31 août 2006

Le club des amis

Qui a dit que Bachar el Assad était isolé ? Après la visite de Jack Lang, le futur président d'on ne sait trop quoi, le lapin du Golan reçoit son ami de trente ans, Hugo Chavez du Vénézuela, une autre star du mouvement qui se définit par son rejet de l'hégémonie américaine, club très ouvert où on trouve à peu près n'importe qui mais surtout des dictateurs.

Chávez, dont c'est la première visite officielle en Syrie, a expliqué à son arrivée: «Nous avons la même vision politique. Nous sommes deux pays et deux peuples qui résistent et font front à l'agression impérialiste.» La semaine dernière, lors d'une conférence de presse à Pékin, Chávez avait accusé Israël d'avoir perpétré un «génocide» au Liban et dénoncé son «attitude fasciste».

Message personnel aux Colombiens : si Chavez a la même vision politique que Assad, vous risquez de vous prendre des obus brésiliens dans pas longtemps. Pourquoi ? Il trouvera une cause, Assad a trouvé sans problème.

Bachar el Assad continue de jouer les vierges effarouchées, pendant que le gouvernement libanais affirme avoir arrêté des livraisons d'armes à destination du Hezbollah. Ce que chacun sait au Liban, c'est que le Hezb dépend grandement des trafics non seulement pour les armes, mais aussi pour ses finances puisqu'il contrôle toutes les importations et exportations illégales. Imposer un blocus au Liban, ça touche toute la population et ce n'est pas très populaire, mais ce serait le seul moyen de prendre le Hezbollah à la gorge, qui en retour suffoquera le reste des Libanais. Qui tiendra le plus longtemps ?

Le Hezbollah a fait des émules, propres sur eux et qui sont convaincus, comme les idiots utiles d'autres temps, qu'ils luttent à mort contre le Mal. Parmi eux, le fameux quotidien Al Akhbar (la pravda) qui refait parler de lui à l'occasion de la diffusion d'un documentaire sur Ron Arad, pilote israélien enlevé par le Hezbollah en 1986. LA LBCI, ancienne chaîne des Forces Libanaises, devrait diffuser le documentaire, et son PDG s'en explique dans L'Orient :

M. Daher, qui a indiqué avoir acheté ce documentaire au journaliste et directeur du service d’informations locales du nouveau quotidien al-Akhbar, Ibrahim el-Amine, a exprimé des doutes sur le fait que ce film puisse être utile pour retrouver l’aviateur porté disparu depuis.

Certes, il y a peu de chances pour que le film produise une carte avec une petite croix blanche pour indiquer où se trouve détenu Arad. Mais il semble que les mouvements proches du Hezbollah soient en train d'investir d'autres fronts que celui de l'affrontement militaire ou de la diatribe politico-religieuse. Certains estiment que la situation se rapproche beaucoup des origines du conflit en 1975, avec les mêmes alliances et parfois les mêmes personnages. On a plutôt l'impression que le Liban n'a pas bougé depuis cette époque.

Et pendant ce temps, Dieudonné, armé de son guide du routard sur le Liban continue de visiter le pays, et serait même, me dit-on, sur le point de visiter le palais de Baabda, siège de la présidence de la République. Avec un peu de chance, Dieudonné arrivera à se faire photographier avec le monsieur tout en blanc qui prétend être le vrai président du Liban ! C'est quand même un signe d'espoir de revoir des touristes au pays des cèdres.

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30 août 2006

Des nouvelles de Dieu...


...donné.

Son Excellence Dieudonné le bien-nommé, accompagné de son grand chambellan, Thierry Meyssan-qui-sait-déjouer-les-complots, ont fait l'honneur de rendre visite au peuple libanais. La première constatation de Sa grandeur a été que les médias occidentaux ont minimisé le désastre ! Notre Grand Pourfendeur des oppresseurs, qui n'avait jamais mis le pied à Beyrouth mais le connaît tout de même intimement comme sa poche, car Il sait, a fait l'honneur à plusieurs personnalités libanaises de leur rendre visite, bien qu'ils aient été intimidés par les connaissances extraordinaires de Son apparition. Michel Aoun a donc conversé avec Sa Miraclité sur un canapé vétuste et sous des tableaux moches (voir photo) après que Notre Lumière ait rencontré des représentants du parti laïc pour la promotion des minorités au Moyen-Orient, le Hezbollah, qui a su vaillamment résisté contre l'ennemi sioniste. Notre Phare a en outre accepté de serrer la main de Jesse Jackson, qui, comme notre Soleil Eternel, a toujours évité l'exposition médiatique et cherche à tout prix à se prémunir des journalistes.

Demain, s'il Lui plaît, Notre Guide de Bretagne et du Cameroun donnera audience au président Lahoud, ami des libertés et représentant du courage sur Terre.

Vous pouvez maintenant contempler Sa Splendeur.

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Bonne facture

Alors que chacun attend ce qui va se passer dans les jours ou les semaines qui viennent, j'ai de plus en plus l'impression que ce que les Libanais ne voulaient surtout pas est en train de se réaliser : on est en train de décider de l'avenir de leur pays sans eux. Les divisions soi-disant entre communautés et les allégeances qui à la Syrie et à l'Iran, qui à l'Occident ont bien sûr montré que le pays est divisé, si besoin était. La décision d'un seul parti de faire la guerre au nom de l'Etat, même s'il semble que son chef le regrette, a également prouvé qu'il n'y a pas d'unité nationale. Les revirements des chefs de clan, passant d'un pro à un anti syrianisme forcené, n'ont pas aidé à comprendre la clarté du destin libanais. L'illusion partagée par tout un peuple que l'on peut être en guerre permanente, ouverte ou larvée, avec ses puissants voisins, n'a pas encouragé l'idée d'un avenir pacifique dans la région. Et la théorie que chaque poste à tous les niveaux de la gestion du pays doive être défini par l'appartenance à une religion brouille encore plus le besoin d'un Etat moderne.

Donc, aujourd'hui, les Libanais ne décident plus de leur sort. La difficulté de les inclure dans une discussion sur leur avenir provient aussi qu'il est impossible de choisir une seule personne, comme le président ou le premier ministre, qui représenterait le pays lors de réunions avec les instances internationales. Pour être sûr que tout le monde soit représenté, il faudrait que viennent Lahoud, pour la Syrie, Siniora pour le Liban, Joumblatt pour les druzes, Nasrallah pour le Hezbollah, Sfeir pour les maronites, Hariri pour les sunnites et le 14 mars, Aoun pour son courant, et Berri qui refuserait d'être mis de côté. Ces hommes (évidemment, pas une femme...) se détestent, seraient incapables de discuter calmement, et encore, on trouverait mille hommes politiques ou religieux qui estimeraient devoir également participer à une discussion sur l'avenir du Liban.

Donc, le Liban n'a pas de réprésentant, ou plutôt il en a trop tant le pays ne se voit pas d'avenir commun avec tous ses membres. Donc, on discute de son destin sans lui. Donc, des milliers de Libanais ne reviendront pas, et des milliers de jeunes préféreront émigrer vers des terres plus sécurisantes.

Alors Nasrallah aura vraiment gagné, et lui et ses acolytes iraniens pourront continuer tranquillement leur travail de dédémocratisation du Moyen-Orient.

Et un jour, nous, l'Occident, on le paiera. Cher, mais cash.

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29 août 2006

Méfiez-vous de ce blog...

Ce week-end, j'ai du expliquer quinze fois à des amis inquiets ce qui se passait au Liban. A chaque fois, ils commençaient en disant "tiens, toi qui connais le Liban...", m'écoutaient gravement mais au bout de cinq minutes d'explication, j'avais droit à leur théorie. Et des théories, il y en avait, autant que de copains. J'ai été content de vérifier qu'on continue à s'intéresser au Liban, mais je me suis aussi aperçu que la région demeure mystérieuse, surtout depuis la France où on a l'impression d'être mieux informé que "ces beaufs d'Américains" (je cite). Et puis il y a la théorie d'une copine, pourtant prof, qui m'a coupé sèchement dans mon explication en déclarant d'un ton sans appel : "oui, enfin, nous on sait bien que ceux qui ont commencé, c'est les juifs". Pas les Israéliens, non, les juifs. Son mari, un peu plus patient et plus intéressé par le sujet ignoraient d'ailleurs qu'il y a seulement 16 millions de juifs dans le monde, qu'Israël est composé également à 20% d'Arabes israéliens, que de toute façon une grande majorité des Israéliens sont arabes, sabras ou séfarades, que ce n'est pas Israël qui a déclaré la guerre en 1948 mais bien les cinq armées arabes, etc. etc.

Je ne défendais pas Israël, j'apportais quelques informations concernant la situation. Pour montrer ma bonne foi, et ma volonté d'observer le problème de façon objective, j'ai commencé à aborder la question des colonies, du racisme anti-arabe (sans entrer dans les détails ashkénazes-séférades), de la stratégie militaire israélienne qui fait la part de plus en plus belle aux bombardements... Mais la jeune femme responsable de cette saillie sur la faute aux juifs me regardait maintenant avec un air soupçonneux. Oui, elle en était sure, j'étais pro-israélien. Donc, dans le camp des Ricains. Donc, dans le camp des salauds. Donc pas dans le camp des bons Français. Au bout d'un moment, elle est partie, frémissante de la joie d'avoir démasqué un pro-israélien, espèce qu'elle aurait eu bien du mal à définir mais qui n'amène visiblement rien de bon, car ses représentants grouillent dans le monde et agissent dans l'ombre.

Car il existe un complot, dont on parle souvent sur ce blog. Un complot qui implique que, comme l'a très bien dit Thierry Meyssan, les Etats-Unis veuillent piller le monde, en utilisant leur petit soldat israélien, et en essayant d'asservir encore plus les populations opprimées, qu'elles soient palestiniennes, africaines, ou même françaises.

Les Français aussi sont victimes du complot américain, celui qui veut "remodeler le Moyen-Orient", "conquérir la planète", empêcher la parution du prochain Monde diplo, diffuser le capitalisme... En témoigne une réaction d'un internaute, assez caractéristique, sur un article de Libération :

sissou
Info ou intox?Il est assez étrange que vos reportages soient toujours trés orientés. Il semble qu'aujourd'hui beaucoup de libanais de différentes confession soient derriere Le hizbollah pour son efficacité, sur le terrain, pour avoir sauvé le Liban, et aujourd'hui faire parti de la reconstruction du pays. Je ne suis pas sur que tout le monde soit pour le désarmement du Hizbollah, connaissant les interets d'Israel et des US dans la région. Libération partciperait il a la tentative de gagner par Israel ce qui a été perdu sur le champs de bataille, de manière médiatique? Mardi 29 Août 2006 - 15:10

Résumé : L'efficace Hezbollah a sauvé le Liban, va le reconstruire, et ceux qui en doutent sont des hypocrites pro-siono-américain ou des imbéciles qui ne connaissent pas les noirs desseins de ce lobby anti-France, qui contrôle jusque la fierté journalistique nationale ! J'aime beaucoup la phrase : "connaissant les interets d'Israel et des US dans la région" qui n'est suivi d'aucune explication mais semble se conclure par un "suivez mon regard" ou bien "vous voyez ce que je veux dire" d'un air entendu.

