31 janvier 2007

Je suis légion

Que faire quand, comme Barbarallah alias Nasrallah, on est pris en étau entre les milices adverses et les forces de l'ordre régulières ? On rouvre le front des fermes de Shebaa ! Mais pas tout seul.

Sentant que ses efforts de renverser le gouvernement s'enlisent, que ses alliés aounistes enchaînent les bourdes et que les Marada semblent désireux de négocier avec les forces libanaises, Nasrallah a tenu à rappeler que son parti sert avant tout à détruire Israël, au cas où on l'aurait oublié. Mais la donne militaire a changé depuis juillet 2006. D'abord, la FINUL blindée a pris position entre les belligérants, et il devient plus difficile de tirer des roquettes vers les hébreux en se cachant dans les villages du Sud-Liban. Ensuite, Israël a changé de stratégie, et Gaby Ashkénazi a été embauché pour faire un travail en particulier : ne plus perdre la face en cas de conflit avec le parti de dieu iranien ; on peut hélas lui faire confiance sur ce point. Enfin, toute la crédibilité du hezb, symbole de la résistance, s'est envolée lorsqu'il a montré son vrai visage et commencé à paralyser le Liban en installant ses tentes au centre ville. Le Liban, moins que jamais, n'est pas prêt à suivre le fou d'allah dans une croisade suicidaire afin de rouvrir un front au sud, alors même que le pays marche sur les rotules.

On peut accuser Barbarallah de tout, corruption, mensonge, hypocrisie, traîtrise, mais on ne peut lui enlever ses talents de politicien. Le représentant du dieu anti-juif sur terre a compris que le temps d'ouvrir la résistance à tous était venu, maintenant qu'il existe un risque sérieux de se faire décimer en cas d'attaques sur Israël. Tout comme en 2006, il avait engagé tout le Liban dans sa guerre sans lui demander son avis, aujourd'hui Nasrallah crée United résistance of Liban afin de motiver les jeunes Libanais à donner leur sang dans une vaste campagne nationale de patriotisme fanatique. Dans un premier temps, le barbu-taupe compte enrôler les derniers bassistes du Liban, ainsi que les fachos du parti social nationaliste syrien, un groupuscule dont le drapeau et les objectifs ne sont pas sans rappeler un autre parti national socialiste situé vers l'Allemagne. Ensuite, il sera temps pour les forces d'Aoun et celles de Sleiman Frangié de décider s'ils préfèrent verser le sang libanais ou israélien. Curieusement, je crois connaître la future position d'Aoun, mais j'attends avec impatience de connaître le "montage" qu'il va inventer pour justifier de sa dernière et splendide contradiction.

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27 janvier 2007

WIL IRL ou SL ?

Et on continue de vivre dans ce pays après des mois d'attentats, de bombardements, d'affrontements intercommunautaires, sans compter les tracas de la vie matérielle concernant l'eau, l'électricité, les routes, etc. Je repense à mes besoins bourgeois de base comme tous les Français nourris au service public (Scandale : il neige en janvier ! Que fait le gouvernement !?) et je m'aperçois que décidément, l'être humain s'adapte à tout. Surtout quand je vois les Libanais qui continuent à éduquer leurs enfants du mieux qu'ils peuvent. Au risque de me répéter, c'est une des caractéristiques qui me frappent le plus dans ce pays, cette volonté de donner la meilleure éducation aux enfants, comme si demain, s'il n'avait plus rien, il pouvait leur rester une tête bien faite.

Un curieux sentiment émerge parmi ceux qui vivent dans la peur des coups du hezb et de ses voyous : la sensation d'être protégé par les milices adverses. C'est une curieuse sensation, plutôt fascinante, mais les forces libanaises, dont les militants m'ont toujours effrayé par leur similitude avec les sbires du hezb, paraissent maintenant rassurant devant la vigueur avec laquelle ils ont repris les rues aux insurgés mardi dernier. Quand on vit dans un climat de peur, on n'est plus rationnel. Je ne donne pas mon soutien sans bornes à Samir Geagea, même s'il reste l'un des rares chefs de milice à avoir payé pour la guerre, contrairement aux autres qui s'appropriaient des maroquins. Et je connais les dérives dont sont capables les FL, tout comme leurs alliances douteuses dans le passé avec notre front national d'extrême-droite. Mais au moins, en plus d'une armée qui ne peut pas être sur tous les théâtres de violence, la rue n'appartient pas seulement à ceux qui veulent la fin de la démocratie. Oui, je préfère les FL au hezb, même si on n'arrive pas encore à un projet démocratique et laïc, ce qui montre à quel point on est forcé de choisir son camp dans ce pays. Quand on réfléchit à la question, on s'aperçoit que l'avenir reste de toute façon très limité devant les acteurs qui prennent part aux troubles actuels. La guerre de 1975-1990 n'a rien résolu, il y a de fortes chances qu'avec exactement les mêmes acteurs, les évènements auxquels nous assistons ne conduisent que sur un statu quo triomphant sur un champ de ruines.

Quoique. Aoun faiblit, comme on a pu le voir lorsqu'il a exhibé sur Al Manar, la chaîne de télévision du mouvement terroriste hezbollah, une photo grossièrement truquée montrant un tireur portant un t-shirt avec le symbole des forces libanaises, pointant son arme sur la foule. Le montage était si mal fait qu'Aoun est devenu rapidement la risée du Liban. Une fois de plus. Ce vieil homme est malade. En revanche, le jeune Saniora aura fort à faire pour ne pas décevoir les attentes de millions de Libanais, et des autres pour qui le sort du Liban demeure important. Voilà, redevenu navigateur phénicien, le Liban louvoie entre espoir et résignation, entre violence et trop calme, entre pays arabe et miracle libanais.

Je suis en train de réfléchir à la possibilité de faire migrer ce blog sur Second Life. Après tout, la Suède va bien y ouvrir son ambassade virtuelle, et Mme Royal y a ouvert une permanence. Alors, WIL sur SL juste pour être tendance ? Pas vraiment, plutôt pour mieux faire comprendre le système des univers parallèles, et pouvoir profiter d'une structure qui permet d'engranger des photographies, des vidéos, des sons et qui permet au visiteur de se promener dans un site en trois dimensions. De fenêtre sur le Liban, ce blog deviendrait une maison à part entière, et vous pourriez converser dans un salon autrement plus confortable que les comments qui s'avèrent parfois trop étroits. Si vous avez des idées, je suis preneur. En attendant, je retourne dans cet univers parallèle où eau, électricité et démocratie sont virtuels, mais où les balles sont réelles.

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26 janvier 2007

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Les émeutes d'hier entre "jeunes" du campus de l'Université Arabe de Beyrouth se sont tenus à quelques dizaines de mètres de l'un des plus connus des camps palestiniens de Beyrouth : Sabra de triste mémoire. L'un des snipers sur le toit s'est révélé être syrien et a été arrêté par l'armée. Curieux, il y aurait des éléments étrangers introduits au Liban ? Par exemple, j'en reste sans voix. Ce conflit n'opposerait donc pas les Libanais entre eux, à la manière d'une guerre civile ?

