30 décembre 2006

Remember, remember, the 5th of November

Une nouvelle année s'annonce, qui risque d'être encore pire que les précédentes. Le stress de l'année 2007 au Liban me fait enchaîner maladie improbable sur dérèglement psychosomatique, ce qui n'est rien comparé à ce que les Libanais qui n'ont pas la chance de pouvoir se réfugier à l'étranger en cas de conflit peuvent ressentir. Voici d'ailleurs une vidéo réalisée par un ami qui résume assez bien ce sentiment. Je vous conseille de la regarder une fois que la nouvelle année sera fêtée, elle n'est pas exactement joyeuse. Et puis après regardez la vidéo pourrie de Mme Royal, que j'aime bien, mais qui nous prend bien pour des cons avec sa fausse vidéo amateur qui tremblote qu'on dirait NYPD Blue.

L'an passé, j'avais émis quelques voeux concernant l'année 2006, notamment que Peres, Chirac ou Joumblatt se retire de la vie politique. Pour le reste, j'avais souhaité des choses un peu plus futiles, parce que je n'aurais jamais pensé qu'un conflit aussi violent que celui de juillet nous rappelle brutalement que nous vivons dans une région agitée. J'avais donc souhaité :
  • Que l'abbé Pierre vive encore cent ans.
  • Que Djamel Debbouze soit exilé sur une île sans caméra avec Thierry Ardisson, Laurent Baffie, Christine Deviers-Joncour, Yann Moix, Sami Nacéry, Mazarine Pingeot, BHL et tous les abrutis qui polluent les médias français. Pour toujours.
  • Que l'autoroute Beyrouth-Tel-Aviv voie le jour.
  • Qu'on règle le problème des milices armées au Liban.
  • Que la fille du président iranien se marie avec un rabbin, loubavitch de préférence.
  • Que le billet d'avion Beyrouth-Paris coûte moins cher.
  • Que Led Zeppelin se reforme.
  • Que les femmes soient mieux considérées partout, au Liban bien sûr mais aussi en France, pays qui ne brille pas avec ses 13% de femmes députées (ouh la honte).
  • Que Pascal Bruckner soit premier ministre de la France. Et Michel Onfray, ministre de l'intérieur et des cultes.
  • Que Ingrid Betancourt soit libérée pour que sa famille arrête de nous les casser sur l'air de "y'a des otages plus importants que d'autres, notamment Ingrid parce qu'elle est people et qu'elle faisait les devoirs de Villepin à Sciences-Po"
Il semble que rien de ce que j'aie souhaité n'ait été accompli. Quelques bonnes nouvelles toutefois en 2006 : Saddam est mort, Castro n'en a plus pour très longtemps, Chirac non plus, et Ahmadinejad commence à se prendre des revers qui ressemblent fort à des vestes. 2007 s'annonce mal alors je positive, je garde les voeux précédents et j'en ajoute des faciles, libres à vous de les continuer dans les comments :
  • Que la Belgique récupère Cécile de France
  • Que le Canada récupère Anthony Kavanagh
  • Que l'Angleterre récupère Charlotte Gainsbourg
  • Que la Suisse récupère Johnny
  • Que l'Iran récupère le Hezbollah
  • Que la France récupère la République
  • Que Nasrallah récupère une chaude-pisse
  • Que le meilleur gagne
  • Que les Eglises soient séparées des Etats
  • Que l'on se rende compte qu'on partage la même planète
  • Que les femmes ne soient plus traitées comme des minorités
  • Que la fête commence
Voilà, je vous souhaite une meilleure année 2007, en vous remerciant pour votre fidélité à ce blog, qui aurait sûrement cessé d'émettre si ce n'est pour une poignée de fidèles commentateurs qui m'ont aidé à supporter la guerre de juillet. Espérons, même si je vous aime beaucoup, que nous n'aurons pas à revivre le même été cette année. Espérons, espérons.
Et n'oubliez pas le Liban...

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23 décembre 2006

On a gagné !

Vous avez vu les sondages ?! Pour les Français, l'évènement marquant de l'année 2006, c'est : la guerre du Liban ! On a niqué l'Irak, la grippe aviaire et le Darfour ! Le Liban revient sur le devant de la scène internationale avec fracas. Ha, ils ont cru qu'ils pouvaient monopoliser les médias internationaux avec leurs petits affrontements en Palestine, ou leurs querelles de clochers en Irak, voire même effrayer le peuple avec leurs bombinettes en Iran ou en Corée du Nord, mais le Liban a triomphé. Toutes ces années passées à détruire l'Etat libanais n'auront pas été vaines, toutes ces années à accepter petit à petit qu'une organisation terroriste se fasse passer pour la résistance, à réhabiliter des criminels de guerre, à faire passer la corruption pour de la lutte contre Israël, à polluer les côtes tout seuls comme des grands et à acheter des armes alors même que la population se paupérise, tout ce temps a enfin payé : on est numéro un !

Je pense que c'est un travail d'équipe, et en tant que tel, il faut savoir, comme pour les oscars, remercier tous ceux qui ont contribué à cette victoire : en premier lieu, bien sûr, celui quand qui rien ne serait possible, j'ai nommé dieu aka allah, au nom de qui on a pu se mettre sur la gueule au Liban sans avoir d'équipes de foot (voire post précédent). Ensuite, ses représentants légaux sur terre, au premier rang desquels le fils du prophète, son excellence suprême et clairvoyante Hassan Nasrallah, chef de guerre plein d'amour pour les martyrs. Saluons également la classe politique incestueuse, qui a su, par son inactivité stimuler une situation déjà périlleuse, ne ratant donc jamais une occasion de rater une occasion, selon le mot d'esprit devenu fameux. Et que serait ces hommes politiques sans tous leurs supporters, tous hommes de dialogue et de fraternité, qui jamais au grand jamais n'en sont venus aux mains pour défendre l'honneur de leurs patrons quand on osait formuler une critique à leur égard. Il serait maladroit d'oublier le Quai d'Orsay, rompu à un antisionisme demiséculaire, qui a su avec courage appliquer les stratégies hasardeuses de son patron, J.C., en appuyant la Syrie avec force, avant de la combattre avec autant d'énergie, au lieu de la traiter comme elle le mérite depuis toujours. Et pour finir, une rapide mention des Etats-Unis qui pourraient beaucoup et s'entêtent à ne s'attaquer qu'aux missions impossibles et inutiles, et des "frères" arabes grâce à qui on vérifie chaque jour qu'on ne choisit pas sa famille. J'en oublie, Européens, Chinois, Russes mais le temps nous est compté, il faut conclure.