Oui, on connaît les intérêts d'Israël dans la région, ils sont somme toute modestes : survivre, ce qui n'implique par une nation parfaite comme le démontre les débats internes démocratiques extrêmement vigoureux. Quant aux intérêts américains, ils sont les mêmes que ceux des Français, des Anglais, des Chinois, des Russes ou des Brésiliens pour ne citer que quelques nations fortement intéressées par ce petit Moyen-Orient. Pourquoi les Américains alors ? Voici une petite tentative d'explication, elle n'est pas toute neuve, mais sonne étrangement moderne, comme si elle avait été écrite par un de ces orientalistes modernes qui, emmenés par Dieudonné, crachent sur l'occident pour ne pas le faire sur eux-mêmes.

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28 août 2006

Le salon libanais

Il semble que ce soit confirmé. Tristan a sonné le tocsin le premier : Dieudonné serait au Liban aujourd'hui. Il restera trois jours et aura de nombreuses rencontres avec des personnalités politiques et culturelles du pays, dont des représentants de la résistance.

On imagine sans peine qui seront les représentants de la résistance ou les personnalités que Dieudo va rencontrer avec ses compères de haine. En revanche, on peine à comprendre ce qui motive vraiment la venue de Dieudonné, qu'on ne présente plus et qui, faute de faire rire fait maintenant pleurer. Dieudonné, fils d'un Camerounais, n'a jamais cessé de clamer que l'esclavage était la faute des juifs. Peut-être que venir au Moyen-Orient est une façon pour lui de modifier son discours et de s'informer sur la traite orientale ?

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26 août 2006

Conseils aux voyageurs de la part du Ministère des Affaires étrangères français

Les régions où les voyages sont fortement déconseillés sont indiquées en rouge.

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25 août 2006

Deux poids, deux mesures et les stock-options de la fermière

Je tombe sur un article hallucinant de Libération racontant comment deux terroristes corses ont essayé de plastiquer deux hélicoptères bombardiers d'eau basés à Corte. Leurs bombe a explosé, ils en sont morts et sont considérés comme des martyrs par le FLNC. L'organisation indépendantiste trouvait que "Le marché public de location des hélicoptères bombardiers d'eau a été injustement attribué à une société française malgré la présence de sociétés insulaires hautement qualifiées".

L'article est assez ironique, on sent nettement que les revendications de certains Corses dans le France de 2006 sont considérés au mieux comme infantiles, au pire comme racistes. Les journaux français ont tendance à ne pas soutenir les mouvements indépendantistes corses, et on les comprend quand on se souvient des petits accidents qui peuvent arriver à certains d'entre eux qui ont eu le tort d'appeler la mafia corse comme elle se doit.

Alors pourquoi le Hezbollah mérite-t-il un traitement de faveur ? Quelle est la différence entre le Hezbollah et le FLNC au niveau des actions, des revendications racistes, du culte du martyr et du mépris pour la démocratie ? Je ne dis pas que les médias français n'ont pas été objectifs, je trouve même qu'ils ont fait un assez bon travail durant la guerre du Liban, mais combien ont eu le courage de parler de terrorisme ou de mafia à propos du Hezbollah ? Mouna Naïm a écrit un bel article dans Le Monde, mais qui reste précautionneux ; elle sait le prix qu'elle pourrait payer si elle attaquait le parti de dieu de front. Mais les journalistes français, qui continuent à considérer Walid Cherara comme un expert alors qu'il est un porte-parole ? Qu'ont-ils à craindre ?

En tant que journaliste en France, j'aurais plus peur du FLNC que du Hezbollah. On a déjà interdit la chaîne Al Manar de diffusion en France, quand comprendra-t-on le lien direct avec le Hezbollah et le traitera-t-on comme ses homologues terroristes au lieu d'évoquer sa légende de résistance ?

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24 août 2006

Vibrations

Les appels sont toujours vibrants, et c'est donc un vibrant appel que lance le premier ministre Saniora à la communauté internationale, "affirmant qu’il n’y aura pas « un second round » de violence, comme l’avait laissé entendre le vice-Premier ministre israélien, Shimon Peres." selon L'Orient-Le Jour. Cette phrase m'intrigue. Ou bien Saniora a une ligne rouge avec Tel Aviv qui lui a affirmé que, non, il n'y aura pas de second round, il faut pas prendre au sérieux tout ce que dit Peres, à plus de 80 ans, il sale un peu les falafels ; ou bien le Hezbollah l'a juré au premier ministre, mais comme il n'avait visiblement prévenu personne de leur "promesse tenue" je ne sais pas s'il faut s'y fier ou pas. Ou encore, Fouad a une arme secrète. Une qu'il n'a pas voulu dévoiler tellement elle est puissante. Une qui va changer le cours des événements au Moyen-Otient. Mais une qui n'est pas encore arrivée parce qu'elle a un retard de livraison à cause du blocus.

Et ça ne va pas s'arranger car Bachar el Assad, le lion de Damas, le lapin du Golan, considère que si une force d'intervention se déploie près de sa frontière, il commencera par fermer ses frontières. Suivons son raisonnement : en rendant ses frontières imperméables, Bachar pense ainsi se protéger d'une armée ? Parce qu'ils vont lui demander des visas syriens pour venir l'attaquer dans son pays ? Et les tanks vont faire la queue pour faire valider leur "mécanique" après le No man's land ? Les seuls qui seront pénalisés, une fois de plus, seront les Libanais qui souffriront de trois blocus particulièrement hermétiques : air et mer avec Israël, terre avec la Syrie. Bachar commence à sérieusement disjoncter ce qui est une aubaine pour tout le monde, il commence à focaliser la haine de tous les protagonistes du conflit.

Ce qui fait une bouffée d'air bienvenue pour Israël. Je ne crois pas avoir vu un tel examen de conscience dans un pays après une guerre. Le plus terrible, c'est que l'armée, par ses réservistes, se plaint de n'avoir finalement pas tué assez de gens, surtout des hezbollahis. Il ne s'agit donc pas d'une manif pour la paix, ou alors indirectement. "Laissez-nous finir le travail mais pas sous la houlette d'Olmert". Il n'y a donc plus de leader en Israël ? Le mythe de l'invincibilité de l'armée israélienne se fissure, mais la légende de la démocratie israélienne se fortifie. En France, les soldats qui demanderaient la tête de leur ministre après une opération foirée se retrouveraient au trou. Et les Hezbollahis de terrain, qu'est ce qu'ils pensent de leurs chefs ?

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23 août 2006

Géométrie

On se demandait ce qu'il allait faire, sa prochaine provocation, son prochain coup de gueule, son insulte suivante. C'est fait, Docteur Bachar El Assad nous apprend qu'il en a marre qu'on l'ignore, que le vrai patron c'est lui, et qu'il a son mot à dire en bon troll du Moyen-Orient qui veut qu'on l'aime et qui fait tout pour qu'on le déteste :

Le président syrien Bachar al-Assad refuse le déploiement d'une force internationale à la frontière libano-syrienne, réclamé par Israël, qu'il considère comme un acte "hostile" à l'égard de son pays.
Dans une interview devant être diffusée mercredi par la télévision de Dubai, dont l'AFP a obtenu des extraits, le président Assad prévient qu'un tel déploiement provoquerait un état d'hostilité entre le Liban et la Syrie. (Le Monde)


La diplomatie avançait sans le prendre en compte, normal puisqu'il n'a rien fait pour libérer ses territoires occupés, qu'il a saigné le Liban comme son père avant lui, qu'il soutient des forces hostiles à la démocratie et qu'il se paie le luxe d'injurier en permanence les seuls partisans du dialogue au Liban en encourageant ses chiens de guerre. Mossieur Assad se paie même le luxe de poser les règles du jeu :

"Il n'y aura pas de délimitation des frontières avant que les forces israéliennes ne se retirent des fermes de Chebaa", déclare le président syrien qui loue "la victoire" du Hezbollah durant les 34 jours du conflit "suffisants, selon lui, pour donner une leçon à Israël".

En tout cas, ça a le mérite d'être clair. Le Hezbollah joue le jeu de la Syrie, ce qu'on savait depuis longtemps, mais que certains ont du mal à intégrer lorsqu'ils parlent de la résistance. Alors la prochaine étape ? Tout se déroule comme prévu, une force multinationale arrive au Liban et en représailles, Bachar le 'tit Lion attaque... qui au juste ?

Le vrai risque, c'est la reprise des attentats, au Liban mais aussi en Occident. Chaque pays participant à la FINUL plus pourra alors devenir l'objet d'attaques terroristes. Quand je vous disais que je comprends que la France se fasse tirer l'oreille pour envoyer des soldats au Liban Sud. Qu'on envoie les Scandinaves ! Ils ont déjà morflé de façon arbitraire avec l'affaire des caricatures, ils sont habitués au fanatisme aveugle des barbus et moustachus levantins.

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22 août 2006

Calculs

La France traîne les pieds pour la FINUL Plus et on la comprend. Même George W. Bush connaît l'histoire du Drakkar, où les soldats français ont été assassinés par ce qui deviendra le Hezbollah par la suite. Ce sera donc l'Italie qui enverra le plus gros contingent, grillant une fois de plus la politesse à "la mère du Liban". L'Italie était déjà le premier partenaire économique du Liban, loin devant la France qui n'arrive qu'à la quatrième place derrière les Etats-Unis et l'Allemagne, et elle risque avec ce geste de creuser encore l'écart. Ha, on me dit que les Italiens ne vont pas conquérir des parts de marché, mais sécuriser le Liban Sud. Mes excuses. Vergogna.

Pendant ce temps, on parle d'un deuxième round en Israël, où visiblement le "travail" effectué au Liban n'a satisfait personne. Assistera-t-on à une nouvelle attaque sur le Liban pour de basses considérations de politique intérieure ? Ce serait mal connaître Shimon Peres, dont on parle assez peu dans les journaux, préférant accabler les deux bizuts Peretz et Olmert, en oubliant un peu le vice-premier ministre et ministre du "développement régional". Joli titre que ce dernier, et bon travail Shimon.

