24 juin 2004

Appel d'air
Un lecteur me demande ce que je pense du Manifeste de Beyrouth qui aurait fait grand bruit dans les journaux. Première constatation, je ne l'avais pas remarqué. Je me rends donc sur les quelques sites qui proposent cet appel et essaie de le lire attentivement. Deuxième constatation, je comprens pourquoi ce manifeste n'avait pas attiré mon attention. De belles paroles solennelles comme celles-là, on en entend tous les jours et au bout d'un moment on devient assez blasé, comme tous les Libanais. D'abord le style est mauvais, mais on peut passer dessus, il s'agit d'une traduction de l'arabe. Ensuite le contenu est digne d'un discours de Miss Monde, c'est-à-dire, on est contre la guerre, le racisme c'est pas bien, il faut s'aimer, ouais tu vois, c'est tellement mieux, imagine un monde où on serait tous frères. J'ai l'air de me moquer, ce qui est vrai, mais c'est pour dire qu'il n'y aucune proposition concrète dans cette liste de bons sentiments. Je reprends quelques phrases : "Nous prenons position contre toutes les stratégies d'affrontement, aussi bien celles fondées sur des croyances culturelles ou des idéologies nationalistes que celles basées sur des projets d'hégémonie.". Cela impliquerait une totale remise en question du Liban, voeu pieux donc impossible.

Nous voulons parvenir avec les Syriens à un compromis historique pour mettre fin, une fois pour toutes, à tous les conflits, à toutes les querelles et à tous les malentendus qui continuent d'empoisonner nos relations depuis plus d'un demi-siècle !

Nous voulons vivre en paix avec eux dans le respect de la souveraineté et de l'indépendance de chacun de nos deux pays !

Nous voulons dire à nos frères palestiniens que nous avons définitivement tourné la page de la guerre dont nous avons tous été victimes.


Comme vous pouvez le constater vous-mêmes, tout cela est bel et bon, mais on peut se demander qui les auteurs de ce manifeste représentent, car des Libanais qui haïssent les Syriens et qui n'ont pas pardonné aux Palestiniens, on en dénombre quand même une quantité importante voire majoritaire. Le représentant de ce texte n'est autre que Samir Frangié, porte-parole du groupe de Kornet Chehwane, un rassemblement politique hétéroclite d'opposition dont j'avais déjà parlé ici. Kornet Chehwane, c'est la politique à la Iznogoud, être calife à la place du calife, donc critiquer tout ce que fait le gouvernement mais n'avoir aucune proposition de rechange, à part dire que tout serait mieux si on était au pouvoir, et une fois au pouvoir, faire la même chose. Frangié et les "coauteurs" de ce texte ne prennent donc aucun risque, puisque le manifeste de Beyrouth apparaît comme un appel à la paix plein d'humanité et de mains tendues. Je trouve personnellement, en connaissant un peu les hommes politiques du cru, que c'est de la manipulation à l'attention de l'International, qui peut-être se dira qu'il s'agit là d'hommes de bonne volonté. Du concret, messieurs les beaux parleurs, du concret, d'autant qu'une grève générale se dessine pour la fin du mois pour protester contre la vie chère, et qu'on peut parier qu'il y aura des morts de nouveau, hélas, dans un pays où le salaire mensuel moyen équivaut à la note de frais de déjeuner d'un lobbyiste ou d'un consultant chez KPMG.

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