25 juillet 2008

Pain heals, Chicks dig Scars, Glory lasts Forever

R. habite à Zahrieh, un quartier de Tripoli. Aujourd'hui sur skype, elle m'annonce qu'elle ne peut pas rentrer chez elle, et que ses parents se préparent à partir. La raison ? La même que d'habitude. Des abrutis se tirent dessus à l'arme automatique et au RPG dans les rues, tout simplement parce qu'ils ne sont pas d'accord sur le futur politique du Liban. Afin de prouver qu'ils possèdent le meilleur programme pour un avenir radieux libanais, ils en viennent aux "mains", un peu comme quand le pape prône la pauvreté depuis son palace romain ou que les islamistes brûlent des ambassades scandinaves pour montrer leur tolérance. Est-ce vraiment important ? Le Liban est à l'heure de la plage, et tout le reste peut bien attendre les premiers nuages. De plus, l'Iran, par la voix incroyablement candide ou cynique vice-président Reza Aghazadeh, annonce que la situation pourrait bien se calmer au Liban si le concert des nations, avec les Etats-Unis en soliste, se montrait ouvert sur un problème rédhibitoire : "si les négociations démarraient avec la communauté internationale sur le dossier nucléaire iranien, des solutions seraient alors trouvées pour beaucoup de problèmes comme l’Irak, le Liban ou le prix du pétrole ». Tout le monde l'aura compris, l'Iran pourrait bien remettre sa laisse à son chien de guerre hezbollahi si on lui fout la paix sur son nucléaire qui n'a d'autres ambitions que de fournir la population en électricité.

Est-ce si simple ? Imaginons que les négociations avec l'Iran sur le nucléaire aboutisse et qu'on lui laisse développer un programme digne d'un pays aussi "moderne", le hezbollah laisserait-il tomber la cause des fermes de Chebaa et au-delà ? Est-il possible de chauffer à blanc une population désoeuvrée pour finalement lui dire qu'on abandonne, qu'on arrête tout, qu'en fait les fermes on s'en fout et Israël n'est pas si important que ça ? J'imagine que les négociateurs de l'AIEA ne sont pas des perdreaux de la veille, et qu'ils savent très bien à qui ils ont à faire. Les déclarations du VP iranien laissent plutôt penser que la théocratie offre son chant du cygne et se trouve dans une impasse qui lui pousse à promettre n'importe quoi, comme un candidat aux élections dans une démocratie qui promet beurre, argent du beurre, cul de la crémière et stock-options de la coopérative. Affirmer pouvoir réduire le prix du pétrole en un claquement de doigts de mollah me paraît au mieux optimiste, au pire un vaste foutage de gueule. Surtout avec l'incident diplomatique qu'ont déclenché les Suisses en osant faire respecter la loi à Hannibal Kadhafi, fils du Commandeur, et honnête homme s'il en est puisque son frère joue au foot.

Franchement, qu'est-ce qu'il est passé par la tête des policiers genevois ? Comment ont-ils osé vouloir faire respecter les droits de l'homme en bafouant ceux du playboy, alors même que notre ancien président précisait "le premier des droits de l’Homme c’est manger, être soigné, recevoir une éducation et avoir un habitat". Les domestiques kadhafiens avaient tout cela, non ? Alors de quoi se plaignent-ils ? Notre président, actuel cette fois, a reçu le colonel, qui a pu déployer une magnifique tente Quechua pour s'abriter des rigueurs de Paris, et déclaré qu'on pouvait faire du commerce avec lui, c'est un honnête homme, la preuve son fils joue au foot. Les Suisses n'ont donc pas compris le message ? En représailles, et comme annoncé par la délicieuse fille du dictateur imberbe, les Suisses n'auront plus de pétrole. Mais ça leur donnera peut-être des idées. Notamment de réduire cette dépendance énergétique vis-à-vis des pétromonarchies ou pétrodictatures. Pas de négociations avec l'Iran, qui ne serviraient de toute façon à rien. Mais si on arrête d'acheter leur pétrole, la théocratie ne pourra plus armer des troupes de chiens de guerre qui font la guerre pour elle dans d'autres pays, comme l'Irak et le Liban. Le hezb sera affaibli, en attendant de trouver de nouveaux parrains. Et les jeunes filles pourront rentrer chez elle le soir, leur rue ayant cessé de ressembler à un mauvais western.