Les masques tombent, et le vrai visage de la résistance commence à apparaître à ceux qui croyaient encore qu'il s'agissait d'un combat pour le Liban. Joseph Samaha, nouveau patron de Al Akhbar, ne cache plus dans Libération que les orientations de son journal et du mouvement qui le soutient sont clairement la résurgence d'un vieux nationalisme panarabe, qui entend montrer sa puissance en crachant son rejet de l'Occident :

Israël est intervenu au Liban pour mettre en œuvre une politique élaborée par la France, et celle-ci a échoué. Jacques Chirac a laissé les mains libres à Ehud Olmert jusqu’à ce que les limites de son action aient été atteintes. [...] Depuis deux ans, la France met le devenir du Liban en péril et lui impose un amour étouffant. La politique française fait partie du problème et non de la solution. Chirac a mis en marche le moteur de la crise libanaise, mais c’est Bush qui, ensuite, a été aux commandes.

Voilà, il ne manquait que la France au tableau des malheurs arabes. La boucle est bouclée, et on comprend de mieux en mieux pourquoi les Français se font prier pour aller sécuriser le Liban. C'est qu'un accident de drakkar est si vite arrivé, comme dirait Harald...

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21 août 2006

Logiques

  • Que fait le président du Liban Emile Lahoud lorsqu'il veut s'exprimer ? Il parle à la télévision chinoise.
  • Qui rencontrent les députés de l'opposition canadiens lorsqu'il viennent au Liban ? Joumblatt, Gemayel, Hariri.
  • Que fait l'Iran, qui aurait du sang sur les mains selon le ministre canadien des Affaires étrangères, pour montrer sa bonne volonté et son souhait de paix dans la région ? Elle fait des grandes manoeuvres militaires.
  • Comment Fouad Siniora cherche-t-il à obtenir justice sur la guerre du Liban ? Il accuse Israël de crimes contre l'humanité.
  • Que fait Israël pour calmer le jeu dans la région ? Une opération foirée dans la Bekaa.
  • Combien de soldats la France, qui se poussait du col pour mener la nouvelle FINUL, envoie-t-elle au Sud Liban ? 200.
  • Pourquoi n'y aura-t-il pas de soldats turcs dans la nouvelle FINUL ? Parce que les Arméniens leur reprochent de ne pas avoir reconnu leur génocide.
  • Pourquoi l'armée libanaise se déploie-t-elle seulement maintenant au Liban Sud ? Parce qu'avant il y avait le Hezbollah.
  • Quelles populations vont payer pour les querelles entre l'Occident et les dictatures du Proche-Orient ? Les Libanais, les Israéliens et les Palestiniens.

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20 août 2006

Bestiaire et combattants

Ce que dit Calli dans son blog confirme ce que je commence à penser et que j'avais évoqué il y a quelques jours : on assiste de plus en plus à une coupure du Liban en deux, et cette scission n'a plus rien à voir avec la religion. Je n'ai jamais vraiment cru dans le phénomène religieux pour expliquer un pays aussi complexe que le Liban. Comment expliquer qu'il existe des Chrétiens encore alliés à la Syrie, les Maradas, particulièrement puissants au Nord du pays ? Qui peut comprendre l'alliance électorale de Michel Aoun, général maronite, avec le Hezbollah, sinon en avançant que le chef du Courant Patriotique Libre, étant issu d'un milieu modeste se sent plus à l'aise avec Nasrallah, aux origines similaires, qu'avec les héritiers de grandes familles comme Saad Hariri ou Walid Joumblatt ? Pourquoi de nombreux chiites préfèrent-ils fuir le Liban plutôt que de devoir cohabiter avec les supporters du Hezbollah ? Ce manichéisme n'est pas agréable à constater, mais l'affaire qui nous intéresse n'a jamais été chrétiens contre musulmans, mais bien "partisans de la démocratie" contre "forces révolutionnaires". Ces deux termes sont, j'en conviens, caricaturaux, mais les forces qui se rassemblent sont hétéroclites et je n'ai pas trouvé d'autres dénominateurs communs.

Rappelons-nous de la Guerre d'Espagne, ou de la Deuxième Guerre mondiale ou de toutes les guerres idéologiques : il y a toujours deux camps composés de plusieurs factions qui s'affrontent militairement, puis le vainqueur se scinde à son tour et les alliés d'hier deviennent les ennemis du jour, et ainsi de suite. Les jours qui viennent nous donneront une image plus précise des forces en présence, et de l'ampleur du conflit à venir.

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18 août 2006

Cartes postales libanaises

J'ai reçu des photos du Liban par email, comme tout le monde. A gauche, c'est Jbeil/Byblos, la plus jolie petite ville du Liban. Au bord de la mer, à quelques dizaines de kilomètres au nord de Beyrouth, on y va pour se promener au bord de mer et manger (pas très bien) chez Pépé Abed qui a connu tout le monde. Aujourd'hui, la ville étouffe à cause de la marée noire dont tout le monde se fout ailleurs qu'au Liban, parce que les obus ne pleuvent plus sur le Liban, c'est déjà bien. A droite, c'est "la Grotte aux pigeons", un gros rocher à Beyrouth connu comme Ayers Rock. La grotte aussi a les pieds dans le mazout, alors j'imagine les pigeons (c'est une blague). Ce qui n'est pas une blague, ce sont les dégâts écologiques de la guerre : la pollution à l'amiante à cause de la destruction des bâtiments, la marée noire, les métaux provenant des obus disséminés dans tout le Liban... Quelle belle victoire vraiment. "Mourir en martyr, c'est injecter du sang dans les veines de la société" disaient les barbus en Iran pendant la guerre avec l'Irak, rapporte Marjane Satrapi (encore elle !) dans Persépolis. Et au Liban, qui va mettre du sang dans les veines des Cèdres avec leurs conneries de martyrs ?

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La plume et le fusain

Pendant que l'on se demande toujours ce que va devenir le Liban, j'ai envie de vous parler de bandes dessinées de nouveau. Souvent, les bons romanciers et auteurs de bandes dessinées savent mieux expliquer une situation que les meilleurs universitaires et journalistes, d'autant qu'ils peuvent faire appel à la fiction qui se trouve souvent percuter la réalité. La guerre que le Liban a subi est comme toutes les autres : violente et inutile, et lire Persépolis de Marjane Satrapi m'a permis de voir à quel point tous les conflits se ressemblent, et que le quotidien de l'héroïne durant la guerre Iran-Irak ressemble à celui des Libanais durant la guerre 1975-1990, qui a du sûrement se rapprocher des hostilités en cours. On y retrouve les mêmes personnages en butte aux extrémistes qui imposent leur loi divine et inhumaine, les mêmes envies de vivre malgré tout, les mêmes peurs et les mêmes attentes. Pour ceux qui pensent encore le Hezbollah comme une solution aux problèmes libanais, l'exemple iranien montré par Satrapi les fera peut-être réfléchir. Ou pas puisqu'il paraît qu'on n'apprend jamais des erreurs des autres.

Je vous recommande cet album, pour son humour, son sens de l'observation et son humanité. J'aurais voulu poster quelques images extraites, mais mon scanner est à Beyrouth. Alors, googlez Marjane Satrapi. Quel dommage qu'au Liban on n'ait pas encore de bandes dessinées.

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17 août 2006

Au commencement

Merci à Bee qui a fait la traduction simultanée du discours de Walid Joumblatt dans les commentaires du post précédent. Ce blog se fait de plus en plus grâce à ses commentateurs, ce qui me réjouit. J'ai l'impression que j'ai de moins en moins de choses à dire, parce qu'on les dit pour moi et souvent de meilleure manière. Aujourd'hui, je viens de lire les deux éditos de Charlie Hebdo (Gérard Biard et Philippe Val) et je les trouve parfaits. Comme je tiens beaucoup à l'indépendance financière de mon journal préféré depuis 15 ans, je n'en citerai rien et vous invite à acheter Charlie cette semaine. Et puis les suivantes aussi. 2 euros seulement, ça peut ausi être une bonne incitation à arrêter de fumer, comme moi.

Pendant ce temps, l'armée israélienne fait son autocritique de manière démocratique. Pour le reste, on attend le bon vouloir du Hezbollah. Déjà, de nombreuses familles libanaises émigrées refusent de rentrer dans un pays où le parti de dieu dicterait sa divine loi. Déployer une FINUL renforcée au Sud du Liban ne sera pas suffisant. Il faudra également décider quel genre de relations le Liban souhaite avec tous ses voisins, mais aussi entre ses citoyens, et on est en train d'assister à l'émergence de ce qui était toujours plus ou moins souterrain : au moins deux Libans opposés, l'un favorable à la démocratie et à la coexistence pacifique, l'autre pour la dictature religieuse et la guerre à outrance avec les démocraties. Plus que jamais le premier Liban a besoin de soutien de tout le monde. Les armes se taisent momentanément, mais elles peuvent bondir de leur fourreau à la moindre occasion. Il est primordial de ne pas penser que la bataille a été gagnée, par qui que ce soit. C'est maintenant que tout reste à faire.

Soutenons le Liban démocratique. Comment ? Parlons-en, c'est à cela que sert l'espace des commentaires.

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16 août 2006

Profiteurs de guerre (2)

Pour ceux qui pensent que le Hezbollah incarne la Résistance, rappelons que la Résistance française contre l'occupant allemand 1. considérait que l'Allemagne avait le droit d'exister 2. n'avait pas des missiles pointés sur Berlin 3. considérait que l'Allemagne avait le droit de vivre en paix avec la France 4. ne comptait pas et d'ailleurs n'a pas instauré une dictature religieuse bien qu'il y ait nombre de membres du clergé dans le maquis 5. n'avait aucun caractère raciste et comportait des communistes comme des "gaullistes" dans ses rangs sans discrimination.

La discrimination, voilà le problème que rencontre le Hezbollah, car il a tendance à sentir qu'on lui reproche le fait de ne représenter que les chiites. Qu'à cela ne tienne ! Sa dernière invention : Al-Akhbar (les informations, un peu comme dans Pravda). Al-Akhbar est né, vive Al-Akhbar ! Comme si la propagande directe du Hezbollah prétendant être la résistance arabe ne suffisait pas, il faut maintenant se rallier les "intellectuels", ces fameux intellectuels dont j'avais parlé à l'époque. Curieusement, qui retrouve-t-on responsable des pages Opinions du quotidien : vous l'avez deviné : Walid Cherara ! Enfin, il pourra ajouter qu'il est journaliste en plus d'être "expert en géopolitique".

Le préambule en dit long sur l'idéologie du nouveau journal :

Le journal affirmera que les Arabes et les Libanais sont en conflit avec Israël. Il sera un journal d'opposition à la politique étrangère de l'Administration américaine dans notre région et dans le monde.

Très Monde Diplomatique (où Cherara a rédigé quelques articles), très combat des opprimés, très "trouvons un bouc émissaire à tous nos malheurs, tiens ! les Etats-Unis feront l'affaire ! pourquoi ? Parce qu'ils sont riches et puissants et pas nous !".

