26 novembre 2006

Sur Le Pen et le fascisme libanais

Entendons-nous bien : je ne voterai jamais pour Le Pen et je n'inciterai jamais à voter pour lui. Le programme du Front national est un vaste foutage de gueule, notamment sur le renvoi des immigrés qui plongerait à coup sûr la France dans une récession. La France est un pays d'immigration et, comme tout le monde, je descends d'immigrés qui ont trouvé une terre d'accueil pour des raisons diverses mais qui n'ont jamais eu à s'en plaindre. Le discours de Le Pen exhale des relents de racisme et de xénophobie qui conduiraient, s'il était élu, à un repli sur soi fatal à une époque où, qu'on le veuille ou non, la France doit s'ouvrir encore plus aux autres et accepter les différents rééquilibrages politiques dus à l'irruption de nouveaux pays forts. Il n'y a rien chez Le Pen qui me plaise ; mais dans cette bonne tradition "voltairienne", je reste choqué par la manière dont on l'exhibe, et dont on en fait un confortable épouvantail pour mieux attirer les bonnes gens.

A chaque élection présidentielle, le leader du FN accroit son influence et attire de plus en plus de votants. Pour Tapie, on s'en souvient, ceux qui vote Front national sont des "salauds", ce qui était presque un compliment de la part d'une fieffée crapule. Mais personne dans la classe politique ne se préoccupe vraiment de savoir qui sont les électeurs de Jean-Marie Le Pen, devenus pourtant une force qui dépasse même les partis "traditionnels" comme on l'a vu au premier tour de l'élection présidentielle de 2002. Pourtant, ces Français ne sont pas représentés à l'assemblée nationale, et on continue de les considérer comme des pestiférés. Lutter contre le Front national est devenu pour le Parti socialiste un oriflamme, le symbole que l'on est de bonnes gens qui luttent contre la bête immonde, ce qui évite de poser des questions embarrassantes sur le programme du PS. Se dire anti-facho (ce qui est une exagération, le FN est loin d'être fasciste) et brâmer "F comme fasciste, N comme Nazi, à bas le Front national" est devenu une manière de se placer dans le bon camp, celui des valeureux, qui néanmoins refusent le suffrage universel.

Les élections approchent et comme toujours, nous allons nous focaliser sur les petites phrases, les bons mots, la couleur des tailleurs de Ségolène, les dodelinements de tête de Sarko, les soupirs affligés de Bayrou, les rodomontades de Besancenot, bref sur le superficiel. Et chacun sera d'accord pour considérer Le Pen comme le repoussoir. On reste républicains tant que l'on ne discute pas avec Le Pen, comme notre président sortant qui affirmait ne l'avoir jamais rencontré alors même que des photos prouvaient le contraire. Un article du Monde exprime ce combat entre le bien et le mal, le sale et le pur, où les auteurs expriment, avec des allusions bien senties, le dégoût qu'ils éprouvent pour ceux qui reçoivent Le Pen dans les médias. Cela ne se fait pas. Recevoir Laguiller est concevable, elle est si drôle ma chère ! avec son discours révolutionnaire et sa vieille mobylette ! Et ce petit facteur ! N'est-il pas à croquer ! Mais Le Pen, c'est ce qui permet aux croquants de Brassens de se considérer comme moraux parce qu'ils se déclarent publiquement contre lui.

En 2007, Jean-Marie Le Pen va améliorer son score de 2002. Je m'en réjouis, et je le déplore. Je m'en réjouis car j'ai encore espoir que nous allons réaliser pourquoi cet homme cristallise autant de peurs et d'angoisses, et y remédier. Je le déplore parce que même s'il n'est pas fasciste, sa conception de la république m'inquiète fortement, sans parler de ses amis douteux. Vous allez me dire que ce post n'a rien à voir avec le Liban ? Et pourtant si. Quand on a parlé de la famille Gemayel comme d'un clan de fachos, ce sont des valeurs françaises que l'on a plaqué sur des Libanais débarrassé du fascisme, du vrai, depuis des décennies. Il est temps de repenser nos concepts hérités de la guerre froide qui veulent que l'on ait plus de tolérance pour les criminels d'extrême gauche que pour ceux d'extrême droite. Justice pour tous, et si Le Pen est un danger pour la république, qu'on l'interdise, mais avec la LCR, le PCF, LO et même De Villiers. Sinon, qu'on l'écoute et qu'on le combatte, et qu'on donne à la famille Gemayel le bénéfice du doute, et un peu de temps pour son deuil.

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