Tout semble revenu à la normale au Liban, même si tout a changé. Le hezb, qui a lancé des fatwahs hier contre ceux qui persisteraient dans la violence, a réalisé qu'il ne tenait pas la rue comme au sortir de la guerre de juillet 2006. Paris 3, qui a été un succès indéniable malgré le sketch d'un Chirac ami du Liban, redonne une crédibilité internationale à Siniora, à la fois grand argentier et seul leader du pays. Les Libanais ont peur de ce que la situation pourrait donner, une guerre qui ramènerait le pays trente ans en arrière, et ne seront que plus enclins à soutenir la seule issue possible à la crise : le soutien au gouvernement. Même l'Arabie séoudite, au nom de l'amitié entre les musulmans, tente d'apprivoiser l'Iran qui serait en passe de dés-Ahmadinejade-ation. Une image m'a fait plaisir, ou plutôt a provoqué ce sentiment de "Schadefreude" qui consiste à se réjouir du malheur des autres : le drapeau du hezb brûlé par des émeutiers. Enfin, après avoir brûlé tous les drapeaux démocratiques possibles et imaginables, on leur rend la pareille symbolique. Assiste-t-on à un revirement de situation ? Tout va aller pour le mieux dans un pays des cèdres à nouveau riant ?

Non, hélas, puisque le conflit dépasse largement les Libanais, que la Syrie possède ses capacités de nuisance intactes, que le pays a beaucoup à produire pour sortir de l'ornière économique, et que le principal problème du Liban, le communautarisme, se renforce chaque jour devant la haine qu'éprouvent entre elles les factions féodales. On peut éventuellement éloigner pour le moment le spectre d'une guerre sur le sol libanais, sauf si Israël dans un mouvement d'humeur tentait de faire oublier les ennuis de son président en se débarrassant du hezb, comme en 1982, en remontant jusqu'à Beyrouth par voie de terre. Les terroristes rattachés à Barbarallah (surnom de Nasrallah le rusé, copyleft Nabih/WIL) ne lâcheront pas leurs objectifs, changeront de stratégie, gagneront du temps. On sent déjà que leur combat morbide séduit une partie de la gauche extrême européenne qui tente d'inverser la perception de la réalité et se prépare certainement à des actions d'éclat, comme la prise d'assaut du consulat du Liban au nom de la libération d'un terroriste mardi dernier. J'ai autant peur des émeutiers lourdement armés des rues de Beyrouth que des beaux esprits de gauche en Occident séduits par un discours marxiste hâtivement concocté par le hezb et ses chiens de guerre. A nous de rester vigilants. La suite promet d'être fascinante tant elle exaltera les passions humaines dans toute leur horreur.

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25 janvier 2007

J'ai deux amours et sept milliards

Plus de 7 milliards ! Voilà ce que recevra le Liban sous une forme ou une autre. Saniora, au lieu de proclamer qu'avec cet argent il fera repeindre sa cuisine, parle déjà d'un plan de remboursement de la dette publique. Je ne sais pas si, à la manière d'un de Gaulle, il se révèle avec la crise, mais Saniora a déjà sa place dans l'histoire quoi qu'il arrive. On peut s'estimer heureux d'avoir un chef d'Etat grâce à lui, car les deux camps font assaut d'irresponsabilités, et ont encore trouvé le moyen de se taper dessus cet après-midi. Le couvre-feu est donc déclaré pour cette nuit, ce qui est une bonne idée, y'a Cauet sur la Une.

Je me trompe peut-être mais je pense que Hassan Nasrallah le rusé, réalisant que son mouvement a perdu beaucoup de sa popularité après sa guerre contre Israël, laisse endosser à Aoun la responsabilité des événements. Quand on le laisse parler, le général orange arrive à sortir un paquet de conneries, et pas des moindres : ainsi, pour lui, la grève de mardi a été un succès puisque 90% des Libanais ne sont pas allés travailler, en oubliant que le pays était paralysé par ses sbires et que cinq morts et des dizaines de blessés ne sont pas vraiment considérables comme un succès. Mais après tout, "la divine victoire" a démoli une bonne partie du pays, alors pour les insurgés, un succès est possible lorsque le Liban encaisse au maximum sans tomber. Quand Aoun le brave sera considéré comme le chef de file du mécontentement, Nasrallah le vendra et négociera un accord en douce. Les aounistes, déjà perçus comme des traîtres, deviendront les cocus du Liban, les dindons de la farce de l'opposition.

C'est un scénario certes optimiste, mais réaliste au vu de l'histoire du Liban où les alliances se font et se défont en fonction du sens du vent. Saniora est consolidé dans sa démarche par l'ensemble des pays qui comptent, à l'exception des parrains du hezb, Syrie et Iran. Il a la légitimité, l'argent et les forces de l'ordre avec lui. De plus en plus de Libanais se rallient à son panache blanc devant les méthodes mafieuses des insurgés. Et le hezbollah sent bien qu'une nouvelle provocation vis-à-vis d'Israël ne sera pas aussi facile qu'en juillet : Gaby Ashkénazi, le nouveau chef de l'armée israélienne, est un ancien Golani, connaît bien la Galilée et se tient prêt à laver les affronts de la dernière guerre.

S'il n'y avait pas autant de morts et de blessés, je dirais que c'est fascinant d'assister à l'histoire en marche, comme un feuilleton haletant. On se demande tout de même si, parmi les insurgés, certains ne vivent pas dans une fiction permanente et peinent à retrouver contact avec la réalité.

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24 janvier 2007

Calculs (à double sens)

Donc on attend les pépètes que ne manqueront pas de donner au Liban les pays préoccupés par son avenir. On parle de montants faramineux et on peut être sûr que les parrains occidentaux sauront se montrer aussi généreux qu'un Iran qui envoie entre 10 et 15 millions de dollars par mois au hezbollah. Le parti de dieu a appris à investir utilement cet argent ; il reste à espérer que l'Etat libanais saura prendre les mesures destinées à ne pas retomber dans les vieilles habitudes consistant à construire des ponts qui n'existent pas. "Ventre affamé n'a pas d'oreilles" énonce un proverbe populaire. Le jour où le Liban parviendra à une croissance économique englobant l'ensemble de la population, les querelles se mettront en sourdine, et les religions s'effaceront au profit de l'économie. Comment pensez-vous qu'on soit parvenu à la paix en Europe ? En créant ARTE ?

Les événements libanais m'ont empêchés de rendre hommage à l'Abbé Pierre, disparu lundi. J'ai eu la chance de l'interviewer lors de son passage à Beyrouth, il y a quelques années, et donc de passer quelques heures avec lui. Forcément réticent au départ devant un homme d'église, j'ai été à mon tour enthousiasmé par ce saint laïc à qui on a fait de bien mauvais procès. On lui a reproché d'être un "people", alors même que ce sont les célébrités qui cherchaient son contact pour se donner une bonne conscience d'apparence. Et puis il y a eu l'affaire Garaudy, qui montre avant tout que c'était un homme d'amitié, antisioniste peut-être, antisémite certainement pas. L'homme possédait sûrement ses défauts, mais ses rapports tendus avec le Vatican renforce mon opinion qu'il était peut-être le seul catholique qui vivait sa foi. En tout cas, c'est le seul que j'aie rencontré. J'espère qu'il n'est maintenant pas au même endroit que cette fripouille de Jean-Paul II, ou alors on doit bien rigoler là-bas.

