03 octobre 2006

Gehry à Beyrouth


Frank Gehry va élaborer les plans de la nouvelle fondation pour l'art de LVMH, le groupe spécialisé dans le "luxe". C'est une très bonne nouvelle parce que Gehry, c'est le visionnaire derrière le Guggenheim de Bilbao ou le Walt Disney Concert Hall. A Paris, on avait déjà eu droit à l'American Center qui acueille la cinémathèque rue de Bercy, en face du jardin Rabin.

Tout a été dit sur le style de Gehry et personne n'arrive à exprimer quoi que ce soit sur son talent : c'est comme peindre un tableau qui parlerait de musique ou chanter une couleur. J'avais vu le film de Pollack sur Gehry à Paris, qui était assez mal foutu d'ailleurs et je m'étais étonné de voir à quel point Gehry apparaissait véritablement comme un génie, extrêmement intuitif, c'est-à-dire qu'il arrive à repenser complètement les codes de son art en produisant une oeuvre non seulement originale mais surtout foncièrement belle et remplissant les fonctions que l'on attend de l'architecture : s'intégrer au paysage, améliorer le quotidien des usagers, allier esthétique et pratique. Le Guggenheim de Bilbao reste une merveille à cet égard, et je ferai l'aller-retour juste pour passer un peu de temps avec cet étrange objet qui, selon mes souvenirs du film de Pollack, aurait été décrit par un critique du NY Times comme "une soucoupe volante ayant atterri dans la ville il y a un siècle", donc un monument novateur mais intégré dans son environnement.

Pourquoi parler de Gehry dans ce blog, outre ma profonde admiration pour lui et la bonne nouvelle de sa participation à l'enrichissement de ma ville ? Peut-être parce que l'architecture libanaise, déjà pauvre, s'appauvrit régulièrement sans même l'aide des bombes israéliennes. Une pétition circule pour préserver Gemmayzé, un quartier huppé qui risque de se retrouver avec de nouvelles tours en lieu et place de bâtiments plus traditionnels et ce n'est pas la première fois que je reçois ces messages de désespoir concernant la paupérisation du patrimoine architectural libanais. Les appartements "traditionnels" de Beyrouth sont pleins de charme, avec leurs plafonds hauts, leurs immenses balcons et leurs fenêtres en ogive. Mais Beyrouth ne comporte pas de plan d'urbanisme, pas d'espaces verts, pas de réflexion sur la place de l'homme dans sa ville. On dirait que tout est fait pour empêcher la population de se rencontrer et de se mélanger au Liban : pas de transports en commun, pas de parcs, pas de grand place sauf celle des Martyrs, rien qui puisse favoriser le dialogue. Et de plus en plus des tours avec des appartements de centaines de mètres carrés conçus pour plaire à la riche clientèle des bédouins, en oubliant les Libanais ou même ceux qui ne sont pas intéressés pas des appartements de 800 m².

Le Liban va se reconstruire, mais comment ? On ne peut pas compter sur les architectes branchés qui font des restaurants à la con pour les zombies de la rue Monnot, jeunesse dépensant le fric de papa pour s'épater mutuellement. De plus, on pourrait penser que créer de beaux bâtiments est inutile, tant le risque est grand de les voir détruit durant un conflit. Mais parier sur la beauté, c'est un pari sur l'avenir, un pari de grandeur. On raconte que Paris a été épargné par les armées nazies grâce à sa beauté. Un pays qui investit dans la beauté mérite le respect et l'impose sans difficulté.

A quand un bâtiment Frank Gehry à Beyrouth ?
Ha ben jamais, il est juif...

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