30 octobre 2006

Califourchon

Après NYC, cinq heures d’avion pour rejoindre la Californie où j’ai habité il y a quelques années. On a raison de poser que tout est plus grand aux Etats-Unis : je retrouve des amis dans ce pays qui ont fréquenté les mêmes établissements universitaires que moi, mais se retrouve dix ans après avec des revenus américains qui n’ont rien à voir. Les copains chez qui je loge se connaissent depuis vingt ans, étaient parmi les pires cancres de notre université californienne, et auraient du se retrouver à pointer au chômage ou à travailler chez Taco Bell devant leur peu de motivation au travail. Au lieu de cela, ils ont monté leur propre entreprise, qui a ramé au début pour décoller, mais leur permet maintenant de dégager des revenus très confortables, tout en ne travaillant que quelques heures par jour et en prenant de longues vacances dans des pays « exotiques » quand ils le souhaitent. En France, on aurait tendance à trouver cela immoral. Moi-même j’ai du mal à comprendre comment ils arrivent à gagner dix fois plus que moi avec moins de diplômes, ce qui prouve bien que je suis imprégné de cette mentalité française limite socialisante qui veut qu’on accepte mal la réussite financière quelle que soit son origine. C’est aussi à ça que sert l’exposition à d’autres cultures : parvenir à mieux comprendre la sienne, et en cerner les forces et les faiblesses.

Quand j’habitais en Californie, j’étais toujours surpris de l’incroyable dynamisme des Californiens, toujours en mouvement même s’ils donnaient l’impression de passer leur temps en bermuda et tongs à aller à la plage et à regarder des shows pourris à la télé. Il semble que tout soit encore possible dans cet Etat qui incarne à lui seul le rêve américain. Cinquième puissance économique du monde, la Californie peut aussi représenter le cauchemar pour ceux qui sont laissés-pour-compte, que l’on reconnaît en général à ce qu’ils sont les seuls à marcher, alors que la plupart des locaux utilisent une voiture, seul moyen de parcourir l’immensité californienne. Mes amis sont des fils d’immigrés arrivés aux Etats-Unis en désespoir de cause, le père de l’un d’entre eux est un survivant d’Auschwitz, j’en avais parlé précédemment dans un billet, c’est celui qui porte encore le tatouage infamant des rescapés de l’holocauste. Malgré des origines familiales qui ne les auraient pas incitées à faire autre chose que perpétuer une forme de nostalgie pour le vieux continent et une éducation universitaire plutôt moyenne, les deux Californiens fils d’immigrés sont parvenus à monter une société profitable, au point d’être invités par notre ancienne université à parler de leur succès devant les étudiants. Des « success stories » comme la leur, il en existe des centaines en Californie, qui parviennent presque à faire oublier que plus de 40 millions d’Américains n’ont pas accès à la sécurité sociale.

La Californie est l'endroit le plus dépaysant où j'aie vécu, tout fonctionne selon un mode différent, y compris le temps qui s'écoule de façon différente qu'en Europe. En revanche, tout comme à NYC, on y trouve de quoi très bien manger, si on oublie un peu les habitudes alimentaires de la vieille Europe. Ma première visite a été pour un monument de "l'art culinaire californien" du fast food : In n Out burgers. Je m'en suis engouffré quatre pour commencer, en me promettant d'y revenir rapidement. Je viens d'arriver, alors donnez-moi un peu de temps pour vous parler de cette Californie que je retrouve, qui reste la même et qui pourtant a tellement changé en dix ans. (Et les photos suivront quand Blogger le daignera)

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25 octobre 2006

WIL à GOTHAM



Quel pays ! Quelle ville ! Je n'étais pas revenu à NYC depuis un bout de temps, la dernière fois remontait à avant le 11 septembre. NYC est devenu une ville propre, sécurisée, vivante bien que "manquant" un peu d'activités le soir. Il semble que "City That Never Sleeps" ait finalement décidé de s'assagir, et elle n'en est que plus agréable. Par où commencer ? J'ai l'impression d'être comme un renard dans un poulailler, tout a l'air si appétissant. On trouve tout à New York City, y compris des parkings à chevaux, qui se distinguent par le fait qu'on peut y faire ses besoins à même le sol, ce qui est très sympa. J'ai tenté d'imiter mes compères équidés, mais je me suis fait pourchasser par le fameux NYPD qui, la dernière fois que j'avais mis les pieds dans cette ville m'avait offert le singulier spectacle de quatre membres blancs de cette glorieuse police en train de tabasser un cinquième comparse noir. J'imagine que c'était une attraction touristique qu'ils font de temps en temps pour rigoler, mais quand j'avais voulu prendre des photos, on m'avait poliment fait comprendre que non, un peu comme hier quand j'ai voulu photographier Will Smith devant St Patrick en plein tournage. Will is in the house! WIL is in the house!