Tristan se préoccupe très sérieusement de mon invitation d'office au sacre de Nicolas Sarkozy et m'a envoyé les résultats partiels de ses investigations. Je reste choqué par les méthodes de notre Fouché, pour qui je n'éprouve d'ailleurs aucune antipathie à la mode. Si le candidat utilise les moyens de la République, les chances que je vote pour lui s'éloigne chaque jour davantage. Surtout que j'ai appris qu'il ne buvait pas. Désolé, impossible en France d'avoir un président qui ne boit pas. Im-po-ssi-bleuh. En revanche, je me demande souvent la tête que ferait les phallocrates iraniens ou séoudiens s'ils devaient rencontrer UNE présidente de la république française. Rien que pour cela, le vote Ségolène commence sérieusement à faire son chemin. Une femme présidente, une Marianne en chair et en os. Je trouve que ça a de la gueule. Et qu'on ne vienne pas me parler de programme, je ne connais personne qui lisent l'intégralité des programmes des candidats (mais dans les comments, on trouve souvent des oiseaux rares).

Je n'ai pas parlé du retrait de Nicolas Hulot. Normal, il n'y a que dans des pays aussi riches que la France ou les USA qu'on peut se permettre de tels non-événements. Moi non plus, je ne me présente pas à la présidentielle, je peux même pleurer un peu si vous voulez. Je préfère pleurer sur les morts du Liban, et puis espérer qu'à l'image des routes aujourd'hui, on arrivera à faire table rase du passé, et compter les pépètes.

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23 janvier 2007

Comment j'ai traité une lectrice de connasse

"Le Moyen-Orient, c'est compliqué", commencent toujours les cuistres, comme si le reste du monde ne l'était pas. C'est vrai que cette région du monde est complexe, mais surtout elle semble attirer et fasciner nombre d'observateurs extérieurs qui semblent adorer le manichéisme que semble offrir cette région toujours en feu. Le plus souvent, je l'ai déjà noté, on aime se positionner en "pro-palestinien" ou "pro-israélien", sans parvenir à comprendre que l'on peut être les deux, ou plutôt qu'il est impossible d'être l'un sans l'autre. Le Liban a sombré à son tour dans la dichotomie brutale, oubliant les subtiles alliances et les nombreux clans qui faisait sa diversité. Maintenant, on est avec le hezb ou contre lui. Ce positionnement regrettable contribue néanmoins à clarifier les choses, mais amène son lot d'extrémisme ; ce blog, de par sa nature, ne saurait être épargné.

J'ai donc traité de "connasse" une lectrice parce que j'en ai marre du romantisme de gauche que représente le Liban, dernier lieu à la mode pour les Lawrence d'Arabie frais émoulus de Sciences -po, ou bastion de la résistance contre l'Occident pour des suicidaires honteux d'eux-mêmes prêts à mourir pour leurs idoles de pacotille. Le Liban est un pays où l'on vit d'abord, c'est-à-dire qu'il ne doit pas de prêter à se savants calculs destinés à tester des hypothèses académiques. Les faits sont là : 18 communautés religieuses, elles-mêmes redivisées en tendances politiques, sont obligées de coexister dans ce trop petit pays. Les Libanais n'ont pas de projet commun comme les Israéliens, ils n'ont pas non plus leur dynamisme ou leur sens des affaires ; mais les Libanais ont réussi ce qu'aucun pays arabe n'a pu accomplir en matière de coexistence. Evidemment, on peut gloser de cette réussite toute relative et faire remarquer que le Liban en matière économique ne produit quasiment rien, attire cinq fois moins de revenus touristiques que la Syrie, et qu'une large frange de la population est laissée pour compte et survit avec des moyens dérisoires et souvent illégaux. L'électricité est fournit par tranches horaires, l'eau devient de plus en plus suspecte, et les routes encombrées de 4X4 font risquer l'accident à chaque tournant, quand les embouteillages n'obligent pas à redoubler, retripler d'attention pour zigzaguer entre les trous. Mais tous ceux qui connaissent un tant soit peu le Liban ne parviennent pas à l'oublier, et des années après, j'en ai la preuve dans les commentaires de ce blog, ils se souviennent de ce pays qui les a tellement déçus et qu'ils n'arrivent pourtant pas à détester, bien au contraire.

Ce soir, aux informations françaises, on s'étonnait d'un scandale : il neige en janvier ! Pas un mot sur le Liban et sa journée noire, bien que Jacques Chirac passe sur la LBC interrogé par trois journalistes. Curieusement, ça m'a rassuré. Moins on parle du Liban, moins on dit de conneries. Et surtout, je suis confiant dans l'avenir. Paris 3 ou III va ramener des sommes colossales qui permettront de solidifier l'embryon d'Etat que nous avons grâce à quelques hommes courageux, dont Fouad Siniora. Aoun échangera la présidence comme un plat de lentilles, et arrivera une fois de plus à convaincre ses troupes de faire volte-face comme il a toujours très bien su le faire. Les Maradas retourneront à leur anonymat et le parti communiste libanais dans son musée. Quant au hezbollah, c'est une autre affaire, mais si l'économie repart, il aura de moins de moins de soutien des damnés de la terre. Si l'Occident avait aidé financièrement l'Allemagne avant 1933, les SA de Hitler n'auraient pas réussi à recruter en masse des Allemands désemparés. Avec un peu de chance, le tribunal international contribuera à faire tomber quelques têtes, dont celle de Nasrallah qui porte le poids des destructions de juillet.

Le rêve d'un Liban en pleine souveraineté de son territoire, accueillant et charmant comme il sait l'être, mérite qu'on se batte contre les barbares. Et qui sait, après les propos de Joumblatt augurant d'une coexistence avec Israël, bientôt une paix régionale pourra être envisagée. A ce moment, et seulement à ce moment, on pourra faire le ménage dans l'histoire du pays. D'ici là, Nabih Berri aura opté pour une retraite dans les Bahamas, bien plus intéressantes que Téhéran, et Hariri aura redonné au Liban une partie des sommes que son père avait réussi à détourner avec l'aide d'une bonne partie des élites grâce à Solidere. C'est compliqué le Moyen-Orient, mais la politique, c'est partout pareil : d'abord on s'allie contre un ennemi commun, après on règle les comptes. Et pour le moment, on soutient le gouvernement contre les insurgés. A fond. Pour le moment...

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"Pourquoi je ne suis pas allé travailler" ou "pendez les gauchos qui vous racontent en France que les insurgés libanais sont des forces de progrès"

Ce matin, j'ai quand même pris ma voiture pour aller au travail, malgré un SMS vers 7h30 prévenant que les routes étaient bloquées et que chacun était invité par la Grosse Boîte à rester à la maison. J'ai voulu me rendre compte de ce que c'est, un Liban en grève, pour voir si c'est aussi festif qu'en France où finalement les gens s'amusent beaucoup dans les manifs.

