31 juillet 2007

Kaapstadt mon amour

Bon c'est bientôt fini ce bordel ? D'abord Ingmar Bergman, Michel Serrault et maintenant Antonioni ! C'est quoi cet été pourri ?? C'est qui les prochains sur la liste ? Jeremy Irons et Patrick Chesnais ? Je ne leur souhaite pas, j'espère qu'ils vivront cent ans, mais cette série noire est déprimante.

Heureusement qu'entretemps, je suis tombé amoureux de l'Afrique du Sud. J'avoue que quand j'ai quitté l'Ouganda, j'étais un peu soulagé, gêné que j'étais de résider dans un hôtel certes pas bien luxueux, mais que l'Ougandais moyen ne pourrait pas s'offrir même en économisant de génération en génération. En Afrique du Sud, c'est différent. Le fric abonde, mais circule bien mal. On estime que le taux de chômage s'établit aux alentours de 30% alors même que le pays constitue la première économie d'Afrique, devant l'Egypte ou le Nigéria. Cette disparité se remarque tous les jours à Cape Town où les pauvres, majoritairement noirs, côtoient une prospérité blanche inquiète.

Nous avons passé les premières nuits en Afrique du Sud dans un endroit magique que l'on ne peut pas se payer : le jardin de Kirstenbosch, le plus grand d'Afrique, qui compte un petit lodge qui nous a été prêté par le directeur des lieux. Imaginez que vous vous réveilliez le matin dans un jardin d'Eden, près d'une rivière, avec une végétation luxuriante (je sais, ça fait cliché mais les mots manquent devant tant de beauté), au pied d'une montagne et le tout au beau milieu d'une ville de 4 millions d'habitants. Cape Town et sa région sont absolument extraordinaires. Les paysages varient d'un kilomètre à l'autre, passant de la Californie et ses surfeurs au Connemara désolé pour revenir en Bretagne et finir à Salt Lake City. Les quatre jours que j'ai passé ici sont d'une richesse inégalée, au point que j'en viens à écrire platement, mais je tenais vraiment à vous faire partager mon enthousiasme, loin de la bataille libanaise du Metn et de la guerre qui recommence à faire résonner ses tambours. Entre les USA qui arment tout le monde contre l'Iran et ses potes, le Hezbollah qui plastronne en laissant du mou dans la laisse d'Aoun, et Nahr el Bared qui n'en finit pas d'être terminé, on sent que le Liban a des jours venimeux devant lui. Je ne veux pas y penser, j'aurai bien le temps plus tard.

Alors je profite de ce pays extraordinaire qu'est l'Afrique du Sud. Tolkien est né à Bloemfontein, et en voyant les paysages sud-africains, j'ai soudainement compris qu'il ne décrivait pas l'Ecosse ou l'Irlande dans ses oeuvres, mais bien son pays natal. Je vous promets des photos aériennes qui vous donneront envie de découvrir l'AfSud, ou même pourquoi pas de vous y installer. J'en caresse le projet et si chacun de mes visiteurs me filait 100 dollars (on est en été, il y a moins de monde), je pourrais en une semaine acheter une belle petite maison de plage et ne plus penser qu'aux vrais requins, pas ceux de la politique libanaise.

Mon écriture manque cruellement de style quand je vais bien. J'arrête donc là pour continuer mes découvertes, et retrouverai mon énergie déprimante dès que je quitterai mon nouvel amour. A moins que je ne me télécharge "Les fraises sauvages". Il était fort le Bergman, incroyablement doué pour le cinéma, mais pas franchement adepte de l'enthousiasme communicatif. Ha, s'il était né à Cape Town plutôt qu'à Uppsala...

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27 juillet 2007

Window in Uganda

Partant du principe que quand on n'a rien à dire, on se tait, je ne dis rien depuis un certain temps. Et puis comme je suis en Ouganda, le blog me manque. Pendant mes pérégrinations, je dicte dans ma tête ce que je pourrais écrire dans WIL, sans pour autant ressasser les clichés habituels sur l'Afrique, terre de contrastes, les Africains aux sourires si doux, et l'Ouganda, perle de l'Afrique de l'Est. Installé à Entebbe, ce qui rappellera des souvenirs à mes lecteurs israéliens, je réside dans un hôtel situé à côté d'un jardin botanique superbe, qui parfois laisse migrer ses singes et autres toucans dans le parc où nous déjeunons. Dimanche, une horde de singes à face noire s'est emparée des lieux, chassée en soirée par le gang des chats avec qui ils ont maille à partir. La nuit, le concert des grenouilles et crapauds éclate avec force, interrompu seulement au petit matin lorsque les oiseaux reprennent leur droit naturel au chant diurne. Sinon, la bouffe est pas terrible, beaucoup de curry.