A tous donc, merci, et il me semble pouvoir affirmer avec certitude que, si la situation au Liban n'intéresse en cette fin d'année que peu d'observateurs, l'année 2007 risque d'être une grande victoire à nouveau pour le Liban, avec les mêmes participants. Et grâce aux efforts des insurgés du centre-ville, on verra même pointer avec un peu de chance une récession économique qui viendra encore renforcer les chances de guerre civile. On ne change pas une équipe qui gagne, à tous, encore bravo !

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21 décembre 2006

Pensées de Noël

Il faut d'abord rappeler que les Libanais sont les champions du monde du sapin de Noël.
C'est effectivement au Liban que j'ai vu les plus beaux sapins, dont un exemplaire exceptionnel constitué entièrement d'ours en peluche du plus bel effet. Cela étant établi, passons maintenant aux pensées que m'inspire Noël.

Je pense que vous ne serez pas d'accord, mais si la religion n'existait pas, 90% des conflits n'auraient pas lieu d'être. Pensez-y : sans dieux, pas de différence entre juifs et musulmans, entre chrétiens et athées, entre bouddhistes et communistes, donc pas de guerre entre Israël et les pays arabes, pas d'Iran fanatique, pas d'Arabie saoudite moyen-âgeuse, pas de conflit nord-irlandais, pas de soucis au Darfour, pas de Hezbollah, pas de Franco, pas de Benoît XVI, pas d'Auschwitz, pas d'Inde-Pakistan, pas d'Inquisition espagnole, pas de chouans, etc.

Vous allez me dire, on trouvera bien le moyen de se mettre quand même sur la gueule, rien qu'avec le foot, on trouve une raison de se taper dessus parce qu'on n'a pas le même maillot. A cela je rétorque que, oui, c'est pour ça que j'ai dit 90% des conflits et pas 100%, et que deux, on parle de Noël et pas de la Bundesliga. Là, vous trouvez que je suis de mauvaise foi, et que vraiment j'exagère à tout mettre sur le dos de la religion. Je contre-attaque en notant qu'à Noël, si on était logique, on aurait tous un palmier décoré avec des dattes dans notre salon pour commémorer Bethléem et pas un sapin qui rappelle la Norvège, sachant que Jésus n'y a jamais foutu les pieds, en Norvège. Et qu'est-ce que des rennes viennent foutre en Palestine, avec un gros barbu blanc habillé en rouge ? Je ne comprends rien à Noël, je sais juste que c'est une période qui apaise les coeurs et vide les portefeuilles et qu'au moins, on aura la paix pendant quinze jours au Liban tellement le Hezbollah a peur de perdre de sa popularité s'ils gâchent la fête numéro un des chrétiens.

Et le plus marrant, c'est que quand on aura tous déballé nos cadeaux, et digéré nos agapes de fin d'année, on reprendra tout exactement là où on l'a laissé. C'est pas formidable l'esprit de Noël ?

Pour la peine, je vous offre la photo du frère de Santa Clause, celui qui punit les enfants pas sages, surtout s'ils sont libanais et israéliens, en attendant de s'occuper des autres. Il est vêtu de noir, mais a une jolie barbe, et il conduit un joli traîneau tiré par des centaines de milliers de rennes. Et il a promis de belles surprises pour bientôt. Merci Santasrallah !

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14 décembre 2006

Le général parle aux Français

Comprenant que sa tentative de putsch commence à battre de l'aile, le général Aoun cherche à expliquer son juste combat aux opinions publiques mondiales, à commencer par la française. Sur le site de son fan-club, on trouve une interview qu'il a accordé le 5 décembre à Valeurs actuelles, propriété de la famille Dassault et plutôt... à droite.

Pourquoi cette alliance surprise avec le Hezbollah ?
J’ai plongé dans la fosse aux lions mais je sais me défendre, vous le savez. Il n’y avait pas d’autre alternative. Toutes les formations politiques s’étaient alliées contre moi, même le Hezbollah. Ils m’avaient exclu. Je devinais qu’à l’intérieur de cet Etat corrompu à 99 % j’aurais des ennemis irréductibles mais j’ai été bien accueilli par le peuple libanais. C’est ma force.

Peut-on vraiment s’entendre avec le Hezbollah ?
Le comportement sectaire des partis et du gouvernement m’a fait changer d’approche. Il fallait parler avec le Hezbollah. Nous avons étudié ensemble dix points et bâti sérieusement un mémorandum d’entente.

Comment un patriote libanais peut-il en effet s’allier avec un parti soutenu par l’Iran et la Syrie ?
Le Hezbollah est un mouvement de résistance contre l’occupation, un partenaire libanais qui défendait le Sud pour le libérer. Il existait bien avant mon retour d’exil et il n’a pas cessé de s’armer sous les gouvernements successifs.

Il reste un allié fidèle de la Syrie ?
Non, il a une autre approche de sa relation avec la Syrie. Dans ce mémorandum que j’ai signé avec lui, le Hezbollah a renoncé à presque tout son discours politique.
[...]
Regrettez-vous l’attitude de la France à votre égard ?
Elle a refusé de me croire.

