31 juillet 2006

Lendemain de cuite

Alors maintenant, il faut des brevets de patriotisme pour parler du Liban... Et ces licences s'obtiennent auprès de censeurs établis... en France, puisque mes petits trolls qui se sont faits les quenottes hier sur mon blog sont tous confortablement installés dans mon beau pays, d'où ils décident qui a le droit d'évoquer "leur Liban chéri".

Je passe sur les insultes et le niveau zéro de réflexion des quelques demeurés qui ont cru bon de juger que je n'aime pas le Liban. Ce qui m'a intéressé dans les quelques cent commentaires d'hier demeure la difficulté de la région à se projeter dans l'avenir. Quand comme moi on est plus ou moins bien installés en France à attendre la suite des événements, le moins qu'on puisse faire, c'est d'essayer de réfléchir à ce qui pourrait se produire par la suite, pour éventuellement aider à trouver une solution. Et ce n'est pas facile, parce que tout reste ouvert. Mais ma position reste infiniment plus facile que ceux qui endurent la guerre. Certains continuent bon an mal an à vivre au Liban, et tous ne sont pas contaminés par la propagande du Hezbollah qui veut qu'Israël veuille détruire le Liban, aux armes citoyens, formez les bataillons. N'inversons pas les rôles : c'est bien le Hezbollah qui veut détruire Israël puis établir un Iran bis au Liban. Si certains n'en sont pas convaincus, je ne sais plus quoi faire, à part continuer à écrire. Surtout quand notre bien-aimé Mickey d'Orsay affirme que l'Iran demeure une force de stabilisation pour la région, ou qu'Emile Lahoud, notre président-général-directeur de l'ATCL considère qu'une force d'interposition serait perçue comme une "occupation".

Cette guerre de merde... elle bouleverse nos têtes et nos vies, mais elle ne me fera pas changer d'attitude. Trop facile de faire porter le chapeau aux mêmes qui l'endurent depuis des décennies. J'avais écrit un post intitulé "tous responsables". Je maintiens tout ce que j'ai dit : que chacun prenne ses responsabilités au lieu de se rejeter la faute, car chacun y est pour quelque chose. "La victoire a mille pères, mais la défaite est orpheline". Je vous laisse sur ce proverbe chinois plutôt qu'évoquer Sun Tzu, car la guerre n'est pas un art. Et que les trolls reviennent : ils sont la preuve de la difficulté de dialoguer calmement dans un Moyen-Orient schizophrène. Leur présence nauséabonde atteste qu'il y a quelque chose de pourri au royaume du Liban.

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30 juillet 2006

Règles journalistiques

Miracle ! Le site "Loubnan ya Loubnan" dont je parle un post plus bas a décidé de changer de titre pour son post analysant une attaque nucléaire contre le Liban de la part du CRIF. Maintenant, c'est devenu : "Le CRIF suggère-t-il un bombardement nucléaire?", ce qui montre une certaine rigueur journalistique. On n'affime plus, on se demande. De la même façon si je dis : "la mère de Hassan Nasrallah aurait-elle été femme de petites moeurs ?", je pose la question, je ne prétends rien.

Sinon, une autre intéressante étude journalistique sur ce site, qui le tient d'un autre site, qui lui-même, etc, etc. Il s'agit de montrer que les médias occidentaux sont tous du côté d'Israël contre les Arabes. Je me suis servi de cette merveilleuse analyse pour prouver l'inverse et là, remiracle, ça marche ! Voici le fruit de mes réflexions basées sur cette extraordinaire grille de lecture :

Règle numéro 1 : Au Proche Orient, ce sont toujours les Israéliens qui attaquent les premiers et c’est toujours les Arabes qui se défendent. Cela s’appelle des représailles.

Règle numéro 2 : Les Israéliens n’ont pas le droit de tuer des civils de l’autre camp. Cela s’appelle du terrorisme.

Règle numéro 3 : Le Hezbollah a le droit de tuer les civils israéliens. Cela s’appelle de la résistance.

Règle numéro 4 : Quand Israël tue trop de civils, les puissances occidentales l’appellent à la retenue. Cela s’appelle la réaction de la communauté internationale. (celle-là, je ne la change pas)

Règle numéro 5 : Le Hezobllah n'a pas le droit de capturer des militaires israéliens, même si leur nombre est très limité et ne dépasse pas deux soldats.

Règle numéro 6 : Les Palestiniens ont le droit de tuer autant d'Israéliens qu’ils le souhaitent dans des attentats. Il n’y a aucune limite et n’ont besoin d’apporter aucune preuve de la culpabilité des personnes tuées. Il suffit juste de dire le mot magique "résistance".

Règle numéro 7 : Quand vous dites "Israël", il faut toujours rajouter l’expression « soutenu par les Etats-Unis».

Règle numéro 8 : Quand vous dites "Hezbollah", Il ne faut surtout pas rajouter après : «soutenu par la Syrie et l'Iran», car on pourrait croire qu’il s’agit d’un conflit déséquilibré.

Règle numéro 9 : Ne jamais parler de "Territoires occupés ", ni de résolutions de l’ONU, ni de violations du droit international, ni des conventions de Genève. Cela risque de perturber le téléspectateur et l’auditeur de France Info. (celle-là non plus, je ne la change pas, d'autant que le Liban ne les a pas signées, les conventions de Genève)

Règle numéro 10 : Les Libanais parlent mieux le français que les juifs. C’est ce qui explique qu’on leur donne, ainsi qu’à leurs partisans, aussi souvent que possible la parole. Ainsi, ils peuvent nous expliquer les règles précédentes (de 1 à 9). Cela s’appelle de la neutralité journalistique.

Règle numéro 11 : Si vous n’êtes pas d’accord avec ces règles ou si vous trouvez qu’elles favorisent une partie dans le conflit contre une autre, c’est que vous êtes un ami personnel de Hassan Nasrallah.

