25 novembre 2007

Parenthèse marocaine

Comme on pouvait le craindre, la démocratie libanaise est maintenant sans président, et on ne sent pas encore vraiment la différence. Le prochain round est prévu ce vendredi, et quel que soit l'heureux élu, on se doute que les principaux problèmes du Liban ne seront pas résolus de sitôt. Qui osera soigner le cancer hezbollah par une amputation qui pourrait être fatale ? Le prochain président devra de toute façon, si la Syrie lui prête vie, affronter des échéances électorales qui se rapprochent, une opinion publique de plus en plus inquiète et une situation internationale qui ne sera pas non plus résolue à Annapolis. Donc, parlons d'autre chose.

Je reviens du Maroc, ce qui a été une agréable bouffée d'oxygène, notamment pour se rappeler une évidence qu'on oublie chaque minute au Liban : un pays arabe PEUT être sur la voie du progrès sans renier ses traditions ou son identité. Evidemment, le Maroc n'est pas une démocratie, se trouve très mal classé en ce qui concerne le taux d'alphabétisation de ses habitants, l'égalité hommes/femmes ou la liberté d'expression. Mais, le pays progresse et par rapport à l'époque de Hassan II, on sent que le jeune M6 comprend qu'il n'a qu'un moyen de se maintenir sur un de ses nombreux trônes, et c'est de faire de son royaume un pays où il fait mieux vivre. La présence d'hebdos comme Tel Quel ou le Journal témoigne des nombreux problèmes de corruption, de bureaucratie inique ou de racisme du Maroc, ce qui est en soi une bonne nouvelle. Quand les journaux peuvent pointer du doigt les lacunes du pays, on ne peut plus les ignorer. Enfin, ça aide.

Ci-joint donc quelques photos, comme toujours, notamment ces deux dernières qui montrent un peu l'incroyable diversité de ce que l'on peut acheter dans les souks de Rabat. Ce qui n'empêche pas le Maroc d'avoir aussi des centres commerciaux et des supermarchés. Alors, je repose ma question préférée : la démocratie est-elle toujours préférable à une dictature "éclairée" ? C'est rhétorique, je n'ai pas la réponse, juste des éléments. Et oui, il s'agit de pieds de vache qui sont, paraît-il, fameux. Moi, je suis resté très touriste et j'ai testé une dizaine de couscous. Demain, retour au pays du houmous, qui devient de plus en plus celui du humus.

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22 novembre 2007

Lebanese scriptwriting 101

C'est d'un endroit chaud et à l'abri de la tempête qui sévit sur le Maroc que je vous écris, chers amis, car l'heure est grave. En ces temps d'incertitude, ne jouons pas aux prédictions car le Liban a toujours donné tort à ceux qui prétendent être bien informés. Je propose de faire comme au temps maudit de la guerre de juillet 2006 et d'établir une liste de scénarios à laquelle vous serez gentils de contribuer en offrant vos opinions sur le futur d'un pays qui a toujours du mal à digérer son passé.