Mes amis, je dois dire que j'aime ce pays, en particulier pour sa nourriture qui, contrairement aux racontars, est excellente. Je me suis donc tapé la route vers le Nord pour aller déguster les recettes de Ming Tsai, qui me faisait saliver depuis la France lorsqu'il exerçait devant mes yeux par l'entremise de Cuisine TV. La cuisine du Blue Ginger, près de Boston, entend mélanger l'Orient et l'Occident, à l'image de son chef charismatique. Le décor est banal, les prix impressionnants. Au final, c'est une cuisine fusion comme on a connu en France il y a quelques années qui ne mériterait pas une étoile chez nous. Mais il est parfois bon de réaliser ses rêves, surtout quand ils passent par l'estomac.

Retour à NYC, une ville où le parisien se sent comme chez lui pour peu qu'il maîtrise un peu l'anglais, nos cousins ricains n'ayant toujours pas de vélléités d'apprentissage des cultures du Tiers monde. J'ai pris cette petite photo pour illustrer le caractère cosmopolite de la première ville juive du monde, où les Libanais tirent sans problème leur épingle du jeu, et où finalement chacun parvient à cohabiter sans problème, à condition qu'on ne leur balance pas des avions dans la gueule. Je croise les doigts pour retourner vivre ici dans quelques années ou mois. En attendant, vous m'excuserez, mais je pense au Liban seulement de loin, et je vais de ce pas humer l'air d'un pays où la liberté se paie cher, mais se trouve en quantité abondante.

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19 octobre 2006

Leaving on an airplane

Chers amis, lecteurs et commentateurs, je vous prie d'excuser mon silence depuis quelques temps, mais je prends quelques vacances du pays et m'apprête à repartir bientôt. Ne sachant pas trop dans quelle mesure je pourrai poster dans les deux semaines qui viennent, je préfère avertir d'un certain relâchement. Lorsque j'avais prétendu ne plus écrire pendant une semaine en juillet, j'avais réussi à tenir quelques heures sans ce blog ; il y a donc de bonnes chances que si je parviens à trouver une connection digne de ce nom lors de mon déplacement, je vous envoie quand même quelques nouvelles, surtout si l'actualité m'y pousse. Les Français vont-ils canarder les avions israéliens ? Le Hezbollah va-t-il émerger repu après le Ramadan ? Nabih Berry gardera-t-il sa cravate ? Saad Hariri parviendra-t-il à se faire pousser le reste de la barbe ? L'Iran lancera-t-il un Hezbollah en Corée, inaugurant une franchise de terrorisme lucratif ? Les semaines qui viennent seront décisives ou ne seront pas, je les observerai juste d'un peu plus loin que d'habitude. Stay Tuned et je fais de mon mieux pour revenir, plus plein de hargne, de mauvaise foi et de colère bouillonnante que jamais.

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17 octobre 2006

Gestation

Franchement, je n'aime pas ce silence. La guerre est comme oubliée, ce qui est un réflexe humain obligatoire : on ne va pas ressasser les souffrances éternellement, mais en même temps, si on n'évoque pas juillet 2006, à quand la prochaine vague ? Les journaux libanais se délectent des ennuis de Moshé Katsav, en sachant très bien que JAMAIS un tel scandale ne se produirait au Liban, non pas parce que les hommes politiques y sont chastes, mais bien parce que ça ne filtrerait pas dans la presse. Pendant ce temps, des tirs de roquettes ont mis de l'animation dans le centre ville, à deux pas du bâtiment de l'ONU, qui est toujours ceint de sacs de sable, souvenir des attentats de l'an dernier. Les ponts se reconstruisent, la vie continue, les écoles rouvrent, chacun reprend ses activités habituelles, Aoun en appelle à l'intelligence des Libanais pour le sacré sauveur de la nation, Joumblatt et Sfeir trouvent que décidément ils ont beaucoup en commun. Tant que Nabih Berry n'enlève pas sa cravate, tout va bien.

