04 septembre 2007

Iceland WIL

Il pleut. Et en Islande, quand il pleut, il pleut vraiment, pas une de ces petites pluies fines qu'on rencontre à Paris. L'Islande est placée sous la tutelle de Thor, et même si les Islandais semblent l'avoir oublié, lui préférant le dieu vengeur du Moyen-Orient, lui n'a pas oublié. "Forgé par le feu, taillé par la glace". Jolie description d'une île qui m'aura fait revenir à un état de Nature et m'aura fait oublier quelques temps le reste du monde pour mieux résister aux intempéries. Première précaution : acheter un vêtement local, 66°North, fabriqué selon les normes des habits pour pêcheurs. Sans ce coupe-vent étanche, je pense que je serais resté dans ma chambre d'hôtel de Selfoss plutôt que partir à la rencontre de l'île de glace. Un passage me semblait obligé, Thorsmörk, qu'il faut mériter avant de pouvoir contempler la vallée encadrée de glaciers et de forêts. En hiver, l'accès est impossible devant la taille des rivières qui barrent le chemin. Là aussi, à bord de notre camion Mercedes customisé pour l'exploration islandaise, nous avons dû franchir nombre de petits cours d'eau et de routes caillouteuses avant d'arriver dans la vallée sacrée. J'avoue que j'ai encore mal au cul d'avoir tellement brinqueballé sur mon siège, et je comprends maintenant l'expression "sauter au plafond". Il faut se concentrer sur quelque chose ; je n'ai rien de mieux que d'écouter en boucle "Cities in Dust" de Siouxise and the Banshees. Et j'ai serré les dents. Et les fesses. Enfin, parvenu au pied des montagnes, j'ai pris mon courage à deux mains, et forcé mes kilos en trop pour gravir les chemins qui menaient dans la forêt de Thor. Une merveille, parfois perturbée par de fugaces apparitions de trolls qui eux ne viennent pas sévir dans les blogs.

L'Islande est un peu le Liban de la Scandinavie : pas d'armée, un tout petit pays qui n'aime pas qu'on le lui rappelle, des 4x4 fumants partout, une architecture pour qui l'esthétique passe clairment en dernier (des toits en tôle partout... mais ça s'améliore), une influence américaine trop visible, et une nourriture... qui plaît aux amateurs. La comparaison s'arrête là. Reykjavik n'a pas le charme de Beyrouth, ou son cosmopolitisme. La ville ne présente que peu d'intérêt, et on la parcourt rapidement en se rappelant que jusque dans les années 70, l'Islande était considéré comme en voie de développement, contrairement à ses consoeurs scandinaves. Aujourd'hui les grues s'agitent partout et contribuent à étaler la richesse islandaise que le Big Mac Index qualifie de pays le plus cher du monde. Certainement pas un pays à vivre, mais certainement une destination à éprouver. Et la valeur travail n'est pas un mot. Chacun s'active quel que soit son âge et les jeunes filles travaillent à pousser des caddies dans les supermarchés, ce qui serait impossible dans ces pays où on aurait honte de faire un "travail d'arabe".

Il paraît que pour comprendre les Islandais, il faut faire comme les Islandais, en particulier aller à la piscine en plein air. Je m'y suis donc risqué deux fois avec beaucoup de plaisir, la deuxième fois en empruntant le bus qui mène au Blue Lagoon. Sans doute l'attraction touristique de base en Islande, l'endroit permet de se peler quand il pleut et que la température est à 0°, pour plonger se réchauffer dans une eau à 32°, se couvrir le visage de boue silicatée, et suer dans un bain de vapeur à 45°. C'est plus que surprenant, mais c'est une merveilleuse sensation. En tout cas, pendant une heure. Plus de temps, et la joie enfantine de se trouver entre deux eaux, de batifoler dans une eau laiteuse et de s'émerveiller de la vapeur qui se forme à la surface de l'eau en raison des différences de température, tout cela s'estompe devant la vision préoccupante de la peau qui se ramollit comme quand on était petits et qu'on prenait des bains trop longs. Il faut donc repartir et longer les paysages rocailleux pour rentrer sur Reykjavik, sans pourtant se réchauffer à la perspective d'un bon repas, et sans se bercer de l'illusion qu'on pourra oublier un temps le vent, la pluie et le froid qui s'immiscent tout de même dans la chambre d'hôtel.

Je suis parti de nouveau pour un autre pays. Je posterai des photos dès que je peux et j'essaierai de rassembler mes sensations de cette île surhumaine. J'ai cherché partout des traces des dieux morts, étonné de voir un pays qui a si longtemps entretenu le culte des Ases aller si loin dans la christianisation qu'ils en ont même rebaptiser les jours de la semaine : le jour de Thor (Thursday, Donnerstag, Jeudi) ne signifie plus rien en islandais. Pays luthérien, l'Islande entretient un rapport ambigu avec son passé, fier de ses sagas mais érigeant de colossales cathédrales à un dieu qui n'a rien à voir avec le Nord. Où est passé Asgard ? Je compte persévérer dans ma quête lors d'un prochain voyage chez les scandinaves. En attendant, l'Islande va me manquer.

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