Hé bien non. Mon expérience reste toutefois moins directe que Bee, mais j'ai aussi eu droit aux pneus qui brûlent sur l'autoroute, ainsi qu'à des jets de pierre qui ne m'étaient peut-être pas destinés, mais qui m'ont vite fait comprendre qu'il y avait des choses très intéressantes à la télé aujourd'hui. Me voici donc rentré à la maison, toute velléité de me rendre au travail aujourd'hui s'évanouissant devant la détermination des insurgés.

Si vous venez sur ce blog, c'est aussi pour avoir une image plus personnelle de ce qui se passe au Liban. Je peux donc vous le dire : ces insurgés sont des voyous, des fachos, des criminels. On ne peut pas leur pardonner car ils savent ce qu'ils font. Ils détruisent le Liban en donnant un vernis de forces de progrès, comme en 75, appuyé en cela par un parti communiste et une CGT imbéciles qui voient là une occasion de se pousser du col en fournissant un pseudo-programme économique. Mais derrière la naïveté politique d'Aoun, soutenu par ses SA, se protège le fascisme politique du hezbollah, dont l'objectif reste toujours d'instaurer une république islamique au Liban en détruisant Israël s'il en a l'occasion.

N'écoutez pas les bonnes âmes qui vous diront, en voyant les images des émeutes, que la police réprime sauvagement l'expression de la liberté. La police protège les faibles, comme c'est son rôle, et maintient un semblant de civilisation dans un pays au bord du gouffre. Moi aussi sur ce blog j'ai vilipendé la corruption et le féodalisme de ce pays, et je me suis moqué des dadames d'Achrafieh, ce quartier riche et chrétien, qui préfèrent parler français pour qu'on ne les prenne pas pour des Arabes. Mais jeter le bébé avec l'eau du bain ? Tout détruire sous prétexte que ce n'est pas parfait ? Donner les clés aux fascistes associés, comme au temps du pacte germano-soviétique, aux derniers communistes en activité, qui s'ébrouent après avoir hiberné depuis la chute du mur de Berlin ? Abandonner l'idée que le Liban puisse rester la seule démocratie du monde arabe pour en faire un Iran bis ou pire une fédération religieuse ? Très peu pour le Liban. La force ne doit pas passer. La majorité, l'immense majorité des Libanais en est convaincue. Les casseurs doivent être traités comme tels. Paris III redonnera une légimité au gouvernement Saniora, et le confortera dans ses projets salvateurs.

Occidentaux qui lisez ce blog, ne cédez pas à la tentation de voir dans les insurgés les courageux réformistes qui luttent contre un pouvoir inique. Les fachos sont dans la rue, et après la Marche sur Rome, ils montrent leur vrai visage de violence pour s'approprier le pouvoir. Il faut soutenir le gouvernement, qui reste ce qui nous sépare de la barbarie.

Rappelez-vous du Liban, s'il vous plaît.

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21 janvier 2007

Paris-bâtard

Chaque année, c'est pareil, un évènement fait sortir toute la méchanceté qui sommeille en moi le reste du temps : le "Paris-Dakar". Les seuls moments où je me réjouis sont ceux où un des concurrents perd la vie ; je sais, c'est pas bien, mais c'est comme pour la corrida ou la chasse, quand un de ceux qui ont la machine de mort se fait démolir, ça me plaît. Après tout, c'est bien pour défier la mort qu'ils font ce genre de trucs, non ? Vous n'allez pas me dire que c'est pour admirer le paysage ou "amener la civilisation" ?

J'ai déjà proposé de faire ce genre de rallyes en banlieue parisienne, ou dans les campagnes françaises. Nos braves paysans auraient le droit de plomber à la chevrotine les participants lancés à pleine vitesse qui percuteraient leur bêtes, et auraient le droit de récupérer les machines des malheureux concurrents. Bizarrement, cette suggestion n'a pas eu l'heur de plaire au comité des "500 connards sur la ligne de départ". J'ai même proposé, pour conserver l'aspect exotique, de faire un rallye Tel-Aviv-banlieue Sud de Beyrouth mais on m'a répondu que c'est dangereux, et que les participants risquaient trop leur vie alors que là, en Afrique, maximum c'est quoi, trois-quatre gamins qui perdent la vie à chaque fois sur le bord des routes ? Et les parents sont tout contents de recevoir des sous pour compenser la perte d'un niard dont ils avaient oublié l'existence vu que nous savons grâce à P. Sevran qu'ils passent leur temps à copuler et à faire des mioches qui finiront avec des mouches dans les yeux ! Alors merde, vive la civilisation ! Que dieu bénisse les vroum-vroum qui plaisent tant à ces grands enfants que sont les Africains. Et Hulot, avec son pacte pour la planète qui concerne d'abord la France (car chez nous, les nuages radioactifs s'arrêtent à la frontière, oui monsieur !), n'est-il pas un ancien amateur de motos et de hummers, preuve que ça doit pas être si polluant que ça ! Et Johnny (avant on disait : notre Johnny national, maintenant... OK, j'arrête les parenthèses) a participé à un Paris-Dakar avant de faire de la pub pour des lunettes de presbytes, alors hein !

J'ai un rêve. Je vous le confie. Créer, avec l'aide de fondations comme celle de Bill Gates, quatre ou cinq universités en Afrique. Des facs qui formeraient de véritables élites africaines, en médecine, en environnement, en droit, en sciences politiques, en ingénierie... Des universités qui apprendraient aux Africains que la vie peut être prolongée au-delà des quarante ans qu'on leur promet en espérance de vie. Des sanctuaires du savoir qui rappelleraient que nous sommes tous sur la même planète, et que l'Afrique n'a pas à être pillée au profit des autres. Des facs qui contrebalanceraient l'influence des missionnaires ou des amateurs d'Afric. Des temples de la connaissance qui formeraient des instituteurs qui à leur tour expliqueraient aux jeunes filles que leur destinée n'est pas de se faire violer dès leur plus jeune âge et qu'elles aussi pourront un jour être médecin, avocate, scientifique, que sais-je encore. Des lieux de transmission de la sagesse qui montreront à tous les Africains que l'occident, ce n'est pas une bande de barbares qui déboulent à toute vitesse et qui chie sur l'Afrique comme un terrain de jeux. L'occident, c'est aussi des connaissances qui permettraient de sauver un continent qui, certes, va un peu mieux, mais qui reste ravagé par tous les maux de la terre. Et un jour, rêver que des profs occidentaux choisiraient d'aller enseigner dans ces universités plutôt que de faire des affaires en professant à la LSE ou à Harvard, en réalisant qu'il est beau d'aider son prochain sans le mépriser.

Bon, si vous n'êtes pas convaincus et que vous avez des velléités de vote pour des partis nationalistes, dites-vous aussi que ça résoudrait aussi la question de l'immigration ; mais ça risque quand même de réduire drastiquement le nombre d'épiceries à Montreuil, on n'a rien sans rien.

Qui est avec moi ?