Elle vous a pourtant accueilli et protégé.
Pour cela, j’exprime ma gratitude au peuple et aux services français. Mais sur le plan politique, M. Chirac n’a pas fait la politique prolibanaise que j’espérais.


Courageux mais incompris général. La France qui l'a accueilli pendant onze ans n'a pas voulu le mettre à la présidence d'un appareil d'Etat corrompu "à 99%" (ce qui laisse de l'espoir pour les 1% restant), et elle n'arrive pas à comprendre que le Hezbollah est GENTIL et LIBANAIS, voire même (premier miracle) maté par le général puisqu'il affirme que l'organisation terroriste a abandonné tout son discours politique. Enfin, tout, sauf "Mort à Israël et Mort aux Etats-Unis".

Aujourd'hui, le général continue son offensive (de charme) et accorde un entretien au quotidien Le Monde. On essaie donc d'en savoir plus sur les raisons du putsch du général, et celui-ci en bon militaire, explique doctement sa stratégie qui est complètement incomprise depuis l'étranger.

Vous manifestez, avec le Hezbollah et Amal, depuis plusieurs semaines dans le centre de Beyrouth. Que demandez-vous au gouvernement de Fouad Siniora ?

Sa politique a mené à un échec terrible. Depuis dix-huit mois, il n'a jamais respecté le programme promis. Aucun point n'a été appliqué et il refuse de modifier son gouvernement. Dix-huit mois, c'est six fois la période de grâce pour un nouvel exécutif. Il doit être plus représentatif d'une globalité de la population libanaise. Mais aussi que ses décisions soient d'intérêt global, pas sectaires comme actuellement. Fouad Siniora a, dans une première phase, marginalisé les chrétiens, en refusant qu'ils soient représentés par les vrais élus chrétiens. Et maintenant, il n'a plus le soutien des chiites. Donc deux communautés, qui représentent 70 % du peuple libanais, sont en dehors du pouvoir. C'est contraire à notre Constitution, qui est basé sur deux éléments : d'abord, la représentativité des communautés libanaises, et une majorité de deux tiers pour que le gouvernement soit légitime. Il a la légalité sur la forme, mais il lui manque cette deuxième dimension.

Vous êtes alliés, contre le gouvernement, avec Amal et le Hezbollah, deux partis chiites qui sont accusés d'être prosyriens...

Il n'y a plus de prosyriens au Liban, à part des minorités qui sont hors de Amal et du Hezbollah. Nous avons une nouvelle approche des relations avec la Syrie, qui est basée sur l'égalité. Nous voulons des relations équitables, un échange de relations diplomatiques. C'est l'objet d'un accord que nous, le Courant patriotique libre, avons passé avec le Hezbollah. La situation a changé vis-à-vis de la Syrie.

Certes, c'est le moins qu'on puisse dire. Souvenez-vous de cette nouvelle, il y a trois ans seulement :

Samedi 25 octobre 2003 : Les autorités ont lancé un mandat d'arrêt international contre l'ancien premier ministre maronite, Michel Aoun, en exil à Paris, pour défaut de comparution devant le Parquet pour "propos anti-syriens". Inculpé le mois dernier d'atteinte à l'autorité et à l'image de l'état libanais et d'incitation aux tensions religieuses, le général Michel Aoun, farouche opposant à la domination syrienne sur le Liban avait accusé lors d'une audition devant les parlementaires américains "la Syrie d'avoir façonné le Liban en un terreau du terrorisme" et l'avait comparée au "syndicat du crime organisé".

Parlementaires américains ? Les mêmes qui maintenant soutiendraient à bout de bras le gouvernement scélérat de Fouad Siniora ? Quant aux chiffres, ils sont en pleine inflation. Désormais, le gouvernement laisse de côté 70% des Libanais ! Auparavant, le général et le prophète conduisaient seulement 30% des insurgés, puis 50%. Leur nombre a plus que doublé en quelques jours. C'est encore un miracle ! Enfin, n'oubliez pas que dix-huit mois, c'est six fois la période de grâce pour un nouvel exécutif ! Aoun prend-il des cours de poésie politique avec l'homme des cent jours, Domi de Villepin ? Ou alors serait-on en plein foutage de gueule où Aoun reçoit l'appui du Hezbollah pour accéder à la présidence en échange de bons et loyaux services envers Bachar ? Naaan, comment pourrais-je même oser suggérer cela ?

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13 décembre 2006

Le sens de l'histoire (ou presque)

En France, on réécrit l'Histoire pour montrer que la France est avant tout un pays méchant. En Iran, on établit que la Shoah est un monstrueux gag. Au Liban, les héros d'hier deviennent les traîtres d'aujourd'hui.

En exergue du livre de George Orwell, il y a cette phrase : "Who controls the past controls the future. Who controls the present controls the past."

A l'école française, on apprend une Histoire nationale, qui n'a d'autre but que de transmettre des valeurs et de faire prendre conscience du sentiment d'appartenance nationale. On apprend toutes les civilisations à partir desquelles procèderait la nôtre, comme si elles avaient été créées sans autre but que d'accoucher de la France. On étudie donc les Grecs, qui auraient inventé la démocratie mais pour seulement 10% de la population, les Romains qui nous ont envahi et ont tués nos chefs, puis c'est le Moyen-âge obscurantiste, la Renaissance pas trop tôt, la Révolution française fondatrice de la France moderne, Napoléon héros au sourire si doux, les guerres mondiales où on a toujours été du bon côté, et Chirac not' bon maître. On n'étudie pas les Arabes, sauf pour dire que Charles Martel leur a mis une branlée à Poitiers, ni les Chinois à part pour évoquer Marco Polo, et on peut encore lire dans les livres du secondaire que Christophe Colomb a découvert l'Amérique, comme si avant lui, toutes les civilisations affreusement nommées précolombiennes n'avaient aucune importance.