>>Source : Libanews http://www.libnanews.com/

Oui, je sais, c'est très con. Mais ça m'amusait aussi de montrer que la connerie n'a pas de limites, et que ce genre de texte, approuvés par tous ceux qui pensent qu'Israël devrait être détruit, peut être retourné dans l'autre sens et servir un autre maître très facilement.

Je tiens à souligner, pour d'éventuelles poursuites juridiques ou morales, que je n'approuve aucun des textes, ni l'original, ni ma version, et qu'il faudrait peut-être se calmer sur la propagande quand des enfants meurent à cause de la pulsion de mort des adultes.

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29 juillet 2006

Les joyeux commentateurs orientaux de France 3 (fin, espérons)

L'interview de Georges Corm dont je parlais précédemment est disponible ici. Je vous laisse juge de ses théories, notamment ma préférée : le malheur libanais provient de la jalousie d'Israël, qui ne supporte pas un contre-modèle basé sur la coexistence de communautés religieuses. Car comme chacun le sait, tout le monde s'aimait au Liban avant la création d'Israël, et les guerres entre druzes et chrétiens dont parle Gérard de Nerval ne sont que de pures inventions.

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Guerre des bits 2

Alors que je viens de me voir considérer comme relais de la propagande extrémiste sioniste par "CodeWarrior" (j'adore les surnoms des informaticiens quand ils se lâchent sur Internet) sur un forum de geeks, un qu'on ne peut pas accuser de faire de la propagande pour Israël, c'est le site "Loubnan Ya Loubnan", tenu par Lawrence d'Arabie, le fier inventeur de l'expression "antilibanais".

Je vous recommande ce post savoureux, où l'auteur nous démontre que le CRIF veut utiliser l'arme nucléaire contre le Liban. C'est lumineux, tout à fait logique et ça montre le vrai visage des juifs. Et si vous n'êtes pas d'accord, c'est que vous aussi, comme moi, vous êtes un sale enfoiré de relais de la propagande extrémiste sioniste, bref que vous ne savez pas que tout ce qu'on dit sur Auschwitz, c'est que des connderies de propagande.

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Guerre des bits

En cherchant à atteindre le site d'études américaines, je suis tombé sur ça :

CyberLord WAS HERE FOR ISLAM FOR ISLAM www.cyber-soldiers.org

Cyber Lord is in the House. Tant mieux pour lui, mais moi je voudrais bien y accéder au site d'études américaines.

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28 juillet 2006

Profiteurs de guerre

En cas de guerre, nombreux sont ceux qui règlent leurs comptes. Si pour le moment le Liban n'a pas l'air de souffrir de désordres civils, c'est aussi parce que l'offensive israélienne donne l'occasion d'unifier ceux qui attendaient un signal de clamer leur antisémitisme. J'en veux pour preuve la nième pétition que j'ai reçu par email, et qui dit en substance ceci (c'est en anglais mais vous êtes tous très cultivés ou sinon vous savez comment utiliser les logiciels gratuits de traduction sur le Net) :

We the undersigned, in declaring our intentions, also therefore, call upon:

Arab intellectuals to stand beside the Lebanese Resistance, to expose the Zionist racist, supremacist impetus, and to document Israel's crimes against Arabs since its founding.

Likewise, we ask our Arab colleagues to confront the continual calls for capitulation (wrapped in the cloak of "realism"), and to expose both the American bias towards Israel and the complicity of the majority of "rational" Arab governments against the Lebanese Resistance.

We, also, ask that you take a stand against all kinds of normalization with Israel, by closing down the Israeli embassies and government offices located in Arab countries, and by boycotting products of Israeli and pro-Israeli companies, whatever their nationality.

3) Lebanese intellectuals, in particular, not to be swayed by the (il) logic that accuses HizbAllah of having destroyed the Lebanese economy, but instead to hold Israel fully responsible for its age-old policy of destruction and war crimes. The principle of the Lebanese Resistance is to be a deterrent force against Israel's ability to pursue that policy with impunity.

En résumé si vous êtes fainéants : le Hezbollah doit être soutenu, Israël doit être accusé de tout le malheur arabe, d'autant plus qu'il s'agit d'un Etat raciste, et soutenu à bout de bras par les USA et (nouveauté) par des régimes arabes qui se disent "réalistes", mais ne sont que des lâches.

Ce texte est absolument authentique, et attendez que je vous livre les noms des signataires, vous allez voir qu'il s'agit d'éminents "intellectuels" libanais, cette fois-ci j'en connais beaucoup personnellement et je ne suis pas étonné de leur haine baveuse. Lisez juste quelques noms, et retenez les pour après :