  1. Je suis élu car je suis un gars sympa qui arrange tout le monde. Sitôt élu, je déclare inconstitutionnel le hezbollah. Guerre civile assurée. Je suis obligé de me barrer aux Seychelles non sans avoir plombé encore plus la dette du pays de quelques milliards qui ne manqueront à personne. (Probabilité : 0,1%)
  2. Un candidat autre que mouah est trouvé au dernier moment. Comme il est consensuel et qu'il a peu de chances de connaître le même destin que Napoléon III, il ne satisfait personne et les mêmes problèmes continuent. Guerre civile assurée (Probabilité : 25%)
  3. Le nouveau président est élu par la majorité, ce qui incommode l'opposition qui elle-même désigne son candidat. Il existe deux autorités au Liban, chacune avec son armée et ses partisans chauffés à blanc. Guerre civile assurée. (Probabilité : 30%)
  4. Aoun est sacrifié par le hezbollah au profit d'un candidat désigné par Hariri et Nasrallah. Le vieux en prend ombrage. Il lance ses partisans tous azimuts. Guerre civile assurée. (Probabilité : 15%)
  5. Quel que soit le président, les forces libanaises et les aounistes veulent régler un vieux différend. Les autres regardent et comptent les points, avant que les Maradas se joignent à Aoun, et que les phalanges se rallient aux forces. Guerre civile assurée. Le hezb prend le gagnant. (Probabilité : 15%)
  6. Profitant du chaos, les forces syriennes pénètrent au Liban pour rétablir l'ordre et montrer au reste du monde leur bonne volonté. Guerre civile vite matée et retour au bon vieux temps (Probabilité : 25%)
  7. Aoun meurt d'une crise cardiaque. Liesse populaire et désarroi des petits bonshommes orange. Michel Eddé est désigné comme président et nous fait un McMahon. On revote pour un candidat encore et encore et ça évite de poser les vraies questions. (Probabilité : à souhaiter d'une certaine façon)
  8. Sarkozy débarque au Liban et dit hop, hop, hop. Voyant que personne n'arrive à s'accorder, il promet la retraite à 35 ans et 60 heures de travail par semaine. Personne ne comprend rien. Not'président se fâche et rentre chez sa copine, en laissant Kouchner régler la situation vu qu'il était au Kosovo et que c'était autrement la merde. Il prend un appart à Verdun et passe ses journées à boire des cafés avec des hommes politiques. Au final, il tient des discours incohérents justifiant la guerre avec Israël et le besoin de paix dans la région. Tout est à refaire. (Probabilité : 10%)
  9. Le nouveau président est un maronite proche du hezbollah (devinez...). Il lance toutes les forces armées contre l'Etat hébreu. Raclée totale. La Syrie prend la Bekaa et Israël installe des colonies de Nabatieh à Tripoli. Un seul village continue de résister contre l'envahisseur et Jbeil se déclare territoire indépendant. Edika rentre au Liban et fait des bandes dessinées sur la courageuse résistance des habitants de Jbeil. (Probabilité : non, je déconne)
  10. Scission du pays devant l'impossibilité d'un accord. Le hezb attaque Israël et se fait défoncer. Réunification du pays. Redivision à la suite d'un débat concernant les liens à entretenir avec la Syrie. Redivision. Intégration d'une partie du Liban à la Syrie, l'autre partie étant envahi par Chypre. (Probabilité : n'importe quoi).
  11. L'ONU et les grandes nations aident à trouver une solution et un président qui plaît à tout le monde. Chaque parti est content et se dit qu'il a été bien bête de se disputer alors que la solution était évidente. La paix s'installe au Liban et avec tous ses voisins. (Probabilité : on n'est pas en Norvège, bonhomme)
Bon, je m'arrête là et j'attends vos contributions. Mais vite, il ne reste que 36 heures avant la reprise du trafic SNCF.