Je me suis souvent demandé ce qui faisait qu'on étudiait telle ou telle civilisation pour m'apercevoir comme tout le monde qu'en fait on apprend l'histoire des vainqueurs. Même après le passage de l'école des Annales, on continue à enseigner l'histoire de la même manière, en partant du présent pour expliquer que tout ce qu'il y avant suit un chemin rectiligne. Ce qui est faux, puisque de nombreux mouvements de l'Histoire n'aboutissent à rien, mais ont leur importance.

Parce que nous avons cette conception faussée de l'Histoire, qui permet de cimenter nos nations en Occident, nous prêtons le flanc à la critique, notamment sur la Shoah. Puisque notre Histoire n'est en fait qu'une histoire, nos adversaires savent parfaitement exploiter cette faiblesse pour l'assimiler à des contes de fées, comme dans le cas de la Shoah. Cette catastrophe qui aurait du alerter l'ensemble de l'humanité sur les risques qu'elle encourt, sa propre capacité à s'auto-détruire, cette volonté délibérée d'éliminer une partie de la population sous prétexte de sa différence mineure et de sa faiblesse, on ne l'a pas comprise. Au lieu de chercher à ne plus jamais commettre un crime aussi atroce, on tente de prouver qu'il s'agit d'un mensonge pour pouvoir le perpétuer à nouveau.

Les rabbins qui servent de caution à l'Iran pour son immonde conférence sont aussi suicidaires que les juifs qui ont voté Hitler en 1933. Ceux qui cherchent à changer l'histoire sont condamnés à la revivre. La montée du fascisme en Iran, au Liban, en Europe devrait nous alerter sur les risques d'un nouvel affrontement, d'une nouvelle estocade contre la démocratie. Une fois de plus, nous n'y croyons pas. "La démocratie, c'est tellement formidable" disent les Européens. "Démocratisez, sinon c'est deux baffes" renchérissent les Américains. Je schématise à dessein : le propos ici est de montrer la proximité du danger, il n'est plus temps de s'interroger pour savoir s'il existe.

En rédigeant ce post, j'écoute "No Quarter", où deux anciens de Led Zeppelin mélangent leurs racines celtiques avec des musiciens du Moyen-Orient. Le résultat est extraordinaire de cohérence. Comme si les hommes, malgré leurs soi-disant différences avaient tellement en commun. Malgré cette évidence, à Téhéran, des hommes proclament comme dans les années sombres de l'Europe, que des hommes sont inférieurs parce qu'ils vénèrent leur dieu d'une façon différente des autres. Pour moi, une des plus grandes falsifications de l'Histoire revient à oublier que Jésus, "fondateur" du christianisme, était juif. Il n'avait d'ailleurs pas les yeux bleus contrairement aux icônes populaires. Il avait certainement une tête d'arabe, mais il était juif. Il ressemblait à beaucoup de Moyen-orientaux, mais il était juif. C'est tout. Si ça se trouve, il était le portrait craché d'Ahmadinejade, sauf que lui est perse, et pas arabe. Et au final, quelle différence ? Réécoutez "No Quarter", et oubliez tous ces connards qui veulent nous faire croire qu'on n'appartient pas à la même race.

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11 décembre 2006

Envoyé spécial

Comme hier la marée humaine qui a déferlé sur le Centre-ville était bien déprimante, j'ai décidé d'appliquer le principe du "Et si c'était moi qui avait tort et les autres raison". J'ai donc rencontré pendant une heure une "représentante" du mouvement aouniste afin d'évoquer le futur du Liban. J'ai été d'une neutralité parfaite, et n'ai fait que poser des questions, notamment sur l'alliance avec le Hezbollah.

N'est-il pas contradictoire qu'Aoun, qui a toujours combattu la Syrie, s'allie avec le parti le plus pro-syrien du Liban ? Non, m'a-t-elle répondu, car l'alliance est électorale et ne porte que sur un certain nombre de points, pas sur les programmes en eux-mêmes. Certes, je comprends, ai-je renchéri. Que veulent donc Aoun et ses alliés ? Simple, m'a-t-elle rétorqué, de nouvelles élections afin de mieux représenter le pays. Mais, ces élections n'ont-elles pas eu lieu il y a un peu plus d'un an ? Pourquoi Aoun n'a-t-il pas protesté juste après les élections ? Mais enfin, monsieur (moi), Michel Aoun voulait donner sa chance au gouvernement avant de le condamner. Donc, madame (elle), quel est l'avenir du Liban dans le cas d'un nouveau gouvernement ? Tout le monde sera représenté, m'annonce-t-elle. Mais, n'est-ce pas le rôle du parlement de représenter tous les courants politiques du peuple, et au gouvernement, émanant de la majorité à l'Assemblée nationale, de gouverner ? Nous allons (nous les aounistes) inaugurer une nouvelle forme de gouvernance, qui représentera vraiment le Liban et pas uniquement les sunnites et les chrétiens de droite. Vous m'en voyez ravi, mais, vous n'avez pas peur que le Hezbollah... ? Oh mais enfin, monsieur (moi), pourquoi diaboliser le Hezbollah ? Qu'ont-ils fait de si mal ? Hé bien en tant que français, j'ai du mal à adopter une attitude neutre avec un groupe (je n'ai pas dit terroriste, mais je l'ai pensé très fort) qui a tué nos soldats, nos diplomates, nos journalistes et nos chercheurs.

Et là, la réponse qui m'a cloué :
Mais monsieur, qui ne l'a pas fait ?

J'ai bredouillé : plein de gens. Et elle d'enfoncer le clou : et Israël alors ? Ils n'ont pas tué des journalistes ? Moi : non, pas des français en tout cas. Elle : oui, mais ils ont failli en tuer pendant la guerre de juillet ! Moi : l'ont-ils fait ? Elle : non, mais ils auraient pu. Moi : est-ce que ce n'est pas un peu partial de juger des gens pour un crime qu'ils n'ont pas commis mais qu'ils auraient pu commettre ? Elle : le Hezbollah est un parti comme les autres. Moi : merci beaucoup madame, au revoir.

