23 novembre 2006

Les pairs de nos pères

« Les phalanges libanaises sont responsables de nombreux massacres au Liban et elles sont basées sur le modèle fasciste européen des années 30, donc Pierre Gemayel était un facho avec du sang sur les mains ».

Cette réaction, on peut l'entendre souvent chez les beaux esprits de gauche, ici ou ailleurs, qui n'acceptent pas que les Kataëb aient changé mais n'auront pas de problème à considérer les partis communistes comme absous de tout péché antérieur. Il y a toujours eu ce problème, partout, de mieux traiter l'extrême gauche que l'extrême droite, en partant du principe que la gauche a du cœur et la droite de l'argent. Cette simplification outrancière perdure aussi en France, et l’image d’un Liban opposant gentils musulmans palestiniens progressistes et méchants chrétiens facho-réactionnaires continue de hanter les discussions sur ce pays, et de lui causer du tort.

Le fascisme a fait des victimes par millions, mais le communisme au XXe siècle l'a de loin surpassé. Que l'Union soviétique et la République Populaire de Chine aient, ou non, atteint leur objectif socialiste n'est pas important : les deux pays se sont réclamés, ou se réclament, du communisme pour des modes de gouvernement qui ont causés des dizaines de millions de morts. Ces massacres rouges n’absolvent pas les massacres bruns. Toutefois, il est bon de ne pas placer la faute dans un seul camp si l’on veut faire un travail de mémoire efficace et qui évite de répéter les mêmes erreurs à l’avenir.

Aujourd’hui, le virus fasciste a changé de camp. Lorsqu'on appelle le camp de Pierre Gemayel "chrétien", c'est un abus de langage et une forme de simplification pour faire comprendre aux téléspectateurs qu'il s'oppose aux chiites. Les alliés des Gemayel sont aujourd'hui sunnites et druzes, quand les alliés du Hezbollah sont les chrétiens aounistes et maradas. Il n'y a pas, au Liban, d'opposition religieuse, mais politique. L'extrémisme des phalangistes est depuis longtemps oublié comme mode de pensée et d'action, tout comme les Forces libanaises, avec l'incarcération aléatoire de leur leader Samir Geagea, ne voient plus dans la lutte armée le seul moyen de se faire entendre. Seul le Hezbollah présente aujourd'hui des signes de fascisme, en le dissimulant derrière une vulgate pseudo-marxiste qui lui permet des alliances contre-nature avec les "forces de progrès". Mais le Hezbollah continue d'employer des armes fascistes, et continue son travail de terrorisme : "nous ou le chaos".

L'IRA, en Irlande, alliée un temps au Hezbollah, n'a pas réussi à imposer ses volontés par le terrorisme, sur ce point elle a complètement échoué et s'est décrédibilisé, notamment en montrant son incapacité à contrôler sa nébuleuse lors de l'attentat d'Omagh en 1998. Le combat de l'IRA, commencé des décennies auparavant par les Fenians, a pu être entendu grâce au développement économique de l'Irlande qui a montré qu'une solution viable de réunification pouvait être envisagé. Ici encore, on a voulu opposer catholiques et protestants, alors que la lutte divisait les loyalistes et les républicains. L'exemple irlandais, où les rancœurs sont tenaces, peut offrir un modèle au Liban, en posant que l'économique peut apaiser les querelles, car quand on n'a rien en ce bas monde, on se fait facilement persuader qu'on n'en sera que plus riches dans l'au-delà.

Les Gemayel ont payé le prix du sang. On ne peut plus leur apposer l'étiquette infâmante du fascisme depuis des années. Les vrais fascistes, eux, ont réagi à la mort de Pierre Gemayel en râlant parce qu'ils allaient être obligés de décaler leurs manifs antidémocratiques alors qu'elles étaient sur le point de commencer. La terreur va donc reprendre, mais l’essentiel reste qu'on arrive à mettre un nom dessus.

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