27 mars 2009

J'aurais préféré Cape Town


Je comptais écrire un post sur le pape, notamment sur son autisme vis-à-vis du monde qui cache un racisme dont il semble peu se cacher en réhabilitant la fine fleur des intégristes/négationnistes. Mais il paraît que taper sur le pape, c'est facile et ses soutiens restent bien ancrés dans la société, notamment Marine Le Pen qui a volé au secours de l'évêque de Rome. Remarquez, avec des amis comme ça, on comprend mieux pourquoi la catholicisme a un glorieux passé de victoires militaires mais un avenir assez morne. Qui lèverait encore des légions pour le Vatican ? Richard Millet, qui s'est battu aux côtés des phalangistes pendant la guerre du Liban, le déplore et ne manque pas de cracher comme d'habitude sur l'occident décadent dans Le Point :

Comment peut-on être un chrétien d'Orient ! se dit l'Occidental déchristianisé, assis sur sa Sécurité sociale et persuadé que le monde se limite à la béatitude démocratique. (...)
En vain attend-on l'indignation des pleureuses d'Europe ou des Etats-Unis.Toute paix, même la pseudo-paix des braves, suppose un vaincu, lequel ne saurait être les juifs, ni les musulmans, ni même les Kurdes, qui ont retrouvé leur territoire. Est-il illégitime de penser, hors toute théorie du complot mais selon le mécanisme de la victime émissaire cher à René Girard, que ce seront les chrétiens, dans leur ensemble, qui seront sacrifiés sur l'autel de la paix au Proche-Orient ? (...)
En vérité, nous creusons notre propre tombe : le sort des chrétiens d'Orient est exemplaire de ce qui se passe quand on nie la dimension spirituelle du monde. L'invisible n'est pas uniquement une affaire de fantômes ni l'origine réductible à la seule génétique. Entrez dans une église d'Orient ; vous y entendrez ce que le silence des églises d'Occident vous cache : le bruissement des anges. C'est nous autres, Européens, qui, en ayant refusé d'inscrire dans la Constitution de l'Union le caractère chrétien de nos racines, rendons possible une éradication programmée, et déjà effective : vidée de ses chrétiens, soit de ses éléments souvent les plus instruits, les plus ouverts, les plus modernes, cette région du monde sera musulmane, à l'exception d'Israël.

Il faut donc voler au secours des Chrétiens d'Orient, sinon la région sera musulmane, donc peuplé des éléments les moins instruits, les moins ouverts, les moins modernes. Les juifs ? On laisse faire, ils sont des victimes permanentes. L'Europe ? Rechristianisez moi ça à coups de sabre et de goupillon ! Précisons que Richard Millet a contribué à éditer le coup littéraire Les bienveillantes consacré au nazisme. On imagine sans peine le frémissement de plaisir qu'a dû ressentir Millet en humant le parfum d'extrême-droite qui émanait du livre de Littell. 

Ce texte d'un "intellectuel" m'inquiète au plus haut point à quelques jours de la conférence de Durban II. Que Millet reprenne les vieilles thèses de l'extrême-droite française, contre l'occident décadent, pour les hostilités contre les musulmans et les juifs et pour une culture d'élite (voir le petit coup de patte à la Sécurité sociale) dans un journal comme Le Point en dit long sur le climat de haine dans lequel nous baignons. L'époque s'y prête, les temps sont "incertains" comme disent les journalistes et la "Crise" nous enfonce chaque jour de plus en plus dans le sentiment qu'il faut bien trouver des coupables. Pour DSK, qui dirige le très gauchiste FMI, c'est l'avidité qui est responsable de la crise, ce qui est amusant quand on pense que cet homme veut toutes les femmes pour lui et ne se contente pas de celle qui pourtant servait très bien la soupe aux politiques il y a quelques temps. Pour d'autres, c'est la faute aux traders, qui ont néanmoins reçu leur argent de petits boursicoteurs trop heureux de faire la culbute sur des OPCVM. Mais en lisant Millet, entre autres petits prophètes, on se rend compte que Durban II à Genève arrivera à la même conclusion que Durban I en septembre 2001, juste avant l'attentat du World Trade Center : la faute aux juifs.