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18 janvier 2007

De toute façon, une route, c'est très surfait

Ce matin, j'ai reçu une lettre (pas dans ma boîte aux lettres, au Liban, on n'a pas de boîte aux lettres, on a des concierges de pays du tiers-monde, c'est nettement plus chic) de Paris. Intrigué, je l'ai ouvert fébrilement car quand je reçois des lettres de notre bonne capitale, c'est les impôts qui me réclament des arriérés de 1997 ou demandent une caution représentant dix fois le montant des actifs potentiels que je possèderais si j'étais un chien de capitaliste. Ce n'était pas les impôts, donc j'ai épongé mon front mouillé par la crainte de devoir encore filer du pognon à l'Etat français alors même que je suis expatrié depuis 15 ans. Mais c'était l'Etat puisque j'étais invité au meeting de l'UMP du 14 janvier.

Je suis tombé des nues. Seul l'Etat possède mon adresse libanaise, ainsi que les membres de ma famille mais eux ne votent pas Sarkozy, à part un ancien chevènementiste. Donc, ça veut dire qu'un certain candidat mentionné dans la phrase précédente se sert des listings de l'Etat pour organiser sa campagne aux élections présidentielles. Vous n'êtes pas étonnés ? Moi non plus, mais je suis quand même vaguement dégoûté.

A part ça, ça y est, on va l'avoir notre escalade ! Le hezbollah sent qu'on le prend pour un con, alors à partir du 20, selon Omar Karamé, on va voir ce qu'on va voir, à savoir des routes bloquées, des aéroports paralysés (il paraît qu'on a plusieurs aéroports), des bateaux arraisonnés, bref un Liban hors-service. Le parti de dieu a perdu beaucoup de ses soutiens, et l'ensemble de l'Occident et la majorité des pays arabes sont bien décidés à aider le gouvernement Siniora qui n'a pas eu de membre assassiné depuis bien longtemps. La seule issue pour le hezb consiste donc à provoquer la confrontation, ce qui reste de l'Etat libanais ne pouvant accepter la paralysie du pays sans réagir. Une fois de plus, comme au basket, Nasrallah provoque la faute et tente de réitérer son exploit de l'été où il était apparu comme la victime qui arrive à mettre en déroute l'agresseur. La guerre civile repointe son ombre, et même si on s'habitue aux rodomontades de l'opposition, en particulier celle d'Aoun, on ne sait que trop bien qu'on reconnaît les cons à ce qu'ils osent tout.

Le hezbollah a intérêt à provoquer des troubles au sein même du Liban, car une nouvelle confrontation avec Israël risquerait de tourner au carnage. Le nouveau chef de l'armée israélienne sera certainement choisi pour sa connaissance de la Galilée et du Liban, et on peut gager qu'Israël aura su apprendre de son embourbement de juillet 2006 contre les armes iraniennes. Si le hezbollah continue à recevoir des armes qui transitent par la Syrie et que la FINUL ne peut rien contre, Israël frappera de toutes ses colossales forces, quitte à réduire le Liban en champ de cendres. On parle de phénix libanais, mais pour renaître, il lui faudra cette fois-ci un miracle, ou une étincelle.

A moins que le Golan ne soit la clé du problème et que la Syrie accepte de remuseler ses chiens de combat au Liban et dans les territoires palestiniens en échange du retour du plateau occupé par Israël. Ici encore, le Liban risque d'être pénalisé car il sera difficile d'expliquer que ce petit Etat refuse de reconnaître son puissant voisin alors que des puissances autrement plus bélligérantes, comme l'Egypte, la Jordanie et la Syrie, ont accepté la coexistence. Mais bon, relisez ce que j'ai écrit sur les cons en empruntant à un certain Audiard.

Bon, si les routes vont être bloquées, il va falloir que je me dépêche pour aller au congrès de l'UMP. Ha ben flûte, c'est passé. On a toujours les nouvelles en retard dans ce pays. Qui a gagné alors ? Villepin ?

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14 janvier 2007

Charité bien ordonnée

Je ne me suis jamais senti confortable vis-à-vis de l'initiative de William Gates de constituer la plus grosse fondation mondiale. Comme Rockefeller avant lui, un entrepreneur devenu richissime en écrasant la concurrence tente de se racheter une conscience, ou en tout cas un statut social de bienfaiteur, en donnant son argent à ceux qui peut-être ne seraient pas autant dans la misère sans lui. Et en même temps, Gates a bâti une fortune colossale en participant à une révolution positive pour l'humanité, celle de l'information numérique. Il n'a certainement pas volé son argent, il a utilisé les ressorts du capitalisme pour devenir l'homme le plus riche du monde et maintenant, à l'âge de la sagesse où l'on s'emmerde un peu, il s'aperçoit que 60 milliards de dollars, c'est beaucoup. Il décide alors d'en donner, ce qu'il aurait pu ne pas faire, et chacun de s'extasier.
Sauf que.
Un article traduit par Courrier International (que je ne lis jamais assez) rapporte que la fondation du créateur de Microsoft peine à s'imposer comme un modèle de vertu. "Comme la plupart des organisations philanthropiques, en effet, la fondation Gates consacre chaque année 5 % de ses fonds à l'exemption d'impôts, mais les 95 % restants sont des investissements rémunérateurs visant à assurer la pérennité de l'organisation." Jusque là, rien que de très normal, mais Courrier International cite le quotidien LA Times qui a enquêté sur la gestion de la fondation :

L'enquête du Los Angles Times montre que la fondation Gates a investi avec profit dans plusieurs compagnies reconnues pour leur impact néfaste sur l'environnement et la santé. Mais d'autres activités qui concernent les Etats-Unis soulèvent également des problèmes éthiques. Ainsi, le quotidien californien révèle que "la fondation Gates avait de gros investissements dans des compagnies de crédit immobilier, qui ont été traduites en justice pour plusieurs raisons : avoir dépossédé de leur propriété des milliers de personnes ; dans une entreprise de santé qui a accepté de payer 1,5 milliard de dollars, pour éviter des ennuis judiciaires en raison d'erreurs médicales et de fraude ; ou encore dans des sociétés de fabrication de chocolat qui feraient travailler des enfants".

En d'autres termes, "les critiques soulignent surtout que la fondation Gates n'a pas usé de sa puissance et de son immense richesse pour changer le comportement des compagnies dans lesquelles elle investit".

En fait, je dois avouer que je me fous de la fondation Gates, c'est encore une fois l'occasion pour moi d'évoquer la sagesse norvégienne, pays à des années-lumière de notre Occident dont nous sommes si fiers et qui a pourtant tant à apprendre. Pendant que Gates effectue des donations médiatiques et fait fructifier des commerces discutables, la Norvège a nommé un philosophe de 39 ans, Henrik Syse, à la tête de du fonds de pension national gérant les bénéfices du pétrole, soit un trésor de guerre de 250 milliards d'euros. En conséquence, Syse a pour responsabilité de gérer avec éthique près de 0,3% de toutes les actions mondiales et entend mêler capitalisme et responsabilité :

For example, Syse and his dozen co-workers investigate accusations about poor employment conditions, or about the exploitation of female and child labor at Third World production sites. In cases where there are accusations that, for example, the rights of women are being walked over or that methods of production clash with environmental regulations, the Norwegians ask the corporation in question to investigate and take action to eliminate the problem.