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18 juillet 2008

Apocalypse joyeuse

Lorsque Hassan II, défunt despote marocain, affirmait qu'Israël représentait l'aphrodisiaque du monde arabe, il exprimait parfaitement le sentiment que l'on a pu ressentir en contemplant les cérémonies de réception des criminels libanais par le hezbollah. Pratiquement toute la classe politique libanaise, 8 comme 14 mars, a assisté à l'avènement de Hassan Nasrallah comme dictateur du Liban dans une sorte d'extase sexuelle, tous les hommes présents (les femmes sont juste à côté...) apparaissant comme fascinés par la virilité du chef du mouvement terroriste chiite libanais. Walid Joumblaat, hier opposant féroce du hezb, semble aujourd'hui son plus grand héraut, et l'union nationale apparaît enfin complète avec le retour au pays de l'enfant prodigue, Kuntar, qui a eu la délicatesse de fracasser le crâne d'une enfant de 4 ans en Israël. Chacun maintenant collabore à la seule résistance légitime au Moyen-orient : non pas le rejet de l'intolérance, du racisme ou de l'inégalité homme-femme pour faire avancer la civilisation, mais la lutte contre Israël, seule capable de faire jouir les foules et de rassembler autant d'abrutis dans le culte de la criminalité.

Pourquoi ces événements sont-ils si tristes ? Est-on obligatoirement un sioniste pur et dur quand on a des envies de meurtre devant la ferveur populaire libanaise ? Ces célébrations m'ont brisé le coeur, non pas que je plaigne Israël dans l'échange, mais plutôt parce que la pitié m'étreint en découvrant la nouvelle donne du jeu politique libanais. Désormais, le Liban est uni dans sa quête imbécile contre son voisin du sud. Je sais pertinemment que nombreux sont les Libanais opposés au hezbollah, et ils doivent se sentir bien seuls désormais. Les fêtes kitsch du retour des cinq prisonniers libanais, qui brisent symboliquement des barreaux de prison en bois pour arriver sur la scène où on les acclame comme des héros, montrent avec force que le Liban bascule la tête (?) la première dans la continuation de la guerre froide, mettant aux prises non plus démocraties et pays communistes, mais pays développés et dictatures néo-fascistes. C'est donc avec tristesse qu'on imagine la suite des événements pour le Liban, qui a suscité tellement d'espoirs dans la région, avec sa fragile démocratie, sa coexistence communautaire pas toujours heureuse et ses batailles électorales perdues d'avance. Sans compter ses médias qui risquent de connaître des jours peu déontologiques, les patrons de presse étant tous impliqués dans la bataille du pouvoir.

Quand on aime le Liban, on s'inquiète de le voir si mal en point se réjouir avec fougue de sa mauvaise fortune. Il devrait être au lit, fiévreux, à combattre ses virus avec des anticorps, et il préfère danser dans un froid glacial en se réjouissant de la bonne avancée de sa maladie. On se doute qu'Israël saura laver les affronts, et Kuntar vivra le reste de sa vie dans la peur, et non comme il l'affirme en libérant les fermes de Chebaa. Mais tout le monde perdra dans ces affrontements futurs qui ne servent au final qu'à imposer la volonté politique de criminels contre l'humanité à des masses qui portent des oeillères. De notre côté, on peut continuer à soutenir le Liban démocratique, en se demandant toutefois avec angoisse qui seront les leaders qui le représenteront. Et espérer fortement que le prochain conflit fasse le moins de victimes possibles, en envoyant les cochons de guerre là où ils peuvent faire l'amour non pas avec 70 vierges, mais avec celui qui les met dans une transe amoureuse qu'on n'avait pas vu depuis Hitler quand il proposait de brûler les juifs. Je sais qu'on retrouve le point Godwin, mais l'histoire se répète pour ceux qui l'ignorent. Souvenez-vous du poème de Martin Niemöller, que je cite souvent dans ce blog, et observez avec vigilance ce qui se passe au Liban.