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12 novembre 2007

Journal de ville sous la tente

Mon voisin de tente s'appelle Abou Hassan. Malgré les vociférations du week-end de Nasrallah, on se fait bien chier au camp, alors Abou Hassan vient souvent chez moi, d'autant que j'ai une PS2 et un lecteur de DivX. Cette semaine, on a regardé la saison 4 de Rescue Me, ce qui a laissé mon compagnon d'infortune pantois. Il m'a demandé si les Américains étaient vraiment comme ça, à coucher à droite à gauche en haut en bas, à picoler, à se battre tout le temps et à voler les bébés des autres. Je lui ai dit que c'était seulement les Irlando-américains, que ça faisait du monde, mais que les autres non. Il m'a dit qu'il n'avait vraiment pas envie d'aller dans un pays aussi violent et ça m'a fait rire. Parce qu'ici c'est non-violent ? que je lui ai demandé. Ben c'est pas pareil, desfois on se bat mais c'est plus moral, il a répondu. Ce Tommy Gavin de la série, il est fou, mais il me rappelle un copain il a laissé tomber. Puis on a fumé un narghilé. Je fournis les DivX, Abou Hassan apporte de quoi fumer, c'est comme ça. On est les seuls dans le camp ou presque. Les gars du hezb passent de temps en temps, pour faire de la présence. Ils jouent aux miliciens avec leurs uniformes noir, leurs barbes bien taillées et leur air mauvais mais on ne les voit même plus. De temps en temps, Abou Hassan leur gueule dessus, leur demande combien de temps il faudra rester, et ils répondent des conneries, du genre "l'éternité s'il le faut" ou "dieu seul le sait" ou parfois il lui reproche de manquer de foi, que le grand leader lui vit dans des conditions encore plus difficiles et qu'il ne se plaint pas. Abou Hassan renifle, et il me demande de mettre l'épisode suivant pour savoir si Tommy va se faire tuer par un feu, comme il est pompier, ou par une ex-maîtresse parce qu'il a un vrai problème avec sa lance à incendie portable.

On parle de tout et de rien, et je me demande combien il existe de Abou Hassan au Liban, des gens qui n'ont aucun passé, aucun avenir et aucun présent. Je pensais que ce serait facile d'être président, qu'une fois élu il me suffirait de lancer deux-trois chantiers comme à Dubai pour que Beyrouth redevienne riche et brillante et qu'on arrête de se tirer dessus. Mais je ne vois pas comment je pourrai faire pour qu'Abou Hassan trouve du boulot ou s'intègre dans un pays qui l'a laissé tomber depuis longtemps. Quand on parle des voisins du sud, ou de ceux de l'est, Abou Hassan laisse tomber : "parfois, je les préfère à certains de chez nous. Parfois, ton voisin t'est plus proche que ton frère". Cela lui arrive de cracher, ce qui m'énerve parce que j'ai essayé de faire une tente bien cozy et lui me balance des glaviots sur les coussins. Mais il a raison de cracher, j'aimerais juste qu'il le fasse dans le cendrier que j'ai placé à cet effet.

Normalement, les élections auront lieu bientôt, avant le 23, et le Liban aura un nouveau président. J'ai dit à Abou Hassan que je me présentais, et il m'a à peine regardé. Il m'a dit bonne chance, et m'a dit que moi ou un autre... ça m'a un peu vexé, mais il n'a pas tort. Abou Hassan n'a même plus envie de quitter sa tente. Moi non plus. Il commence à faire froid dans le camp, même si aujourd'hui on a eu du soleil. Je dis à Abou Hassan qu'on a des grèves dans le métro en France. Il me demande ce que c'est que le métro. Je lui explique. Il est émerveillé mais il me dit qu'avant, le Liban c'était mieux que la France, mais que maintenant, ça le dérangerait pas d'avoir la grève en France pourvu qu'il ait un métro. Je lui dit que moi ça me fait bien chier et que j'en ai marre des bolchéviques. Abou Hassan crache, manque exprès le cendrier pour m'emmerder. La saison 4 de Rescue Me est terminée, le père de Tommy meurt pendant un match de base-ball. On n'a plus rien à faire.

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06 novembre 2007

Journal de ville (ça continue)

Il pleut au Liban alors ça n'arrange pas les choses. Il faut quand même rappeler qu'on a pu rester en bras de chemise jusqu'à mercredi, ce qui ne veut pas dire qu'on s'est retroussé les manches. Rien à signaler dans l'Etat phénicien, mais comme mes sondages sont désastreux auprès de plusieurs catégories de la population, notamment les "terroristes prêts à se faire sauter pour la gloire de dieu pour parvenir à la destruction du grand, du moyen et du petit satan", les "possesseurs de grosses bagnoles allemandes qui balancent leur papier par terre et sortent rue Monnot en faisant garer leur bagnole par un valet" ainsi que les "dames d'un certain âge d'Achrafieh qui ont fait au moins deux opérations de chirurgie esthétique et estiment qu'il existe un complot judéo-franc-maçon ce qui ne les empêche pas de penser qu'elles rendent un service à leur bonne en les payant 75 dollars par mois", j'ai décidé qu'il me fallait multiplier les rencontres avec mes futurs éventuels administrés et les gens de la haute.

