26 avril 2008

Ch'ti Liban

Comme 19252315 spectateurs avant moi, je suis donc allé voir le film sur les Ch'tis. Bilan : une solution pour le Liban. En effet, jusqu'à maintenant, je ne voyais qu'un type de film qui puisse servir à réhabiliter l'image du pays de la guerre "civile" : James Bond. Partout où il passe, le sémillant agent secret présente l'avantage de nous faire voyager à travers les contrées les plus exotiques et les plus sexy. Ce type de publicité, le placement de produits, est très efficace, et le Liban se doit de produire des films qui le montrent sous son meilleur jour, on ne peut pas compter sur "Caramel" qui reste un film de gonzesses, ni sur la paire de réalisateurs qui ont commis "A perfect day" car tout le monde se fout de leur théorie conceptuelle du 7ème art. J'ai donc longtemps pensé qu'il faudrait que 007 passe par Beyrouth lors d'une de ses aventures afin que les touristes affluent, attirés par le sceau de l'agent secret britannique qui mettrait ainsi le Liban au niveau de la Jamaïque, des Caraïbes ou des Alpes suisses.

Et puis, j'ai vu Bienvenue chez les Ch'tis et j'ai compris. Quel meilleur moyen de présenter le Liban que de partir des clichés qu'il évoque afin de les dynamiter et d'expliquer au spectateur qu'il a bien tort de ne voir dans le pays du hezbollah que le terrorisme et la silicone ? Je pourrais jouer le rôle principal (ou un acteur qui me ressemble, comme Pierce Brosnan) car moi aussi je suis arrivé au Liban à la suite d'une nomination-punition, et j'en repartirai fort dépité pour de nouvelles aventures. Parmi les nombreuses scènes explicatives de la vie libanaise, comme dans l'original du Pas-de-Calais, on pourrait avoir celle du restaurant, où on apprendrait ce qu'est un mezzé, et comment on parle le franbanais :

  • Hi, kifak, ça va (bonjour l'ami)
  • Je le sympathise (je le trouve sympa)
  • Je vais estiver à Faqra (je passe l'été à Faqra)
  • Je l'ai aimé à lui (je l'ai aimé. Point. S'applique à la plupart des verbes où on rajoute "à")
  • Tu as aimé le Liban ? (Tu aimes le Liban. Le passé et le présent se mélange)
  • Je vais te dire c'est quoi (Je vais te dire ce que c'est. Signe imparable de libanité même chez les très bons locuteurs francophones)
  • Quelles belles espadrilles ! (Quelles belles baskets ! [oui, en français de métropole, c'est pas forcément plus malin])
  • J'ai un chalet à la plage (???)

Etc. Toutes les scènes pourraient être transposées, y compris celle du facteur qui picole en faisant sa tournée qui serait remplacé par l'employé du "moteur" qui boit des cafés ou la scène où la femme du directeur de banque débarque à Bergues que l'on pourrait adapter avec une visite d'un quartier Amal. Evidemment, pour comprendre ce que je dis, il faut avoir vu le film original, qui est assez médiocre, mais si un Français sur trois l'a vu, ça veut dire qu'en fait c'est une grande oeuvre. J'attends donc que les deux Français sur trois qui ne l'ont pas encore vu se dépêchent, et que les trois millions de Libanais concernés m'envoient leurs suggestions de scénario dès qu'ils se seront procurés la version DVD pirate. De mon côté, je commence à rédiger la scène où le jeune Français commence à comprendre que le mezzé, en fait, c'est pareil à chaque coup, alors il boit plein d'arak et il se fait un tas d'amis pour la vie.

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20 avril 2008

PD vs BXVI

En tant qu'heureux abonné chez Free en France, j'ai pu recevoir aujourd'hui un email m'avertisssant que j'avais désormais accès à la chaîne de télévision suivante :

O'TV est une chaîne
de télévision libanaise généraliste :
news, variétés, sports, etc. disponible pour
3,50 €/mois

Imaginez ma joie à l'idée que depuis Paris, je puisse éventuellement, moyennant une modeste somme de 3,50 euros par mois, avoir accès à une chaîne de télévision libanaise généraliste. Généraliste ? Généralissime plutôt, car Free ne précise pas, ou ignore, qu'il s'agit de la télévision de propagande du Général Aoun qui, j'espère ne suscitera pas d'adhésions massives dans mon pays natal qui reste épargné par la fièvre orange. Abonné Free, mon frère, garde tes 3 euros 50 pour acheter Le Canard enchaîné et Charlie Hebdo mais ne les donne pas au félon cacochyme qui cherche à placer sa voix d'allié du fondamentalisme dans notre belle démocratie laïque.