Le Ramadan touche à sa fin, que se passera-t-il après ? Personne n'en sait rien, et j'ai même plutôt l'impression que personne ne veut savoir. Les Libanais veulent être libanais et vivre dans un Liban qu'il connaisse et reconnaisse. On a souvent l'impression que la politique fatigue ce peuple de négociants, comme si vraiment ce que disent quelques vieux "c'était mieux du temps du mandat français" tenait de la sagesse. Et pourtant il revient le mandat : les aounistes commencent à insulter les Français en demandant pourquoi Chirac soutient autant un régime corrompu comme celui de Hariri, merci pour Siniora. Les champions de la propreté aounistes.... Ils ont vité oublié où était leur patron pendant onze ans, quand tout le monde pactisait avec la Syrie et que le général restait un mythe lointain. Comme l'unité du Liban d'ailleurs. On retombe dans les vieux travers, et les pestiférés d'hier sont les Louis XIV de maintenant :

L’ancien Premier ministre, Sélim Hoss, s’est rendu hier à Damas sur invitation du président syrien, Bachar el-Assad. L’entretien entre les deux hommes a été axé sur les récents développements dans la région arabe en général, et plus spécifiquement la situation dans les territoires occupés et en Irak. Le président syrien et l’ancien Premier ministre sont tombés d’accord sur « la nécessité d’unifier la position arabe et de faire face aux projets de dispersion et de partage de la région, à l’ombre de l’entêtement », comme l’a souligné le communiqué publié par le bureau de M. Hoss.

Qu'est-ce que j'espérais apprendre en revenant au Liban ? Que les Libanais sont courageux, mais commerçants avant tout ? Qu'une guerre, on préfère ne pas la revivre une deuxième fois en en parlant ? Déjà quand je suis arrivé il y a dix ans, on ne parlait pas des "troubles". Je les comprends mes Libanais, je les comprends même de mieux en mieux. Il est parfois plus sage de se recroqueviller dans un rêve plutôt que d'ouvrir les yeux sur un cauchemar.

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14 octobre 2006

Le Liban est bleue comme une orange

Quelles belles nuits au Liban. Un orage a éclaté cette nuit et quand on se réveille en entendant le tonnerre, et qu'on se rappelle où on se trouve, la première réflexion consiste à penser que, ça y est, ils ont remis ça. Après, toujours dans un demi-sommeil et dans l'obscurité, vu que la pluie met à bas l'électricité au Liban, on tente de se raisonner : quand même, pas en pleine nuit, et surtout pas avant un jour aussi décisif pour le Liban.

Pare que le matin suivant, on est réveillé par un concert de klaxons qui répète le même thème encore et encore. Toujours première réflexion, pas forcément politiquement correct : "ha, un mariage gitan !". Et puis, après "ha ben non, au Liban, les gens klaxonnent pendant les mariages, comme les gitans en France". Et ensuite, "mais mais mais, ce serait pas les fameux indicatifs automobiles des partisans du général Aoun qui vont à la fête ?".

Car chaque dimanche amène son flot de célébrations, et aujourd'hui ne déroge pas à la règle. Aoun, et ses partisans, alliés du Hezbollah et des Maradas, vont fêter leurs martyrs, ceux qui sont tombés le 13 octobre 1990, soit, selon les mots du revenant de France, "le 13 octobre a permis de transformer la guerre civile en une guerre nationale de libération contre un État qui nous avait envahis en bénéficiant d’une couverture internationale". Pourquoi pas. La blague qui circule raconte que seulement une centaine de sandwiches ont été préparés pour nourrir la foule. Pourquoi, me demande mon interlocuteur avec malice ? J'ai tout de suite pensé parce qu'Aoun va multiplier les pains. En fait, c'est parce que selon le fripon qui m'a posé cette devinette, la plupart des participants jeûnent. Comprendre que cette réunion intéresse au plus haut point les hezbollahis qui continuent Ramadan.

Pourquoi parler de cette réunion maintenant et pas attendre les propos forcément révolutionnaires du général ? Parce qu'on peut plus ou moins prévoir ce qu'il va dire. Au risque de me planter, ce qui ne m'effraye pas, et de perdre un statut d'observateur privilégié au Liban, tant pis, je pense pouvoir dire qu'Aoun va commémorer ses martyrs à lui, après que le Hezbollah et les Forces libanaises l'aient devancé. Puis il fera un bref topo pour dire que, quand même, c'est bien les aounistes les vrais résistants du Liban, mais en rendant hommage au combat du Hezbollah. Enfin, le général orange va déclarer que le gouvernement doit partir, parce qu'il n'en fait pas partie, et que si les forces du 14 mars continuent à ne pas le reconnaître alors qu'il représente 80% des chrétiens, ça va mal aller, il y aura des émeutes, voire plus, et qu'il faudra bien que la corruption s'arrête un jour, et qu'il se propose d'y mettre un terme avec ses alliés hezbollahis qui ont trop peu de ministres au gouvernement pour être vraiment corrompus. Et on chantera, et on boira (pas trop pour n'offenser personne) et ça fera l'actualité du dimanche. Résultat : toujours la bonne vieille politique libanaise des courants qui s'affrontent pour le pouvoir et pas pour le Liban.