On pourrait croire que la ligne éditoriale développée tend à prouver qu'il existe une inflexion au Liban, que des non-chiites se rallient au Hezbollah dans son juste combat : il s'agit juste de la suite de la guerre 1975-1990, où les mêmes faisaient alliance contre les mêmes. Vu d'Europe, il est étonnant de constater que des communistes laïcs font front avec des islamistes radicaux. C'est oublier que Walid Joumblatt est aussi le chef du Parti Socialiste Progressiste, et que les mots et les concepts varient grandement entre l'Europe et le Moyen-Orient.

Comme la notion de résistance.

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15 août 2006

Also sprach Nasrallah

Je me base sur une traduction de L'Orient-le Jour des propos de Nasrallah. La translation en français peut être tendancieuse, connaissant le peu d'amour que le quotidien francophone porte au dictateur en herbe, mais les phrases restent fortes et prêtent difficilement à confusion. Elles montrent que le Hezbollah se voit en vainqueur, et pas seulement de la résistante libanaise :

Il s’agit d’une victoire stratégique et historique pour le Liban, tout le Liban, pour la Résistance, et pour la Oumma, toute la Oumma » (la nation islamique)

Devant le bilan terrifiant en pertes humaines et en dégâts matériels, on frémit à ce qu'aurait été pour Nasrallah une défaite : un million de morts ? De toute façon, le leader du Hezb balaie d'un revers de main ces petits tracas de reconstruction. Sa trésorerie est au mieux, grâce à l'aide de ses généreux parrains, et à ses petits trafics. A ceux qui ont perdu, il dit :

Nous vous aiderons, nous nous entraiderons, nous n’attendrons pas le gouvernement qui aura besoin de temps

D'emblée, le gouvernement est traité comme quantité négligeable. Ce genre de phrase devrait mettre la puce à l'oreille de tout Libanais : Nasrallah ne se conformera jamais à une résolution qu'il n'a pas négocié lui, à la manière des échanges d'otages avec Israël. Nasrallah EST le gouvernement libanais, car c'est lui qui a résisté contre l'ennemi. Comment exiger alors qu'il remette ses armes, quant il est le seul à pouvoir les porter de façon légitime ? Ce serait demander aux résistants français de la Deuxième Guerre mondiale d'aller cultiver du colza.

Ils nous demandent de régler cette question, mais celle-ci ne se règle pas de façon hâtive. Elle se règle par le dialogue entre les Libanais. Je leur conseille de ne pas recourir aux provocations, à l’intimidation ou aux pressions pour des considérations humanitaires ou sécuritaires, car la plus grande armée (Israël) a été incapable de désarmer le Hezbollah.

Menace directe. La plus grande armée a effectivement été incapable de désarmer le Hezbollah car cela aurait impliqué des dommages inimaginables dans la population libanaise pour extirper le parti de dieu de ses bunkers et de ses cachettes. Plus de 1000 morts civils, est-ce que ce n'est pas déjà trop ?! Et qui les aura le plus sur la conscience ? Certainement pas le Hezb, pour qui on parlera de martyrs à la cause. Cette logique de résistance est absurde, irrationnelle comme tout ce qui touche au Hezbollah, y compris ses plus grands laudateurs.

Car pour Walid Charara, c'est évident, la victoire est du côté du parti de Dieu, ce qui montre de plus en plus, la sujétion du "chercheur en géopolitique" au Hezbollah :

Le Hezbollah a démontré qu'il était bien plus puissant, organisé et enraciné que ne le pensaient les observateurs occidentaux, israéliens et arabes, analyse Walid Charara, auteur d'un ouvrage sur le parti. Sur le plan interne, il a renforcé aussi bien son assise populaire traditionnelle que sa base nationale.» (Libération)

J'aimerais qu'on me dise d'où Cherara écrit ce genre de prose : si c'est depuis Beyrouth, je doute qu'il se rende compte des multiples déclarations de ceux qui ont fait front commun avec la résistance contre l'ennemi, mais qui vont maintenant exiger des comptes, et je ne parle pas que des chrétiens ou des Forces Libanaises. A ceux-là, Nasrallah menace clairement, le Hezbollah est le parti des vainqueurs, il a des armes, il a montré sa capacité à s'en servir. Je pense que c'est depuis Paris que Cherara prophétise, et j'aimerais vraiment savoir quel type de relations publiques le Hezbollah entretient en France.

La guerre ne fait-elle que commencer ? On sent clairement que le Hezbollah exprime son mépris pour les politiciens libanais, pour l'ONU, pour le Liban, pour la vie aussi. Voici un extrait d'une déclaration qu'il aurait faite à un journal iranien, où il explique sa conception de la mort.

Death is nothing but a gateway between the two worlds. Some people pass through this gateway with difficulty and agony, and some do it with ease and willingness. Martyrdom is the best way of passing to the eternal world, because martyrdom is one of the glorious gifts of god almighty. When a martyr dies (moves from one place to another), it is like a person who goes to the heavens with precious gifts. This is why martyrdom is so valuable to other people (Muslims). Even in those nations that do not believe in god, when people dedicate their lives for their homeland, their nation, and a goal in which they believe, it is laudable and admirable. As a father who has lost his son, I have no worries; I am sure that my son is in paradise with god almighty.

Comment traiter avec ce genre d'illuminés ? S'il est prêt à sacrifier son fils, il sacrifiera le Liban aussi. Ce n'est même pas une victoire à la Pyrrhus, c'est peut-être le début des vrais affrontements.

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14 août 2006

Allumez-le-feu (titre provisoire)

Un cessez-le-feu intervient donc enfin dans les hostilités. Tout le monde s'en réjouit, moi le premier, mais tous les problèmes ne sont pas réglés. D'abord, évidemment les armes du Hezbollah. On avait coutume de dire qu'Israël constituait le porte-avions américain au Moyen-Orient (ou l'Angleterre en Europe, mais c'est une autre histoire). Désormais, le Liban constitue le porte-avions iranien au Moyen-Orient et, comme Téhéran ne peut atteindre Israël depuis son territoire, le régime des mollahs utilise le pays des Cèdres (quelle expression désuète !) pour réaliser ses objectifs : unifier sa population derrière le seul projet suffisamment fort pour que les Iraniens oublient qu'ils vivent dans une dictature archaïque, la destruction d'Israël et le bras de fer avec l'Occident. C'est là où je n'arrive pas à comprendre ce qui se passe dans la tête de Nasrallah, sûrement parce que je ne suis pas croyant. Comment peut-il accepter de servir de marionnettes à l'Iran, tout en prétendant aimer le Liban, et en risquant la vie de ses correligionnaires de manière parfaitement inutile ? Pour l'au-delà ? Et si c'est l'enfer qui l'attend ? Je ne sais pas trop quel genre de rapport on entretient avec l'au-delà quand on est croyant, ce que je sais c'est que pour moi, l'enfer ça doit être les bombes qui s'abattent sur soi en permanence, comme un mortel supplice chinois.

Donc, que faire des armes du Hezbollah qui refuse de les lâcher ? Et on le comprend, quelle serait la réaction des Libanais face à un Hezbollah sans armes ? Sûrement de la vengeance. De toute façon, on se souvient que l'IRA provisoire, après avoir accepté de rendre son arsenal sous la surveillance d'un général canadien, avait caché quelques pétoires et recommandé illico du matériel de guerre aux Russes. Surtout, un désarmement ne pourrait avoir lieu que sous l'égide de l'ONU, qui comptabliserait l'ensemble des arme, additionnerait le tout au décompte détaillé des obus tombés sur Israël et arriverait à un total qui ne jouerait pas en faveur de la légende des "meilleurs guerriers du Moyen-Orient armés de quelques kalachnikoffs".

Imaginons toujours que le cessez-le-feu tienne. Quelle sera la relation entre Israël et le Liban après ce conflit ? Et la position de la Syrie ? Le pragmatique Saniora voudra certainement entériner un pacte de non-agression entre son pays et celui d'Olmert. Ira-t-on jusqu'à l'en empêcher "physiquement" ? Rappelons les attentats politiques constituaient le principal problème que connaissait le Liban il y a quelques mois.

Enfin, le Liban, comment va-t-il se reconstruire ? Pour les bâtiments, et pour Baalback, peu d'inquiétude, si la volonté est présente, tout devrait aller vite. Mais comment les gens vont se reconstruire ? Il me paraît difficile, quand on a subi les bombes, d'accepter de discuter avec son agresseur, même si la plupart, à l'instar de l'ONU, perçoive la responsabilité du Hezbollah. De nouveau, je pense aux enfants. Comment et quoi leur expliquer après avoir connu un mois (en restant optimiste pour la suite) de bombardements ? Le Liban était déjà scindé en communautés avant juillet 2006, contrairement à la légende du dialogue des religions. J'ai peur que ce soit encore pire par la suite, avec des chiites ostracisés après avoir été surmédiatisés dans leurs souffrances.

Et la reconstruction devra se passer de tous ceux qui ont décidé, pour des raisons professionnelles ou personnelles de ne pas rentrer au Liban. Espérons que ce mouvement sera compensé par un afflux de volontaires prêts à jouer les pionniers. Cet enthousiasme implique que les questions précédentes (armement milicien, relation Libano-israélienne, projet d'avenir) soient résolues. Quel est l'équivalent de "Prions" pour les mécréants comme moi ?

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13 août 2006

Shopping bobo

Hier, par hasard, je tombe sur la manifestation concernant le Liban vers Opéra. Bien sûr, on y mélange allégrement la cause palestinienne, on arbore des drapeaux iraniens (?!) et on considère Bush et Israël comme cause de tous les malheurs arabes. De jeunes bourgeoises-bohèmes exhibent fièrement des drapeaux du Hezbollah, et se sont collés sur les vêtements des autocollants jaunes avec la kalachnikoff. Je suis au-delà de l'incompréhension : il y a sûrement eu des juifs qui ont soutenu Hitler avant 33 en pensant qu'il allait remettre l'Allemagne d'aplomb. Mais je me disais que la France est vraiment un pays hospitalier pour tolérer des manifs à la gloire d'organisations terroristes. Et puis, je me demandais où ces jeunes bobos s'étaient procurés les drapeaux Hezbollah ? Au même endroit qu'on trouve les keffiehs qu'on arbore autour du cou pour montrer son soutien à la cause palestinienne ? J'imagine que c'était la sortie du samedi pour le parti des opprimés, celui qui sait que si les deux Satans disparaissaient de la terre, on serait tous frères. Tout de même, c'est quand même plus confortable de dire "ha la la, vraiment ce Bush, qu'il est bête, et en plus il est riche et il tue plein de gens", plutôt que de faire pareil avec les quelques dizaines de dictateurs qui vous foutent en prison pour avoir osé demander d'instaurer des élections libres. Je crois que je devrais critiquer Bush et publier des caricatures antiésémites, j'aurais plus de lecteurs et moins de détracteurs.

