28 juillet 2006

Et la haine continue

Un peu plus sérieux que le précédent post, voici une pétition signée par plusieurs intellectuels destinée à attirer l'attention du monde sur "la liquidation de la nation palestinienne". Elle est signée notamment de Noam Chomsky mais aussi John Berger, Harold Pinter, José Saramago, Eduardo Galeano, Arundhati Roy, Naomi Klein, Howard Zinn, Tariq Ali, Charles Glass, W.J.T. Mitchell, Richard Falk et Gore Vidal. Je connais et apprécie le travail de la plupart, en particulier John Berger, mais déplore les termes de leur appel qui, une fois de plus, entend stigmatiser l'existence même d'Israël. Pour certains, les termes ne sont pas importants ; pour moi au contraire, leur emploi est primordial. Je souligne en gras les expressions qui posent problème :

Aujourd’hui, l’outrage succède à l’outrage : des missiles improvisés se croisent avec d’autres missiles, de haute technologie ceux-là. Ces dernières atteignent généralement leurs cibles là où se trouvent les masses pauvres et déshéritées, qui en sont toujours à attendre ce qu’on appelait dans le temps la Justice. Les deux types de missiles déchiquètent horriblement les corps - qui, hormis les commandants sur le terrain, pourrait l’oublier un seul instant ?
Chacune des provocations ou des contre-provocations sont contestées ou revendiquées. Mais les débats qui s’ensuivent, les accusations ou bien les serments, tout cela ne fait que distraire l’attention du monde d’une pratique militaire, économique et géographique au long cours, dont le but politique n’est rien de moins que la liquidation de la nation palestinienne.
Il faut dire cela à haute voix, car cette pratique, a demi avouée et bien souvent cachée, avance à grands pas en ce moment. Selon nous, il est impératif de la qualifier, sans relâche, telle qu’elle est, et de nous y opposer.

Selon ce collectif donc, on retombe dans la vieille litanie : Israël n'a en face de lui que des amateurs, de pauvres hères armés de "missiles improvisés". On oublie que la technologie du Hezbollah, souvent chinoise ou iranienne, fait mouche sur Haïfa et pourrait même, selon Nasrallah, toucher Tel Aviv. Rien d'improvisé là-dedans, puisque la précision du vecteur reste une des variables les plus complexes à maîtriser dans l'artillerie. Les conseillers militaires iraniens veillent à l'armement du Hezbollah, et ils sont aguerris par une longue guerre avec l'Irak.

De plus, les missiles israéliens ne touchent que "masses pauvres et déshéritées". On peut donc en conclure que les missiles du Hezbollah ne touchent que des riches. Faut-il en conclure que les juifs sont tous riches selon la vieille sagesse populaire ?

Enfin, ce qui pose problème est cette utilisation perpétuelle du vocabulaire rattaché à la Shoah avec cette "liquidation de la nation palestinienne", que l'on entend également à propos du Liban. Les auteurs ne parlent pas directement de génocide, ils évoquent la nation palestinienne effectivement bien mal en point. Mais on peut penser que la corruption du système Arafat et l'arrivée de terroristes au gouvernement y est également pour beaucoup, sans nier une responsabilité israélienne.

Ce texte, bien que clairement romantique, me pose problème. Il a le mérite de rappeler que les Palestiniens souffrent aussi du conflit, et qu'on les met de côté alors que leur calvaire dure depuis des décennies. Mais en stigmatisant une fois de plus Israël, il contribue à légitimer la légende du "malheur arabe", comme si on évoquait un jardin d'Eden avant qu'Israël ne croque la pomme. Venant de Chomsky, parfaitement ignorant du Moyen-Orient (souvenez-vous qu'il est allé saluer le Hezbollah lors de sa visite à Beyrouth, dont il a avoué tout ignorer, carence qu'il se proposait de combler en discutant avec les chauffeurs de taxi [tout est authentique]), je ne suis pas étonné. Des autres, je suis un peu déçu. Le Monde nous sert "La guerre vue d'Israël", par Bernard-Henri Lévy, qui comme Alain Finkielkraut ou Luc Ferry, ne possède pas une crédibilité d'observateur géopolitique, mais ces trois-là sont omniprésents dans les médias. J'aimerais entendre Michel Onfray, Philippe Val (excellente chronique dans Charlie Hebdo cette semaine ! Deux de suite, cet homme me plaît) et surtout Pascal Brückner. Ou Pierre Desproges.

Et tout ce que j'entends, c'est l'appel de (Péri) Cochin.

En voilà un bon jeu de mots...

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