Sinon, Le Monde m'a appris que mes connaissances en géographie étaient de toute façon inexactes. Dans un article consacré à Mme Royal, on apprend ainsi que Paris est en province :

Pour la candidate, passent encore les trois débats à la télévision mais pas les trois autres programmés en région, à Clermont-Ferrand le 19 octobre, à Paris le 26 puis à Toulouse le 9 novembre.

Curieux comme le PS me rappelle le Liban, avec ses alliances et ses déclarations fracassantes. A l'UMP au moins, on a un seul chef, et on s'emmerde pas à l'élire.

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Parti du Liban

Hé bien, on n'en parle pas beaucoup de cette formidable nouvelle : le Liban a gagné le titre d'homme le plus beau du monde ! Formidable, non ?

Pendant ce temps, au Liban, on ne trouve plus de yaourts Liban Lait, car l'usine a été détruite par Israël, ce qui altère considérablement mon régime au Liban. Terrible, non ?

Allez, j'essaie de vous parler de petites choses de la vie. Il faut bien se distraire, non ? Rigoler, boire, sortir Rue Monnot avec les ploucs qui eux sortent les voitures et les cartes de crédit de leurs parents !

Non. Pas franchement. Les nouvelles arrivent et sont toujours aussi peu réjouissantes alors qu'on aimerait oublier un peu la guerre pour regarder l'avenir. Peu à peu, les vieux démons se réveillent. La situation apparaît d'une complexité croissante et dans ces cas-à, il faut résoudre les problèmes un par un. En premier évidemment, le Hezbollah, ennemi par sa propre définition ("parti de dieu", donc pas des hommes) de la démocratie. Chien d'attaque de l'Iran, le Hezbollah se trouve des alliés puissants et inconscients avec les aounistes. Leur chef a avoué avoir rencontré Nasrallah après la guerre et entretenir d'excellents rapports avec lui. Ce que je ne comprends pas, c'est comment Aoun, qui se dit patriote et on a toutes les raisons de le croire, peut s'acoquiner avec LE parti de l'étranger, comme en témoigne encore et toujours les déclarations fracassantes des gouvernements syrien et iranien. Récemment, le phare philosophique de la Perse antique a encore démontré que la religion n'est pas tendue de paix avec incrustation d'amour :

Le guide suprême de la révolution iranienne, l’ayatollah Ali Khamenei, a appelé hier la Finul à ne pas « s’ingérer dans les affaires du Hezbollah », estimant que les ennemis de cette formation, qui ont perdu selon lui la guerre de juillet-août, ourdissent « un complot » pour tenter de l’affaiblir.L’ayatollah Khamenei, que l’on voit tenant une arme entre ses mains lors d’une intervention hier à l’Université de Téhéran...

A se demander si le pape n'avait pas un peu raison (vous savez ce que ça me coûte de même y penser)... Et comment réagit l'occident ? Mollement, il a d'autres chats à fouetter, en ce moment, c'est plutôt le réchauffement climatique, et les élections, législatives aux USA et présidentielles en France. Il faut que je le dise et le répète à mes concitoyens occidentaux ; une très bonne raison de ne pas oublier le Liban, c'est que le Liban ne nous oubliera pas. Tout ce qui se passe dans ce pays est crucial pour notre avenir aussi. Imaginons un instant une victoire, une vraie du Hezbollah : les conséquences sont faciles à prévoir, fin de la démocratie au Liban, ouverture d'une guerre à outrance contre Israël, et par extension on recommence la saison de la lutte contre l'Occident corrompu. Vous vous souvenez Paris en 1995, avec les attentats dans le métro et le RER ? Voilà ce qu'on aura si on n'essaie pas intelligemment d'aider le Liban par autre chose que des Leclercs et de l'argent. L'argent, il y en a au Liban. Ce n'est pas ce qui manque. Ce dont le pays se trouve dépourvu en revanche, c'est d'une volonté politique de sortir de l'éternel discours de "on verra demain", bien compréhensible devant l'instabilité du pays, mais qui a vécu avec la nécessité de sauver l'existence même du Liban.

Il paraît que Jacques Chirac vient avant la fin de l'année au Liban. Vous m'en voyez ravi. Et quelles déclarations fracassantes apporte-t-il pour les Libanais ? La France va-t-elle choisir son camp parmi les forces en présence ? Reprendre son rôle de protecteur comme du temps du mandat ? Snober l'un et recevoir l'autre pour mieux montrer son habileté diplomatique ?

Je n'ai pas les solutions, vous non plus, mais tant qu'on n'ouvrira pas les yeux sur la véritable nature du Hezbollah, et de ses douteux alliés, on fera de la conversation de salon. Les Libanais veulent être libanais ; Le Liban doit être le Liban. Ils n'ont pas besoin du Hezbollah, qui possède de tout autres objectifs. Demain, les aounistes manifestent à leur tour. J'ai bien peur que nous assistions à une procession de lemmings.