Comme nous sommes en période d'élection étudiante, j'ai commencé par me rendre dans les universités pour dialoguer avec la jeunesse. J'ai évidemment parlé de la situation française, et j'ai dit que je soutenais les étudiants, parce que je ne vois pas pourquoi ils iraient dans des bonnes facs avec des bons profs alors qu'on pourrait continuer le système actuel qui est sûr de produire un taux impressionnant de chômeurs. J'ai montré à leurs collègues libanais que les Français se battaient pour un monde plus juste, et qu'en réduisant de manière drastique le niveau des instituts d'enseignement supérieur français, on finirait bien par atteindre celui des pays en voie de développement dans un souci d'égalité. Soutenez vos frères de l'Hexagone ! Ai-je hurlé, ce qui m'a valu des applaudissements nourris, et même quelques rafales de fusil automatique tirées en l'air par des étudiants légèrement excités et vêtus de jaune. J'ai donc fait la tournée des facs, grisé par le soutien que m'accorde une jeunesse si difficile à convaincre d'habitude par la démagogie. Les débats ont surtout porté sur l'impérialisme culturel des USA que j'ai trouvé de bon ton de vilipender, ainsi que sur l'incompréhensible situation en Belgique où les habitants ne sont même pas foutus de former un gouvernement. Puis, j'ai pris soin de citer Khalil Gibran, notamment "Nous sommes comme les noix, nous devons être brisés pour être découverts" La Terre est ma patrie et l'humanité, ma famille". Mon jeune auditoire a trouvé que j'étais fort poétique, et décidément un homme de bien. Allez hop, suivant.

J'ai alors vu l'ambassadeur de France. Comme on a dû lui faire la vanne des centaines de fois, je n'ai pas réclamé de Ferrero Roche d'or, mais le coeur y était. Il m'a assuré de la volonté de la France de s'assurer que l'élection présidentielle libanaise se déroule sans interférence étrangère. Je lui ai alors assuré qu'en retour, une fois élu, je ferais en sorte que les élections présidentielles françaises se déroulent dans l'intérêt de la démocratie, et que le peuple libanais y veillerait. Il a eu l'air surpris. Je me suis dit qu'il devait être ému, ce n'est pas tous les jours qu'on doit proposer de l'aide à la France. J'ai continué en lui proposant d'envoyer des chauffeurs de bus libanais pour remplacer les grévistes en France. Il m'a dit qu'il y penserait, puis il a regardé sa montre et m'a dit, ho la la, le temps file. Nous avons donc pris congé. En sortant, j'ai admiré l'architecture discrète et parfaitement intégrée au paysage de la chancellerie. Qu'il est loin le regretté temps du mandat !

Je me suis dit qu'il faudrait bien que j'aille voir les députés prisonniers du Phoenicia et je me suis même demandé si, pour des raisons de crédibilité, je ne devrais pas y prendre une chambre pour pouvoir discuter avec les copains. Mais les tarifs restent un peu au-dessus de mes capacités financières, une fois que j'ai payé les traites de la berline, les bodyguards et les soins corporels de Madame (toujours pas trouvé de nom à celle-là, et on dirait qu'elle ne parvient pas à m'attirer les voix des "dames d'un certain âge d'Achrafieh qui ont fait au moins deux opérations de chirurgie esthétique et estiment qu'il existe un complot judéo-franc-maçon ce qui ne les empêche pas de penser qu'elles rendent un service à leur bonne en les payant 75 dollars par mois"). J'ai pensé à un hôtel moins cher, et puis je me suis dit que pour l'étape suivante, les menaces de mort, il valait mieux que je sois dans un endroit exposé médiatiquement. J'ai donc décidé de m'établir dans les tentes du centre-ville, où les possibilités d'attentat sont basses, le loyer nul et où on fait bien la teuf.