Je suis rassuré, a priori je ne suis pas fou. Il existe des centaines de milliers de personnes au Liban qui, en revanche, ne voient pas la contradiction entre un parti qui s'affirme "déconfessionalisé" et un mouvement ultra-religieux. Qui pensent qu'une révolution, comme en Ukraine ou en Serbie (!!) est nécessaire au Liban, même si les situations n'ont rien à voir les unes avec les autres. Il y a des centaines de milliers de Libanais qui pensent que le Hezbollah est un parti comme les autres, juste un peu mieux armé. Ha oui, j'ai oublié de dire que la raison pour laquelle Aoun s'est allié avec le Hezbollah était que le parti de dieu était le parti le plus "propre" (clean, on a parlé en anglais). Ce mythe de la propreté, ça ne vous rappelle rien ? "Mains propres, tête haute" ? Qu'importe le programme, tant qu'on est vierge de tout passé politique, on est forcément vertueux.

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10 décembre 2006

Post racoleur

Les deux vainqueurs potentiels de l'élection présidentielle française rivalisent de courage en ce qui concerne le Moyen-Orient. Ségolène Royal, pour faire oublier son faux pas avec le Hezbollah, déclare que, concernant l'Iran, "on ne pourra pas dire qu'on ne savait pas" et s'oppose au programme nucléaire iranien. Pour ne pas être en reste et tacler encore un peu sa rivale, Nicolas Sarkozy ose une comparaison très bien acceptée sur ce blog entre l'élection des représentants du Hezbollah et celle des nazis en Allemagne en 1933. Une fois de plus, le Moyen-Orient, de par sa proximité géographique mais aussi de par sa capacité à translater les enjeux français, est au coeur de la campagne. Si les candidats parlaient du Darfour, ou d'un autre massacre tranquillement mené mais à l'abri des médias, il y a fort à parier que leurs propos ne seraient que peu relayés. Dans le cas du Moyen-Orient, fascinant Moyen-Orient, Moyen-Orient complexe, on peut jouer à plein sur le fantasme de ce creuset de violence et de civilisation et se positionner avec fermeté sur des enjeux qui finalement, n'auront que peu d'incidence sur l'élection du champion des Français.

Bien sûr, je suis heureux que les Français s'intéressent au Liban, et comment ! Ce blog n'a pas d'autre utilité que de rappeler jusqu'à épuisement les risques qu'un Liban déstabilisé ferait courir au reste du monde. A l'heure où j'écris, des hordes de bus portant drapeaux jaunes (Hezbollah), orange (Aoun) ou verts (maradas) descendent en piqué sur Beyrouth pour bien montrer que ce gouvernement est illégal, en oubliant que le président lui-même est parfaitement illégal, tout comme les armes du Hezbollah et ses moyens de financement. Je trouve curieux cette alliance contre-nature entre supporters d'un mouvement ultra religieux terroriste anti-libanais et adeptes d'un courant qui prône la déconfessionalisation et la normalisation des liens entre le Liban et ses voisins. J'ai bon espoir qu'un matin, les aounistes vont se réveiller et s'apercevoir de leur erreur, mais ça me semble assez mal parti devant la ferveur de la kermesse qui s'annonce. Aoun a encore une chance d'apparaître comme un leader convenable, avant d'être balayé par son pacte diabolique.

Personne n'a le monopole de la vertu en politique, mais j'ai tendance à me méfier lorsque je vois le parti communiste libanais s'allier avec le Hezbollah. Toutefois, la stratégie des partis communistes de s'allier avec leur pire ennemi reste une constante du XXe siècle. J'avais évoqué le pacte germano-soviétique, que les nostalgiques de l'URSS se gardent bien d'évoquer pour préserver leur légende de résistance au fascisme. Le Monde relate un autre aspect méconnu et sûrement honteux des rapports entre le PCF et l'Allemagne nazie, où l'on voit que l'antisémitisme n'est pas l'apanage des fascistes. Ce qui explique peut-être encore mieux l'alliance au Liban entre le Hezbollah et le PC, celui-ci n'ayant peut-être toujours pas digéré la trahison d'Israël qui est passé de pays socialiste à allié inconditionnel des Etats-Unis au cours du XXe siècle.

Du côté des démocrates français, Ségolène et Sarko sont bien inspirés de parler du Moyen-Orient. Je comprends que la candidate socialiste ait préféré éviter un caillassage, comme avait subi Lionel Jospin, en restant diplomate avec le Hezbollah. Quant à Nicolas Sarkozy, j'espère qu'il conservera la même attitude rigide vis-à-vis du parti de dieu s'il venait à être élu. J'espère également que la surenchère de fermeté continuera, et que si l'un des deux parvenait à la présidence, la France adoptera une politique claire au Moyen-Orient, en évitant de vexer systématiquement Israël et en soutenant les démocrates au Liban et ailleurs. Vous me trouverez peut-être clientéliste mais mon bulletin de vote dépendra largement du programme consacré au Moyen-Orient de chaque candidat. En même temps, si une bonne politique étrangère peut éviter des attentats en France : alors Ségo ou Sarko ?

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09 décembre 2006

Référence

Quand c'est aussi bien dit, pas la peine d'en rajouter. Allez lire ce qu'a écrit mon amie Bee.