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12 octobre 2006

Manque de gonzesses

En allant me promener chez le lutin, un blog qui me fait toujours bien rigoler, je suis tombé sur un billet qui dénote beaucoup par rapport à son style habituel : les blogs les plus influents de France dans lequel il est classé, contrairement à d'autres que l'on aurait pu penser mieux placé, comme le génial Boulet, ou le fameux Lewis. Je ne sais pas sur quoi ils se sont basés pour parler de blogs influents, ça m'a encore l'air d'être un classement arbitraire comme pour les sites de droite. Par exemple, le journal très sérieux cite celui-ci, rédigé de façon certes magistrale par une jeune fille mais assez égocentrée ; j'ai beaucoup apprécié ce blog pendant la guerre, parce que l'auteur n'a pas évoqué une seconde ce qui se passait au Liban, contrairement à l'immense majorité des blogs, occupée qu'elle était à se préoccuper d'elle-même et à le raconter avec beaucoup d'humour, de talent et de vacuité. J'y retourne souvent pour sa légèreté, et j'espère qu'elle pourra toute sa vie continuer à penser que le pire malheur qui puisse lui arriver, c'est d'avoir atteint le maximum de retrait sur sa CB ou d'avoir un bouton sur le nez avant un rendez-vous amoureux. Allez-y, c'est rafraîchissant en cette période d'attente parfois lourde.

Et en même temps, cette demoiselle reflète beaucoup l'image que l'on a des femmes en france, au point qu'un article de Libé m'a fait bondir. On y parle des femmes en politique, phénomène Royal oblige, et on trouve quelques phrases du dernier machisme, donc de la plus haute connerie prononcées sentencieusement par de vieux barbons d'un autre âge. Ainsi, "La politique, c'est la guerre, ce n'est pas pour les femmes". Désolant, non ? Et s'il y avait plus de femmes, peut-être alors que la politique, ce serait la paix et ce serait nettement mieux ! Parce que la France, c'est "10,9 % de femmes maires, 10,4 % de conseillères générales et seulement 3 présidentes de départements, une seule présidente de région (Ségolène Royal), 12,3 % de femmes à l'Assemblée nationale et 16,9 % au Sénat.". Quelle honte. Et au Liban ? C'est encore moins. Pourtant, après l'éblouissante démonstration de l'incompétence des hommes à gérer le pays, il serait judicieux, sinon de la dernière chance, de confier le pays aux femmes. Qui se porte volontaire ? Bee ? Qui sera prêt(e) démontrer le contraire de débilités du genre "L'homme a peut-être plus l'esprit militaire, les femmes n'ont pas le même esprit de discipline. Les hommes ont plus la passion de la campagne électorale. C'est un combat, les hommes aiment plus ça". En 2006, entendre ça en Afghanistan, passe encore, mais en France... ça donne presque, je dis presque, envie de voter pour la Dadame du Poitou.

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Les experts : sushis

Donc comme promis une belle photo de la place des Martyrs, là où nous manifestions pleins d’espoir en mars 2005, et où on peut aller faire ses achats « culturels » au Virgin. Remarquez le gros machin avec des missiles iraniens déguisés, c’est la mosquée de Hariri et en dessous, le compteur rouge, c’est le nombre de jours depuis lequel il est mort sans qu’on sache qui a fait le coup. Enfin si, on sait, mais on dit pas.

Je continue ma tournée des popotes, et je suis tombé aujourd'hui sur un spécimen particulièrement énervant : l’expert katoucompri (francophone). Donc, une amie, un peu universitaire, qui me regarde avec condescendance et me lâche qu’évidemment de l’extérieur, on ne voit rien, moi qui suis resté en France pendant le conflit, je ne peux donc pas comprendre la « nouvelle donne » libanaise, alors qu’elle si, bien sûr, elle y était, elle a tout vu, même qu’elle va écrire un super article dessus qu’elle me filera à l’occasion, pour que je m’instruise.