Quand ils sont venus chercher les communistes,
je n'ai rien dit, je n'étais pas communiste.

Quand ils sont venus chercher les syndicalistes,
je n'ai rien dit, je n'étais pas syndicaliste.

Quand ils sont venus chercher les juifs,
je n'ai rien dit, je n'étais pas juif.

Quand ils sont venus chercher les catholiques,
je n'ai rien dit, je n'étais pas catholique.

Puis ils sont venus me chercher.
Et il ne restait personne pour protester...

Pasteur Martin Niemoller (1892-1984), Dachau 1942

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14 juillet 2008

Yankee White

Toute la journée, j'ai attendu l'incident. Quelque chose, n'importe quoi qui nous rappelle que le 14 juillet est la seule fête française, célébration de la révolution et de la fin de l'autorité religieuse, commémoration laïque de la naissance de la République. Et rien n'est venu. Quelques images de Reporters sans Frontières sont apparues furtivement à la télévision mais elles n'ont pas réussi à éclipser l'image d'un Bachar el Assad triomphant, ravi d'avoir, à la manière de son père, dupé une fois de plus les occidentaux qui avaient salué la participation de la Syrie à la Guerre du Golfe en 1991. Le despote syrien, sous prétexte qu'il accepte de s'asseoir à quelques mètres de son ennemi israélien, réintègre le concert des nations sous la houlette de celui qui s'est marié avec une chanteuse pop. Pop pour populaire ou pop pour people ? La révolution française a été l'œuvre de la bourgeoisie. En voyant les célébrations d'aujourd'hui, on retrouve cet esprit "Paris Match" qui consiste à décorer Ingrid Betancourt parce qu'elle a été otage en Colombie en oubliant ceux qui sont morts dans l'attentat du Drakkar. D'abord, faire défiler l'armée pour l'anniversaire de la Nation reste une tradition du Tiers monde, des dictatures soviétique ou nord-coréenne. J'ai du mal à apprécier ces alignements d'armes et de soldats pour célébrer une idée. Mais surtout que l'armée française soit appréciée par cette nuée de dictateurs, plus un premier ministre israélien corrompu de manière minable, et un président libanais marionnette, m'a poussé à espérer dans un sursaut de la population, qui n'a rien trouvé à y redire, entre des tanks Leclerc le matin et des vélos du Tour de France l'après-midi.

Et moi, qu'ai-je fait ? Bien qu'à Paris pour la semaine, je n'ai rien fait. J'ai regardé avec tristesse la garden party sarkozyenne, en regrettant presque Chirac qui maintenant donne des leçons de démocratie depuis un appartement haririen alors même qu'il était le seul chef d'Etat occidental à l'enterrement de Hafez el Hassad. Je n'ai pas voté Sarkozy, jusqu'à présent il m'était plutôt indifférent, en particulier devant la vague de haine hystérique et cocasse qu'il soulève, mais le voir "hollywoodiser" ce jour presque sacré pour nous m'a décidé : je ne veux pas que cet homme continue à transformer la France en une démocratie d'opérette. C'est aimable de jouer la comédie devant les caméras de télévision en mettant en valeur son épouse guitariste. Mais la France, ce n'est pas un soap. C'est un vieux pays avec ses défauts éclatants et son génie, n'en déplaise à ceux qui pratiquent le relativisme. Entendre médusé un Kad Merad, comique de seconde zone, lire la Charte de l'ONU apparaissait comme un symbole douloureux : les droits de l'homme ne sont qu'une farce, et le petit Coréen assis à côté du président français servait d'alibi. La Syrie entourloupe l'occident, et réussira à faire enterrer le Tribunal international. Quant à la paix au Moyen-orient, Bachar nous dit qu'il faut attendre six mois, après les élections américaines. Pourquoi pas maintenant ? Parce qu'au Machrek, on dit IBM : Inch'allah, Boukra, Malech. Si dieu le veut, demain, tant pis...