Alors faut-il aller à Durban II en avril ? Israël boycotte évidemment, ainsi que les Etats-Unis, le Canada et l'Italie. Rama Yade pense qu'il faut y aller pour se battre, et la ministre me semble avoir raison : les Nations unies restent une merveilleuse idée, mais qu'il faut défendre de l'intérieur. Les petits dictateurs ont appris à se servir de l'ONU comme d'une tribune et à jouer sur la sémantique pour éviter qu'on ne s'intéresse trop à leurs fiefs. Omar el Bachir parle de complot sioniste concernant son inculpation, et il est bien sûr rejoint dans cette théorie par ses amis progressistes comme l'Egypte. Pas sûr que des chrétiens auraient fait mieux, Monsieur Millet. L'antisémitisme n'a pas été inventé par des musulmans, ni d'ailleurs par des chrétiens, mais il reste le dernier refuge des imbéciles qui cherchent partout des coupables à leur malheur, en évitant soigneusement de se poser des questions sur eux-mêmes. 

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16 mars 2009

La Gazette de Suzette

Syrian Foreign Minister Walid al-Muallem said Monday a conflict in schedule was behind the notable absence of an official delegation at the inauguration of the first Lebanese embassy in Damascus.
"It was not intentional," Muallem told a joint news conference with visiting Arab League secretary general Amr Moussa.

He said he was under the impression that the "inauguration was taking place on Sunday" instead of Monday.

Earlier Monday, charge d'affaires Rami Murtada raised the Lebanese flag over the building located in the Damascus residential neighborhood of Abu Rummaneh, which is also home to the U.S. Embassy. (Naharnet)

Si vous pensez que c'est du foutage de gueule, je vous invite à contempler les quelques 60 ans d'Histoire entre le Liban et la Syrie et vous vous rendrez compte qu'il s'agit d'une erreur que n'importe qui aurait pu commettre. Pensez donc, l'ouverture de l'ambassade du Liban à Damas, on griffonne ça sur un post-it au ministère des affaires étrangères, et on s'en préoccupe comme d'un cocktail à l'ambassade des Fidji. Non, y voir de la mauvaise volonté des Syriens, une ènième rebuffade à l'égard de son ancienne colonie, c'est ne pas comprendre qu'un ministre syrien a des trucs autrement plus importants à faire après tout. Comme quoi ? Hé bien, il vous enverra le nombre de post-its qu'il a à régler d'ici la fin de la décennie, c'est effrayant : entre la paix avec Israël et les cocktails à l'ambassade des Fidji, on comprend qu'il ait confondu les jours d'inauguration de l'ambassade du Liban.

De toute façon, le Liban a d'autres chats à fouetter et commence à sentir la crise : il y a moins de milliardaires en 2009 qu'en 2008 comme le montre le tableau suivant, extrait de L'Orient-le Jour, un excellent quotidien qui sait rester impartial année après année et ne saurait prendre parti pour qui que ce soit et surtout pas pour le 14 mars :

Comme vous pouvez le constater, deux noms reviennent à intervalles réguliers dans ce classement : Hariri et Mikati. Après une brève recherche dans les archives du ministère des affaires étrangères syrien, j'ai retrouvé un post-it établissant clairement que chaque famille a fourni un premier ministre à la nation. Une fois de plus, y voir un lien de cause à effet me semble inapproprié. Le Liban n'est pas clanique : il se trouve juste que souvent, dans une famille, on trouve plusieurs membres dévorés par le besoin de servir le pays alors que dans d'autres, pas du tout. Il me semble de bon ton de plaindre Bahaa Hariri qui a perdu 300 millions de dollars entre 2008 et 2009. Gageons que cette perte provient de son légendaire bon coeur, et n'oublions pas que sans la famille Hariri, d'anciens présidents de la République française seraient mal logés.

Notre glorieux président Sarkozy ne manquera donc pas de féliciter le président libanais en visite en France pour la bonne tenue de son pays qui n'écarte pas l'idée d'attirer près de 2 millions de visiteurs cette année. Qu'importe les élections de juin, le quai d'Orsay a affirmé haut et fort, comme à son habitude, qu'il ne redoutait point une victoire du hezbollah. L'Orient-le jour, quotidien francophone de qualité, insensible aux quolibets qui voudraient le classer dans un camp ou un autre, dresse un portrait raffiné de l'atmosphère qui règne à Paris durant la visite du président le plus attendu au monde après celui des Fidji (car on sait régaler chez les Fidjiens) et ce coquin d'Obama :

Les Libanais de Paris arpentaient fièrement hier sous un soleil déjà printanier la plus belle avenue du monde et commentaient en famille ou en petits groupes, réunis aux terrasses des cafés, cette première visite d'État d'un président arabe sous l'ère Sarkozy.