Pauvre fille. PERSONNE ne sait ce qui va se passer maintenant, surtout pas au Liban puisque tout sera décidé à l’extérieur. Si Israël semble réellement décidé à parler du Golan, et que le lapin dudit plateau parle de négociations à venir avec son ennemi de toujours, le Liban n’aura qu’à s’incliner et le Hezbollah pourra aller s’entraîner à Homs. Donc on attend comme d’habitude que des plus grands décident pour les plus petits. Mais comme on est au Liban, on fait semblant d’être plus au courant que le voisin, d’avoir ses petits scoops, ses petites entrées chez les puissants, ses infos en primeur qui font la hiérarchie. Et évidemment ceux qui jouent les mieux informés sont fourrés de rumeurs à la con, on comprend mieux pourquoi on appelle ça le « téléphone arabe » (sauf qu’au Liban, on dit téléphone cassé…)

Donc en attendant, on mange, en particulier un truc que je ne trouve qu’au Liban, mais si vous connaissez un resto qui en fait à Paris, je prends. C’est divin, et ça va avec toutes les boissons, bière comme vin blanc. Et l'an dernier, ça me coûtait au moins le quart de mon salaire...

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10 octobre 2006

Brideshead revisited

Les plus roués d'entre vous auront compris que j'ai quitté la France il y a quelques temps pour un rapide séjour au Liban. Dur de retrouver le pays après trois mois français. Je n'ai pas voulu évoquer mon retour immédiatement pour pouvoir mieux rendre compte des changements induits au Liban, sans tomber dans les impressions peut-être trop rapides que j'aurais pu ressentir au début.

Pourtant, l'arrivée depuis l'aéroport a été un choc. Comme l'illustre cette photo, le Hezbollah sait célébrer ses batailles, et dans toutes les langues s'il vous plaît. La "victoire divine" permet surtout de s'interroger sur les conséquences qu'aurait amené une défaite...

Les premiers jours ont été étranges : il faut réapprendre les gestes du quotidien, faire avec les coupures de courant qu'on avait oubliées grâce à EDF, penser à économiser l'eau chaude, récupérer la voiture et affronter les routes toujours aussi bondées, se passer de télévision puisque je ne vais pas payer pour le câble pirate pour seulement quelques jours et bien sûr faire une croix sur l'Internet ultra rapide de Paris. D'où un énervement que l'on doit prendre avec philosophie (ça fait plusieurs jours que je pouvais pas poster ou commenter normalement) : il s'agit du quotidien des Libanais qui y font face avec courage et/ou résignation. Les ponts détruits ont été remplacés pour la plupart et le trafic automobile ne me semble pas plus lent qu'avant juillet. Peu de traces d'un conflit que l'on souhaite oublier.

Personne ne me parle de guerre. Personne n'a envie d'en parler. Ce que je comprends sans peine. Pourtant, il faudra évoquer le futur un jour ; je n'ai pour le moment aucune idée de combien de temps va durer mon éloignement de Beyrouth, s'il sera temporaire ou définitif tant que la décision n'a pas été prise en haut lieu sur notre rapatriement au Liban ou notre expatriation ailleurs. Mais où ?

Comme je ne reste pas longtemps, je vais quand même tâcher de relater au mieux ce que je peux observer mais ne comptez pas sur moi pour jouer au journaleux et aller dans la Banlieue sud ou même au Sud du pays. En revanche, je vais essayer de vous montrer quelques vues du Liban d'aujourd'hui et rester fidèle au titre de mon blog.

Je suis content d'être là, je commençais à me sentir vaguement coupable d'être au chaud en France. Et puis, (dédicace spéciale à Nanou), j'ai enfin pu revoir mes petits Libanais. On a regardé un film stupide de Walt disney et avec la plus grande sur mes genoux, la plus petite dans mes bras et le petit garçon qui avait posé ses pieds sur mon bras, je me sentais invincible. Et je me suis rappelé que je n'oublierai jamais ce pays, quoi qu'il arrive.

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06 octobre 2006

L'avenir est aux trentenaires

Encore et toujours la même question lancinante : pourquoi le Moyen-Orient fascine-t-il autant les médias et l'opinion publique internationale, qui se pique d'avoir un avis sur la situation, en particulier le conflit israélo-arabe ? Mercredi soir, un documentaire ARTE sur Ramzan Kadyrov, le premier ministre tchétchène, m'a rappelé qu'on ne parlait plus de la Tchétchénie depuis longtemps, et j'en suis venu à me demander s'il y avait toujours la guerre là-bas. Kadyrov est un personnage fascinant : à 29 ans, il dirige le pays d'une main de fer, ayant combattu les Russes dès son adolescence, avec l'appui de l'Islam qu'il pratique dévotement ayant eu un père grand mufti, et sait parfaitement utiliser l'argent de la fondation familiale pour acheter ceux qui douteraient de lui. On pouvait voir Kadyrov offrir à tous les dignitaires religieux qui venaient lui prêter allégeance une voiture (très moche, mais quand même une voiture) ou faire passer une enveloppe de 1000 dollars en cash aux élèves tchétchènes méritants dans un pays qui compte 60% de chômage. Lorsqu'on l'interroge sur son programme, le jeune premier ministre et futur président avoue son intention de casser du wahhabite "en les envoyant six pieds sous terre". Quand on voit la ferveur qu'il met dans ses prières, à mi-chemin entre les danses de "Rabbi Jacob" et les transes d'Achoura, et le regard déterminé bien que ne pétillant pas d'intelligence du bonhomme, on se dit que les wahhabites ont un ennemi mortel qui risque fort de mettre ses intentions à exécution.

