22 octobre 2007

Elle est bien bonne

Le reportage de France 2 sur l'esclavage chez les Libanais a déclenché maintes réactions dans le monde virtuel dont certaines inquiétantes. Il semble qu'on puisse parler du Liban quand on est un non-Libanais, mais seulement pour en dire du bien. Si c'est pour critiquer de façon négative ou parler d'un fait gênant, on se fait abreuver d'injures par cette même partie de la population qui a intérêt à ce que rien ne change. En ouvrant ce blog sur le Liban, je comptais parler d'aspects plus méconnus d'un petit pays qui ne fait la une des journaux que lorsqu'il est en guerre. Etant resté des années au Liban, je me suis vite rendu compte que si la situation est ce qu'elle est, c'est parce qu'une majorité de Libanais, ou suffisamment, tiennent à ce qu'elle ne change pas. On peut accuser Israël ou la Syrie tant qu'on veut, les habitants de ce pays sont avant tout responsables de ce que s'y passe. Mais la thèse de la victimisation, du "malheur arabe" trouve des émules partout. C'est tellement facile de se plaindre. Je suis resté grâce à ceux, nombreux, qui ne se plaignent pas mais travaillent à changer le pays. Je pars à cause de ceux, hélas plus nombreux, qui se plaignent et tendent la sébille en se désolant de leur situation, et en exploitant ceux qui sont encore moins bien lotis.

Les réactions sur le reportage de Dominique Torrès ont parfois révélé la façon dont certains Libanais perçoivent le reste du monde à commencer par la France. Je passe sur les réactions du genre "mais nous on traite bien notre esclave, elle a le droit d'avoir un lit", c'est plutôt les attaques ad hominem contre la France qui montre que l'ancien colon est couvert d'éloges quand il donne du fric à son ex-protectorat, mais qu'il ne s'avise pas de se mêler d'affaires internes ! Un Libanais a le droit de s'exprimer sur la France ; si on rétorque qu'il n'y connait rien, on se fait traiter de raciste. Mais un Français ne pourra jamais comprendre le Liban, trop complexe pour son petit cerveau d'occidental. Au hasard des blogs, j'ai pu recueillir ce genre de réflexions, aussi éloquentes que "les Français essaient de transposer leur conception des droits de l'homme chez nous, mais ce n'est pas pareil", comme si les droits de l'homme n'étaient justement pas universels.

Ce reportage a énervé ? Tant mieux ! Je suis fier de constater que les comments chez moi ont au contraire approuvé sinon la manière, en tout cas la forme de la démarche de Dominique Torrès. Il est vrai qu'elle n'a pas fait un travail de journaliste, mais cela fait des années qu'elle travaille la question de l'esclavage, et elle a dû voir des choses atroces qui lui font perdre sa diplomatie et son objectivité. Tant mieux encore une fois ! Elle n'a énervé que ceux qui ont quelque chose à se reprocher ! Justifier l'esclavage en arguant qu'il y a des pays où c'est pire, c'est justement poser le principal problème du Liban qui se compare toujours avec ses voisins arabes, et qui s'en trouve fort dispos. Personne d'intelligent n'a pensé que tous les Libanais sont des esclavagistes en voyant ce reportage. Mais les spectateurs francophones auront remarqué que les réactions libanaises sont dans une grande majorité des invectives fielleuses qui montre à quel point Torrès a touché juste. Reste maintenant à parler de tous les Libanais qui n'ont pas de bonnes, n'en veulent pas et se désolent du comportement de leurs compatriotes. Ils sont légion, et on aimerait bien les entendre, et pas seulement sur les bonnes.

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