06 octobre 2006

L'avenir est aux trentenaires

Encore et toujours la même question lancinante : pourquoi le Moyen-Orient fascine-t-il autant les médias et l'opinion publique internationale, qui se pique d'avoir un avis sur la situation, en particulier le conflit israélo-arabe ? Mercredi soir, un documentaire ARTE sur Ramzan Kadyrov, le premier ministre tchétchène, m'a rappelé qu'on ne parlait plus de la Tchétchénie depuis longtemps, et j'en suis venu à me demander s'il y avait toujours la guerre là-bas. Kadyrov est un personnage fascinant : à 29 ans, il dirige le pays d'une main de fer, ayant combattu les Russes dès son adolescence, avec l'appui de l'Islam qu'il pratique dévotement ayant eu un père grand mufti, et sait parfaitement utiliser l'argent de la fondation familiale pour acheter ceux qui douteraient de lui. On pouvait voir Kadyrov offrir à tous les dignitaires religieux qui venaient lui prêter allégeance une voiture (très moche, mais quand même une voiture) ou faire passer une enveloppe de 1000 dollars en cash aux élèves tchétchènes méritants dans un pays qui compte 60% de chômage. Lorsqu'on l'interroge sur son programme, le jeune premier ministre et futur président avoue son intention de casser du wahhabite "en les envoyant six pieds sous terre". Quand on voit la ferveur qu'il met dans ses prières, à mi-chemin entre les danses de "Rabbi Jacob" et les transes d'Achoura, et le regard déterminé bien que ne pétillant pas d'intelligence du bonhomme, on se dit que les wahhabites ont un ennemi mortel qui risque fort de mettre ses intentions à exécution.

Et le pire, c'est que ça m'a rassuré. En voyant ce gars, je me suis dit : on a besoin de ce genre de brutes pour affronter d'autres brutes qui nous menaçent. Si Kadyrov veut casser du wahhabite, libre à lui, je ne vais pas pleurer ces extrémistes.

C'est ce qui fait le danger de Kadyrov. Quand il sera l'incontrôlable président de la Tchétchénie, sous allégeance à Moscou mais en électron libre, où s'arrêteront ses ambitions ? Kadyrov est un personnage de roman, un conquérant slave, un chef de guerre musulman qui sait manier la carotte et le bâton pour obtenir ce qu'il veut des hommes. Son pays est riche, lui est jeune, mais déjà le type de gouvernance qu'il veut imposer paraît clair. Il a fait interdire les jeux de hasard sur le territoire, semble en froid avec l'alcool et aurait même interdit aux citoyens danois de se rendre en Tchétchénie après l'affaire des caricatures du prophète Mohamed. Le tout avec l'assentiment de Poutine, trop heureux d'avoir trouvé un leader capable de s'opposer aux rebelles à la fédération.

Des Kadyrov, il y en a beaucoup dans le monde. Des bombes en puissance, que l'on utilise contre d'autres dangers, et qui, une fois qu'ils auront rempli leur office devront encore être occupés sans quoi ils se retourneront contre leur pygmalion. Combien de Kadyrov la France a t-elle créé en Afrique ? Combien de Kadyrov attendent leur heure dans le monde ? Alors que les choses se calment entre le Liban et Israël (pour mieux reprendre, n'en doutons pas), la guerre civile se profile dans les Territoires palestiniens et en Irak, mais aussi en-dehors d'un Moyen-Orient que l'on aimerait être le seul théâtre de la violence dans le monde. Mais la violence n'est pas circonscrite au conflit israélo-arabe.

Souvenez-vous de Kadyrov. On risque d'en parler à l'avenir et pas pour évoquer de divines surprises démocratiques. Si les médias ne le font pas, je vous en reparlerai, parce qu'on a peut-être trouvé le futur Saddam Hussein en Tchétchénie. Et il a moins de 30 ans.

|
Weblog Commenting and Trackback by HaloScan.com