Cette offre m'a toutefois fait réfléchir aux conditions de mon exil actuel, comparé à ma situation il y plusieurs années lorsqu'en 1995, j'avais dû attendre plusieurs jours pour connaître les résultats de l'élection présidentielle, la Californie se foutant royalement que Chirac gagne. Il est désormais beaucoup plus facile de vivre l'expatriation, ne serait ce qu'un point de vue culturel. J'en veux pour preuve ma dernière acquisition, un abonnement chez Relay qui me donne accès à volonté à des téléchargements de magazines français contre à peine moins cher qu'une carte illimité UGC. Si on y ajoute un câble (pirate et donc erratique) distribuant allègrement les principales chaînes généralistes françaises et un abonnement Internet (niveau dial-up mais qui coûte plus cher que l'ADSL), on obtient le même niveau d'informations que si l'on restait dans la Mère patrie. Voilà pour la partie informations, car pour l'alimentation, c'est une autre histoire. Car la nouvelle est tombée cette semaine et l'incompréhension prédomine dans le microcosme des expatriés français :

Dans environ deux mois, les enseignes Monoprix et Géant auront disparu du paysage libanais. Elles seront peut-être remplacées par The Sultan Center, au nom du groupe koweïtien qui vient d’acheter les actifs des supermarchés à Achrafieh, Verdun, Jnah, Zouk et Baabda, ainsi que ceux du Géant Casino, au City Mall. Le tout pour 97 millions de dollars.

Fini les yaourts avec des morceaux de fruits siglés Monop, adieu les surgelés français, khalas un petit coin de France entre l'anglois Spinneys et le bordélique charcutier Aoun (encore lui mais non). Si je n'avais pas déjà pris la décision de partir, je crois que cette nouvelle aurait mis un coup d'arrêt à mon exil libanais plus sûrement qu'un conflit FL-hezb. Le signal est clair : la francophonie fout le camp. Et ce n'est pas la mort d'Aimé Césaire qui me contredira.

Notons en aparté, et en parlant de mort et donc pas de la relégation du PSG, que Desproges est parti il y a vingt ans. Il nous manque horriblement. Je me demande ce qu'il aurait dit sur le voyage pornographique du pape aux Etats-Unis. Selon BXVI, la crise pédophile a été mal gérée... Imaginez le niveau de cynisme dans sa formation en management. Qu'est-ce qui va changer à l'avenir ? Les curés recevront un "training" pour leur expliquer qu'on ne peut pas caresser les petits enfants ? On les choisira en incluant dans le questionnaire de recrutement une question pour éliminer les pervers ("Etes-vous pédophile ?") ? Cette tendance est intimement liée au métier de prêtre catholique, ceux qui "embrassent" cette vocation n'ayant que leur main droite pour se soulager. Qu'on leur permette de se marier à ces pauvres bougres qui choisissent souvent l'Eglise faute de diplômes et après avoir été recalé à l'armée. Un curé marié, c'est un pédophile de moins à mettre sous les verrous. Ou à délocaliser, selon la stratégie du Vatican (et rappelons que l'exil devient de plus en plus facile grâce aux nouvelles technologies !).

Aujourd’hui encore, quand on fait l’inventaire des ustensiles de cuisine que les balaises du Jésus’fan Club n’hésitaient pas à enfoncer sous les ongles des hérétiques, ce n’est pas sans une légitime appréhension qu’on va chez sa manucure. (Pierre Desproges)

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13 avril 2008

Si Jésus existait, il jouerait au foot

« Le Liban dans les médias français, enjeux et contraintes de l’information » : tel était le thème d’une rencontre-débat organisée par le Collectif de citoyens libanais et Amis du Liban le vendredi 4 avril, au Musée social dans le 7e arrondissement de Paris, regroupant des journalistes chevronnés couvrant régulièrement la question libanaise et celle du Moyen-Orient. Georges Malbrunot (« Le Figaro »), Pierre Barbancey (« L’Humanité »), Christophe Ayad (« Libération ») et Antoine Perruchot (Radio-France).