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11 août 2006

Les beaux esprits se rencontrent et se percutent

Le conflit arrive demain à un mois d'existence. Les morts s'accumulent, l'opinion publique se lasse, les habitudes reprennent. Ainsi, beaucoup profitent d'une guerre, où chacun devrait d'abord demander que la destruction s'arrête des deux côtés, pour régler de vieux comptes. Lorsqu'on critique Hezbollah (comme je ne me prive pas de le faire depuis la sécurité de la France), on peut parfois entendre une litanie antimusulmane, comme si le parti de Dieu représentait l'islam ! Les musulmans sont comme les chrétiens et les juifs, pour ne citer que les monothéismes : certains s'en foutent, la plupart respectent leur religion, et quelques-uns considèrent que tout le monde devrait adhérer à leur croyance. Le Hezbollah fait partie de ceux-là, et la religion n'est qu'un prétexte à son idéologie mortifère.

De la même façon, parce qu'Israël apparaît comme l'agresseur, certains en profitent pour ressortir de vieilles histoires putrides notamment sur la création d'Israël qui serait la cause de tous les malheurs arabes.

Un texte circule sur Internet, rédigé par Nico Hirtt, "Enseignant et écrivain", ce qui une fois de plus reste vague et ne nous éclaire guère sur le personnage. En cherchant un peu, on s'aperçoit que le bonhomme mène un combat tout à fait positif pour l'école démocratique, mais ça n'en fait pas, une fois de plus, un expert en géopolitique. L'article, consacré à Israël et à son "histoire", (sans h majuscule) aurait été publié dans La Libre Belgique, et accumule les idées prétendument politiquement incorrectes, ce qui aujourd'hui veut signifier qu'on se place dans le camp de la morale et du droit des opprimés. L'article commence sa démonstration en s'appuyant sur une citation d'Albert Einstein, physicien reconnu mais apprenti politologue qui dit en substance :

*« Si nous nous révélons incapables de parvenir à une cohabitation et à desaccords honnêtes avec les Arabes, alors nous n'aurons strictement rien appris pendant nos deux mille années de souffrances et mériterons tout cequi nous arrivera. » (Albert Einstein, lettre à Weismann, le 25 novembre1929)

En quoi albert Einstein représente-t-il une autorité morale capable de définir à la fois le destin des juifs et le bon droit d'Israël ? Cette technique rhétorique me rappelle l'émission 7 sur 7, où Anne Sinclair recevait des personnalités françaises et leur faisait commenter l'actualité. Doit-on attacher de l'importance aux idées politiques d'Alain Delon parce qu'il est connu (je rappelle qu'il a soutenu Barre en France et le Général Lebed en Russie) ? Alors pourquoi accorder du crédit à la vision du monde d'Albert Einstein, juste parce qu'il est le physicien le plus célèbre du Vingtième siècle ? Ce procédé est fréquemment utilisé par ceux qui nient le droit à l'existence d'Israël, notamment utiliser des juifs qui ne sont pas "prosionistes", comme Noam Chomsky dont on a largement parlé dans ce blog. Nico Hirtt continue avec les mêmes arguments spécieux et dévoile le fond de sa pensée :

On s'est offusqué d'entendre le président iranien dire qu'il fallait « rayerIsraël de la carte ». Ce serait pourtant bien l'unique solution que de voirdisparaître politiquement bien sûr, l'Etat d'Israël et, pareillement, les prétendus «territoires palestiniens », ces nouveaux bantoustans. Gommons dela carte du Moyen-Orient la frontière honteuse entre juifs et Arabes. Lapolitique de « deux peuples, deux Etats », la politique du partage de la Palestine sur une base religieuse et ethnique, est une politique d'apartheid qui n'apportera jamais la paix. Revenons-en à ce qui fut toujours, jusqu'à Oslo, le projet de l'OLP, mais aussi celui d'un grand nombre de juifs comme, derechef, le grand physicien et humaniste Albert Einstein : « Il serait, à mon avis, plus raisonnable d'arriver à un accord avec les Arabes sur la base d'une vie commune pacifique que de créer un Etat juif ».

Formidable argument. Einstein a dit... Ahmadinejad a dit... et Nico Hirtt a dit... des absurdités. Je pense que tous les juifs seront d'accord pour dire qu'il préfère vivre en paix avec leur voisin partout dans le monde, certains y arrivent tant bien que mal. Mais Israël est bien le résultat de l'intolérance envers les juifs dans tous les pays monothéistes, et ce, bien avant l'Holocauste !

L'Iran que Nico Hirtt cite est un pays musulman, et il en existe des dizaines d'autres. Faut-il les détruire également afin que chacun vive en pais avec son voisin ? Une contributrice des commentaires de ce blog a dit dans le post précédent que pour vérifier qu'un post est raciste, il suffit de remplacer "juif" par "musulman" et vice-versa. Cette technique marche à merveille pour cet "article", que l'on pourrait recycler en pamphlet anti-islam de façon efficace. La guerre intensifie le racisme, ou plutôt le ramène à la surface, et il est important de le combattre sur tous les fronts, pour éviter plus de souffrance à un avenir qui s'annonce de plus en plus obscurci. Putain, un mois !

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10 août 2006

La véritable résistance libanaise

J'étais déjà impressionné par un article sur les transporteurs qui continuaient leur activité au Liban malgré les bombes. La CD-Thèque, une boutique culturelle où l'on peut emprunter des DVD, acheter des livres ou des disques et qui organise des concerts, a fait parvenir à ses clients le message suivant :

In its effort to fight the ongoing terror and gloom with positive cultural resistance, La CD-Thèque’s team has been making a lot of efforts to refurbish its shops with the best of the cultural products that are still available in the market. And we are proud to announce that new CD’s and DVD’s have freshly landed on our shelves, and that the books section has received new releases and interesting titles related to the current conflict as well as our Middle-Eastern culture in general. Listed below are some interesting titles for each section. We’d like to thank you for your constant support and confidence, it does really mean a lot to us. Keep the faith, and stay strong!

Ce sont à ces gens-là que je pense quand je parle de ne pas oublier le Liban, parce qu'il mérite de ne pas sombrer.

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Les experts : Hezbollah

J'avais l'intention de reprendre le chat de Walid Charara dans le quotidien "Le Monde" hier et de reprendre point par point ses allégations. Devant le parti-pris ouvertement idéologique de Cherara, je reprends juste quelques affirmations par trop tendancieuses.

D'abord, Walid Charara se présente le plus souvent comme un politologue ou "chercheur en relations internationales" comme le dit sa notice sur Amazon. Or, pour pouvoir se targuer d'une telle qualité, on doit faire partie d'un laboratoire de recherches type CNRS ou enseigner dans les sciences politiques pour une université. Visiblement, ce n'est pas le cas de Walid Charara qui a juste écrit un livre "Le Hezbollah, un mouvement islamo-nationaliste" avec le correspondant de RFI à Beyrouth, Frédéric Domont. Je dois être honnête et souligner que je n'ai pas lu l'ouvrage en question. Quelle légitimité possède donc Walid Charara ? D'expérience, personne ne peut évoquer le Hezbollah sans faire l'objet d'un contrôle intensif de la part du parti de dieu. On peut penser que Walid Charara entretient d'assez bonnes relations avec le Hezb et qu'il entend les garder.

Sur le "tchat" lui-même. Cherara affirme, selon l'habituelle litanie, que le Hezbollah n'est pas terroriste, que c'est l'Etat d'Israël qui se conforme à la défintion du terrorisme, qui est de "s'attaquer à des civils afin d'atteindre des objectifs politiques". La définition n'est pas complète, car présentée ainsi, les répressions policières sont du terrorisme. Le terrorisme, selon la plupart des définitions, s'appliquent à des organisations qui ne représentent pas un Etat, mais en constituent un sous-groupe. Cherara élude la question, puis y revient pour poser, toujours concernant Israël :

Ce terrorisme d'Etat, qui s'attaque aux civils avec une ampleur sans précédent, ne peut être comparé à certaines actions menées par des mouvements de libération qui peuvent avoir un recours exceptionnel au terrorisme. Dans un cas, nous avons des politiques dont l'essence même est le terrorisme ; dans l'autre, il y a un recours quasi exceptionnel au terrorisme.

Il reconnaît donc que le Hezbollah pratique le terrorisme, sans considérer qu'il s'agit d'un groupe terroriste. La nuance est de taille. Maintenant que le Hezbollah a déclaré la guerre à Israël, l'organisation terroriste a de toute façon révélée une autre dimension, celle de guérilla, mini-armée dont l'arsenal provient en grande partie des aides de l'Iran et dans une moindre mesure de la Syrie.

Sur la structure du Hezbollah, W.C. affirme que " C'est un parti qui fonctionne sur le principe du centralisme démocratique, la direction est élue et les décisions sont prises collectivement."
Ce que Cherara ne nous dit pas, c'est que le chef du Hezbollah, celui qui parle en son nom et au nom de dieu, puisque c'est bien la traduction de l'arabe, n'est pas élu mais nommé. Par qui ? La réponse évidente reste l'Iran, par le biais du chef suprême Ayatollah Ali Hoseini-Khamenei. Pas une fois le mot de "parti théocratique" ne vient dans les réponses de Cherara, alors même que l'on parle d'un organisme qui représente dieu sur terre, ou tout du moins l'une de ses versions. Il ne peut y avoir coexistence entre la voix divine et le principe démocratique pour le fonctionnement d'un parti. C'est en quoi le Hezbollah diffère profondément d'autres organisations terroristes de libération comme l'OLP ou les IRA. Pour la structure complète, voir ici.