Samah Idriss (PhD, Al-Adab Magazine), Joseph Samaha (Al-Akhbar Newspaper), Talal Salman (Al-Safir Newspaper), Muhammad 'Ali Shamseddin (Poet), Mai Masri (Film director), Kirsten Scheid (Asst. Prof in Anthropology, AUB), Omar Nashabeh (PhD in criminology), Rania Masri (Asst. Prof, Fac. of Science, University of Balamand), Jean Cham'oun (Film director), Wasef 'Awadah (Journalist), Amin Qammuriyyeh (Journalist), Sa'dallah Mazra'ani (Journalist & Media Commentator), Hilmi Mousa (Political Analyst), Adonis Al-'Akra (Phd, philosophy, Lebanese Univ.), Ibrahim Al-Amin (Journalist), Graziella Kallab (Psychotherapist), Laila Al-Khatib (Phd, Literary Criticism), Zaynab Yaghi (Journalist), Jihad Touma (Phd, AUB), Husayn Ayyoub (Journalist), Najib Nasrallah (Journalist), 'Imad Marmal (Journalist), Nasri Al-Sayigh (Writer), Pierre Abi Sa'b (Journalist), Fatima Sharafeddine (Children's Author), Khalil Zahreddin (Geologist & Cultural Activist), Hanady Salman (Journalist), Camille Dagher (Writer), Walid Sharara (Journalist), Khalil Harb (Journalist), Hala Bajjani (Al-Akhbar Newspaper), Hanna Al-Hajj (Phd, Sociology), Nabil Haytham (Journalist), Hashim Qasem (Journalist), Sa'd Mehio (Journalist), Adel 'Ammous (Publisher), George Haddad (Writer), Ranwa Yehya (Coordinator of an Arab Youth program), Adnan Al-Sahili (Economist & Journalist), Mousa Al-Hindi (Cultural Activist), Imad Haydar (Journalist), Ahmad Dallal (Prof. of Islamic Studies, Georgetown Univ.), As'ad Abu Khalil (Prof. of Political Sciences, Univ. of California at Stanislaus), Rabi'a Salman (Journalist & Teacher), Nada Al-Qara (Cultural Activist & Health Worker), Firas Al-Amin (Writer), Sulayman Bakhti (Literary Critic), Tareq Ghaddar (Prof. AUB), Pascal Lahhoud (Phd), Jumana B'albaki (Journalist), Khalid Saghiyyeh (Asst. Prof., AUB), Sa'da 'Allaw (Journalist), Sahar Mandour (Journalist), Nader Sabbagh (Journalist), Juhayna Khalidiyyah (Journalist), Madonna Sam'an (Journalist), Ghada Ali Kalash (Writer & Journalist), Mundhir Sulayman (Phd, Political Analyst), Husayn Nasrallah (Journalist, Al-Kifah Al-'Arabi Newspaper), Gabi Abou 'Atmeh (Journalist), Salwa Ba'lbaki (Journalist), Fatin Qubaysi (Journalist), Rana Nawfal (Publisher), Maysa 'Awwad (Journalist), Ali Salman (Journalist), Wafiq Qansoh (Journalist), Omar Al-Ayyubi (Writer & Translator), Sharif Al-Rifa'i (Architect), Saqr Abu Fakhr (Journal of Palestine Studies), Jacques Al-Aswad (Art Critic & Lexicographer), Michel Riyachi (Cultural Activist), Zeinab Sharafeddine (Journalist), Dr. Nicolas Abou Mourad (Doctorat en Théologie, Prof. à l'Université de Balamand), Ahmad Bazzoun (Journalist), Ghassan Nasser (Architect & Cultural Activist)...

Mes petits amis intellos, vous continuez à reproduire les erreurs de vos aînés... Je ne vais pas vous comparer à Sollers qui soutenait la Chine communiste et ses massacres, bien que je ne l'apprécie pas, vous n'êtes même pas à son niveau. On reprend :

  • Des intellectuels libanais qui considèrent qu'Israël est raciste, ça fait un peu rire quand on connaît le sort des bonnes à domicile ou des Palestiniens en général au Liban.
  • Des intellectuels libanais qui appellent à boycotter les produits israéliens, ça m'amuse un peu quand on voit la désiformation totale sur le sujet au Moyen-Orient, où on croit que McDo est juif...
  • Des intellectuels libanais qui soutiennent le Hezbollah, ça montre que les leçons des Khmers rouges (entre autres) n'ont pas été retenues. Quand on soutient le fascisme, on a intérêt de faire partie de la bonne ethnie, religion, croyance etc. Sinon : goulag.
  • Enfin, des intellectuels libanais qui refusent la normalisation avec leur voisin du Sud, ça montre qu'au final, ils ont beau aligner les titres universitaires et les postes de prestige, ça reste une bande de cons.

Le Liban n'a pas besoin de ces gens qui prétendent une fois de plus parler en son nom et attisent la haine. Et qui soutiennent le Hezbollah à distance, bien cachés, et invoqueront la liberté d'opinion quand viendra le temps de leur demander des comptes. Je crois que je vais en appeler un ou deux ce soir pour passer mes nerfs, en espérant qu'ils me diront que c'est une erreur, et qu'on les a enrôlés de force...

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Victoire impossible

Reprenons les choses pour être clair et ne pas trop prêter le flanc à la critique : la guerre qui se déroule en ce moment est atroce et affecte principalement les civils libanais. Il y a une raison à cela. L'Etat israélien protège ses citoyens, quand l'Etat libanais ne fait rien pour les siens. On connaît les raisons qui ont conduit à un Etat faible, notamment le système communautaire, une catastrophe sociale présentée comme une réussite religieuse. Mais il est peut-être bon de rappeler que les Libanais eux-mêmes ne veulent pas d'un Etat fort, entre autres parce que cela implique de payer des impôts. Je crois que chaque année, je versais environ 5% de mon salaire à l'Etat, ce qui ferait sourire en France. Je dis environ parce que les taxes sont prélevées à la source, sinon elles ne pourraient jamais être prélevées.

Ces 5% de paraissaient trop, et comme beaucoup de Libanais, je me demandais à quoi mon argent allait servir : ni pour les routes, ni pour EDL (électricité du Liban), ni pour l'eau, ni pour l'éducation, ni pour les hôpitaux... Peut-être pour l'armée car malgré son inefficacité elle demeure l'une des plus chères du monde, ou pour financer le train de vie des parlementaires et ministres. Au Liban, pour bien vivre, il vaut mieux être dans la finance, dans l'armée ou dans la politique. Pour le reste, c'est difficile de s'en tirer, et la plupart de mes amis cumulent deux emplois pour s'en tirer.

Donc, ce qui arrive résulte aussi d'une absence de vouloir vivre ensemble au Liban, car quand on décide de vivre ensemble, on le fait selon des bases qui sont les mêmes pour tous, et qui permettent la force via l'union. On peut faire cela au-delà des religions : tous les chrétiens ne pensent pas que Benoît XVI est un grand homme, tous les musulmans ne considèrent pas que c'est un honneur de mourir contre Israël. Et tous les druzes ne suivent pas aveuglément Walid Joumblatt.

Le Liban avait peut-être cru pouvoir élaborer son unification en la basant sur une opposition commune à Israël. Grave erreur, car l'histoire fourmille d'exemples où un pays tente de s'unir contre une menace extérieure et ne fait que fortifier cette menace qui le détruit en retour.

