War in Lebanon for Dummies (mais en français)
Tout serait parti d'une opération du Hezbollah, "promesse tenue", que le mouvement terroriste chiite libanais soutenu par l'Iran et la Syrie signe maintenant comme ses ennemis jurés. En kidnappant deux soldats israéliens, le parti de Dieu avait certainement l'intention de braver une fois de plus Israël, mais ne s'attendait pas à une réplique d'aussi grande envergure de la part de l'Etat hébreu. Israël possède un objectif dans la région : sécuriser ses frontières avec des voisins qui aspirent au contraire à sa destruction. Luttant en permanence pour sa survie, Israël a oublié depuis longtemps la mesure en ce qui concerne ses opérations militaires, et peut se vanter de posséder les forces militaires et de renseignement les plus puissantes de la région, les seules ayant progressé depuis la fin de la guerre froide, au contraire de la Syrie notamment dont l'armée s'écroule depuis la fin des financements massifs de l'URSS.
Pour Israël, il s'agit donc d'une opération de police : en finir avec le Hezbollah, dont les provocations depuis 2000 sur ses capacités de mettre à bas l'Etat israélien commencent à devenir réalité avec l'importation d'armements et de cadres militaires iraniens, transitant par la Syrie, seul pays allié à l'Iran dans la région. Même si le triangle Syrie-Iran-Hezbollah est isolé des autres pays dans les Territoires palestiniens qui demande l'attention de l'armée israélienne, et surtout ce nouvel axe peut compter sur le conflit sur le nucléaire qui oppose le régime iranien et les grandes puissances occidentales, celles-ci tergiversant sans fin sur la réponse appropriée à donner à un pays qui produit du pétrole en quantité mais prétend avoir tout de même besoin du nucléaire pour tirer son énergie.
Ajoutons à cela un Liban divisé depuis quasiment sa création. L'armée libanaise n'a aucune influence sur le sud du pays, contrôlé par le Hezbollah qui a fait quelques concessions à son frère ennemi Amal. Même si elle en aurait largement les capacités, l'armée ne peut s'opposer au Hezbollah sans reproduire le même schéma que durant la guerre de 1975-1990 : un affrontement entre communautés dont les Libanais ne veulent pas. Le statu-quo sur le rôle du Hezbollah est donc maintenu, devant la fièvre de ses militants à qui Nasrallah, chef religieux et leader politique, offre ce qui manque le plus dans les pays arabes : la fierté, mais aussi un soutien financier versé généreusement par l'Iran. Pouvant se targuer donc d'un soutien populaire, le Hezbollah possède aussi des députés et des ministres, ce qui ancre sa légitimité, bien qu'il soit considéré comme terroriste par les Etats-Unis, Israël et la Grande-Bretagne.
Le problème de ce conflit est donc le suivant : un Etat qui agresse militairement un autre Etat en prétendant vouloir détruire un groupe sous-national qui prétend représenter le pays plus que ses instances dirigeantes officielles. Un peu comme si les Italiens bombardaient Nice pour empêcher les bandits corses de s'échapper. Dans le même temps, le Hezbollah représente une réelle menace pour Israël, l'objectif de ce parti politico-religieux étant la destruction de l'Etat israélien, et l'islamisation du Liban (je n'invente rien, ce n'est pas un fantasme, il existe nombre d'interviews de chefs du Hezb déclarant qu'il verrait d'un bon oeil que le Liban se conforme à la Chariah). Les Libanais sont donc tiraillés entre leur haine du Hezbollah pour une grand majorité d'entre eux et une haine pour les bombardements israéliens qui se font sans discrimination, le Hezb dissimulant ses hommes et son équipement militaire parmi les civils.
Plusieurs scénarios se présentent aujourd'hui :
- Scénario 1 : L'opération se prolonge et le gouvernement libanais ordonne à l'armée de faire face à Israël. Probabilité : 2%
- Scénario 2 : L'opération se prolonge et le gouvernement libanais ordonne à l'armée de neutraliser le Hezbollah avec l'assentiment de la population. Probabilité : 5%
- Scénario 3 : L'opération se prolonge et la population libanaise excédée se rebelle contre l'envahisseur israélien. Probabilité : 10%
- Scénario 4 : L'opération se prolonge et la population libanaise excédée se rebelle contre le Hezbollah. Probabilité : 15%
- Scénario 5 : L'opération se prolonge et le conflit s'étend à la Syrie. Israël fait face à plusieurs fronts, mais peut ainsi régler en même temps des problèmes liés entre eux. Probabilité : 20%
- Scénario 6 : L'opération s'arrête au bout de quelques jours : le Liban et Israël parviennent à un accord incluant la démilitarisation du Hezbollah, le déploiement de l'armée su Sud et le retour des deux soldats israéliens. Probabilité : 25%
- Scénario 7 : L'opération s'arrête au bout de quelques jours : l'ONU envoie des forces d'interposition qui se font tirer dessus des deux côtés, mais qui évite une escalade du conflit. Probabilité : 30% (c'est ma préférée, donc je gonfle la probabilité)
- Scénario 8 : Le Hezbollah conquiert Israël et massacre tous ses habitants. Probabilité : 0%
- Scénario 9 : Embrasement général avec l'Iran qui teste ses nouveaux missiles sur Tel Aviv et les Américains qui entre dans Téhéran. Probabilité : Je ne veux même pas y penser %
- Scénario 10 : James Bond révèle qu'en fait, c'était le SPECTRE qui avait provoqué la guerre, notamment en lançant de missiles sur Haïfa. 007 nous fait bien rire en commentant en écossais : "Pensez-vous réellement que le Hezbollah saurait utiliser des drones ou des missiles ?". Probabilité : 15%
Voilà. C'est ce que je pense être une vision honnête de la situation qui ne manquera pas de provoquer des réactions qui me diront que je n'ai rien compris. Ce qui marche bien en ce moment, ce sont les échanges sur les blogs entre Israéliens effrayés et Libanais terrorisés, avec quelques Occidentaux qui ont du mal à comprendre la situation. C'est pour eux que j'ai essayé de résumer la situation, de façon légère bien sûr, mais qu'est-ce que vous voulez faire d'autre quand vous avez votre famille au Liban, et que vous pensez à vos neveux et nièces qui n'ont même pas dix ans pour la plupart.