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05 novembre 2007

Journal de ville (la fin?)

Les chiffres de ma popularité ce lundi sont affolants ! On me reproche notamment de n'avoir pas assisté aux exercices militaires que la résistance, pardon, la Résistance a conduits ce dimanche. Pauvre de moi, on m'avait dit qu'il fallait que j'aille à la messe ! En tout cas, selon le Naharnet, voici les principaux candidats à l'élection, et je n'apparais qu'en bas du classement !

Vote for your President! Let your voice be heard!
Michel Aoun 4283 Votes 39.83%
Nassib Lahoud 3159 Votes 29.38%
Boutros Harb 1248 Votes 11.60%
Riad Salame 455 Votes 4.23%
Michel Sleiman 377 Votes 3.51%
Charles Rizk 318 Votes 2.96%
Sleiman Frangie 317 Votes 2.95%
Nayla Moawwad 232 Votes 2.16%
Michel Edde 111 Votes 1.03%
Robert Ghanem 98 Votes 0.91%
Fares Bouez 86 Votes 0.80%
WIL
70 Votes 0.65%

(vote started 18 Oct 2007)

Total Votes 10,754


Il est temps de réagir et de me donner une allure plus martiale. J'ai donc appelé la résistance, pardon, la Résistance, pour me renseigner sur les prochaines manoeuvres militaires ; on m'a fait gentiment patienter, puis un officiel m'a promis que ça allait bien ruer dans les brancards dans quelques mois, au point même que la FINUL pourrait même rentrer chez elle dans moins de quatre mois. D'ici là, j'ai le temps d'être élu président et de mettre un peu d'oseille au frais, mais ces chiffres sont bien mauvais. Je pense à changer de conseiller en com, mais surtout à commettre une action d'éclat pour attirer l'attention sur moi. Vos recommandations sont les bienvenues. D'urgence.

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04 novembre 2007

Journal de ville (2)

Rude journée que ce dimanche. D'abord, il a fallu que je me tape la messe, parce que mon nouveau conseiller en com m'a dit qu'il fallait s'y faire voir. J'ai donc réussi à m'emparer d'un siège au premier rang dans une église très en vue, et j'ai pris soin d'attirer l'attention du prêtre notamment en filant un gros billet à l'enfant de choeur pour qu'il me fasse communier en premier. J'aime bien communier, ça montre que je suis proche des gens et que je n'ai pas peur de leurs maladies. L'encens m'endort, alors j'ai un peu ronqué discrètement, d'autant que j'avais déjà entendu le sermon du curé sur le vice et je savais qu'au final, il se déclarait contre. Après je suis resté un peu sur le perron à tchatcher avec quelques huiles et à m'assurer de leur soutien. J'ai glissé quelques remarques sur l'incapacité des musulmans à sortir du Moyen-âge, ainsi que sur l'emprise des juifs sur la finance new-yorkaise, avant de faire remarquer que l'Europe était un continent adulte qui avait su mettre ses querelles de côté, et que nous étions encore jeune, mais si dieu nous prête vie, et les Chinois des dollars, alors nous serions une force avec qui compter dans le XXIe siècle. Chacun a loué ma sagesse, puis m'a frappé l'épaule avec entrain. Je suis remonté rapidos dans ma grosse berline schleue, et j'ai ordonné à mon chauffeur de m'emmener à la mosquée. L'insolent m'a rappelé que celle-ci officie plutôt le vendredi. J'ai pensé à me faire voir à la synagogue avant de me rappeler que c'était le samedi, et que de toute façon les juifs n'ont pas l'influence qu'ils peuvent avoir ailleurs. Nous sommes donc rentrés à la maison pour manger du poulet car ça reste dimanche.