Aujourd'hui, des civils des deux pays meurent sous les bombes. Quand les armes se tairont, puisqu'elles se tairont, quel sera l'avenir de la région ? Pour Israël, ce sera une autre victoire militaire, importante pour la population, mais qui semble ne pas impressionner ses voisins arabes puisqu'ils continuent à croire qu'un jour ils pourront abattre l'Etat hébreu par la force. Pour le Liban, que se passera-t-il, puisque chacun sait que la grande guerre de 1975-1990 n'a rien changé au Liban ? L'âge d'or libanais dont on parle a pu se dérouler parce que l'économie allait bien. Le jour où les finances baissent, les conflits éclatent. Et rien ne laisse penser que le Liban puisse devenir un acteur majeur de l'économie par la suite, malgré sa population la mieux éduquée du monde arabe et ses banques insensibles aux bombes. Tant que le système libanais ne change pas, le pays ne décollera pas. Et conclure des accords de bon voisinage avec la Syrie (comme un échange d'ambassadeurs) et Israël, ce qui semble irréaliste aujourd'hui, est pourtant indispensable pour l'avenir. Car on ne peut pas remorquer le Liban en Europe, ni changer ses voisins.

Je suis donc pessimiste. La victoire de l'armée israélienne (notez que je ne dis jamais "Tsahal" comme les journalistes à la mode) est inéluctable. Mais sur qui ? Et le Liban va-t-il se métamorphoser en belle démocratie après avoir été une moche démocrature ? Cela impliquerait déjà qu'on arrête de considérer comme des martyrs les victimes de la guerre, et qu'on arrête de penser que la prière est une solution aux conflits des hommes.

N'oublions pas le Liban. Et pensons le Liban d'après plutôt que de penser au Liban tel qu'il était.

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Et la haine continue

Un peu plus sérieux que le précédent post, voici une pétition signée par plusieurs intellectuels destinée à attirer l'attention du monde sur "la liquidation de la nation palestinienne". Elle est signée notamment de Noam Chomsky mais aussi John Berger, Harold Pinter, José Saramago, Eduardo Galeano, Arundhati Roy, Naomi Klein, Howard Zinn, Tariq Ali, Charles Glass, W.J.T. Mitchell, Richard Falk et Gore Vidal. Je connais et apprécie le travail de la plupart, en particulier John Berger, mais déplore les termes de leur appel qui, une fois de plus, entend stigmatiser l'existence même d'Israël. Pour certains, les termes ne sont pas importants ; pour moi au contraire, leur emploi est primordial. Je souligne en gras les expressions qui posent problème :

Aujourd’hui, l’outrage succède à l’outrage : des missiles improvisés se croisent avec d’autres missiles, de haute technologie ceux-là. Ces dernières atteignent généralement leurs cibles là où se trouvent les masses pauvres et déshéritées, qui en sont toujours à attendre ce qu’on appelait dans le temps la Justice. Les deux types de missiles déchiquètent horriblement les corps - qui, hormis les commandants sur le terrain, pourrait l’oublier un seul instant ?
Chacune des provocations ou des contre-provocations sont contestées ou revendiquées. Mais les débats qui s’ensuivent, les accusations ou bien les serments, tout cela ne fait que distraire l’attention du monde d’une pratique militaire, économique et géographique au long cours, dont le but politique n’est rien de moins que la liquidation de la nation palestinienne.
Il faut dire cela à haute voix, car cette pratique, a demi avouée et bien souvent cachée, avance à grands pas en ce moment. Selon nous, il est impératif de la qualifier, sans relâche, telle qu’elle est, et de nous y opposer.

Selon ce collectif donc, on retombe dans la vieille litanie : Israël n'a en face de lui que des amateurs, de pauvres hères armés de "missiles improvisés". On oublie que la technologie du Hezbollah, souvent chinoise ou iranienne, fait mouche sur Haïfa et pourrait même, selon Nasrallah, toucher Tel Aviv. Rien d'improvisé là-dedans, puisque la précision du vecteur reste une des variables les plus complexes à maîtriser dans l'artillerie. Les conseillers militaires iraniens veillent à l'armement du Hezbollah, et ils sont aguerris par une longue guerre avec l'Irak.

De plus, les missiles israéliens ne touchent que "masses pauvres et déshéritées". On peut donc en conclure que les missiles du Hezbollah ne touchent que des riches. Faut-il en conclure que les juifs sont tous riches selon la vieille sagesse populaire ?

Enfin, ce qui pose problème est cette utilisation perpétuelle du vocabulaire rattaché à la Shoah avec cette "liquidation de la nation palestinienne", que l'on entend également à propos du Liban. Les auteurs ne parlent pas directement de génocide, ils évoquent la nation palestinienne effectivement bien mal en point. Mais on peut penser que la corruption du système Arafat et l'arrivée de terroristes au gouvernement y est également pour beaucoup, sans nier une responsabilité israélienne.

Ce texte, bien que clairement romantique, me pose problème. Il a le mérite de rappeler que les Palestiniens souffrent aussi du conflit, et qu'on les met de côté alors que leur calvaire dure depuis des décennies. Mais en stigmatisant une fois de plus Israël, il contribue à légitimer la légende du "malheur arabe", comme si on évoquait un jardin d'Eden avant qu'Israël ne croque la pomme. Venant de Chomsky, parfaitement ignorant du Moyen-Orient (souvenez-vous qu'il est allé saluer le Hezbollah lors de sa visite à Beyrouth, dont il a avoué tout ignorer, carence qu'il se proposait de combler en discutant avec les chauffeurs de taxi [tout est authentique]), je ne suis pas étonné. Des autres, je suis un peu déçu. Le Monde nous sert "La guerre vue d'Israël", par Bernard-Henri Lévy, qui comme Alain Finkielkraut ou Luc Ferry, ne possède pas une crédibilité d'observateur géopolitique, mais ces trois-là sont omniprésents dans les médias. J'aimerais entendre Michel Onfray, Philippe Val (excellente chronique dans Charlie Hebdo cette semaine ! Deux de suite, cet homme me plaît) et surtout Pascal Brückner. Ou Pierre Desproges.