Sur les moyens militaires dont dispose le Hezbollah, Cherara parle de "mouvement de guérilla", ce qui est exact dans le type de guerre, mais pas dans l'arsenal. Le "politologue" accorde "les armes légères principalement" ainsi que des "roquettes de différents calibres", ce qui reste merveilleusement vague. Il ajoute par précaution "Hezbollah a développé son potentiel en roquettes pour pouvoir remédier à la suprématie israélienne en matière aérienne". Les roquettes qui bombardent le Nord d'Israël sont évidemment sol-sol, et non pas sol-air, son argument ne tient pas. De plus, Cherara ne fait pas mention des drones, qui ne sont pas des armes en soi, mais font partie de l'arsenal, ni des mines au sol que Hezbollah a disposé, tout comme Israël, au Liban Sud. Une question d'un "tchateur" survient alors : "Comment expliquer la résistance du Hezbollah contre l'armée israélienne qui a mobilisé marine, armée de terre et de l'air ? Est-ce que des RPG 29 et des roquettes peuvent vraiment repousser une armée régulière de 18 000 hommes ?" Pas de réponse, ou plutôt une réponse pas exactement satisfaisante quand on pense qu'Israël serait une des dix meilleures armées du monde, et qu'elle possède une technologie qu'elle revend aux armées occidentales. :

Walid Charara : D'abord, le Hezbollah est un mouvement qui a un enracinement populaire sans précédent dans l'histoire politique libanaise et du Moyen-Orient. C'est peut-être le parti qui jouit de la popularité et d'une organisation des plus puissantes dans l'histoire politique de la région. Deuxième élément : le bras armé du Hezbollah a une longue expérience militaire de plus de 24 ans, et connaît très bien la logique de l'armée israélienne, la doctrine militaire israélienne, les tactiques militaires et les modes d'action israéliens. Les généraux israéliens, dans le passé et durant cette dernière épreuve, ont reconnu cela, ces qualités militaires. L'un d'entre eux aurait même dit : "j'aurais souhaité pouvoir diriger un groupe d'hommes de cette trempe."

Donc, le Hezbollah doit sa capacité de résistance exclusivement à la valeur de ses hommes. En oubliant que le parti de dieu a pris soin de construire des réseaux souterrains qui permettent, notamment aux observateurs de l'ONU, de les protéger des bombardements qui meurtrissent la population civile. De plus, le Hezb est soutenu par l'Iran et la Syrie, mais ça, Cherara ne veut pas en entendre parler, évoquant un argument avancé par la propagande israélienne. "Les Etats-Unis soutiennent inconditionnellement Israël, le Hezbollah est prêt à prendre le soutien là où il le trouve pour libérer la terre libanaise de l'occupation israélienne et défendre le Liban face aux velléités d'agression israéliennes.". Donc, oui, Cherara consent qu'il existe un soutien, mais ne précise pas encore d'où vient le soutien. A la question suivante, sur le financement du Hezbollah, Cherara ne mentionne pas les nombreux trafics, courants chez les "groupes terroristes de libération nationale", leur permettant de s'assurer des rentrées financières, comme les cigarettes, les CD et DVD pirates, la drogue, et autres illégalités tolérées par l'Etat libanais. En revanche, il martèle que "le Parti de Dieu est un parti libanais, créé par des Libanais pour résister à l'occupation de leur pays. L'Iran a apporté un soutien au combat de ces Libanais. Si d'autres pays étaient disposés à soutenir leur combat, ils auraient accepté ce soutien avec joie. Mais leur combat vise à libérer le Liban sud, et c'est ce qu'ils ont fait."

Donc, le Liban Sud a été libéré. Qu'est ce qui pousse Hezbollah à exister alors ? Rappelons que l'objectif de Hezbollah ne s'arrête pas à libérer le Liban Sud, mais continue jusqu'à la destruction d'Israël et l'instauration d'une république islamiste de type iranien au Liban. Ce dont Hezbollah ne s'est jamais caché, mais que Cherara, en conversation professionnelle, ne mentionnera pas. Passons sur le désarmement du Hezbollah, que Cherara conditionne à l'octroi d'un armement sophistiqué à l'armée libanaise par les puissances occidentales, qui tient de la schizophrénie. Une question intéressante concerne le plateau du Golan, occupé par Israël, mais qui reste calme alors que la frontière libano-israélienne a toujours été un front militaire.

Olivieer : Pourquoi le Hezbollah ne bombarde-t-il pas le plateau du Golan ?
Walid Charara : D'abord, le plateau du Golan a déjà été bombardé. Toutefois, comme vous le savez, c'est une zone occupée, où il y a des populations arabes. Le Hezbollah bombarde d'abord et avant tout les positions militaires israéliennes sur le territoire israélien.


Ce qui ressemble fort à du racisme. En oubliant peut-être qu'il y a des populations arabes en Israël (20% de la population) et qu'une majorité d'Israéliens juifs est arabe, séfarade ou nés en Palestine/Israël. Cherara concède, en parlant pour le Hezbollah, qu'Israël n'est pas une zone occupée, ce qui est déjà un point positif.

Enfin, sur les conséquences de la guerre au Liban, une question provient de "Tabarja", qui est le nom d'une localité non loin de Beyrouth : "Une fois les combats terminés, les autres partis libanais vont-ils demander des "comptes" au Hezbollah ? Quelles conséquences cela peut-il avoir sur les relations entre les communautés libanaises ?"

Walid Charara : Je pense que les comptes que les Libanais vont demander collectivement seront d'abord adressés à Israël, aux Etats-Unis et à la coalition occidentale qu'ils dirigent ; car le terrorisme d'Etat israélien et les crimes de guerre israéliens contre le peuple libanais n'auraient pas été possibles sans le soutien accordé par cette coalition occidentale à Israël. Israël a littéralement dévasté le Liban. Et je pense que cette guerre aura des conséquences très graves dans l'avenir pour l'Etat d'Israël. Les Libanais de différentes communautés pensent aujourd'hui à une seule chose : la résistance sur le court terme, et sur un plus long terme, la vengeance.

Exact sur la vengeance, mais contre qui ? On voit que Cherara parle, non pas en tant qu'expert sur le Hezbollah, mais en tant qu'expert du Hezbollah. Je ne lance pas d'accusations, car on sait assez peu sur notre homme, mais son manque d'objectivité est flagrant. De plus, les populations libanaises dans leur ensemble ne partagent pas ce besoin de se rassembler derrière le Hezbollah pour faire front : elles subissent les bombardements interminables en se sentant prises au piège entre deux feux, celui du parti de dieu qui sait manier la carotte et le bâton, et celui d'Israël.

Il existe un danger de sous-estimer le Hezbollah (ce que j'ai fait longtemps) ou de le diaboliser (ce que j'ai également fait). Le Hezbollah est puissant, il le montre en maîtrisant sa communication et en tenant tête à une armée surpuissante. Il incarne également une valeur importante dans le monde arabe : la fierté, et représente pour beaucoup de Libanais l'illusion de la puissance arabe. Mais la véritable richesse du Liban ne provient pas du Hezb, parti à caractère fasciste puisqu'ouvertement raciste et nationaliste. La véritable richesse du Liban vient de ses hommes, dont le niveau d'éducation demeure le meilleur du monde arabe et qui ont su réussir partout, sauf au Liban. Et je repose la question : fallait-il cette guerre atroce, qui s'enlise, pour disposer de la question du Hezbollah ? Ne pouvait-on pas arriver à un accord politique comme en Irlande du Nord ? La différence réside dans la dimension irrationnelle du Hezbollah, qui adopte la notion de martyrs et prétend agir au nom d'intérêts divins, alors que le Sinn Fein et l'IRA sont des organisations laïques. Et on en revient à la religion, principale cause ou excuse de conflit, couplée à la notion de territoire. Les chiens pissent pour marquer leur zone, les hommes s'envoient des bombes sur la gueule.

Tous responsables, je vous dis.
N'oublions pas le Liban.

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09 août 2006

Politique arabe de la France ?

Je ne peux pas m'empêcher de rester connecté au Moyen-Orient. J'essaie de prendre de la distance, de réfléchir à tout ce qui se passe, de penser à mes proches restés au Liban en me demandant ce que je peux faire pour eux plutôt qu'en larmoyant, mais c'est difficile quand on voit que les médias continuent à faire leur une avec le Liban. Comprenons-nous bien : je suis heureux de cet éclairage et que l'attention mondiale soit tournée vers le Liban, mais je pense aussi que si ce n'était pas l'été, où traditionnellement rien ne se passe, on n'aurait pas droit à cet intérêt pour le conflit. Le Liban a de la chance dans son malheur, le timing lui est favorable, c'est d'ailleurs la seule chose qui lui soit favorable.

Parce que ce genre d'informations me fait bondir, et sortir de mon silence. En titre du Monde : Le PS critique "l'entêtement antisyrien" de M. Chirac, Jack Lang se rend "à titre personnel" à Damas.

Qu'est ce qui se passe ? On regrette le bon temps où la Syrie était considérée comme un pays frère par l'URSS ? Mais ce serait alors plutôt le PCF qui lancerait ce genre d'inepties. Le PS oublie que Jacques Chirac était le seul chef d'Etat occidental à se rendre aux obsèques de Hafez, le tyran papa de l'actuel Assad. "L'entêtement antisyrien", qu'est ce que ça veut dire ? Pour une fois que la France se positionne clairement contre une dictature, on va en trouver qui vont critiquer juste pour de basses raisons de politique intérieure ? Mais c'est surtout la deuxième partie du titre qui devrait provoquer des manifs. Lang va en Syrie. Et je cite :

Pour l'ancien ministre de la culture, qui fut aussi président de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale, "l'intérêt supérieur de la paix ne doit écarter aucun pays d'aucune rencontre ou d'un accord éventuel", a-t-il expliqué pour justifier ce déplacement inopiné.

Au cours d'un point de presse, lundi dans la matinée, M. Lang, intronisé cette fois "porte-parole" du PS, avait longuement développé cette position qui se démarque de celle du gouvernement français. "Si l'on veut sortir de la situation de guerre, avait-il indiqué, on a besoin de l'assentiment de l'ensemble des pays concernés. Pour que la parole de la France soit entendue, on ne doit pas donner le sentiment de privilégier un pays au profit d'un autre, quelle que soit l'opinion que l'on porte sur les régimes politiques de ces pays."


Mais qui l'a chargé de quoi que ce soit ? Pas Hollande, qui dément, pas le Quai d'Orsay, pas le Liban, alors qui ? La Syrie, en grande partie responsable de ce qui se passe entre le Hezbollah et Israël, reste certes l'acteur principal du conflit, mais de là à rejouer Munich 38 ! Jack Lang a toujours été un homme politique avide de couverture médiatique et prêt à tout pour qu'on parle de lui, mais là, il dépasse les bornes. Non seulement il va revenir évidemment bredouille, mais il va crédibiliser une dictature trop heureuse de recevoir l'ancien "président de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale" et brouiller encore plus l'image de la France à l'étranger, pour qui le pays ne saurait avoir plusieurs voix.

Et la suite dans la surenchère, c'est quoi ? Ségolène en Iran ?

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08 août 2006

Choix cornélien...

... sur les chaînes françaises ce soir.

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07 août 2006

Fenêtre de dialogue

Le blog part en vacance (sans s) pour une semaine de réflexion et de recul. Vous pouvez continuer la discussion dans les commentaires ici. Pas de trollerie, ni d'alias multiples, merci et bon courage.

