06 août 2007

How is it, bru?

Mes amis, par quoi commencer ? Le Cap est une ville tellement excitante que je sens que je vais de nouveau vous raconter très platement mes aventures. Je pense que vous avez remarqué que plus l'auteur d'un blog est de mauvaise humeur, plus c'est amusant à lire, un peu comme les jeunes blogueuses qui racontent leurs galères amoureuses à un vaste auditoire et qui tout d'un coup rencontre le prince charmant, et deviennent chiantes à narrer leurs promenades dominicales chez Ikea ou leurs week-ends à Rome. Et pourtant j'ai tellement envie de vous parler de ce coup de foudre qui risque de se concrétiser à moyen-terme par une émigration en bonne et due forme vers Kaapstadt. Je vous avais laissé après un week-end à Kirstenbosch, je vous retrouve après deux jours à Stellenbosch, la région des vins. Il faut d'abord fracasser une idée reçue : les Sud-africains ne produisent pas de bibine dans de grandes cuves en inox en rajoutant des copeaux. Ils disposent dans la région du Cap de milliers d'exploitations situées dans les terres, et qui produisent un vin fabriqué avec amour le plus souvent avec des fûts venus de France. Ce ne sont pas les seuls produits de mon beau pays natal à contribuer au précieux élixir, car ce sont les huguenots, chassés de France par les catholiques et leur science du massacre de son prochain, qui ont apporté l'art oenologique en Afrique du Sud. Un monument leur est dédié spécialement dans le coin des Français, Franschhoek, où les restaurants portent des noms comme "La Provence" ou "French Connection", s'alignant sur des rues comme "Bordeaux Street". Etant un huguenot moi-même (bien que fort éloigné des principes de la religion comme vous l'avez remarqué), je me suis donc recueilli sur l'héritage de mes lointains cousins en m'empiffrant de vins indigènes et de mets locaux. Impala, crocodile, springbok, warthog, autruche, tout y est passé, et avec un petit pinotage pour faire passer le tout. D'un point de vue gustatif, voilà une des meilleures régions du monde. Voyons un peu le reste.

Pour avoir exploré Cape Town à pied, en taxi, en bateau et en hélico, je l'affirme bien fort : c'est l'une des villes les plus privilégiées que je connaisse en ce qui concerne la diversité des architectures, de la végétation ou même du climat. En une semaine, on a eu droit à un soleil de plomb en plein hiver ce qui nous a permis de nous baigner dans l'Atlantique, à une tempête avec neige à la clé sur les sommets environnants, mais aussi à de très belles journées tempérées avec juste ce qu'il faut de chaleur pour rester en t-shirt au bord de l'océan Indien. Cette diversité se retrouve également au niveau des habitants. L'Afrique du Sud recense 11 langues officielles, notamment l'anglais, l'afrikaan, le zoulou ou encore le xhosa. Il n'est d'ailleurs pas rare qu'à l'instar des Libanais, les Africains du Sud (ce pays dont les habitants n'ont pas de nom, auraient aussi pu dire ce con de Sartre) commencent une phrase dans un idiome, puis la continuent dans un autre dialecte. Les journaux posent régulièrement la question de renforcer la part des langues "africaines", l'anglais comme l'afrikaan, qui ressemble à du hollandais, étant des langues de colonisateurs.

Car l'Afrique du Sud est sur des charbons ardents. La révolution qui a détruit l'apartheid a été un modèle pour le reste du monde, se déroulant sans bain de sang, mais l'avenir paraît sombre avec les afflux de réfugiés de tous les pays environnants, en particulier du Zimbabwe. L'ancienne Rhodésie était autrefois le grenier de l'Afrique ; elle ne produit maintenant que des ventres vides qui sont attirés par la prospérité de la première économie du continent. Sur la route de l'aéroport du Cap, on aperçoit des centaines de mètres de bidonvilles, "townships" colorés qui contrastent violemment avec la modernité outrancière d'un Canal Walk, sorte de Las Vegas africain où le mauvais goût n'a d'égal, comme souvent, que l'étalage de richesse. Cape Town brasse des immigrés faméliques et des touristes replets sans qu'ils s'entrechoquent, même si, me confie un ami du cru, la ville possède certains quartiers où la violence atteint des niveaux incomparables. Partout où on peut garer une voiture, les réfugiés reconnaissables à leur veste de chantier fluorescente se battent pour surveiller le véhicule du capetonien qui est censé les remercier d'une pièce. Les salaires sont bas, les prix aussi : on peut se régaler à quatre pour l'équivalent de trente euros. Quelle aubaine pour l'Européen dont la devise bat des records, mais quel piège de penser que la vie est aussi facile que les images de cartes postales qu'il rapporte dans son gris pays.

Au moins, l'Afrique du Sud dialogue, et s'indigne en première page des quotidiens lorsqu'un chef de parti détourne 50 000 euros. 50 000 euros ? Je ricane devant mes amis sud-africains qui se désolent de la corruption de leur pays. Mais chez nous, 50 000 euros, c'est deux semaines de frais de bouche des Chirac au temps de la mairie de Paris ! Pour eux, c'est une affaire sérieuse. Ils ont souffert de l'apartheid, lorsque les populations colorées étaient chassées de la blanche Cape Town pour être relogés dans les terres. Ils ont été humiliés par le test du crayon, qui permettait de déterminer si on était crépu ou digne de vivre avec les blancs. Ils ont cru à la démocratie, alors que le régime craignait une révolution marxiste comme en Rhodésie et tentait de l'empêcher par une violence aveugle. Alors leur système, ils y tiennent, et ils sont vigilants. Tout le monde a compris que la guerre était trop dangereuse, et qu'il faut réformer les choses en se parlant car la situation pourrait devenir intenable comme chez les voisins. Alors ils se battent pour ce paradis, et j'ai envie de les aider. Kaapstadt, Ek sal het jou leif ewig. Enfin, quelque chose comme ça. Et qu'ils se démerdent tout seuls dans le Metn.

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