Entebbe semble surtout fréquentée par des blancs expatriés qui profitent du golf, des bords du Lac Victoria et du calme de la ville dans un climat tempéré puisqu'en altitude. La capitale, Kampala, est plus agitée. Pour s'y rendre, on emprunte ces fameuses routes en terre battue qui strient le pays et permettent une navigation sur trois rangs : deux qui roulent à gauche chacun de leur côté en théorie, et un qui passe entre les deux en faisant des appels de phare à celui qui a eu la même idée mais en sens inverse. Venant de Beyrouth, on est assez peu impressionné par la conduite ou les embouteillages. Arrivant du Liban, on se sent peu dépaysé : au final, les pays en voie de développement semblent avoir des points communs, notamment le manque d'infrastructures publiques et une vision de la politique féodale. Je m'étais promis de ne pas jouer au touriste Club Med et de ne pas juger le pays sur une semaine en émettant des avis aussi intéressants que "ils possèdent peu mais ont l'air si heureux !". Je laisse cela aux nombreux bobos que je croise près de Jinja, tous habillés comme au retour d'un "trip" en Inde, et qui rapporteront sûrement à quel point cette aventure humaine a changé leur vie, tu vois quoi, je veux dire. Je n'ai pas choisi de venir ici, on me l'a proposé et une invitation pareille ne se refuse pas. Mais je n'ai aucun point de repère et aucune attente par rapport au pays. Je pense que ça devrait faciliter l'approche si je fais de mon mieux pour mettre mes préjugés de côté. Pas facile.

Je suis fasciné par les écoliers que je croise. Ils sont aisés à reconnaître, tous vêtus de la même couleur qui identifie leur établissement. Je les rencontre lors d'une visite à la "Wildlife Reserve", où ils admirent le lion ou les rhinocéros. Alors que leurs adultes me regardent sans expression aucune mais fixement, les enfants sont fascinés par "Mzungu", le blanc, qu'ils touchent parfois et qui les fait bien rire. Je déclenche l'hilarité chez ces petits et leur rire est incroyablement communicatif. J'ai l'impression qu'au lieu de se foutre de moi, ils rigolent de bon coeur parce que je suis étrange. C'est vrai que je peux difficilement passer pour un local, et on me prend pour un Canadien sans que je comprenne pourquoi. Je rencontre encore des petits en allant aux sources du Nil, en fait quelques bulles dans le lac Victoria que surplombe un monument érigé à la gloire de Gandhi (?) qui a fait déposer ses cendres dans plusieurs fleuves, dont le Nil. Au retour, j'aperçois d'autres enfants qui ne semblent pas avoir la chance d'aller à l'école et portent de lourds jerricans malgré leurs deux ans à vue d'oeil.

L'anglais est très développé, d'autant qu'on attend le rassemblement du Commonwealth bientôt. Les journaux sont donc faciles à lire, et relate les mêmes problèmes qu'on pourrait lire dans le Daily Star libanais : corruption, fuite des cerveaux, émeutes d'étudiants, mais aussi des articles plus spécifiques à l'Ouganda. L'un d'eux claironne qu'enfin, pour 400 000 shillings (même cours par rapport au dollar que la livre libanaise), on peut enfin savoir "qui est son père", en effectuant un test de paternité. Des strips de bande dessinée sponsorisés par USAID ornent le quotidien "New Vision" pour expliquer l'importance d'acquérir des moustiquaires pour contrer la malaria. Plus loin, la même technique est utilisée pour énoncer ce qui fait une bonne école "where everyone's needs are important...The school protects from bullying and sexual harassment". On y parle aussi beaucoup de SIDA, qui reste un fléau redouté, et parfois la réponse est trouvée dans la religion, comme sur ce panneau publicitaire montrant une jeune fille encadré du slogan "She is saving herself for marriage... What about you?". Les missionnaires pullulent en Ouganda, et les Jesus Freaks nous ont cassé les burnes tout une soirée en chantant leurs complaintes de drogués du seigneur dans une salle de conférences de l'hôtel qu'ils ont pris soin de ne pas fermer pour qu'on en profite.

Il me semble impossible de comprendre ce pays en si peu de temps, je ne peux faire que quelques observations. D'abord la cherté de la vie. Dans les supermarchés, les produits me paraissent inacessibles au commun des Ougandais. J'emmène mon chauffeur d'excursion Godfrey chez Uchumi, et il découvre les joies du Red Bull, qu'il trouve dégueu mais si ça donne de l'énergie... Ensemble, nous nous rendons au tombeau des rois, et le guide me raconte les rapports difficiles pour le moins que les Ougandais entretiennent avec la Couronne. Un pays qui n'aime pas les Anglais ne peut pas être mauvais. Je chasse cette pensée en pensant au sentiment qui doit animer les anciens colonisés par la France. Est-ce qu'on a été pires que les Brits ? Quand je vois les salopards qu'on a accueillis et soutenus, on a dû être au même niveau. En tout cas, les Anglais ont peut-être donné une langue commune, mais pas forcément un destin commun : les idées de tribu (groupe ethnique) et de clans restent fortes, et se marier dans son clan est considéré comme incestueux. Et l'armée du Seigneur lutte contre les forces gouvernementales au nord du pays, pendant que Museveni, chef du parti unique, continue son quatrième mandat de président.