Triste jour en vérité qui en amènera d'autres. Si un Libanais se trouve dans une réunion à l'étranger avec un Israélien, il peut être mis en prison. Cela n'arrivera pas pour le PDG Sleimane, car son tuteur syrien lui laisse un peu de mou. La paix ne viendra pas par l'UPM, pour la simple raison qu'aucun des dictateurs n'a intérêt dans la paix. Ne pas avoir un ennemi orwellien conduirait les populaces à exiger des réponses de leurs dirigeants concernant leur niveau de vie. Mais Sarkozy n'en a cure : l'important est que tout le monde ait passé une bonne journée. Demain, on trouvera encore une occasion de faire la fête, un otage libéré, un nouveau machin inventé (rappelons que l'UPM n'a pas de fonds...), un nouvel album de l'Elysée... La gueule de bois arrivera, mais Nicolas ne sera plus là. Nous si.

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08 juillet 2008

Sládkovičova 1

Il a bien du mal à sortir ce post sur la Slovaquie. J'ai plutôt envie de parler d'Ingrid Betancourt qui a vu dieu grâce aux FARC ou du gouvernement libanais dont Siniora n'arrive pas à accoucher. Pourquoi est-ce que j'ai autant de mal à parler de mon nouveau "territoire" ? Principalement parce que je n'ai pas envie de faire des comparaisons qui n'ont pas lieu d'être. Le Liban s'enfonce dans le tiers monde, alors que la Slovaquie rentre fièrement dans la zone euro l'an prochain. On trouve de tout et en abondance à Bratislava, ville jadis oublié par la tourisme de masse mais qui commence à subir l'invasion des hordes d'Anglais abièrés qui, telles les nuées de sauterelles, ne laissent rien de vivant derrière eux tellement ils pissent dans les rues. La Slovaquie rentre dans le 21ème siècle à une vitesse effarante. Bien entendu, tout le monde ne partage pas les fruits de la croissance et le chômage toucherait officieusement près de 40% de la population. Mais quand même, vivre à Bratislava ces dernières semaines ressemble à un rêve après le cauchemar libanais de ces dernières semaines.

Je prendrai le temps de vous expliquer le système politique quand je l'aurai compris. Ce que je crois avoir saisi, c'est qu'après des décennies à avoir été traités comme des clodos par les voisins autrichiens, tchèques ou hongrois, les Slovaques se sont mis au labeur en considérant l'Europe comme une chance pour leur avenir. Les champions du monde de hockey sur glace 2002 sont également les champions du monde du taux de croissance de productivité. Les langues étrangères ne sont pas encore bien maîtrisées par la population et il n'est pas rare que les produits alimentaires ne soient étiquetés qu'en slovaque (4 millions de locuteurs dans le monde...) ou en tchèque (pour ceux qui connaissent, la différence est risible entre les deux idiomes ; c'est un peu comme français et québécois). Toutefois, les Slovaques s'activent, notamment à mettre en valeur leur patrimoine immense et méconnu : ce pourrait être le genre de phrase qu'on lit dans les guides touristiques de routard, mais je suis stupéfait de ce que le pays peut procurer au visiteur alors même qu'il y a moins d'un an, je confondais joyeusement Slovaquie et Slovénie.

Bratislava est une très belle ville médiévale et pour qui s'ennuie, Vienne est à une heure de train. Mais la capitale autrichienne, pour superbe qu'elle soit avec ses influences impériales et ses spécialités centenaires n'amène pas le même sentiment de "naissance d'une nation" que procure la Slovaquie. C'est fascinant de voir ce pays s'éveiller au monde sans peur et avec une discipline à laquelle je n'étais plus habitué. Chaque jour, à six heures, j'attends la coupure de courant et la basculement sur le moteur. Elle ne vient jamais. Il va falloir que je me refasse àa la modernité, à la normalité. En attendant, ici, on va parler Europe centrale. Mais on n'oubliera jamais le Liban.

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