12 novembre 2006

WIL 3.0

Excellent timing : au moment où je rentre au Liban et où je "toilette" mon blog, David Abiker m'annonce qu'il va parler de WIL sur France Inter lundi matin. J'en suis doublement content, car j'ai toujours beaucoup apprécié les chroniques de David Abiker dans "Arrêts sur image" et j'avais du mal à croire que c'était vraiment lui avant qu'il m'appelle au téléphone et que je reconnaisse sa chaude élocution. Si vous venez ici après la chronique de France Inter (en supposant qu'elle a bien été diffusée...), bienvenue sur un blog qui compte des commentateurs réguliers, devenus des amis virtuels avec le temps et sans qui je n'aurais pas continué mon petit travail de rédaction après la guerre de Juillet, tant les attaques ont été fortes y compris dans la blogosphère. Je ne suis pas libanais, pas juif non plus, juste un Français au Liban depuis plus de dix ans et qui possède un bon poste d'observation sur la région grâce à son travail, et qui essaie de dialoguer sur la situation d'un point de vue différent des médias sans avoir la prétention d'apporter autre chose que des opinions (et un ou deux scoops de temps en temps...).

D'abord une petite nouvelle passée inaperçue publiée dans L'Orient le jour :

Le frère de l’ancien ministre syrien de l’Intérieur Ghazi Kanaan, dont le suicide avait été annoncé en octobre 2005, a lui aussi mis fin à ses jours, rapporte l’Observatoire syrien des droits de l’homme, une ONG proche de l’opposition basée à Londres.« La dépouille mortelle de Ali Kanaan, frère de l’ancien ministre, a été retrouvée mutilée sur les rails d’un train près de la région de Boustan al-Bacha » dans le gouvernorat de Lattaquié, affirme l’ONG basée à Londres.Selon des sources proches de la famille, citées par le communiqué, « Ali Kanaan s’est suicidé et un des fils du défunt a indiqué que son père passait par une période d’abattement et qu’il ne dormait plus chez lui, jusqu’à la découverte mercredi de son corps ».Le suicide de Ali Kanaan intervient un an après la mort de son frère. Le général Ghazi Kanaan, chef des services de renseignements syriens au Liban de 1982 à 2002, s’était suicidé à son bureau au ministère de l’Intérieur, selon Damas. Ghazi Kanaan avait été entendu par la commission d’enquête sur l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri.

Franchement, soit le suicide est une tradition familiale chez les Kanaan (mais comme je connais d'autres membres de cette grande famille, j'en doute fort), soit la Syrie commence à sentir la pression de plus en plus forte concernant son rôle dans l'assassinat de Rafic Hariri. Au même moment, cinq ministres "chiites" démissionnent du gouvernement sous prétexte que les forces du 14 mars, dominantes parmi les ministres, refuseraient de partager le pouvoir avec les représentants d'Amal et de Hezbollah. Au Liban, une telle démission n'est pas irrévocable et on peut penser que les cinq ministres entendent faire un coup d'éclat pour appuyer leur opposition à l'établissement d'un tribunal international chargé de faire la lumière sur l'assassinat de l'ancien premier ministre Hariri. Nabih Berri, le chef d'Amal, va partir en Iran pour recevoir les prochaines instructions concernant la marche à suivre des groupes "chiites" proches de Téhéran. Cette démission risque donc fort d'être ravalée. Une solution politique au Liban semble de plus en plus compromise d'autant que, répétons-le, le Hezbollah ne peut pas trouver sa place parmi les autres formations libanaises en raison de sa nature et de ses objectifs. Le parti de dieu, soutenu par la Syrie et l'Iran, a pour objectif la destruction d'Israël, l'iranisation du Liban et continue à faire hurler "Mort aux Etats-Unis" à ses partisans lors des rassemblements plaçant au premier rang les mères des martyrs morts en combattant le petit satan israélien.

Israël met à rude épreuve ceux qui cherchaient encore à trouver des circonstances atténuantes à sa politique guerrière. Ce qui se passe à Gaza n'indigne presque plus personne ; et pourtant, il s'agit d'une guerre atroce, qui impliquerait, si elle disait son nom, que l'ONU statue sur la situation et envoie des troupes séparer les bélligérants. J'avais écrit un post pendant la guerre décrivant pourquoi je pense que nous sommes tous coupables de ce qui se passe au Moyen-Orient, notamment les Occidentaux qui soufflent le chaud et le froid et ont renoncé à s'impliquer, peut-être à cause de la peur du terrorisme. Il est peut-être temps, au lieu de menacer de canarder les chasseurs de l'armée israélienne, de comprendre qu'Israël a renoncé à juste titre à faire confiance aux autres pour assurer sa sécurité, et que cela conduit à des excès regrettables qu'il faut stopper de toute urgence. L'état de peur dans lequel se trouve Israël l'oblige à se conduire comme une brute sanguinaire, et il est temps que l'Occident affirme son soutien à l'Etat hébreu sans équivoque en reconnaissant le caractère terroriste de ses ennemis, afin d'empêcher des massacres d'innocents de part et d'autre. Mais comment renouer la confiance qui unissait la France et Israël auparavant, avant 1967 ? Peut-être en commençant par affirmer que la FINUL a été établi pour protéger le Liban et Israël de leurs véritables ennemis, qui ne sont toujours pas sur la liste des groupes terroristes européens.

Mais des miracles peuvent se produire, et c'est rassurant devant la situation cauchemardesque au Moyen-Orient. Ainsi, sa miraclité number one, Dieudonné, autrefois pourfendeur du Front national à Dreux et autoproclamé champion de la cause noire, a rendu visite à ses nouveaux amis ce week-end :

Jean-Marie Le Pen a fait une rencontre inattendue samedi en parcourant les stands de la grande fête de son parti le FN au Bourget (Seine-Saint-Denis): le fantaisiste et l'ex-candidat à la présidentielle Dieudonné, a constaté un journaliste de l'AFP.
"Je suis venu faire un tour, je donnerai demain mes impressions" sur un site internet, a expliqué Dieudonné M'Bala M'Bala.
"Je suis venu pour voir", a-t-il dit en indiquant qu'il s'était aussi rendu à la Courneuve en septembre pour la fête de l'Huma.


Dieudonné et Jean-Marie Le Pen enfin réunis dans un même refus du complot juif franc-maçon ! C'est beau à pleurer. La politique libanaise est complexe ; la politique française n'est pas loin d'être incompréhensible. On savait Dieudonné prêt à tout pour faire parler de lui, y compris à venir au Liban après la guerre pour "constater les dégâts" et discuter avec les joyeux drilles du Hezbollah, mais cette rencontre visiblement très détendue et amicale laisse songeur. S'agirait-il d'une "ardissonisation" de la politique consistant à poser que les électeurs sont des cons, qu'on peut leur faire gober n'importe quoi tant qu'on trouve une explication abracadabrante mais branchée ? Le Pen, comme à chaque élection, clame avoir du mal à obtenir ses 500 signatures. Grâce à Dieudonné, il risque de récupérer celles des vrais antisémites et de faire ses 20% au premier tour vu que personne dans la classe politique ne se préoccupe de savoir pourquoi le FN progresse à chaque élection. Essayons de comprendre : Dieudonné soutient le Hezbollah et sympathise avec Jean-Marie Le Pen. Mais quelle formation libanaise a reçu le soutien du Front national durant la guerre de 75-90 ? Les Forces Libanaises, viscéralement opposées au Hezbollah. Messieurs, bon courage pour expliquer vos alliances au moment des votes, ça devient un peu trop complexe pour les simples mortels comme nous.

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