L'après-midi a été consacré à un cours de conduite pour homme important au Liban. J'ai donc appris à me servir de la sirène et du gyro, à tripler les voitures dans les files d'attente, à me garer devant les bornes d'incendie et à coller les voitures en faisant des appels de phare au xénon sur l'autoroute pour qu'on me laisse passer. Tout cela est bien agréable, en même temps, vu que j'ai un chauffeur, j'ai demandé à quoi cela pouvait servir. On m'a répondu qu'on ferait des reportages sur moi, et qu'il fallait que je montre que je savais conduire et pas comme une tafiole car au Liban, quand on est un homme, un vrai, on conduit super vite des grosses bagnoles en faisant courir le maximum de risques aux autres usagers de la route. J'ai dit d'accord, et j'ai obtenu les applaudissements de mon instructeur en remontant un sens interdit à toute allure en manquant d'écraser une petite vieille qui traversait l'un des seuls passages cloutés du Liban. J'ai encore des réflexes débiles, genre chercher à mettre la ceinture de sécurité, mais je commence à avoir le truc, notamment pousser le compte-tours au maximum à l'arrêt, et fumer en conduisant pendant que je change de station de radio pour mettre le volume à fond et que la bagnole vibre sous les basses.

Ce soir, je reviens d'une fameuse soirée de soutien à ma candidature. Il y avait du beau linge, notamment un monsieur et une dame qui m'ont raconté qu'ils avaient été anoblis par la France pour services rendus, ce qui expliquait qu'ils aient rajouté un "de" à leur nom. J'ignorais que la France, qui est une république, pouvait anoblir qui que ce soit, ce qui les a fait rire : mon dieu que vous êtes provincial, ont-ils gloussé. J'ai alors compris que la Bekaa est le coeur du Liban, et le reste n'est que province. Bon à savoir. Par la suite, nous avons échangé des informations entre gens au courant. On m'a ainsi affirmé que la rencontre Aoun/Hariri n'a jamais eu lieu, et que la photo utilisée datait de plusieurs années. On m'a également dit qu'un ami des convives connaissait quelqu'un dont le cousin était bien vu par un des auxiliaires du chef de cabinet du ministre de la Justice. Ce pourrait être un précieux soutien ! Tout est affaire de relation ici, très cher, m'a susurré la dame anoblie, et elle pourrait me mettre en relation avec la coiffeuse de la femme d'un homme très important dont elle devait taire le nom par discrétion. J'ai juré de protéger son secret, et lui ai également promis d'avoir un numéro de téléphone moins "plouc", vu que sur le mien aucun chiffre ne se suit ou ne forme une combinaison cool. La soirée s'est finie, nous avons déploré la petite taille du pays, l'indiscipline de ses habitants, la perfidie des voisins et l'augmentation du prix du Beluga, avant de jurer de nous revoir, "à Palis bien sûl", m'a lancé la dame du monde. Puis je suis rentré chez moi pour picoler.

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01 novembre 2007

Journal de ville

Je sens que la campagne est bien partie. J'ai rencontré aujourd'hui plusieurs personnalités qui m'ont assuré de leur soutien. Par exemple, j'ai mangé des gâteaux avec le général Aoun ; le dialogue a été riche. Il m' a dit qu'il ne comprenait pas pourquoi on entourait les DVD de cellophane, et que c'était vraiment très compliqué de les ouvrir. Parfois, il avait besoin de faire appel à son attaché de presse parce qu'il s'énervait. J'ai acquiescé poliment, je n'en sais rien car moi j'achète des DVD pirates ou je télécharge. Je n'ai pas ce genre de problème mais c'est vrai qu'il faut y penser. On s'est serré la main, j'ai dû partir parce qu'on devait le changer, m'a-t'on dit. De quoi ? j'ai demandé. On m'a gentiment poussé dehors, en me donnant un très beau T-shirt orange et un gallon d'eau de la même couleur.