Et tout ce que j'entends, c'est l'appel de (Péri) Cochin.

En voilà un bon jeu de mots...

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27 juillet 2006

On est sauvés plus en détail

C'est l'été. Il fait chaud, et en France, le Liban quitte petit à petit la une des journaux pour faire place aux nouveaux scandales qui feront frissonner les Français, comme le dopage du vainqueur du Tour de France, ce qui est incroyable, j'ignorais complètement que les cyclistes prenaient des compléments médicaux.

C'était prévu ce manque d'intérêt. Je m'en rends compte aussi dans mes stats de blog qui montre que l'on revient à des chiffres plus conformes à la moyenne. Va alors commencer la deuxième phase de la guerre : regagner les faveurs de l'opinion publique. Pour cela, soit les "guerriers" aident sur le terrain en commettant des massacres atroces, soit la communication s'en mêle.

D'où mon précédent post, car Le Monde ne faisant plus ses couvertures sur le Liban, il s'agit de rappeler au lecteur que le pays du cèdres existe toujours, enfin pour le moment. Alors chacun de déployer sa stratégie de communication, en se rappelant qu'il faut positiver le message, d'où le collectif "pour que le Liban vive", qui sonne tout de même beaucoup mieux que "pour qu'Israël meure", ce qui en plus n'est pas le même objectif.

Commentons quelques phrases de ce collectif, d'abord le traditionnel "qui sommes-nous" :

Nous sommes un groupe de 5 personnes, soutenu par un réseau d’amis libanais et français.

5 personnes qui arrivent tout de même à se payer une demi-page de pub dans Le Monde.

Que personne ne s’y trompe.Il ne s’agit pas d’une action d’autodéfense de la part d’Israël.Il s’agit d’une intervention planifiée qui déstabilise le déroulement de la vie démocratique d’un pays,mon Liban.

On ne s'y trompe pas, cher collectif anonyme. Et on n'arrive toujours pas à comprendre pourquoi cette légende circule d'un pays démocratique comme Israël qui serait jaloux du Liban et tenterait de le déstabiliser. Dans quel but ? Georges Corm nous l'a déjà sorti sur France 3, et on persiste à penser qu'Israël préfère un voisin stable et fiable au bordel que le pays constitue depuis des décennies. Notez le "mon" Liban pour accentuer le côté affectif.

Plus loin, le mot de Péri Cochin, grâce à qui on peut visionner au Liban la version libanaise de "Tout le monde en parle" :

15 ans de reconstructions anéantis par 15 jours de bombardements !

On n'est pas du tout dans l'exagération ici. Effectivement, Israël a détruit l'intégralité de Solidere, le rêve du milliardaire Hariri qui ne concerne que ses amis d'influence et les touristes séoudiens. Non, bien sûr, Solidere est intact. En revanche, la banlieue Sud, dont tout le monde se foutait et qui était dans un état déplorable et insalubre avant la guerre, a été anéantie.

Je pourrais continuer comme ça sur tous les textes, même si j'admets l'objection que c'est un peu facile de prendre phrase à phrase, et qu'on pourrait bien se marrer à faire la même chose chez moi. Certes, mais je n'ai pas de pages de pub dans Le Monde, preuve d'une certaine puissance de feu financière, et je ne balance pas des phrases gratuites comme :

Israël commet également des massacres collectifs comme celui de Marwaheen qui s’est déroulé après le refus de la FINUL d’abriter les réfugiés.

J'en ai déjà parlé dans ce blog, on aime attaquer Israël en lui balançant au visage l'holocauste et les mots qui s'y rapportent.

Ce blog n'est donc pas un blog, mais une initiative de com. Il renvoie d'ailleurs à un petit texte de Georges Corm qui dit la chose suivante :

la seule résolution 1559 [...] à la base de la déstabilisation du Liban et de son retour au rôle d'Etat tampon dans les querelles d'hégémonie sur la région

On en revient à la 1559, décision courageuse de l'ONU pour aider à la souveraineté du Liban, qui serait la cause des malheurs du pays, privé de son "protecteur" syrien.

Je développe encore ou c'est plus clair ? A vous de me dire si mon post était méchant et gratuit, ou si c'est un peu se foutre de la gueule du monde que de dire qu'on aime le Liban avec ce genre d'initiatives.

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On est sauvés

Quand je vous disais que cette guerre passait aussi par Internet et qu'on peut y trouver n'importe quoi. Ce blog s'offre une campagne dans Le Monde, plaidant avec force pour que la guerre s'arrête mais que rien ne change au Liban. Comme si le Liban d'avant les guerres était viable... Mais ce collectif, qui ne doit pas représenter grand monde tellement sur le Liban, Libanais et "amis" du Liban sont divisés, possède un énorme atout, avec une personnalité franco-libanaise de poids, rompu à la rhétorique politique et experte en géopolitique. On peut dire qu'elle est la meilleure d'entre nous, combinant la grâce de l'Orient et la rigueur de l'Occident. Mesdames et Messieurs :

Péri Cochin.

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Loin des yeux

Un de mes collègues français du Liban vient de rentrer en France : 60 heures de voyage avec, me dit-il, "des Libanais avec un passeport français qui se foutaient du Liban mais s'inquiétaient pour leur appart et leur bagnole". Il était outré, mais je trouve ça normal, l'héroïsme a ses limites et en cas de guerre prolongée en France, est-ce qu'on n'aurait pas envie d'aller vivre ailleurs plutôt que survivre sous les bombes ?