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08 décembre 2006

L'aigle noir

Sur le Liban, chacun y va de son opinion, à la manière du conflit israélo-palestinien. L'avantage, c'est qu'il existe deux camps, alors qu'au Darfour ou ne sait pas trop et que pendant les guerres des Balkans, la présence de trois protagonistes compliquait tout. Au moins, ici c'est clair, et ça permet de se positionner dans le camp des gentils, contre le camp des méchants. Je sais ce que pensent les Libanais, premiers concernés, parce que je l'entends toute la journée. Pour les Français, une fois de plus, j'ai recours aux forums, en particulier celui de Libération qui brille par son absence de modération. On est 100% avec, ou 100% contre. On accuse tout le monde, les médias, les Américains, les Israéliens, les services secrets, bref toujours les mêmes utiles boucs émissaires qui continuent à avoir bon dos. La guerre froide s'est maintenant déplacée au Liban et chacun se positionne avec autant de fureur qu'à l'époque où l'affrontement opposait URSS et USA. Evidemment, on trouve dans les forums un nombre colossal de plusmalinquelesautres, ou de onnemelafaitpasàmoi. Ainsi, "Fouineur" qui fait remarquer que les journalistes utilisent des mots faux :

"le chef du Hezbollah chiite prosyrien" Tiens ! le Hezbollah n'est pas d'abord un mouvement libanais ? "la majorité parlementaire anti-syrienne" Un programme politique d'une trés grande densité !

L'avantage de ces plusmalinquelesautres, c'est qu'en deux phrases ils arrivent à se contredire. Cher Fouineur, le Hezbollah est le seul parti au Liban qui est d'abord syro-iranien ; quant à son programme, il est encore plus dense que le programme anti-syrien : mort à Israël. Si Fouineur arrive à nous trouver le programme du Hezbollah au-delà de sa victoire divine, on est preneurs.

Toute la stratégie du Hezbollah et de ses alliés consiste à bien distinguer deux camps, afin de bien rassembler leurs ouailles, et pour cela, l'amalgame est de mise. Le Hezbollah n'a aucune raison de faire chuter un gouvernement auquel il a appartenu il y a encore un mois ; qu'à cela ne tienne, on va trouver des raisons, à commencer par la corruption :

pierrealix contre la corruption
svp je voudrais que l on dise au moins une fois que les dizaine de milliers de gens qui manifestent en ce moment ne le font pas par amour de la syrie mais parcequ ils souffrent depuis des annees de l effroyable corruption qui ravage le liban autant que les autres pays du tiers-monde.. tout le monde reconnaissait avant la guerre de l ete que le hezbollah etait le seul parti du pays aux mains propres..et on oublie trop souvent que le premier ministre (ancien grand argentier de mr hariri) est le premier responsable de la catastrophique dette de 40 milliards de dollars qui plombe litteralement le pays..ces choses doivent au moins etre dites une fois


C'est beau comme du Pierre Poujade qui faisait asseoir Jean-Marie Le Pen à l'Assemblée nationale. Tous pourris, sauf nous ! D'abord, le Hezbollah a toujours eu les mains sales et donne la nausée lorsqu'on voit le nombre d'activités illégales qui participent de son financement : tous les trafics, armes, cigarettes, contrefaçon, drogues, passent par ses mains, qui ne sont plus innocentes depuis longtemps. Ensuite, si les membres du 14 mars, Hariri, Geagea ou Joumblatt ne sont pas des enfants de chœur (et s'opposer au Hezbollah comme je le fais ne donne pas un blanc-seing à ses adversaires), Fouad Siniora est l'un des rares à avoir proposé de réduire la dette, notamment par l'introduction certes malheureuse de la TVA. Enfin, le Liban a reculé dans le classement mondial de la corruption, ce qui n'est certainement pas dû au Hezbollah.

J'ai l'impression de me répéter, parce qu'il s'agit toujours de la même désinformation qui semble pourtant fonctionner en France, où l'antiaméricanisme et l'antisémitisme, couplé à l'antisionisme, conservent une forte capacité de mobilisation.

karimo possition pro syrienne
svp par pitié arretez les histoires de pro et anti syrien si non soyer juste a legard de tous le monde si vous vouler dire l'opposition pro syrienne il faut dire aussi la gouvernement pro israelienne


Quand on veut noyer son chien, on dit qu'il a la rage. Au Liban, pour discréditer pour toujours son ennemi, on déclare qu'il est pro-israélien. Cela peut faire sourire concernant le gouvernement, mais cette accusation ridicule et qu'on ne peut contrer fait son chemin parmi les décérébrés qui suivent le Hezbollah. Qui n'est pas avec nous est contre nous, selon eux. On a longtemps accusé George Bush et son administration de favoriser le choc des civilisations de Spengler. Il semble que ses adversaires aient parfaitement intégré cette technique à leur profit, et les beaux esprits du forum de Libération, qui soutiennent doctement leur pire cauchemar, risquent d'en faire bientôt les frais.

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06 décembre 2006

Europe vient du Liban (Saïda ou Tyr, on n'est pas sûrs)

L'évènement qui passe complètement inaperçu pendant ces grands manœuvres, c'est que la Finlande a ratifié la Constitution européenne. On aurait pu classer la chose dans la rubrique "on s'en fout", tant on pensait qu'on l'avait enterrée, et bien enterrée, cette constitution libéralo-n'importe quoi qui conduisait à donner un blanc-seing à des bureaucrates qui ne sortent jamais de leur pays pour qu'ils fassent de l'Europe leur Machin. Et pourtant, ce petit pas en avant m'impressionne. La Finlande collectionne les bons points en matière de protection sociale, d'aide à l'emploi, de qualité de vie, de liberté de la presse, et elle a ratifié par son parlement une constitution à laquelle je me suis fait un devoir de voter contre en France. Détenant la présidence de l'Union, on n'en attendait certes pas moins de la Finlande mais on a vraiment l'impression d'un homme à bout de forces qui continue coûte que coûte à avancer parce qu'il sait que son objectif en vaut la peine : y parvenir ou mourir.