Et le pire, c'est que ça m'a rassuré. En voyant ce gars, je me suis dit : on a besoin de ce genre de brutes pour affronter d'autres brutes qui nous menaçent. Si Kadyrov veut casser du wahhabite, libre à lui, je ne vais pas pleurer ces extrémistes.

C'est ce qui fait le danger de Kadyrov. Quand il sera l'incontrôlable président de la Tchétchénie, sous allégeance à Moscou mais en électron libre, où s'arrêteront ses ambitions ? Kadyrov est un personnage de roman, un conquérant slave, un chef de guerre musulman qui sait manier la carotte et le bâton pour obtenir ce qu'il veut des hommes. Son pays est riche, lui est jeune, mais déjà le type de gouvernance qu'il veut imposer paraît clair. Il a fait interdire les jeux de hasard sur le territoire, semble en froid avec l'alcool et aurait même interdit aux citoyens danois de se rendre en Tchétchénie après l'affaire des caricatures du prophète Mohamed. Le tout avec l'assentiment de Poutine, trop heureux d'avoir trouvé un leader capable de s'opposer aux rebelles à la fédération.

Des Kadyrov, il y en a beaucoup dans le monde. Des bombes en puissance, que l'on utilise contre d'autres dangers, et qui, une fois qu'ils auront rempli leur office devront encore être occupés sans quoi ils se retourneront contre leur pygmalion. Combien de Kadyrov la France a t-elle créé en Afrique ? Combien de Kadyrov attendent leur heure dans le monde ? Alors que les choses se calment entre le Liban et Israël (pour mieux reprendre, n'en doutons pas), la guerre civile se profile dans les Territoires palestiniens et en Irak, mais aussi en-dehors d'un Moyen-Orient que l'on aimerait être le seul théâtre de la violence dans le monde. Mais la violence n'est pas circonscrite au conflit israélo-arabe.

Souvenez-vous de Kadyrov. On risque d'en parler à l'avenir et pas pour évoquer de divines surprises démocratiques. Si les médias ne le font pas, je vous en reparlerai, parce qu'on a peut-être trouvé le futur Saddam Hussein en Tchétchénie. Et il a moins de 30 ans.

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03 octobre 2006

Gehry à Beyrouth


Frank Gehry va élaborer les plans de la nouvelle fondation pour l'art de LVMH, le groupe spécialisé dans le "luxe". C'est une très bonne nouvelle parce que Gehry, c'est le visionnaire derrière le Guggenheim de Bilbao ou le Walt Disney Concert Hall. A Paris, on avait déjà eu droit à l'American Center qui acueille la cinémathèque rue de Bercy, en face du jardin Rabin.

Tout a été dit sur le style de Gehry et personne n'arrive à exprimer quoi que ce soit sur son talent : c'est comme peindre un tableau qui parlerait de musique ou chanter une couleur. J'avais vu le film de Pollack sur Gehry à Paris, qui était assez mal foutu d'ailleurs et je m'étais étonné de voir à quel point Gehry apparaissait véritablement comme un génie, extrêmement intuitif, c'est-à-dire qu'il arrive à repenser complètement les codes de son art en produisant une oeuvre non seulement originale mais surtout foncièrement belle et remplissant les fonctions que l'on attend de l'architecture : s'intégrer au paysage, améliorer le quotidien des usagers, allier esthétique et pratique. Le Guggenheim de Bilbao reste une merveille à cet égard, et je ferai l'aller-retour juste pour passer un peu de temps avec cet étrange objet qui, selon mes souvenirs du film de Pollack, aurait été décrit par un critique du NY Times comme "une soucoupe volante ayant atterri dans la ville il y a un siècle", donc un monument novateur mais intégré dans son environnement.