Certains n'ont pas le choix, et continuent de faire vivre le Liban, parfois de façon étonnante, comme ces compagnies de courrier qui assurent la liaison entre le Liban et le reste du monde. J'ai toujours plus d'admiration pour ces gens, qui tiennent coûte que coûte même si leur tâche apparaît minuscule, plutôt que pour les militaires qui décident de la vie ou de la mort du type d'en face. Les échanges d'obus continuent entre Hezbollah et Israël, et le Liban au milieu continue d'en souffrir. J'ai rencontré des dizaines de Libanais qui pensaient que du temps du mandat français, ça marchait mieux. Je n'y ai jamais cru, mais après tout, peut-être que le Liban est trop habitué à être soumis à une tutelle étrangère qu'il n'arrive plus à assumer ses responsabilités. Qui sera son prochain parrain ? L'Arabie Saoudite, avec ses généreux cadeaux, semble bien placé.

Mon histoire avec le Liban sera bientôt terminée. Nombre d'employeurs étrangers et internationaux en avaient assez du Liban, de ses complications administratives, de son manque de régularité en électricité, de ses routes cabossées, de sa politique mafieuse, de son absence de justice. La guerre a été le verre d'eau qui fait déborder la mer. L'an prochain, par une décision hiérarchique qui nous dépasse, il existe de bonnes chances que nous ne retournions pas au Liban, pour être envoyé ailleurs qu'au Moyen-Orient. Cela me rend triste pour les Libanais qui vont avoir à reconstruire un pays encore plus détruit et pollué qu'auparavant. Mais ça me soulage aussi de ne plus avoir à travailler dans un environnement où la religion est omniprésente, l'antisémitisme obligatoire et les perspectives d'avenir floues devant le provisoire qui dure. On donne beaucoup au Liban, on se vide facilement. Et tout l'amour que j'éprouve pour (certains) habitants ne peut plus contrebalancer la sensation qu'il n'y a rien à faire, que tout est un perpétuel recommencement, et que j'ai donné près de dix ans à un pays qui n'a pas évolué depuis que j'y habite. Comme dans un mariage qui bat de l'aile, il faut avoir le courage de se séparer. Car après la guerre, que se passera-t-il ? Le Liban va devenir laïc, unifié, fera la paix avec Israël et la Syrie ? Régularisera les Palestiniens ou en tout cas les autorisera à travailler où bon leur semble ? Non, d'expérience, je ne crois pas aux changements radicaux pour le Liban. C'est à moi de partir, et j'aurais du le faire depuis longtemps, en particulier pour ne pas être accusé de fuir un navire qui coule. Je crois que ça me blesserait si on me le disait, alors même que je n'ai qu'un passeport, celui de la France, puisque le Liban ne donne pas sa précieuse nationalité aux étrangers.

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26 juillet 2006

Enfants victimes


une photo (mais j'en ai d'autres) pour tenter de répondre à cette mini-polémique : le Hezbollah aiment-ils ses enfants ? Vous noterez que les uniformes ne sont pas ceux des scouts, et que le salut n'est pas sans rappeler les heures dorées de l'Allemagne entre 1933 et 1945. Quant à ceux qui doutent de l'origine des photos, j'ai vu de mes yeux vus les entraînements des petits miliciens, et ce n'est pas pour qu'ils se défendent dans la cour de récré. Je comprends qu'en France on ait tendance à avoir un discours modéré vis-à-vis du Hezbollah, on essaie de les comprendre, alors qu'on n'a pas la même démarche avec le Front national. Le Hezbollah prend les hommes au berceau et ne les lâche qu'après la mort. Cela ne vous rappelle rien cette citation légèrement modifiée ?

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25 juillet 2006

Interlude

Peut-être est-ce la canicule ? Ou la lassitude qui s'installe. En tout cas, je ne me sens pas de commenter l'actualité libano-israélienne aujourd'hui. Je voulais juste vous remercier tous pour vos contributions intéressantes et modérées. Je n'ai du bannir que trois fâcheux, dont un particulièrement virulent de Tunisie, le reste me fait chaud au coeur, comme si j'avais invité dans mon salon des inconnus qui s'avèrent être de parfaits convives. Je suis conscient du confort de ma position, mais je ne pense pas avoir à m'en excuser. Cela ne m'empêche pas de penser à ceux qui sont encore là-bas, en particulier les enfants, mes adorables neveux et nièces que je sais protégés par leur famille. Car oui, les Libanais aiment leurs enfants, parfois trop, mais leur amour est incontestable pour répondre à certains qui le mettent en doute. Tous les Libanais aiment leurs enfants, sauf les émules de Nasrallah qui se targuent d'avoir sacrifié leur progéniture pour la cause. Qu'ils se sacrifient eux, qu'ils montrent l'exemple, mais quoi de plus ignoble que de mettre les enfants en première ligne dans la guerre des armes et celle des images.
A tous, merci. Je vais m'aérer un peu la tête, et je reviens.

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24 juillet 2006

Inch'Allah

Un bon début pour changer les choses au Liban, ce serait d'interdire l'utilisation du mot "Inch'Allah", qui signifie en gros "si dieu le veut". On l'emploie à tout bout de champ et c'est fréquemment la réponse évasive à toute question embarrassante qui implique que l'on prenne des responsabilités. Exemple :
Moi : vous pouvez venir demain pour changer la chaudière ?
Le plombier : Inch'Allah !

On avait coutume de dire entre expatriés français qu'on habitait chez IBM : Inch'Allah, Boukra, Malesh ; respectivement "Si dieu le veut, Demain (autant dire un jour), tant pis". A force d'employer des mots qui expriment l'impuissance (la fameuse cause du malheur arabe dont je parlais ce matin), ça finit par avoir des répercussions. Il est rare que les rendez-vous soient à l'heure au Liban, et j'ai pris la sale habitude de compter une bonne demi-heure de retard chaque fois que je dois me rendre dans un endroit.

Mais au-delà de cela, soit le langage inspire l'attitude, soit c'est l'inverse. Le sens des responsabilités n'a pas la même signification quand on est religieux. Souvent, on s'en remet à son dieu pour régler les choses, puisque finalement, selon les croyances, lui seul décide du destin des hommes.