Il faut que je vous avoue que j'ai fait une petite infidélité au Liban de quelques jours la semaine dernière, et que je suis allé à Bruxelles pour plein de raisons. Entre autres, j'ai pu discuter avec des fonctionnaires européens (dont certains sont de vieilles connaissances) et assister à une session du parlement européen sur le brûlant sujet du Moyen-Orient. Ce que j'ai vu et entendu a provoqué un curieux mélange d'émotions : même s'il vienne très rarement au Moyen-Orient, les bureaucrates européens semblent très au courant de ce qui s'y passe, possèdent une volonté farouche d'y intervenir mais semblent parfaitement impuissants devant l'ampleur de la tâche. Le mieux qu'il puisse faire, c'est des recommandations ou des avertissements, et surtout jouer sur les subventions, car il semble que le Liban sera privé de sous s'il continue son bordel.

J'écoutais ce qu'on disait avec un grand intérêt, car le discours était cohérent et informé, et en même temps, une image m'apparaissait. Elle est assez banale, mais c'est comme ça que je vois les choses : Rome et les barbares. Pendant que l'Europe, qui a fait le choix de la civilisation, du développement, de la paix et de l'intérêt du grand nombre malgré des méthodes qui restent souvent inefficaces, disserte sur les mesures diplomatiques à prendre pour négocier civilement avec le Hamas ou le Hezbollah, les barbares sont aux portes et ne se préoccupent guère de la beauté de l'Empire. A un fin connaisseur des conflits, j'ai émis l'idée qu'il s'agissait d'un choix de civilisation, ce qui l'a fait tiquer : il a tout de suite pensé aux assertions de Huntington sur le choc des civilisations. J'ai précisé ma pensée ; le Liban est face à un choix de civilisation : la culture du développement, du progrès pour tous comme le souhaite l'Europe, ou la civilisation de la mort, le Moyen-âge obscurantiste, les clans féodaux qui s'entredéchirent au nom d'un dieu de colère. Je n'ai jamais autant souhaité me tromper de ma vie, et je serais ravi si le Hezbollah prenait le pouvoir pacifiquement et développait le Liban de façon grandiose. Mais je pense même que ses supporters n'y croient pas et que le but du jeu est ici plus de venger le fameux "orgueil arabe", quitte à casser encore plus un pays qui pourrait être un paradis, et qui s'enfonce de plus en plus vers les royaumes chthoniens.

Donc la Finlande a approuvé le Traité européen. Dérisoire geste pourtant plein d'espoir qui me rappelle qu'un autre monde est possible, pas forcément celui des adorateurs de Fidel Castro ou des nostalgiques de l'Union soviétique. Je ne regrette pas d'avoir voté "non" au référendum européen mais j'en viens à souhaiter qu'un traité pareil existe pour le Liban et ses voisins. Le Liban ayant depuis longtemps développé une politique de repli sur soi, je ne pourrais pas voter malgré mes nombreuses années de citoyenneté à payer mes impôts libanais. Néanmoins, une communauté englobant Maghreb, Machrek, Israël et les pays du Golfe, quel rêve ! Ou alors une intégration de tous ces pays dans l'actuelle Union européenne, mais comme il paraît que l'Europe a des limites géographiques, voire religieuses, ce ne sera pas possible. Quizz de fin de post : d'où vient le nom "Europe" ? Réponse en titre.

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05 décembre 2006

Le point

Il semble qu'il me faille clarifier ma position concernant les événements du Liban : elle est pourtant simple, je refuse cette bipolarisation arbitraire que l'on nous fait subir. J'estime toutefois que le gouvernement actuel a, d'une part, toute la légitimité nécessaire pour diriger le pays puisqu'il émane des élections législatives de l'an passé et qu'il représente donc les Libanais qui ont participé au vote ; d'autre part, le gouvernement a acquis une dimension nationale durant l'été, lorsqu'il a été pris entre deux feux, le Hezbollah ayant décidé de mener sa propre politique étrangère malgré les deux ministres qui le représentait au sein des instances gouvernementales. Soutenir l'actuel gouvernement ne procède donc pas d'une démarche partisane, et n'implique en aucun cas considérer Hariri, Geagea, Gemayel and Jumblatt associated comme les héros du Liban. Seulement en ce moment, il n'y a personne d'autre, et le mouvement du 14 mars demeure démocratique et possède la ferme intention de continuer à l'être.

En face, qui prétend se dresser au nom du bon droit ? D'abord, les chiffres. On affirme ça et là que les manifestants gardant prisonniers le gouvernement représente 30% de la population. D'abord, 30%, ça n'est pas une majorité ; dans tous les pays du monde, c'est une minorité. Admettons qu'il faille compter avec cette minorité, pourquoi n'a-t-elle pas objecté aux élections dès que celles-ci ont été accomplies ? Pourquoi attendre plus d'un an pour exprimer son mécontentement ? Les ministres Hezbollah et Amal estiment-ils avoir été restreints dans leurs actions ? Sûrement pas, jusqu'à présent, c'est un ministre hezbollahi qui était en charge de l'électricité : à l'heure où je vous parle, mon immeuble fonctionne au générateur, comme chaque jour à 18h, ce qui tend à montrer qu'un ministre du parti de dieu est aussi incapable qu'un simple mortel.

Ensuite, la composition des "insurgés". On retrouve pêle-mêle l'électorat traditionnel des mouvements d'extrême-droite en Europe : les ultra-religieux, les mécontents de l'establishment, les anti-démocrates, les frustrés de tous bords. Les aounistes ont amené un fort contingent dans la manifestation, frayant avec leur ex-ennemi mortel pro-syrien. La stratégie d'Aoun aparaît la même que Staline avant la deuxième guerre mondiale lorsqu'il signe un pacte de non-agression et d'assistance mutuelle avec Hitler : gagner du temps et se préparer à une attaque le moment venu. Aoun est resté 11 ans en France ; il semble qu'il ait appris la diplomatie à la française, qui prône l'amitié avec les dictatures marocaine ou syrienne afin de les remettre dans le droit chemin. On a vu le résultat de cette idealpolitik. Aoun sera brisé le moment venu, pris entre deux feux, à moins qu'en continuant l'analogie Staline-Hitler, il comprenne son erreur et se rallie au 14 mars. On lui souhaite bon courage pour ses ambitions présidentielles.