Such practices are "a burden for us as an investor," Syse says. That's why he and his team look into every rumor. "We demand answers to all questions," Syse adds, and "complete openness." But it's not an easy task by any means -- especially for a fund that makes as many as 22,000 business decisions a year.

La Norvège m'inspire. Toutes ces décisions procèdent d'un sens de l'humanisme et du respect de l'environnement pris au sens large que je trouve extraordinairement intelligent et altruiste. Je demande donc solennellement au roi de Norvège, qui doit s'appeler Bluetooth© quelque chose, qu'il implique plus son pays dans la gestion de la crise au Liban. Au moins, qu'il envoie un drakkar de vikings pour régler son compte au Hezbollah et à ses sbires.

CAR, pendant ce temps, au Liban...

On m'a envoyé un article tiré de L'Humanité (que je ne lis jamais) intitulé sobrement "Cessons de caricaturer le Liban". Si c'était un titre de post de blog, on pourrait comprendre. Quand c'est un titre d'article de journal, on sent l'arnaque. Et en effet, cette tribune libre est signée Fabrice Balanche, que l'on ne connaît pas, mais qui travaille à l'Institut Français du Proche-Orient, que l'on ne connaît que trop bien. L'IFPO est un de ces nombreux centres de recherches à l'étranger que la France subventionne avec plus ou moins de bonheur. Dans le cas qui nous intéresse, vos impôts, mes bons amis, entretiennent un centre de recherches qui se focalise principalement sur l'urbanisme, et semble posséder grâce à la personnalité des directeurs qui s'y sont succédés, un solide sens de la partialité concernant la vie politique libanaise. Accueillant principalement des thésards qui trouvent le moyen de faire en six ans un travail qui réclame normalement la moitié, l'IFPO n'est hélas pas l'un des plus fiers représentants du génie français en matière de recherches en sciences sociales, et le dénommé Balanche, par sa splendide analyse de la crise actuelle et son soutien à peine déguisé au "forces de progrès" insurgée dans un quotidien qui porte encore le deuil de l'oeil de Moscou, rappelle avec éclat que les leçons de la guerre civile de 1975 n'ont pas atteint la place du Colonel-Fabien.

ce que nous voyons dans les manifestations de l’opposition « pro-syrienne », ce sont des gens de toutes les confessions, plutôt de milieux modestes, qui se rassemblent pour demander un État de droit. Ils exigent que le gouvernement rende des comptes sur les 43 milliards de dollars de dettes accumulées pendant quinze ans, sous la tutelle des Syriens certes, mais aussi celle de Rafic Hariri. Pourquoi leur quotidien ne s’est-il pas amélioré ? Pourquoi eux, qui n’ont d’autre ressource que leur travail, ne parviennent-ils pas à vivre et élever leurs enfants sans l’angoisse du lendemain. Il n’existe pas au Liban de services publics dignes de ce nom, les coupures d’électricité sont incessantes, l’eau du robinet n’est pas potable, la protection sociale est quasi inexistante, l’éducation est hors de prix, etc. Voilà le Liban moderne, laïque et démocratique que préconisent les « anti-syriens » au pouvoir à Beyrouth : une société des plus inégalitaires basée sur l’argent, l’utilisation du clientélisme à base confessionnelle ou notabilière pour asservir et diviser la population, la transformation du Liban en parc de loisirs pour les riches touristes arabes du Golfe. Sur le plan international, l’alignement du gouvernement de Fouad Siniora sur la politique américaine, dans un Liban meurtri par l’agression israélienne de l’été, ne fait qu’accentuer leur rejet par la majorité de la population libanaise

Vous l'avez compris, Fabrice Balanche a très bien compris les enjeux de la manifestation : c'est le petit peuple du Liban, opprimé et humilié, qui réclame plus de droit et un meilleur avenir pour ses enfants. Et éventuellement en plus la destruction d'Israël, la menace de pointer ses missiles sur le Liban, la reprise des assassinats politiques et surtout pas de tribunal international, sans parler de la loi de dieu sur les hommes. Comment faire comprendre la nature du Hezbollah en occident ? J'ai posé cette question mile fois sur ce blog. Je ne trouve pas de réponse et je continue à m'égosiller en vain. La personne qui m'a envoyé cet article m'a demandé ce que j'en pensais ; voilà ma réponse : quand on est con, on est con. Si les Occidentaux ne veulent voir dans ce qui se passe qu'une manifestation de gauche sympathique avec merguez, une fête de l'huma au centre-ville de Beyrouth, alors qu'on ne vienne pas se plaindre des conséquences qu'aurait une reconnaissance morale et diplomatique du Hezbollah. Je suis persuadé qu'Henrik Syse n'a pas investi dans "god's party ltd." et je me barre à Oslo pour une cure de sagesse.

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12 janvier 2007

Sowing the Seeds of Love


LibanfranceUSA
Originally uploaded by WILLEBANON.
Sur l'autostrade qui mène à Tripoli, on peut trouver une série de panneaux de ce genre qui présentent à droite, le Liban de "John Bolton", à gauche le Liban de la "résistance". Evidemment, l'automobiliste est invité à préférer le Liban fasciste que l'on présente sous les atours séducteurs des manifestations populaires. Quant à la France et aux Etats-Unis, dictatures sanguinaires s'il en est, l'honnête Libanais est enjoint de s'en méfier, car ces pays ne mènent à rien de bon. La preuve : Aoun est resté 11 ans en France sans bourse délier et il a même été invité à s'exprimer sur la situation du Liban sous tutelle syrienne devant le congrès américain. Qu'Aoun soit allié au hezbollah ne change rien : ce sont la France et les Etats-Unis qui ont changé, pas Aoun.

Il semble, selon une source britannique recensée par Calli, que les Américains aient décidé de reprendre l'initiative au Liban. La CIA débarque ! Enfin, met les moyens car on peut douter que les services de renseignements américains aient jamais quitté le pays. Croyez-le ou non, mais ça me rassure que la "Company" vienne s'intéresser à ce qui se passe par chez nous. Le problème c'est que, doués en relations publiques comme ils sont, ils vont encore pousser l'opinion publique dans les bras du fascisme juste par rejet du modèle américain.

D'ailleurs où en est l'initiative des députés français de mettre le hezbollah sur la liste des organisations terroristes ? Je me souviens que Claude Goasguen était dans le coup, mais on n'en parle plus. Amis libanais de France dont je parlais dans le précédent post (et je remarque votre fair-play), faites-en un enjeu électoral ! Votons pour celle ou celui qui s'engage à considérer le hezbollah comme une organisation criminelle, fasciste ou terroriste, voire les trois ! Déjà, ça met Le Pen hors-course, et ça permettra enfin de départager les deux candidats de droite du second tour. Je pense que Mme Royal d'ici là aura récupéré ses capacités d'audition, et M. Sarkozy son kärcher de voyage.