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05 août 2006

Rions un peu avant la fermeture

On ferme ! Temporairement, bien sûr, mais le temps que les esprits se calment. Peut-être une semaine, peut-être moins ou plus, mais je crois que c'est bon pour tous. Mon but n'est pas de battre des records d'audience, ce blog demeure un exutoire et un de mes moyens d'expression. J'ai délaissé les autres depuis quelques semaines, il est temps de les réactiver. Et je crois que ça fera du bien à tous, que ceux qui cherchent la cogne aillent ailleurs, il y a plein de sites où on se traite de noms d'oiseaux ; ceux qui veulent discuter seront les bienvenus quand j'aurai décidé de rouvrir.

En attendant, un peu d'humour, et pour commencer une histoire pas drôle sur l'humour. J'avais un très bon ami juif, avec qui on se faisait des blagues de très mauvais goût. Une de mes préférées (vous allez voir le niveau) consistait à lui demander pourquoi il n'avait pas de tatouage sur le poignet, c'est pas comme un code-barres chez les juifs ? Il me répondait sur le même ton, sans se vexer, en trouvant le moyen d'insulter ma mère ou mon physique. Le tout était bon enfant, et c'était plus un sport qu'une vraie joute.

Et puis un jour, il m'invite à partager un shabbat avec ses parents, hongrois d'origine. Le repas se déroule très bien, jusqu'à ce que son père me passe un plat. Il était en chemise courte, et j'ai pu voir le tatouage infamant sur son poignet qui signifiait qu'il avait été déporté dans un camp nazi. C'était un survivant.

Je n'ai jamais manqué de m'étouffer comme à ce moment-là. Je me suis senti honteux, ignoble, sans coeur, débile. Je n'ai pratiquement rien dit jusqu'à la fin du repas.

Mon ami m'a demandé ce que j'avais : je me suis répandu en torrents d'excuses, je ne savais pas pour ton père, si j'avais su, je n'aurais pas fait de blagues déplacées, quel idiot je suis, excuse-moi.

Il m'a regardé en souriant, et m'a dit : 1. tes blagues étaient marrantes (ouais, bof), 2. Si on n'en rit pas, on en pleure. C'est ça l'humour juif, petit goy.

Je partage avec vous parce que c'est une grande leçon de ma vie. L'idée que même dans le malheur il faut essayer d'imaginer l'après. Ne pas s'apitoyer sur son sort. J'ai retrouvé cette leçon chez mes Libanais, qui avaient courageusement continué de vivre durant la guerre de 1975-1990, riant, faisant la fête, s'occupant merveilleusement bien de l'éducation des enfants. Des survivants aussi.

C'est très sérieux la guerre, trop pour être confié à des militaires disait je sais plus qui. En attendant de se retrouver, et en espérant des jours meilleurs, voici pourtant quelques dessins comiques issus de mes journaux préférés. Le premier correspond à mon "histoire de tatouage". Il est signé Charb dans Charlie Hebdo, et résume bien l'absurdité de la situation, une mauvaise pioche.

Le second, dans Le Canard enchaîné, est signé Pétillon, qui a déjà su aborder des thèmes explosifs (!) comme la question corse et le voile islamique en France. Faire rire avec le Hezbollah, rude gageure.

Une fois de plus, l'absurdité de combats qui vont s'enfoncer dans la normalité. Et une situation qui, comme l'indique le troisième dessin contribue à transformer un chef terroriste en mal de popularité en héros de la résistance des opprimés. Je ne comprends pas, mais après tout, je vois souvent des jeunes avec des t-shirts "Che Guevara". Si Hitler avait été beau gosse, on aurait utilisé sa photo pour faire des badges branchés. Cette fascination qu'éprouvent parfois les démocraties pour leurs pires ennemis n'incite pas à l'optimisme. Après réflexion, le dessin sur Nasrallah n'est pas drôle. Il est inquiétant.
Enfin, pour faire bonne mesure, un dessin sur l'armée israélienne, dont les techniques suscitent pour le moins des interrogations. Quoi qu'on nous dise sur la "précision chirurgicale" des armes, il y a des morts qui n'auraient pas du l'être. L'armée israélienne a commis des erreurs mortelles et aucune raison ne justifie de tuer des enfants. Ces quatre dessins sont empruntés à des journaux qui ont vivement critiqué la censure contre les caricatures de Mohammed, j'espère qu'ils ne m'en voudront pas de rendre hommage à la qualité de leurs dessinateurs.

Voilà, je vous remercie tous d'avoir été fidèles, et je vous retrouve dans très peu de temps, allez, on va dire une semaine. D'ici là, avec un peu de bonne volonté, les armes auront fini par se taire, et les hommes commenceront à se faire entendre.

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Tentative d'explication globale

La question qui me taraude depuis des jours est la suivante : pourquoi le conflit au Moyen-Orient fait-il la une des journaux ? Pourquoi on me demande mon avis sur le Liban chaque fois que je rencontre quelqu'un alors qu'avant, on s'en foutait pas mal ? Est-ce que c'est le nombre de morts dans ces guerres ? Non, il en est en ce moment de plus meurtrières. Alors est-ce parce que nous nous sentons plus concernés par le Moyen-Orient que par l'Afrique ? Mais il existe des minorités africaines importantes en Europe et aux Etats-Unis qui pourraient nous pousser à nous intéresser au malheur africain, à la manière des diasporas arabes ou juives. Alors un problème de religion ? Mais les conflits au Moyen-Orient ne sont pas religieux, la religion demeure un prétexte. Alors la justesse des causes ? Bien malin celui qui pourra dire qui a raison dans ces guerres israélo-arabes, tant les arguments des deux côtés se valent. Et quand on choisit un camp, ce n'est pas parce que c'est celui qui a raison, mais parce qu'on estime que c'est celui qui souffre le plus, ou qui est le plus en danger.

Aujourd'hui, le Liban risque de disparaître. Je le répète, nous sommes tous responsables. Mais ce dont je prends conscience à cause de cet événement tragique dont on se serait bien passés, c'est qu'il existe des conflits parfois plus sanglants, mais qui n'ont pas l'air de mobiliser l'opinion publique comme le conflit du Liban, dernier épisode des conflits entre Israël et les pays arabes. Ces conflits atroces (on parle de 1200 morts par jour au Congo) ont ceci de commun avec le Proche-Orient qu'ils se déroulent dans des pays instables politiquement, et dont l'avenir économique semble s'assombrir de jour en jour. Que peut-on faire pour le Liban ? me demande des âmes généreuses en France. Je ne sais pas quoi répondre, parce que je ne sais plus ce que sera le Liban et dans quelle direction il se reconstruira. Ce que je sais, c'est que le conflit du Liban est relié aux autres guerres, qui ont souvent les mêmes origines. Qui pourrait imaginer une guerre entre la France et l'Allemagne demain, même sur des problèmes de frontières ? La diplomatie réglerait le tout assez rapidement. Alors pourquoi la diplomatie ne règle-t-elle pas les conflits dans le monde, au Liban, au Congo, au Soudan... ? Question sans réponse, et pourtant.

Est-ce notre égoïsme naturel ? Notre mentalité, qui nous fait nous contenter de notre sort parce qu'il y aura toujours plus malheureux que nous ? Beaucoup de Libanais exploitaient des bonnes du Sri Lanka, sans se soucier de la guerre et des attentats qui y règnent, au contraire en profitant du tarif attractif de petites mains domestiques pour qui 100 dollars US représentaient une petite fortune. Maintenant le Liban est dans la tourmente, et joue sa survie. Ce conflit me touche, d'autant que je peux mettre un nom sur des visages et que les lieux bombardés ne sont pas anonymes. Mais j'ouvre aussi les yeux sur le reste du monde, comme si je découvrais qu'il y a des guerres et que je vivais dans le palais de Siddharta.

Tant qu'il y aura une guerre dans le monde, le reste de l'humanité ne pourra pas se sentir en paix. C'est une réflexion globale que nous devons avoir, car des guerres dans la région, il y en eu trop, et il y en aura encore hélas si on ne réfléchit pas à des solutions globales. C'est notre intérêt, car les médias sont à l'échelle mondiale, mais aussi le terrorisme, les réfugiés, les nuages radioactifs, les pandémies... et l'humanité. Con à dire, puisque c'est une évidence, mais toujours bon à rappeler.

Je suis encore bouleversé de l'image de cet Africain en sang, tranporté dans le coffre d'une voiture au Liban après un bombardement. Je me suis dit : voilà peut-être l'être humain le plus seul au monde. Mon frère humain, si mal en point, qui ne comprenait rien de ce qui se passait... Le Liban au moins a des voix, l'Afrique est aphone, peut-être d'avoir trop crié. Et je ne pense pas que penser un peu à l'Afrique, c'est oublier le Liban. Si loin, si proche.

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04 août 2006

Commentaires

Le salon des commentaires ne désemplit pas, ce qui me comble de joie. Je remarque tout de même que les conversations concernent rarement mon post, mais sont plutôt un reflet quasiment heure par heure des événements qui nous réunissent sur ce blog. On se tient chaud, mais à côté des habitués qui ont leur table, n'hésitez pas à apporter vos contributions, il n'y a pas de droit d'entrée, et j'ai l'impression que la maison reste assez tolérante. En revanche, le portier doit parfois mettre dehors quelques tristes individus qui ont la déplorable habitude d'insulter tout le monde. Ces déplorables trolls mis dehors, je trouve qu'on arrive à échanger assez bien en se respectant, et même si parfois la conversation dérive, c'est pour essayer d'apaiser la tension qui nous mine depuis 23 jours.

Pour ceux qui lisent le polonais, une lectrice m'a fait l'honneur de traduire un post précédent sur les responsabilités de cette guerre. Il est disponible à cette adresse, et attire parfois quelques visiteurs polonophones (je sais que ce mot a de fortes chances de ne pas exister). A eux donc, bienvenue.

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réveil-matin

Effectivement, j'aurais eu un beau spectacle depuis mon balcon ce matin à 7h du matin.
Quand je pense qu'avant, le problème c'était les feux d'artifice.
Isoler la Békaa et le Nord, je veux bien. Mais qui va reconstruire les ponts, et rassurer les milliers d'enfants qui ont été réveillé en sursaut ?
Les vitres de mon neveu ont explosé dans sa chambre à cause des bombardements.
Comment peut-on grandir normalement, et devenir un citoyen pacifique, quand les vitres de sa chambre d'enfant volent en éclats à cause d'un bombardement ?
Comment son père va lui expliquer ce qui se passe sans trouver des coupables ?
Je comprends de plus en plus les Libanais croyants. C'est triste.

6 morts de plus.

ARRÊTEZ CETTE GUERRE ! MAINTENANT !

