Et ça continue
Les blogs libanais commencent à refléter la propagande qui sévit des deux côtés de la frontière. Même si au départ, la plupart des Libanais ont accusé le Hezbollah d'être à l'origine du conflit, beaucoup doutent maintenant et se retournent contre Israël. Comment leur en vouloir ? Impossible de garder la tête froide dans ces circonstances. Beyrouth reste le royaume de la rumeur, et on parle maintenant d'armes prohibées utilisées par Israël. Bientôt, on parlera de viols en série commis par l'armée, puis de charniers et enfin de camps de concentration. Déjà, quelques paroles ou dessins franchement antisémites commencent à éclore ça et là sur les blogs. Les bons vieux réflexes ressurgissent. Les vieux démons aussi : non au Hezbollah, non à Israël, non à la Syrie, non aux Etats-Unis. D'accord, très bien. Mais oui à qui ?
De leur côté, les Israéliens se font un devoir d'intervenir sur chaque post de chaque blog. Un semblant de dialogue s'installe, mais toujors les mêmes arguments. Non, il n'était pas facile pour les Libanais de se débarrasser du Hezbollah. Et oui, les fermes de Chebaa ne sont pas libanaises, mais elles ne sont pas israéliennes non plus. Il serait peut-être temps pour chacun de penser au-delà de la rhétorique de guerre, parce que nos dirigeants de tous bords éprouvent de la difficulté à le faire. Je continue à tirer mon chapeau à Siniora, le premier ministre libanais, qui poursuit la seule voie possible pour son pays : la diplomatie.
Le Hezbollah demeure étonnament calme, quand on connaît la capacité de gesticulations de son leader. Allons-nous vers une situation à l'irakienne, quand le ministre de l'information promettait la mort à chaque Américain avec en plus tortures et expédition en enfer ? Nasrallah tempête et menace Israël, mais finalement on voit assez peu son potentiel militaire. Tant mieux. On peut encore éviter la guerre, même si elle est déjà bien engagée.
Curieusement, on a assez peu parlé du cargo égyptien qui a été coulé par le Hezbollah, on a préféré se concentrer sur le navire de guerre israélien. Petit à petit, on comprend mieux les bombardements. Voilà une phrase atroce à écrire, mais je me demandais pourquoi Israël s'en prenait aux ports de Jounieh ou de Tripoli. Maintenant, c'est plus clair : pour aveugler les radars côtiers. Cela n'excuse pas les bombardements, mais ça permet de comprendre. Vous trouvez ça cynique ? Moi, ça m'aide à tenir le choc, d'essayer de comprendre.
Quand Israël pilonnait Gaza, il y a seulement quelques jours, personne n'a réagi au Liban. Maintenant, tout le monde critique la barbarie d'Israël. Foutue race humaine. On est obligés de vivre le malheur pour l'éprouver, incapables de comprendre l'empathie. Et en France ? Le Liban apparaît dans tous les journaux, mais comme l'Irak, si le conflit venait à s'enliser, on le mentionnerait entre le foot et la météo. Ou le drame de Z i d a n e, qui montre que la violence peut être parfaitement acceptée par l'opinion publique quand elle provient d'un millionnaire.
L'Orient Le Jour a fait voter ses lecteurs sur son site en ligne sur la question "La guerre menée par Israël contre le Liban fera-t-elle plier le Hezbollah ?" 1700 personnes ont voté à l'heure où j'écris. Le résultat : Oui à 49%, non à 50%. Où est passé le 1% décisif ?
Dernière minute : Dominique de Villepin doit se rendre à Beyrouth dans la journée. On est sauvés ! Il va te me le faire un discours en alexandrins qui va mettre tout le monde d'accord. Villepin à Beyrouth... Sortir du VIIIe arrondissement constitue déjà un exploit pour lui, j'espère juste qu'il ne va pas insulter les Américains comme à son habitude, ou créer des émeutes dans les banlieues, sa spécialité. A moins qu'il ne suggère à Siniora de dissoudre l'Assemblée nationale. Avec Domi, tout est possible ! Libanais, tenez bon, on vous envoie OSS 117 !