J'aimerais uploader quelques photos, mais vous vous doutez que l'Internet local est sporadique. J'attendrai ma prochaine destination africaine pour le faire. En grattant frénétiquement mes piqûres de moustique, je vais profiter de ma dernière journée en Ouganda avant de voler vers l'Afrique du Sud. Ce sera dur d'éviter les clichés et les comparaisons tant les deux pays semblent séparés par plus que des kilomètres. En attendant, je vais tenter de déchiffrer cette énigmatique colère du "Local Governement Major General Kahinda Otafiire" qui affirme que "The Ministry of Local Government is not my kibanja", niant ainsi (?) qu'il utilise le ministère pour diriger les marchés d'attribution des terres à Kampala. Attention Monsieur Kahinda Otafiire ! Même en France, un ancien premier ministre peut se retrouver mis en examen pour utilisation frauduleuse du pouvoir de manière trop visible et trop stupide !

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12 juillet 2007

Asphyxie

Il y a un an commençait la guerre entre le hezbollah et l'Etat d'Israël. Il y a un an, ce blog prenait une autre tournure, devenant un espace de discussion entre des gens qui n'avaient pas grand chose à voir les uns avec les autres, mais qui voulaient voir ce que les uns et les autres pensaient. Rapidement, les commentaires se sont chiffrés en dizaines, puis en centaines, des médias ont été intéressés, et j'ai passé tout mon temps rivé sur le Liban à essayer de comprendre ce qui se passait et d'en discuter avec mes invités, tout en repoussant les attaques des trolls intoxiqués au hezbollah, heureusement aussi créatif que leur héros Nasrallah le joyeux barbu.

Je n'ai pas franchement envie de recommencer ce blog, même si pourtant il y a matière à le faire entre la réunion de la Celle Saint Cloud et les diatribes des politiciens féodaux. Je suis rentré à Paris et mon expérience du Liban, que je rejoins bientôt, est l'exacte opposée de mon éminente consoeur qui avait rédigé un très beau post sur son séjour dans la capitale. Nat se sent chez elle au Liban et l'adrénaline lui manque quand elle en est loin. Normal, c'est son pays. Moi, je désespère de trouver un Liban qui corresponde à la manière dont ses thuriféraires ont bien voulu le décrire : "Suisse du Moyen-Orient", "Coexistence pacifique", "respect entre les communautés"... Ce que je vois, c'est une haine méprisante qui grandit entre chaque clan, entretenue par les chefs de guerre qui prétendent tous avoir changé et vouloir la paix, mais "Civis pacem para bellum" oblige, se sentent un peu obligés de regarnir les arsenaux dans une course aux armements digne de la Guerre froide. L'électricité arrive toujours au compte-gouttes, l'eau devient limite toxique, les routes restent à nos risques et périls, et la religion devient de plus en plus prégnante. Les Libanais de l'étranger s'impliquent verbalement mais certainement pas financièrement, les grandes puissances aimeraient bien régler le problème mais ont peur des représailles terroristes du hezbollah, les voisins arabes n'ont jamais vu d'un bon oeil un Liban démocratique qui pourrait influencer leur population soumise, et Israël se prépare à extirper le cancer antisioniste en sachant bien que ses adversaires ont développé une intelligence artificielle qui les rend plus difficiles à battre. Rien de nouveau, et pourtant chaque jour amène son lot d'informations qui contribuent encore à obscurcir l'avenir.

A Paris, c'est le calme. Il y a des trains, de l'électricité en permanence, de l'eau potable, des routes praticables, de la sécurité, de la beauté. On reproche souvent à l'occident de vouloir imposer son modèle dans le monde. Que lui reproche-t-on à ce modèle exactement ? De n'être pas parfait ? Certes, j'en conviens, mais concrètement ? De vouloir parvenir à un système d'égalité entre les femmes et les hommes, entre les religieux et les athées, entre les pauvres et les riches ? Ce que j'aime au Liban, c'est qu'il s'agit du seul pays arabe où l'on croit en la démocratie et où chacun peut à peu près faire ce qu'il veut. Mais pour combien de temps encore ? Et à quoi bon pouvoir se vêtir et se promener où bon nous semble si la peur des bombes et des barbus nous empêchent de sortir ?

C'est vrai, je n'ai plus rien à dire. Ce que j'ai dit, je l'ai trop dit et il y a trop d'abrutis qui veulent se mettre sur la gueule ou qui veulent que le système perdure parce qu'ils trouvent leur compte. Je voulais juste remercier tous ceux qui ont contribué à ce blog et rappeler cette douloureuse date, il y a un an. Paix aux êtres de bonne volonté et que les boutefeux s'entretuent sans nous. On verra pour la suite.

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