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03 août 2006

O

C'est quand même curieux comme les cultures sont différentes à quelques dizaines de kilomètres de distance. Pendant que les centaines de milliers (mais certainement pas un million, je pense qu'on peut diviser par deux pour avoir le chiffre réel, sans compter que beaucoup sont réfugiés dans la montagne où ils auraient passé l'été de toute façon) de réfugiés libanais sont entassés dans des écoles, on évacue les Israéliens du Nord vers les hôtels abandonnés de Eilat, d'après les images d'Euronews. Pourquoi pas le même traitement de faveur au Liban ? Il y en a des hôtels, et les touristes sont partis depuis belle lurette. Et ça leur plairait aux réfugiés une belle chambre à l'Albergo ou au Phoenicia !

Les morts s'accumulent des deux côtés. Mais pas uniquement. J'ai tendance de plus en plus à comptabiliser dans ma tête tous les tués de morts violentes dans le monde : au Sri Lanka, en Irak, à Gaza, chaque fois que je lis les journaux, je me dis qu'il nous fallait une guerre pour comprendre les guerres des autres, pour commencer à comprendre ce qu'est la compassion. En pensant à ceux qui souffrent vraiment des atrocités qui se déroulent en ce moment, on en vient à se considérer comme heureux, à relativiser, même si l'avenir pour nous paraît assez sombre. Il va falloir recommencer, sûrement ailleurs qu'au Liban et abandonner peut-être un pays qui aura pourtant besoin de cerveaux et de bras pour se reconstruire. Je le répète, la bataille entre Israël et le Hezbollah s'arrêtera bientôt, mais la guerre continuera. Que va devenir le Hezbollah, qu'on ne peut pas intégrer à l'armée, qu'on ne peut pas laisser armé, qui souhaite un avenir belliqueux au Liban et la destruction d'Israël ? Imaginons que le Hezbollah détruise Israël, qui sera le prochain sur la liste ? Imaginons qu'Israël détruise le Hezbollah, qui sera le prochain sur la liste ? Amal ? Ou tous ces jeunes fanatisés à qui on a fait croire que détruire l'Etat juif mettra fin à tous leurs malheurs ? C'est une spirale sans fin qui aujourd'hui m'a rappelé à quel point un homme comme Rabin manque à la région. Je l'avoue sans honte : j'ai pleuré quand il a été assassiné, comme j'avais pleuré quand Arafat lui a serré la main. L'Histoire se joue souvent sur quelques hommes, et un géant comme Rabin aurait certainement fait la différence. Impossible à savoir maintenant.

Donc, je prends en permanence le pouls du Liban, où l'essence est rationnée, où les visas pour la France sont accordés au compte-gouttes devant l'afflux de demandes, où les écoles ne rouvriront que vers Noël dans le meilleur des cas, où les morts s'alignent de plus en plus anonymes, et pour décompresser, je marche dans Paris. Une ville merveilleuse, une ville lumière, une ville si paisible, une ville où on peut acheter de l'eau à 35 euros la bouteille à la Grande épicerie de Paris. Je devrais trouver que c'est un scandale d'acheter de l'eau à ce prix alors que tant d'êtres humains ont soif dans le monde. Et puis je me demande où j'étais pendant les massacres au Ruanda, et si j'étais en train d'écrire sur la misère des Tutsis ou en train de boire des coups joyeusement avec mes copains. On relativise, je vous dis.

Ce qui n'est pas une raison pour oublier le Liban. Et les autres.

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Appel aux lecteurs

L'un d'entre vous aurait-il des informations sur la Maskirova, "la méthode soviétique consistant à faire passer suffisamment d'informations vraies pour être crédible, en vue de mieux faire avaler les mensonges de la propagande" utilisée par le Hezbollah selon Proche-Orient Info ?

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Politesse

Je voulais juste, devant la folie qui s'empare des blogs depuis le début du conflit, vous signaler deux camarades qui écrivent en anglais (mais qui manient aussi très bien le français). Ces deux gaillards n'hésitent pas à placer quelques mots grossiers dans leurs analyses, ce qui me réjouit toujours, il s'agit de Josey Wales, et de Vox, qui mène en parallèle un blog en français qu'il actualise moins que la version anglaise. Voilà, je pense qu'ils valent le détour. N'hésitez pas à me signaler d'autres blogs de qualité, comme le toujours talentueux Kerblog.

On n'oublie pas le Liban !

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02 août 2006

Pendant ce temps, en France


La ville de Paris pense à vous, amis libano-français rentrés précipitamment. Non seulement les panneaux municipaux diffusent des incitations à donner (à qui, on ne sait pas trop), comme sur la photo de gauche, mais en plus, des cellules psychologiques de soutien sont mises à la disposition des rapatriés. J'en connais quelques-uns qui en auraient effectivement grand besoin. Mais ils sont tous au Liban.

Tant de vies à reconstruire pourtant pour ceux qui ont eu la chance d'arriver en France, et une nouvelle culture parfois à adopter. La FNAC propose donc sa sélection de sujets de l'été, comme le montre ce présentoir. Amis libanais de retour sur le continent européen, il est temps de lire les biographies des hommes qui font la France d'aujourd'hui. Car la véritable tragédie, c'est celle du président. Nicolas Sarkozy peut en témoigner, et Joey Starr, malgré sa mauvaise réputation, en a des choses à dire. Elle est pas passionnante la culture française d'aujourd'hui ?

C'était notre rubrique : si je continue à penser au Liban, je hurle. Allez donc voir la trilogie "Pusher" au Ciné Cités les Halles. La violence, parfois, ça détend quand c'est chez les autres.

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Détails qui tuent

Comme les réfugiés ont été relogés temporairement dans les écoles, celles-ci n'ouvriront, au mieux, qu'en décembre, à condition que les combats s'arrêtent maintenant. Les conséquences de la guerre seront, quoi qu'il arrive, désastreuses.

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Doom

Quand je pense qu'aujourd'hui, à cette heure, je devais être dans l'avion pour rentrer au Liban...

Je n'arrive toujours pas à réaliser ce qui se passe. C'est comme un cauchemar ou un jeu vidéo grotesque (d'où le titre). Comme prévu, l'armée israélienne taille en pièces le Hezbollah, et au passage le Liban. Mais après cette victoire militaire inévitable, quid de l'avenir du Liban ? Est-ce que ça changera vraiment quelque chose d'avoir éradiqué le Hezbollah ? Est-ce que d'autres ne vont pas prendre leur place ? Et Amal dans tout ça ?

Quand j'arrive à joindre mes proches restés au Liban, ils me disent qu'ils ne se reconnaissent évidemment pas dans les images que l'on diffuse dans les médias. Le gouvernement est obligé de faire front avec le Hezbollah pour la façade, mais l'armée libanaise n'est toujours pas mobilisée contre l'envahisseur. Jamais on n'avait vu une telle guerre dans l'information, avec des blogs qui participent activement au combat. Je dois en être aussi puisque les habituels demeurés me considèrent pro-sioniste. Je traduis : pro-sioniste, ça veut dire qu'on considère qu'Israël a le droit d'exister et qu'il ne faut pas foutre les juifs à la mer. Alors, là, oui, j'en suis, c'est sûr.

Et le Liban n'est pas le seul à souffrir. Les roquettes aveugles contre Israël répondent aux bombardements meurtriers sur la population libanaise. Et pendant ce temps, en Irak... tout le monde s'en fout, d'autant qu'on ne peut pas dire pour une fois que c'est la faute d'Israël. Quoiqu'on trouvera toujours un fou criminel pour remettre la faute sur les juifs. Bouc émissaire, c'est un métier de père en fils.

Le seul avantage de cette guerre, c'est de poser les questions que personne ne voulait aborder jusqu'à présent sur l'avenir de la région et les relations entre les pays. Les Libanais pensaient-ils vraiment rester en guerre éternelle avec Israël ? Et comment Israël voit ses relations avec le Liban à l'avenir ? Certainement pas de la plus grande cordialité.

La seule solution reste donc l'ONU, seule capable de faire la synthèse de ses pays membres. J'y crois, et vos commentaires d'hier me confirment dans ce credo. A propos de commentaires, je suis très heureux de vous voir les utiliser comme forum, même en mon absence. N'oubliez pas de rester courtois, vous avez le droit et même le devoir de ne pas être d'accord avec ce que je dis, et moi j'apprends grâce à vous. On n'arrêtera pas la guerre, mais on pourra contribuer à s'informer mutuellement et à réfléchir ensemble sur cette situation douloureuse. En attendant la prochaine.

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01 août 2006

Nous l'ONU


Il paraît qu'il est de bon ton de dénigrer les Nations Unies. Elles sont incapables, leur secrétaire général est un clown aux mains des Américains, elles n'interviennent que quand il est trop tard, etc.

Mais l'ONU est la plus belle idée qu'on ait eu au siècle dernier pour régler les différends entre les nations. Qu'il y ait un besoin de réforme, c'est urgent, les cinq pays vendant le plus d'armes au monde ne doivent pas être les seuls membres permanents du Conseil de sécurité. Le véto aussi est imbécile : un pays peut en bloquer cent, ça n'est pas un fonctionnement démocratique. Le siège devrait peut-être être déplacé, New York n'en a pas besoin pour briller. Pourquoi pas à Jérusalem, ville revendiquée sainte par les monothéismes, quel symbole ce serait ! Ou alors en Afrique, pour montrer que malgré ses problèmes, on ne déséspère pas de trouver un remède au mal africain.

Mais l'idée de Nations Unies demeure magnifique. Des dizaines de pays qui discutent de leurs problèmes et de leurs litiges, ça laisse rêveur. Alors plutôt que de casser l'ONU comme on l'a vu à Beyrouth (remarquez sur la photo que l'homme se sert d'un drapeau libanais pour casser les locaux onusiens), il faut l'améliorer, soutenir Annan qui lui-même soutient Siniora, les deux hommes étant la meilleure chance non pas d'arrêter le conflit, mais de penser à l'avenir du Liban. Car il faut qu'il y ait un avenir, quand les armes se tairont. Au-delà du Liban, l'ONU reste notre chance à tous d'améliorer nos relations. Pour qu'il n'y ait plus de massacre de Qana. Et qu'il n'y ait plus ce genre d'images...

Je crois en l'ONU, parce qu'il faut bien croire en l'homme malgré les horreurs et la haine à laquelle on assiste, et que les prières ne servent à rien sauf à se rassurer soi-même. Croire en l'ONU n'est pas une utopie, c'est au contraire beaucoup plus réaliste que de penser qu'Israël et les Arabes trouveront une solution à leur problème tout seuls. A ce niveau de haine mutuelle, il faut qu'il y ait un intermédiaire. La France a échoué lamentablement (merci Mickey), l'Europe n'existe pas, les Etats-Unis sont trop partisans et l'Iran est une blague de mauvais goût. L'ONU est tout ce qui nous reste, et c'est déjà pas mal.

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