Le Cardinal Nasrallah Sfeir, chef des maronites libanais, a prononcé cette petite phrase pour encourager l'excellent Fouad Siniora, premier ministre qui lui prend ses responsabilités :

Que Dieu vienne en aide au gouvernement et à son chef pour qu’ils puissent rassembler autour d’eux tous les Libanais de toutes les confessions, afin que le Liban reste le pays de la liberté, de l’amour et de la paix.

Cette déclaration me chiffonne. D'abord la partie "pour que le Liban reste le pays de la liberté, de l’amour et de la paix". Quand est-ce que le Liban a pu se targuer de toutes ces qualités ? On dirait plus un slogan publicitaire que la description d'une réalité. Mais surtout, que "Dieu vienne en aide". Je ne connais pas personnellement le dieu dont il parle, mais s'il est aussi puissant et parfait qu'on le dit, à mon avis, dieu veut, mais il faut que les hommes fassent un peu quand même...

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Malheur arabe

J'aime lire l'Orient-le Jour, comme je l'ai déjà évoqué à de nombreuses reprises. Contrairement à de nombreuses publications francophones au Liban, je ne perds pas mon français en lisant ce quotidien, et j'apprécie son ouverture d'esprit et sa bonne tenue. En ce moment, L'Orient le Jour continue de paraître, malgré les bombes, le stress, le rationnement, la violence et avant ça, il était imprimé imperturbablement malgré les attentats contre les journalistes. Combien de quotidiens en Europe survivraient à tous ces malheurs, quand la presse s'écroule déjà en France pour des raisons économiques ?

Je prends toutes ces précautions aussi pour qu'on ne m'accuse pas d'attaquer L'Orient le jour, qui est devenu avec le temps une de mes références. Critiquer son journal, c'est lui témoigner son attachement, penser qu'il peut faire mieux, cela montre un lien presque d'amitié, un peu comme quand vous m'écrivez (poliment) dans les commentaires.

Aujourd'hui, je voudrais citer une phrase tirée de "Projet de vie, culture de mort", rédigé par Michel Hajji Georgiou :
...comment faire comprendre aussi à l’Occident qu’Israël est au cœur du malheur arabe, qu’il en a été le détonateur dès 1948, comme le prouve une fois de plus ce déferlement de manifestants, pourtant sunnites, dans les rues de Amman et du Caire, brandissant les portraits jaunis de Nasser avec ceux de Nasrallah ?

La tournure est habile, l'auteur ne dit pas qu'Israël est responsable du malheur arabe car le journaliste est intelligent et connait ses mots. Ce qui m'intéresse dans cette phrase, et dans le reste de l'article (où il cite abondamment Samir Kassir), c'est cette évocation du malheur arabe, comme si le monde arabe était le plus malheureux sur terre, et cherchait à en comprendre les raisons.

L'Afrique meurt, se déchire, est pillée et en plus tot le monde détourne les yeux. Combien de temps avant de parler d'un génocide au Ruanda ? Combien de centaines de morts ? Et le Darfour ? La situation est-elle réglée après tous les massacres ? Pourquoi n'évoque-t-on pas toutes ces guerres oubliées, avec des millions de réfugiés et le programme habituel des conflits ethniques, viols, pillages, tortures, destruction ? Pourquoi le monde arabe se voit-il comme le centre du monde ? A cause des religions ? Cette litanie entendue en permanence que les Américains veulent remodeler le Moyen-Orient à cause du pétrole. Y-en avait-il en Somalie, au Kosovo, sur les plages normandes ? Bien sûr, les Etats-Unis veulent sécuriser leurs investissements au Moyen-Orient, mais le monde arabe peut-il voir au-delà de son nombril et considérer les autres blocs régionaux ?

Hajji Georgiou note que « L’impuissance, incontestablement, est l’emblème du malheur arabe aujourd’hui », en évoquant Samir Kassir. Je trouve ces considérations de plus en plus indécentes. Je ne sais pas ce qu'est le malheur arabe, j'ai déjà du mal à identifier une nation arabe, tant les Libanais sont différents des Maghrébins, ou que les Jordaniens se distinguent des Séoudiens, et que Irakiens et Koweitiens ne font pas forcément bon ménage. L'indice de développement humain permet de constater que sur un planisphère, les pays les moins bien dotés de la planète ne sont pas arabes. Parler de "malheur arabe" implique que les Arabes sont incapables de prendre en main leur destinée (allez parler d'impuissance aux habitants du Bangladesh), qu'ils le refusent (Inch'llah) ou qu'ils sont le peuple le plus malheureux sur terre, ce qui devraient provoquer quelques crispations en Sierra Leone.

Alors est-ce bien le moment de critiquer la notion du "malheur arabe" en pleine guerre du Liban, où chacun devrait se serrer les coudes pour le bien de la paix au Moyen-Orient ? Oui, cent fois oui, parce qu'il faut rappeler aux Libanais qu'on ne subit pas son destin, on le choisit, et le processus d'infantilisation doit cesser. On entend en Occident quelques bonnes âmes considérer que certains peuples, en particulier arabes, ne sont pas prêts pour la démocratie. C'est ignoble de penser ce genre de choses, et c'est évidemment raciste. Il est temps de cesser de s'apitoyer, et de décider de l'avenir du Liban. Maintenant. Car au final, que se passera-t-il quand cette s'arrêtera, puisqu'elle s'arrêtera un jour ? Qu'est-ce qui fera que les mêmes causes ne pourront plus déclencher les mêmes effets ?

N'oublions pas le Liban, alors, mais aussi les autres, ceux qui souffrent aussi. Le malheur arabe n'est pas inévitable, et souffrir n'a jamais été la porte du paradis.