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10 janvier 2007

Classification et évolution des espèces en fonction de leur environnement et de leurs contraintes sociologiques

Non, décidément, à l'est, rien de nouveau. Après un retour au Liban, un de plus, et un passage à l'hôpital, ça par contre ça faisait longtemps, rien de bien nouveau à raconter du pays des cèdres. Le risque de guerre civile fait partie du paysage, le deuxième round entre le hezbollah et Israël ressemble fort à Rocky VII, les chefs de clan continuent de se traiter de forbans par médias partisans interposés, Aoun ne cesse de nous stupéfier par sa capacité à réinventer la réalité chaque jour, l'électricité vient une fois de plus de se couper, il est 18h, c'est la règle, à cette heure-là nos ancêtres commençaient la veillée à la bougie.

C'est peut-être le bon moment de s'interroger non sur l'avenir du Liban, qui s'avère assez sombre, mais sur son présent. Qu'est-ce qui poussent autant de Libanais non à s'exiler, ceux-là on les comprend, ils sont humains, mais à rester au Liban ? Pourquoi, plié en deux ai-je pu trouver des médecins et infirmières compétents qui m'ont aidé à me plier de nouveau en quatre ? Comment se fait-il que mes frères de détresse continuent à faire tourner un pays, certes au ralenti, mais ne se jettent pas du haut d'une falaise en hurlant que décidément la vie est trop dure ?

Il existe plusieurs types de Libanais, de la même façon qu'on recense maintes espèces de Français. Le Libanais exilé en est un, vous l'avez sûrement déjà rencontré. Là-bas, il écoute Fayrouz en boucle et maudit les hommes politiques qui ont détruit son pays si cher, la Suisse du Moyen-Orient, le Costa Rica du Levant, les îles Fidji des pays arabes, que sais-je encore. A de rares exceptions près, le Libanais de l'étranger revient de temps à autre au pays, en général en été sauf en cas de guerre entre Israël et les barbus (voir plus loin), et examinera rapidement la situation pour conclure que décidément, le Canada (ou les USA ou le XVIe), c'est mieux. Il achètera donc plusieurs kilos de pistaches chez Al Rifai à l'aéroport, ne manquera pas d'embarquer quelques manouchés sous vide et reviendra l'an prochain, avec l'espoir que le Wifi broadband avec technologie Mimo sera monnaie courante pour regarder youtube. Revenu au pays, il fustigera à nouveau ces hommes politiques sans foi ni loi qui ont détruit son pays, puis consommera ses pistaches en regardant Jon Stewart (ou Laurent Ruquier, pour le Canada, je n'ose imaginer ce qu'on regarde).

Et puis il y a le Libanais qui vit au Liban mais qui refuse qu'on le prenne pour un Libanais. Celui-là en général affirme à qui veut l'entendre que c'était mieux du temps du mandat français, ou lors de l'Empire ottoman, voire lorsque les Romains faisaient régner l'ordre. Pour lui, les Arabes sont des cons, les Libanais aussi, et il n'y a que les Occidentaux qui sont civilisés. On le croise généralement près du CCF (Centre culturel français) où il organise des conférences ou alors à l'université où il professe que les Arabes sont des cons, les Libanais aussi et il n'y a décidément que les Occidentaux qui sont civilisés.

Ensuite, il y a le barbu libanais et son équivalent féminin, la tente portable. Rarement griffée Quechua contrairement à sa cousine française, la tente portable libanaise ne s'exprime que rarement, mais quand elle le fait, c'est pour soutenir les barbus qui veulent tuer tout ce qui n'est pas barbu, en particulier leurs cousins qui sont peut-être barbus mais portent des ronds de tissu sur l'occiput comme le pape, donc ce sont des traîtres qu'il serait bon de massacrer au nom d'un dieu d'amour. Le barbu se fout du Liban, du Mont-Liban ou de l'Anti-Liban, ce qui importe c'est l'après-Liban, ce qui pose quand même une colle : si le barbu massacre tous les porteurs de ronds de tissu sur l'occiput comme le pape, n'y-a-t-il pas un risque qu'il les retrouve au paradis, et là la fête sera vraiment gâchée ? Le barbu ne se pose pas ce genre de questions ; le mégabarbu est censé se les poser et y répondre en demandant la sagesse du métabarbu. En attendant, on n'a pas le temps pour ces conneries alors il serait bon d'aller envoyer deux-trois roquettes sur les ronds de tissu sur l'occiput comme le pape qui vivent à côté plutôt que de se poser des questions de tafiole.

Il y aussi les druzes, mais d'eux, on ne sait pas grand chose sinon que leur chef est desfois d'un côté, desfois de l'autre. Sinon, ils sont plutôt sympas si on ne les emmerde pas.

Et puis il y a la majorité des Libanais qui continuent de vivre et d'envoyer leurs enfants à l'école parfois sous les bombes. Et ceux-là, je ne dirai jamais assez combien je les aime au quotidien, malgré leurs manies de prendre des sens interdits et de s'habiller comme dans les années 70. Ce blog est pour eux, même s'ils ne m'ont rien demandé, et continuera d'émettre contre vents et marées, pour rappeler à son minuscule niveau que le pays des Libanais doit continuer d'exister malgré ses contradictions. Et peut-être qu'un jour, le Libanais de l'étranger reviendra au pays et restera bouche bée parce qu'on aura reconstruit un pays tel qu'il pourra juste admirer et rien trouver à redire. Et le barbu, de son paradis avec plein de vierges enragera que son plan n'ait pas réussi, et le Libanais-pas Libanais se mettra à professer que décidément, seuls les Libanais sont civilisés.

Yalla, au boulot.

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04 janvier 2007

Vanité de Duloz

Grâce à l'éblouissante Maq, j'ai pu lire un article en rapport avec Beyrouth à propos d'un phénomène que j'avais oublié : le syndrome Lawrence d'Arabie. Rapidement et sans détails, vu que le brevet est en cours d'enregistrement, ce syndrome touche les jeunes occidentaux qui parviennent au Moyen-Orient et sont capables de flairer dans les parfums de mort les effluves de l'action romantique. Jonathan Littell en est donc sérieusement atteint et nous en livre quelques symptômes dans une interview au Point. L'auteur couronné par le prix Goncourt, mais qui bien sûr crache sur ce milieu littéraire pourri, assène d'entrée de jeu sur Beyrouth "«C'est pas pire que Mostar ! », ce qui ne veut rien dire, mais permet aux gens de lui demander "ha bon ? Vous connaissez Mostar ?" et lui répondra "oui, je me souviens lorsque bla bla bla...".

Littel séjourne à l'hôtel Alexandre, qui est l'endroit traditionnel d'accueil pour les "petits" auteurs invités par l'Ambassade de France, sinon c'est l'Albergo, que je vous recommande si vous avez des sous. Evidemment, Jonathan ne peut s'empêcher de demander la même chambre que celle qu'a occupée
en 1982 Ariel Sharon, que Littell appelle "Le Lion". Il aurait dit "Arik", ça aurait été aussi provoc, mais Jojo ne fait pas de la provoc, c'est un voyageur qui vient "discuter" avec les gens, un peu comme Dieudonné mais en plus juif. Je me demande si à l'aéroport il le savait que M. Littell est juif. Sans doute pas. Schwartzmann ou Bensoussan oui, c'est juif, mais Littell, ça sonne comme little, ça fait américain. Armé d'un vieux copain qu'on ne connaît pas mais qui dit "khalas" comme un vrai Français arrivé depuis deux jours au Liban, Littell parcourt le pays en voyageur.