(...) Côté politique, malgré le congé dominical, des responsables français joints par des médias libanais ont réaffirmé l'importance du geste du président Sarkozy qui a voulu montrer à quel point la France et le peuple français tiennent au Liban et entendent soutenir son indépendance, sa souveraineté et son intégrité territoriale. Le président Sleiman aura des entretiens avec le chef de l'État français, le Premier ministre, les présidents du Sénat et de l'Assemblée nationale, ainsi qu'avec le ministre français des AE.

Car oui monsieur, en France, "malgré le congé dominical", on s'active pour que les Libanais de Paris puissent arpenter fièrement la plus belle avenue du monde. Et l'on oublie ce malheureux incident de Damas : la France est la mère du Liban. Tant qu'elle restera à ses côtés, tout ira bien. Et maintenant, dormez, je le veux.

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09 mars 2009

hezbollah véritable ou historique ?

Comme on pouvait s'y attendre, le conflit se rallume en Irlande du Nord. En privilégiant certains interlocuteurs, le gouvernement britannique n'a pas résolu un conflit multi-centenaire et refuse de trancher : l'Irlande du Nord est-elle britannique ou irlandaise ? Cette colonisation est tellement ancrée qu'elle est devenue une tragédie, en ce que définir le statut des six comtés de l'Ulster amènera à un transfert de population au moins, à un renouveau de la guerre civile au pire. La France, devant les conflits sociaux en Martinique et Guadeloupe pour ne citer que les plus récents, n'a guère de conseils à offrir, mais il faut reconnaître à la Grande-Bretagne une formidable capacité à appliquer la devise "diviser pour régner". A preuve, sa dernière idée consistant à s'adresser directement au hezbollah. Quand on connaît l'aide historique qu'ont amené les mouvements républicains terroristes nord-irlandais à leurs homologues moyen-orientaux, notamment le hezbollah dans la plaine de la Bekaa, on peine à trouver une logique dans la diplomatie britannique. Londres n'a pas réussi à résoudre ses problèmes nationaux, a refusé de dialoguer pendant des décennies avec Sinn Fein en taxant, à raison, l'IRA de terrorisme, mais n'a pas les mêmes pudeurs pour prendre le thé avec l'une des organisations terroristes les plus radicales et les plus dangereuses du Moyen-orient ? Serait-ce un sketch des Monty Pythons ?

Les organisations terroristes possèdent souvent les mêmes méthodes, mais pas forcément les mêmes objectifs, ni la même idéologie. L'IRA, et ses multiples manifestations, a toujours eu pour but le retour des forces britanniques d'occupation en Grande-Bretagne, et le rattachement de tout l'Ulster à l'Irlande. L'IRA a toujours suivi une ligne inspirée du marxisme, mais malgré les tentatives de la labeliser "catholique", poursuit une ligne laïque. Le hezbollah  est un mouvement fondamentalisme religieux, créé et soutenu par deux pays étrangers, dont l'objectif est non seulement la destruction d'Israël mais aussi la guerre contre les juifs dans le monde comme en ont témoigné les attentats en Argentine en 1994. Les deux organisations ont eu des liens étroits, mais sont aussi opposées dans leur doctrine que peuvent l'être le marxisme et le fascisme. Quelques naïfs font mine de faire la différence entre la branche armée et la branche politique du hezbollah, arguant qu'il faut parler avec l'un pour apprivoiser l'autre. C'est mal connaître un mouvement qui, dans ses aspirations, reflète l'irrationalité de l'idéologie de ses créateurs : on peut faire la paix avec l'IRA, dont les buts sont clairs même s'ils amènent des décisions difficiles, mais avec le hezbollah c'est impossible devant l'intransigeance de son "combat".

Les combattants de l'IRA (Provisional) ont eu beaucoup de mal à se recycler, beaucoup sont devenus chauffeurs de taxi ou ont vécu de petits métiers. D'autres ont proposé leurs services à l'étranger. On imagine mal comment on pourrait recycler les factions du hezbollah. Celles-ci ont pu intégrer avec succès en leur sein d'anciens membres de "Tsadal", l'armée supplétive d'Israël au Liban sud, mais la dissolution du hezbollah poserait de nombreux problèmes en ce que, fanatisées depuis toujours dans l'idée qu'il faut détruire le sionisme, les troupes chercheraient à se rendre utile dans un combat qui ressemble à ce qu'on leur a inculqué jusqu'à maintenant. Donc, comme toutes les tragédies, pas de solution miracle : où bien le hezbollah est anéanti au prix de dommages colossales sur la population civile libanaise qui le protège malgré elle, où on parvient à le dissoudre et on déplace le problème sur un autre front. Les Britanniques ont sûrement pensé à toutes les alternatives, gageons qu'ils oeuvreront au mieux... de leurs intérêts. 

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