Pourquoi parler de Gehry dans ce blog, outre ma profonde admiration pour lui et la bonne nouvelle de sa participation à l'enrichissement de ma ville ? Peut-être parce que l'architecture libanaise, déjà pauvre, s'appauvrit régulièrement sans même l'aide des bombes israéliennes. Une pétition circule pour préserver Gemmayzé, un quartier huppé qui risque de se retrouver avec de nouvelles tours en lieu et place de bâtiments plus traditionnels et ce n'est pas la première fois que je reçois ces messages de désespoir concernant la paupérisation du patrimoine architectural libanais. Les appartements "traditionnels" de Beyrouth sont pleins de charme, avec leurs plafonds hauts, leurs immenses balcons et leurs fenêtres en ogive. Mais Beyrouth ne comporte pas de plan d'urbanisme, pas d'espaces verts, pas de réflexion sur la place de l'homme dans sa ville. On dirait que tout est fait pour empêcher la population de se rencontrer et de se mélanger au Liban : pas de transports en commun, pas de parcs, pas de grand place sauf celle des Martyrs, rien qui puisse favoriser le dialogue. Et de plus en plus des tours avec des appartements de centaines de mètres carrés conçus pour plaire à la riche clientèle des bédouins, en oubliant les Libanais ou même ceux qui ne sont pas intéressés pas des appartements de 800 m².

Le Liban va se reconstruire, mais comment ? On ne peut pas compter sur les architectes branchés qui font des restaurants à la con pour les zombies de la rue Monnot, jeunesse dépensant le fric de papa pour s'épater mutuellement. De plus, on pourrait penser que créer de beaux bâtiments est inutile, tant le risque est grand de les voir détruit durant un conflit. Mais parier sur la beauté, c'est un pari sur l'avenir, un pari de grandeur. On raconte que Paris a été épargné par les armées nazies grâce à sa beauté. Un pays qui investit dans la beauté mérite le respect et l'impose sans difficulté.

A quand un bâtiment Frank Gehry à Beyrouth ?
Ha ben jamais, il est juif...

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01 octobre 2006

Peut-on avoir les mains propres quand elles sont couvertes de sang ?

Pendant le mois du Ramadan, les esprits libanais se calment, mais se préparent à la prochaine étape : "un gouvernement d’unité nationale qui permettrait la participation de toutes les forces qui bénéficient d’une assise populaire" comme le déclare Hassan Fadlallah, député du Hezbollah. Et qui seront ces forces ? Le Courant patriotique libre (CPL) de Michel Aoun, et le Hezbollah, avec un ou deux maroquins pour les autres alliés de la Syrie, comme les Maradas chrétiens ou les druzes opposés à Walid Joumblatt. Derrière cette tentative de déstabilisation du gouvernement se cache une volonté de transparence et de lutte contre la corruption. J'aurais trouvé ça risible si ce week-end des proches libanais ne m'avaient pas presque crié dessus en arguant qu'au moins, le Hezbollah n'est pas corrompu contrairement au FL, aux Kataëb, aux hariristes et à tous ceux qui composent le gouvernement actuel. Petit rappel : il y a deux ministres hezbollahis dans le gouvernement Saniora. Mais ce thème de campagne, se voulant contre la corruption, semble emprunté directement au Front national français, "mains propres, tête haute". Si les Libanais tombent dans le piège, ils ne pourront pas dire qu'on ne les a pas avertis. Dans le même temps, il est vrai que la corruption au Liban atteint des sommets ; le pays est classé 83e sur 159 en 2005 par Transparency International (12e sur 18 pays arabes). Mais penser que le Hezbollah, qui contrôle tous les trafics au Liban, fera montre d'une probité irréprochable laisse pantois. Changement d'herbage réjouit les veaux. Les Français avec leur précampagne présidentielle, seront assez mal placés pour donner des leçons de corruption aux Libanais (bien que la France soit classée 18e en 2005 [et en passant, Israël est 28e]).

P.S. : Dans le post précédent, j'avais accusé le choc d'être considéré comme un site "de droite" non pas tant parce que je trouve ça honteux, mais à cause de nombreux sites du même classement à qui je n'avais aucune envie d'être mêlé. Et puis, j'ai regardé Ruquier samedi soir. Il y avait Renaud, le chanteur Renaud, qui fustige les bobos dans sa nouvelle chanson, en reconnaissant avoir acheté un 4X4 pour sa danseuse, sa nouvelle femme, parce que "quand on a un bébé, le berceau, des guitares et des chiens, qu'est-ce-qu'on peut acheter d'autres ?". Ben, un break ou un RENAULT Espace mon con. Si être de droite, c'est ne pas supporter les donneurs de leçons qui montrent leurs fesses à tous les passants en condamnant la vulgarité et clament partout "faites ce que je dis pas ce que je fais", alors ce blog est de droite. Ce qui n'empêchera pas un certain nombre d'opinions de gauche, parce qu'il faudra quand même m'expliquer un jour en vertu de quoi on devrait s'exprimer en permanence en fonction de son camp politique. Tenez, prenez Walid Joumblatt, voilà un type ouvert d'esprit, qui n'hésite pas à "ajuster" son discours aux évolutions de la conjoncture internationale. Est-ce que Walid Bey a un 4X4, lui ?

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