Ils sillonnent le pays. Tyr, Baalbek, Byblos, Afqa, où le dieu Adonis aurait été tué par un sanglier, et puis l'endroit iconique des Cèdres, tout en haut de la montagne chrétienne. Ce que Littell y a préféré ? « Le bunker de Samir Geagea », dit-il, évoquant le chef des Forces libanaises, qui depuis sa sortie de prison s'est retranché sur ces hauteurs. Et à Byblos ? « Les trous où les Phéniciens mettaient leurs morts. » Décidément ce type est étrange. Très côté obscur.

Hé quoi ? vous auriez voulu qu'ils disent qu'il a beaucoup aimé le vieux port et les clapotis des bateaux ? Mais enfin, c'est un auteur Littell, il est pas venu pour faire du tourisme, c'est un vo-ya-geur. Et on lui fait pas à lui, il sait la différence qu'il existe entre manche courte et manche longue en Sierra Leone. Il paraît que le bouquin de Littell est bon, bien qu'il ait pris un sujet neuf, les nazis, et pas du tout polémique, un peu comme lui qui fait tout pour passer inaperçu.

A Beyrouth, on n'a pas besoin de télé, le monde vient à nous. Les grands voyageurs comme Littell viennent faire partager leur expérience du monde, expliquer aux Libanais que "c'est pas pire que Mostar", mais reviendront à Paris en disant "je reviens de Beyrouth, ça rappelle beaucoup Sarajevo". C'est sûr que ça n'aide pas le Liban, mais une semaine dans la région, ça vous héroïse son auteur germanopratin.

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02 janvier 2007

Hillbilly deluxe

Après avoir traîné mes guêtres dans les boutiques franchisées parisiennes, j'en conclus que l'Occident n'a aucune chance.

Passez chez Muji, et contemplez des hordes de bobos décidés à payer un malheureux carnet quatre fois plus cher parce qu'il ne comporte pas de décorations ! Engouffrez-vous chez H&M et frayez-vous un chemin parmi les teenagers qui sont persuadés qu'acheter des fringues au kilo en provenance du Bangladesh est la meilleure façon d'aider le Tiers-Monde ! Egarez-vous dans les Quick et les MacDo pour vous rendre compte que la malnutrition est un malheur librement consenti, et faites comme moi, demandez le menu XL !

Mais mes antres préférés sont incontestablement Nature et découvertes et Résonances. Dans ces temples du bien-être, apprenez à être en harmonie avec vous-mêmes. Le monde est dur, les canons tonnent au Moyen-Orient, les inondations ravagent l'Asie, les Africains meurent par centaines en tentant de rallier l'Espagne, mais vous, citoyen de la libre Europe, élément primordial de ce colossal ensemble de 487 millions d'habitants, "omphalon" du monde civilisé, vous avez le droit de prendre soin de vous, de vous accorder un bol de tisane fumante provenant de l'Himalaya en humant un mélange d'encens issu d'une technique ancestrale bolivienne en écoutant des chants inuits scandés par des instruments aztèques. La luminothérapie, l'aromathérapie, la bobothérapie vous aident à surmonter les douleurs de votre vie si difficile, entre les grèves de métro, la pollution, le manque de politesse de la boulangère et votre Freebox qui refuse de marcher. Grâce à la machine qui imite les bruits du coeur ou le chant des oiseaux, réveillez-vous frais et dispos pour affronter la jungle urbaine, et au retour, n'hésitez pas à vous offrir pour 3000 euros un siège de massage électrique qui vous évitera d'aller aux putes tout en pressant un coussin constitué de noyaux de cerises sur votre nuque agressée par la vie moderne.

Je ne voyais pas les choses comme ça avant. Même l'UNICEF m'a gonflé avec sa boutique de bons sentiments. En payant la dame pas aimable, j'avais quand même la vague impression de faire LA bonne action qui me permettra de me voir comme un gars bien qui pense aux pays en voie de développement et les gens qui viendront chez moi ne manqueront pas de noter que mon bloc-notes près du téléphone ne provient pas de chez Muji, mais d'une petite coopérative indienne perdue dans les Andes, ce qui explique les moches dessins sur les bords, mais fera penser aux visiteurs que je suis un un altruiste qui a conscience des ravages de la mondialisation.
Je ne veux pas voir les choses comme ça. Etre un bobo, c'est quasiment un summum de vie, la preuve d'un bon karma, la fin des réincarnations qui ont commencé avec le bousier et s'achève sur une vie pleine de petits tracas comme "vaut-il mieux choisir un bougeoir déshumidificateur ou une lampe infrarouge anti-acariens pour aller avec le dessous de table en alu recyclé de boutiques du monde ?". J'ai l'air de me moquer, ça tombe bien, je le fais, mais c'est surtout parce que quand je vois la quantité de problèmes qui vont nous retomber dessus dans les années qui viennent, sans même évoquer le réchauffement climatique ou le trou de la couche d'ozone que tout le monde a oublié (pas vendeur, coco), je reste pantois de voir des Parisiens et des Parisiennes se ruer dans les magasins pour claquer l'argent des étrennes et préparer les soldes. Non pas que je ne sois pas capable de matérialisme aigu ; on m'a même diagnostiqué un "compulsive buyer syndrom" il y a quelques années. Mais aujourd'hui j'ai surtout peur que cette frénésie n'aille dans le mur. Que la mondialisation rapproche les consommateurs mais pas les cultures. Que nos problèmes en Occident soient devenus une question de choix de confort (Ségo ou Sarko ? Capuccino ou double expresso ?) et que l'on n'ait plus conscience de l'importance de l'engagement.

En France, il y a des "SDF", affreuse expression technocratique qu'on emploie à la place de clochards. Les gens s'indignent grâce à une organisation emmenée par un charismatique acteur raté aidé d'un Jean Rochefort sincère. Ils ont raison de s'indigner. Mais le monde est peuplé de "SDF" qui n'ont même pas l'espoir d'un centre d'hébergement ou d'une loi sur le logement, sans parler d'un RMI. Notre capacité d'indignation s'émousse vite, c'est humain. Contempler le malheur en permanence ne le fait pas régresser et donne parfois envie de sujets plus légers. Je pense que le client de Muji qui remplit son caddie de crayons de papier à 4 euros sait que le monde est dur ; j'imagine avec naïveté qu'il essaie d'y échapper en dépensant ses sous en agenda cartonné austère avant d'aller acheter des T-shirts American Apparel qui le réconforteront dans l'idée que capitalisme et humanisme peuvent coexister. Et qu'est-ce qu'il devrait faire ? Partir au Darfour ? S'il n'a pas de compétences particulières, il finira alcoolo et brisé. Sinon, il sera un Mensch, même si la plupart des Menschen que j'ai rencontrés étaient des femmes.

Vous remarquerez que je ne donne pas de solutions aux problèmes que j'évoque. Bon, je vais reprendre du foie gras, il en reste du Nouvel an. Demain, je vous parlerai de mes courses au Géant Casino.

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