Cette "rencontre-débat" est relaté par L'Orient-le jour. Elle révèle comment bien souvent le métier de journaliste est difficile, mais aussi un miroir aux alouettes. A partir de quel moment un journaliste devient-il un expert, plutôt qu'un témoin ? Cette réflexion de Malbrunot, surtout connu comme ex-otage en Irak, amène matière à réflexion :


Comment peut-on parler d’information équilibrée quand on couvre une guerre comme celle dont fut victime le Liban à l’été 2006 ? La volonté d’équilibre des médias peut en effet mener à un déséquilibre de l’information, comme celle qui a fait titrer au journal Le Monde : « Israël/Hezbollah : la guerre des missiles ».
« Il est factice de parler d’équilibre, conteste Malbrunot, comme s’il peut y avoir équilibre entre l’occupant et l’occupé ! Il faut surtout une absence de complaisance quand on écrit. » Dire les choses telles qu’elles sont et oser qualifier de « disproportionnée » la riposte d’Israël. « Parce que les médias ont perdu cette connaissance intime du terrain, ils pensent être équilibrés, ajoute-t-il. On manque de profondeur, mais aussi de courage pour défendre ceux qui se font taper dessus. »


Le rôle du journaliste serait donc de prendre parti, même si ce n'est pas au nom de la justice, mais au nom de ceux qui souffrent. Car c'est bien de cela qu'il s'agit concernant les conflits arabes : on a renoncé à jouer la carte de la cause juste, et on préfère mettre en avant les souffrances de la population. Israël a organisé des manœuvres passives la semaine dernière afin de préparer sa population à un conflit prochain. Que fait le Liban pour ses habitants ? Dans quelle mesure sont-ils mieux préparés à l'éventuelle guerre prochaine par rapport à juillet 2006 ? Rien n'est fait, et l'on préfère s'indigner de la fermeture d'antres à bobos à Gemmayzé, ou célébrer la venue de la culture française personnifiée par David Guetta, plutôt que se rendre compte que non seulement juillet 2006 n'a rien réglé, mais qu'encore la situation est pire qu'avant. Malbrunot et consorts continuent à vouloir infantiliser le Liban, juste bon à se faire occuper par ses voisins, même lointains, ou à faire la fête, plutôt que créer une démocratie viable pour ses habitants. Tous coupables, une fois de plus, car chacun, présent dans le pays ou non, devrait se sentir responsable. Mais la carte de la victime, qu'a su jouer Israël auparavant, est nettement plus séduisante que le chemin de la responsabilisation.

Tant qu'on considérera le Liban comme incapable de se prendre en charge, le pays SERA INCAPABLE de se prendre en charge. Tant que les Libanais restés au pays seront fatalistes par rapport à l'avenir de la démocratie, la situation pourrira à force "d'à quoi bon". Tant que la diaspora libanaise continuera de se foutre du pays pour ne s'y intéresser que deux semaines par an le temps des vacances, le hezbollah pourra continuer à tisser sa toile pour remplacer petit à petit l'Etat. Tant que les grandes puissances seront assujetties à leur approvisionnement en pétrole, le Liban ne sera pas prêt d'être indépendant. Tant qu'on continuera à considérer le terrorisme comme l'arme des faibles, des opprimés et des sans-voix, le Liban libre se réduira comme peau de chagrin. Tant qu'on continuera à adopter cette pensée post-coloniale posant que les Arabes ne sont pas prêts pour la démocratie, ils continueront à vénérer des dictatures. Et tant que j'aurai un clavier et un accès même sporadique à Internet, je continuerai à refuser de penser que c'est écrit d'avance.