En plus d'Aoun et du mouvement fasciste Hezbollah, on recense également quelques curieux phénomènes, comme les maradas, chrétiens pro-syriens emmenés par Sleimane Frangié, le Parti Nationaliste Social Syrien, dont le père de Hassan Nasrallah était membre, le druze Talal Arslan et son minuscule Parti Démocratique Libanais ainsi que le Parti Communiste Libanais dont je vous conseille l'analyse de la crise. Cette diatribe m'a rappelé les jours heureux de la guerre froide, quand l'URSS tempêtait contre les impérialistes, et sautait sur la moindre occasion de faire chier les USA en soutenait tout ce qui pouvait les contrarier sans trop s'inquiéter du bien-fondé des revendications. Au final, chaque parti de la contestation en reflète un dans la majorité : les anciens alliés Maradas et Forces Libanaises, Joumblatt contre Arslan, Hezbollah-Phalanges, Courant Patriotique Libre vs. Courant du futur de Hariri Jr. etc... Ce singulier jeu de miroirs conduit chacun à se positionner pour le camp le plus honnête, mais on peut douter que la Vertu ait choisi l'un ou l'autre tant les passés sont lourds.

La propagande du Hezbollah, qui tire les ficelles, est simple et rappelle celle des mouvements fascistes des années 30 : nous seuls serons capables de chasser la corruption qui pourrit la putain démocratique. Que propose le Hezbollah pour remédier aux maux de la République ? Rien, sinon ce qu'il a fait cet été, c'est-à-dire une guerre pour nourrir son Lebensraum. Aoun s'imagine très futé, et pense que l'armée le soutiendra en cas de conflit poussé. Berri s'en fout, à partir du moment où il reste au pouvoir, ce qu'implique transmettre avec fidélité les consignes de Téhéran. Tout ce beau monde recourt donc à la rue pour fomenter une révolution qui n'a rien de démocratique, même si l'expression de coup d'Etat apparaît prématurée.

Au final, que va-t-il sortir de ce bras de fer ? Des commerces qui sont condamnés à fermer en raison de l'occupation, l'Union européenne qui menace de ne pas soutenir Paris III, une population encore plus divisée qu'avant l'été alors que la guerre est censée unifier l'agressé, et des attentats et des heurts entre factions qui vont aller en s'amplifiant. Rien de bon. Quelle autre solution ? La négociation, et laisser faire Siniora, qui n'est peut-être pas Metternich, mais s'affirme de plus en plus comme le dernier recours d'un pays qui ne semble toujours pas comprendre qu'il lui reste beaucoup à perdre.

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02 décembre 2006

Le triomphe de la volonté

Lorsque Hitler charge Leni Riefenstahl de réaliser un film sur le rassemblement du parti nazi à Nüremberg en 1934, l'objectif est clair : donner du NSDAP la meilleure image possible. La jeune cinéaste, assistée de 16 équipes, dépassera les souhaits de son maître en brossant un tableau idyllique des journées de liesse hitlérienne. Le triomphe de la volonté, deuxième épisode d'un tryptique consacré à l'ascension du nazisme, décrit les Hitlerjugend comme de joyeux boy-scouts, les dignitaires nazis comme des hommes politiques déterminés mais pacifistes, et le Führer comme un leader soucieux de son peuple et amoureux de sa patrie. Impossible dans ce film de propagande, de reconnaître les bêtes immondes qui ravageront la civilisation européenne et l'anéantiront presque à Auschwitz. On est au contraire tentés de se rassurer, et en contemplant les images fortes de Leni Riefenstahl, il prend l'envie de penser qu'on s'est sûrement trompés, que le NSDAP était bien un parti pacifiste et patriote, que ce sont les autres images qui mentent, qui calomnient et qui nous aveuglent.

Hier, le Hezbollah et ses sbires ont fait leur marche sur Rome, comme les fascistes des années 20. Le procédé est antidémocratique, mais le Hezbollah a appris à contrôler son image. Il apparaît dans les reportages comme le garant de la constitution, celui qui oeuvre pour la réconciliation des Libanais. Les drapeaux libanais sont légion, les jeunes sont mis en avant, foule sympathique et rieuse qui ne veut que le bien de son pays et la libération du carcan gouvernemental, les vrais tyrans qu'il faut brutaliser. On a l'impression de se retrouver en mars 2005, quand une foule réellement éprise de liberté se rassemblait pour demander la souveraineté du Liban, et l'obtenait sans trop savoir qu'en faire.

Inutile de se leurrer : déjà en mars 2005, le rassemblement n'avait rien de spontané, et une firme comme Saatchi & Saatchi avait beaucoup fait pour donner une couleur de spontanéité à la foule. Mais si l'organisation était artificielle, l'enthousiasme était sincère ; je le sais, j'y étais. En décembre 2006, les nouveaux fascistes se donnent les atours de la démocratie et mentent sur leur véritable dessein. Que l'on ne s'y trompe pas : ces jeunes et moins jeunes en casquette noire, ce sont les jeunesse hitlériennes qui surveillent tout pour tromper le monde et lui faire croire, comme dans le film de Riefenstahl, qu'on nous ment, et que la vraie nature du loup, c'est l'agneau. Nasrallah apparaîtra sous des dehors bienveillants, arrivant, derrière sa carapace d'homme de religion, à prétendre incarner un démocrate. Cette foule parviendra à apitoyer l'opinion publique mondiale, qui verra dans le nombre la preuve du juste combat. Et comme en 1935, en voyant ce gentil moustachu haranguer des scouts comme s'ils étaient ses enfants, le monde se désintéressera de la démocratie aux prises avec le fascisme en pensant qu'elle ne craind rien.

Et le loup la mangera.

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