leurrer : déjà en mars 2005, le rassemblement n'avait rien de spontané, et une firme comme Saatchi & Saatchi avait beaucoup fait pour donner une couleur de spontanéité à la foule. Mais si l'organisation était artificielle, l'enthousiasme était sincère ; je le sais, j'y étais. En décembre 2006, les nouveaux fascistes se donnent les atours de la démocratie et mentent sur leur véritable dessein. Que l'on ne s'y trompe pas : ces jeunes et moins jeunes en casquette noire, ce sont les jeunesse hitlériennes qui surveillent tout pour tromper le monde et lui faire croire, comme dans le film de Riefenstahl, qu'on nous ment, et que la vraie nature du loup, c'est l'agneau. Nasrallah apparaîtra sous des dehors bienveillants, arrivant, derrière sa carapace d'homme de religion, à prétendre incarner un démocrate. Cette foule parviendra à apitoyer l'opinion publique mondiale, qui verra dans le nombre la preuve du juste combat. Et comme en 1935, en voyant ce gentil moustachu haranguer des scouts comme s'ils étaient ses enfants, le monde se désintéressera de la démocratie aux prises avec le fascisme en pensant qu'elle ne craind rien.

Et le loup la mangera.

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