06 décembre 2006

Europe vient du Liban (Saïda ou Tyr, on n'est pas sûrs)

L'évènement qui passe complètement inaperçu pendant ces grands manœuvres, c'est que la Finlande a ratifié la Constitution européenne. On aurait pu classer la chose dans la rubrique "on s'en fout", tant on pensait qu'on l'avait enterrée, et bien enterrée, cette constitution libéralo-n'importe quoi qui conduisait à donner un blanc-seing à des bureaucrates qui ne sortent jamais de leur pays pour qu'ils fassent de l'Europe leur Machin. Et pourtant, ce petit pas en avant m'impressionne. La Finlande collectionne les bons points en matière de protection sociale, d'aide à l'emploi, de qualité de vie, de liberté de la presse, et elle a ratifié par son parlement une constitution à laquelle je me suis fait un devoir de voter contre en France. Détenant la présidence de l'Union, on n'en attendait certes pas moins de la Finlande mais on a vraiment l'impression d'un homme à bout de forces qui continue coûte que coûte à avancer parce qu'il sait que son objectif en vaut la peine : y parvenir ou mourir.

Il faut que je vous avoue que j'ai fait une petite infidélité au Liban de quelques jours la semaine dernière, et que je suis allé à Bruxelles pour plein de raisons. Entre autres, j'ai pu discuter avec des fonctionnaires européens (dont certains sont de vieilles connaissances) et assister à une session du parlement européen sur le brûlant sujet du Moyen-Orient. Ce que j'ai vu et entendu a provoqué un curieux mélange d'émotions : même s'il vienne très rarement au Moyen-Orient, les bureaucrates européens semblent très au courant de ce qui s'y passe, possèdent une volonté farouche d'y intervenir mais semblent parfaitement impuissants devant l'ampleur de la tâche. Le mieux qu'il puisse faire, c'est des recommandations ou des avertissements, et surtout jouer sur les subventions, car il semble que le Liban sera privé de sous s'il continue son bordel.

J'écoutais ce qu'on disait avec un grand intérêt, car le discours était cohérent et informé, et en même temps, une image m'apparaissait. Elle est assez banale, mais c'est comme ça que je vois les choses : Rome et les barbares. Pendant que l'Europe, qui a fait le choix de la civilisation, du développement, de la paix et de l'intérêt du grand nombre malgré des méthodes qui restent souvent inefficaces, disserte sur les mesures diplomatiques à prendre pour négocier civilement avec le Hamas ou le Hezbollah, les barbares sont aux portes et ne se préoccupent guère de la beauté de l'Empire. A un fin connaisseur des conflits, j'ai émis l'idée qu'il s'agissait d'un choix de civilisation, ce qui l'a fait tiquer : il a tout de suite pensé aux assertions de Huntington sur le choc des civilisations. J'ai précisé ma pensée ; le Liban est face à un choix de civilisation : la culture du développement, du progrès pour tous comme le souhaite l'Europe, ou la civilisation de la mort, le Moyen-âge obscurantiste, les clans féodaux qui s'entredéchirent au nom d'un dieu de colère. Je n'ai jamais autant souhaité me tromper de ma vie, et je serais ravi si le Hezbollah prenait le pouvoir pacifiquement et développait le Liban de façon grandiose. Mais je pense même que ses supporters n'y croient pas et que le but du jeu est ici plus de venger le fameux "orgueil arabe", quitte à casser encore plus un pays qui pourrait être un paradis, et qui s'enfonce de plus en plus vers les royaumes chthoniens.

Donc la Finlande a approuvé le Traité européen. Dérisoire geste pourtant plein d'espoir qui me rappelle qu'un autre monde est possible, pas forcément celui des adorateurs de Fidel Castro ou des nostalgiques de l'Union soviétique. Je ne regrette pas d'avoir voté "non" au référendum européen mais j'en viens à souhaiter qu'un traité pareil existe pour le Liban et ses voisins. Le Liban ayant depuis longtemps développé une politique de repli sur soi, je ne pourrais pas voter malgré mes nombreuses années de citoyenneté à payer mes impôts libanais. Néanmoins, une communauté englobant Maghreb, Machrek, Israël et les pays du Golfe, quel rêve ! Ou alors une intégration de tous ces pays dans l'actuelle Union européenne, mais comme il paraît que l'Europe a des limites géographiques, voire religieuses, ce ne sera pas possible. Quizz de fin de post : d'où vient le nom "Europe" ? Réponse en titre.

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