Tentative d'explication globale
La question qui me taraude depuis des jours est la suivante : pourquoi le conflit au Moyen-Orient fait-il la une des journaux ? Pourquoi on me demande mon avis sur le Liban chaque fois que je rencontre quelqu'un alors qu'avant, on s'en foutait pas mal ? Est-ce que c'est le nombre de morts dans ces guerres ? Non, il en est en ce moment de plus meurtrières. Alors est-ce parce que nous nous sentons plus concernés par le Moyen-Orient que par l'Afrique ? Mais il existe des minorités africaines importantes en Europe et aux Etats-Unis qui pourraient nous pousser à nous intéresser au malheur africain, à la manière des diasporas arabes ou juives. Alors un problème de religion ? Mais les conflits au Moyen-Orient ne sont pas religieux, la religion demeure un prétexte. Alors la justesse des causes ? Bien malin celui qui pourra dire qui a raison dans ces guerres israélo-arabes, tant les arguments des deux côtés se valent. Et quand on choisit un camp, ce n'est pas parce que c'est celui qui a raison, mais parce qu'on estime que c'est celui qui souffre le plus, ou qui est le plus en danger.
Aujourd'hui, le Liban risque de disparaître. Je le répète, nous sommes tous responsables. Mais ce dont je prends conscience à cause de cet événement tragique dont on se serait bien passés, c'est qu'il existe des conflits parfois plus sanglants, mais qui n'ont pas l'air de mobiliser l'opinion publique comme le conflit du Liban, dernier épisode des conflits entre Israël et les pays arabes. Ces conflits atroces (on parle de 1200 morts par jour au Congo) ont ceci de commun avec le Proche-Orient qu'ils se déroulent dans des pays instables politiquement, et dont l'avenir économique semble s'assombrir de jour en jour. Que peut-on faire pour le Liban ? me demande des âmes généreuses en France. Je ne sais pas quoi répondre, parce que je ne sais plus ce que sera le Liban et dans quelle direction il se reconstruira. Ce que je sais, c'est que le conflit du Liban est relié aux autres guerres, qui ont souvent les mêmes origines. Qui pourrait imaginer une guerre entre la France et l'Allemagne demain, même sur des problèmes de frontières ? La diplomatie réglerait le tout assez rapidement. Alors pourquoi la diplomatie ne règle-t-elle pas les conflits dans le monde, au Liban, au Congo, au Soudan... ? Question sans réponse, et pourtant.
Est-ce notre égoïsme naturel ? Notre mentalité, qui nous fait nous contenter de notre sort parce qu'il y aura toujours plus malheureux que nous ? Beaucoup de Libanais exploitaient des bonnes du Sri Lanka, sans se soucier de la guerre et des attentats qui y règnent, au contraire en profitant du tarif attractif de petites mains domestiques pour qui 100 dollars US représentaient une petite fortune. Maintenant le Liban est dans la tourmente, et joue sa survie. Ce conflit me touche, d'autant que je peux mettre un nom sur des visages et que les lieux bombardés ne sont pas anonymes. Mais j'ouvre aussi les yeux sur le reste du monde, comme si je découvrais qu'il y a des guerres et que je vivais dans le palais de Siddharta.
Tant qu'il y aura une guerre dans le monde, le reste de l'humanité ne pourra pas se sentir en paix. C'est une réflexion globale que nous devons avoir, car des guerres dans la région, il y en eu trop, et il y en aura encore hélas si on ne réfléchit pas à des solutions globales. C'est notre intérêt, car les médias sont à l'échelle mondiale, mais aussi le terrorisme, les réfugiés, les nuages radioactifs, les pandémies... et l'humanité. Con à dire, puisque c'est une évidence, mais toujours bon à rappeler.
Je suis encore bouleversé de l'image de cet Africain en sang, tranporté dans le coffre d'une voiture au Liban après un bombardement. Je me suis dit : voilà peut-être l'être humain le plus seul au monde. Mon frère humain, si mal en point, qui ne comprenait rien de ce qui se passait... Le Liban au moins a des voix, l'Afrique est aphone, peut-être d'avoir trop crié. Et je ne pense pas que penser un peu à l'Afrique, c'est oublier le Liban. Si loin, si proche.