17 avril 2004

Fantasme américain

Prenons la fin de l'éditorial d'aujourd'hui signé par Issa Goraieb dans L'Orient-le Jour et consacré au soutien de George W. Bush, président des Etats-Unis à Ariel Sharon pour son plan de séparation israélo-palestinien :

Devant un monde qu’effraient chaque jour un peu plus l’unilatéralisme américain et le démantèlement de toutes les dispositions régissant les relations internationales, le chef de la Maison-Blanche ne décline rien d’autre finalement que la loi de la jungle, celle du plus fort. Que la patine du temps confère légitimité à la plus scandaleuse des injustices, telle la colonisation d’une Cisjordanie dont il ne resterait plus que quelques éparses réserves de Peaux-Rouges locaux, quoi de plus naturel pour ce président qui a promu « homme de paix » le symbole le plus odieux de l’arrogance, de la cupidité et de la brutalité israéliennes ? C’est qu’à côté de ses lectures bigotes qui lui ont inspiré un destin quasi messianique, l’homme doit adorer les westerns racontant la saga de ces colons vaillamment partis à la conquête de l’Ouest, qu’il regarde les week-ends de ranch dans son Texas natal.

Naguère chapardé, comme de juste, aux Mexicains
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J'ai rajouté le gras sur les déclarations qui m'intéressent. Passons assez vite sur les insultes aux Israéliens, arrogants, cupides et brutaux, même le regretté De Gaulle a pu sortir des clichés antisémites assez semblables, peut-être même est-ce un hommage de Goraieb. Ce qui me paraît intéressant, c'est l'image du Texan inculte qui aime les westerns. Il est vrai que la famille de Bush, bien qu'originaire du Connecticut, a fait fortune au Texas. Elle n'en reste pas moins une famille de la Nouvelle-Angleterre, ce qui peut être un inconvénient en période électorale. George Bush père a tout fait pour se décoller cette image patricienne et se faire accepter comme un rugueux Texan ; pour son fils, ce fut moins difficile car il a effectivement passé un grosse partie de son temps dans l'Etat à l'étoile solitaire. Mais ce mythe du cow-boy est une image. Elle lui permet de jouer sur l'idée qu'il est un p'tit gars de chez nous, quelqu'un qui ne serait pas issu d'une grosse fortune familiale et elle se destine au public américain qui est le seul à voter.

Goraieb prend ce cliché au premier degré, parce qu'il illustre son fantasme d'une Amérique qu'il ne connaît visiblement qu'à travers les films hollywoodiens. Les analyses politiques sont fréquentes qui se basent sur le soutien du plus faible au plus fort, sans prendre en compte la justesse du combat. Et l'histoire est souvent revisitée : alors qu'elle est était autrefois l'histoire des vainqueurs, elle est modifiée pour adopter une attitude post-marxiste qui tend à attribuer la justesse de la cause aux perdants de façon automatique. Dans ce cas, les Mexicains qui ont perdu le Texas contre les Américains qui l'ont "chapardé", terme de voleur de poules. On disait autrefois Vae Victis, malheur aux vaincus. Que les latinistes m'aident et me donnent la formule qui signifie maintenant "malheur aux vainqueurs", car ils seront houspillés par Issa Goraieb.

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