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04 avril 2008

Quand vache rime avec panache

La tristesse est grande au Liban : quinze établissements de nuit ont été fermés par les autorités, en particulier à Gemmayzé, le quartier bobo-bas de plafond. On s'insurge contre cette décision ; qu'importe que les bars et les boîtes de nuit ne respectent pas la législation, c'est la fête libanaise qu'on assassine ! En effet, il ne reste au Liban plus que la nuit pour oublier les malheurs de la journée, proclament les abrutis. Et si on profitait de la fermeture de ces boutiques à décérébrer pour se concentrer sur l'essentiel, refaire marcher le pays ? Si la fierté du Liban réside dans ses boîtes de nuit, il vaudrait mieux ne pas comparer avec l'Europe ou les Etats-Unis, l'orgueil national risque d'en prendre un coup. Ces fermetures sont certainement arbitraires et résultent sûrement d'un bakchich qui n'est pas tombé dans les bonnes mains, mais il est temps de se rendre compte que le problème dépasse le téquila shot à une heure du mat' ! (Et franchement, je comprends que les riverains en aient marre du bruit, de là où je suis j'entends les coups sourds d'une machine à techno et je regrette de ne pas avoir de RPG avec vision nocturne pour donner le coup de grâce à cette institution pour crétins).

Le Liban vit pour le bruit et la fureur. encore aujourd'hui, on déplore "les tirs de joie pendant l’entretien télévisé de l’ancien député Talal Arslane sur la chaîne NTV". Imaginez l'expression, "tirs de joie". Je suis content que mon patron ait bien parlé DONC je sors ma kalach et je tire des grosses rafales en l'air. Qui arrive à se mettre dans la peau de ces débiles ? Peut-être ceux qui fréquentent les bars de Gemmayzé. Ouais, finalement, il faut les rouvrir ces boîtes, au moins on les parque et pendant qu'ils picolent ou qu'ils gerbent dans la rue, ils ne tirent pas en l'air.

Chacun ses combats, que voulez-vous. En ce moment en France, on parle des JO et les athlètes ont trouvé une solution fantastique pour garder la tête haute : ils y vont MAIS ils mettent un badge faisant la promotion des valeurs des Jeux "pour un monde meilleur". C'est très audacieux. Les Chinois vont être bien attrapés, eux qui sont tous pour un monde pire. Le sport représente décidément ce qui se fait de plus mauvais chez l'homme. Y-a-t'il concours de tirs de joie aux JO ? Ou de lancers de vomi ? L'autre combat qui passionne les foules françaises c'est bien sûr la seule otage du monde, Ingrid Betancourt. On avait eu droit à la fille, maintenant on se tape le fils qui a le même talent de communication. Quand il explique que si on ne manifeste pas dimanche, il perdra "maman", j'ai vraiment envie de lui payer un prof de théâtre. Ils m'insupportent ces gens-là, grands bourgeois qui sont outrés qu'on puisse les traiter comme de la piétaille. Rien que pour ça, je voudrais vraiment qu'on libère la Bétancourt, dont la nationalité reste trouble : va-t-elle se présenter aux élections en France ? Si oui, pour quel bord ? Les communistes cherchent un nouveau patron, et les candidats ne se bousculent pas pour le poste. Libérez Bétancourt, et laissez crever les autres qui n'ont pas la chance d'avoir un ex-mari au Quai d'Orsay ou un copain ancien premier ministre. Ce serait dommage qu'on nous gâche la fête olympique avec de la politique.

Et pendant ce temps, les profs font grève au Liban parce qu'ils ne sont pas assez payés. Il est vrai que leur salaire sont ridicules, quand ils sont payés ce qui n'arrive pas automatiquement. Mais ce n'est pas important l'éducation. L'image que veut donner le Liban, c'est celui de la fête continuelle (ouais, trop cooool la bouteille de champ' à 3000 dols ! C'est dix fois le salaire d'un prof !) et de la fierté arabe qui tire en l'air quand le boss aboie à la télé. Il n'y a toujours pas de président, et bientôt, il n'y aura même plus de chef des armées puisque Michel Sleimane part en retraite le 21 août. Tout cela n'est pas grave : bourrons-nous la gueule à Kaslik, Batroun ou Monot ! Qu'ils y viennent les Israéliens ! On sera tous tellement torchés qu'avec un peu de chance on courra en zigzag sans s'en rendre compte quand ils nous tireront dessus.

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