La discussion a été plus animée avec Nasrallah. Il m'a expliqué que pour avoir son soutien, je devais jurer que je soutiendrais la lutte pour la destruction d'Israël. Je lui a dit que c'était pas un problème, et qu'après on s'occupait de la Cornouaille. Il a eu l'air surpris, et m'a demandé, pourquoi la Cornouaille ? Je lui ai répondu pourquoi Israël ? On s'est regardé pendant une bonne minute, et on a changé de sujet. Au final, il m'a assuré de son soutien, mais avant il devait passer un coup de fil à un copain. Je n'ai pas compris le nom, mais ça sonnait comme "orangeade". Décidément, ils aiment cette couleur par ici. Peut-être que je devrais repeindre la Merco en orange ? Je note.

Geagea n'a pas voulu me recevoir, en déplorant le fait que j'avais des mains d'intello, donc visiblement que je n'étais pas familier de l'automatique. Hariri était à Paris, soi-disant pour voir Aoun, mais je venais de voir Aoun alors je pense que le 14 mars essaie de me renvoyer aux calendes grecques. Heureusement, il n'y a pas que des politiques qui m'appuient. De nombreux artistes me soutiennent, notamment un touche-à-tout de génie dont le nom m'échappe, mais dont les propositions suscitent l'admiration. Ainsi, me dit-il, il faudrait inclure dans le programme que le Liban devrait être le lieu où toutes les religions et tous les courants culturels coexistent, comme un carrefour entre l’Occident et l’Orient, un pays idéal où la tolérance et le respect des droits de l’Homme seraient le moteur de l’action politique et sa principale motivation. J'étais tout à fait d'accord avec lui, et nous avons bien sympathisé, surtout quand j'ai ajouté qu'en fait, les enfants sont innocents et on devrait les écouter plus souvent, et que les dauphins sont de merveilleuses créatures d'intelligence et de grâce. Nous nous sommes quittés bons amis, et avant de monter dans un énorme 4x4 qui force le respect, il a ajouté qu'il était dommage que les gens soient si matérialistes et que l'argent tue tout. J'étais bien d'accord. C'est une idée que développe souvent mon nouveau curé, mais lui préfère les Béhèmes. J'ai aussi croisé Haifa Wehbé, on a discuté le bout de gras en libanais, je lui ai dit "chou ya sexy, baddik Pepsi ?" et elle m'a répondu "Bouss wawa, Bah wawa". C'était constructif. On se reverra sûrement pour boire des coups en écoutant de la World Music, c'est hyper fashion.

J'ai également reçu le soutien de personnalités françaises. Guy Carlier m'a envoyé une très gentille lettre, me conseillant notamment dans mes attaques verbales d'être faible avec les forts, et fort avec les faibles. Il m'a dit que ça lui réussissait très bien, et que les gens pensaient maintenant qu'il avait une plume acerbe, trempée au vitriol, mais qu'il dressait des portaits ô combien proches de la réalité et bien torchés. Thierry Ardisson m'a envoyé une collection de pornos très transgressifs et merveilleusement modernes, et m'a également dit d'attaquer ceux qui se trouvaient en situation de faiblesse, et que si je voulais, il pouvait m'envoyer Baffie pour faire des blagues de fesse et insulter les gens, ce qui les faisait beaucoup rire. J'ai poliment décliné. Il me faut du local. J'ai pensé à Chako Mako mais il paraît que personne ne regarde. En tout cas, j'ai les intellectuels avec moi, et ça jouera sûrement le jour de l'élection. J'attends les suggestions de Florent Pagny sur la réforme de l'impôt qui, me disait-il, l'autre soir "est vraiment une saloperie qui punit ceux qui se cassent le cul à bosser", ainsi que des conseils de BHL pour avoir un teint frais sans passer par le bistouri après 70 ans parce que "quand on s'est fait tirer, ça se voit à la téloche, pauvre Arielle".

(A suivre)
(Peut-être)

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