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23 juillet 2006

Je me souviens du Liban

Le Liban, c'était aussi Basmat Watan, qui avait fait rire avant que des hordes déchaînées ne hurlent au blasphème contre la personne sacrée de Hassan Nasrallah. Et on parle de coexistence pacifique entre les communautés au Liban... En tout cas, certains ont plus d'humour que d'autres.

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Est-ce que la vie va reprendre ?

Et va se poser la question suivante : vais-je être au chômage bientôt ? Je devais rentrer au Liban début août, fini les vacances en France, et là... Je ne sais pas quand le prochain avion pourra se poser au Liban, mais ce qui est sûr, c'est que je ne serai pas prioritaire, et je sens qu'il va falloir que je cherche du travail bientôt en France. Du jour au lendemain, la vie change du tout au tout, et pourtant je suis tellement chanceux par rapport à ceux qui restent bloqués au Liban, qui n'ont nulle part ailleurs où habiter.

En plus de la violence militaire terrible qui fait rage au Moyen-Orient, la violence verbale éclate partout, et je commence à saturer. Sur ce petit blog subjectif, on me fait procès de mes opinions, je n'attaquerais pas assez le Hezbollah, pas assez Israël, et même sur mon précédent post, j'aurais osé attaquer le Maître, alors qu'en lisant et relisant, je ne vois pas trace d'insultes, juste un peu d'ironie meurtrie. Les mots deviennent de plus en plus tranchants, on vous force à prendre position, on n'a plus le droit d'être observateur, il faut choisir son camp, s'embrigader et agresser celui d'en face. Je ne prétends ni à l'objectivité, ni à une attitude purement pacifiste, mais j'essaie de considérer les divers aspects de la situation, qui s'avère être d'une complexité effarante, qui prend en compte histoire, géographie, religion, économie, bref toutes les sciences humaines. Je suis toujours content de recevoir des commentaires, même si je ne suis pas d'accord, mais les injures haineuses, non. J'en viens à manier la censure de façon quasiment quotidienne, et j'ai du mal à le supporter.

Et avec tout ça, mon sort est tellement plus enviable que celui de mes proches qui doivent souffrir en silence au Liban, avec des perspectives d'avenir qui s'amenuisent. Tout cela était prévisible, le Liban pourrissait, tout le monde savait que ça ne pouvait pas durer, mais tout le monde se disait, ça passera comme d'habitude. Et ça a cassé. Et personne ne sait comment les choses vont se réparer.

Je me demande si moi je ne vais pas oublier le Liban.

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22 juillet 2006

Les joyeux commentateurs orientaux de France 3

France 3 devrait changer de fournisseur en commentateurs sur le Liban. Après la pitoyable prestation de la "journaliste" Scarlett Haddad, Soir 3 invitait Georges Corm, et le présentait comme expert en "géopolitique du Proche-Orient". Corm a été ministre des finances au Liban entre 1998 et 2000, donc on lui doit en partie la splendide dette de 40 milliards de dollars dont le pays peut s'enorgueillir. Evidemment, il a fallu que notre Georges national, consultant et économiste de renom, nous ressorte la fameuse légende que chacun apprécie tant au Liban : Israël est jaloux du modèle libanais, qui permet la coexistence entre sectes religieuses, et c'est pour ça que depuis 1950, l'Etat hébreu cherche à diviser son petit voisin paisible du Nord en plusieurs entités, une pour les chrétiens, une pour les druzes, une cuillerée pour papa, une pour maman... Corm ajoute que les Libanais constatent maintenant leur erreur d'avoir fêté le départ de la Syrie, car voilà ce qui arrive quand on force à partir un pays ami qui nous protégeait, et la résolution 1559 est bien scélérate. Quelques remarques :
  • Georges, la Syrie était présente quand Israël a envahi le Liban en 1982 ; elle n'a pas bougé un doigt pour défendre le Liban.
  • Georges, le "modèle communautaire" libanais n'existe pas. Comme aux Etats-Unis où le mythe du meltig pot se traduit par la réalité du salad bowl, les communautés libanaises se tolérent, mais ne se respectent pas. On en a eu la preuve en 1975. En fait, on en a la preuve tous les jours.
  • Georges, pro-syrien n'est pas une invective qui ne veut rien dire comme vous l'avez prétendu sur Soir 3. C'est une réalité, et pour avoir fait partie d'un gouvernement nommé par la Syrie, vous le savez très bien.
Pourquoi oeuvrer contre le Liban, Monsieur Corm ? Pourquoi vouloir faire éponger les fautes arabes par Israël ? Pourquoi répandre des mensonges sur le soi-disant désir d'Israël de diviser le Liban ? Votre thèse ne tient pas : vous ne pouvez pas dire qu'Israël travaille à la division des Libanais, puis que les attaques contre le Hezbollah soude la population contre l'ennemi sioniste. Il faut choisir une théorie, et là, c'est le Da Vinci Code que vous nous avez servi. Les Italiens disent "Vergogna". Moi, j'aimerais comprendre comment on peut en arriver à travailler contre son pays et à en être fier.

Pour les autres, s'il vous plaît, n'oubliez pas le Liban. Déjà, on sent imperceptiblement que, tel un mari volage, l'opinion publique flaire d'autres aventures que la Libanaise, qui sauront plus l'exciter durant l'été.

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Justice et injustices

Comme prévu, la routine s'installe et ce sera une guerre de tranchées, toujours plus longue que ce que les généraux prévoient. Je commence à accueillir quelques"réfugiés" qui n'ont pas de pied-à-terre à Paris et la plupart ne pensent pas pouvoir revenir à Beyrouth de sitôt. Au Liban, plusieurs amis français pestent contre les double-passeports qui ont été évacués avant eux, alors qu'on les laisse en plan quand leur seule nationalité est la française. Mais comment l'ambassade de France pourrait-elle mettre une priorité pour ceux qui n'ont que le passeport français sans encourir les foudres de la rumeur, déjà présente sur les méthodes d'évacuation ? Le piston, cette belle mécanique libanaise, fonctionne donc à plein même en ces temps de crise, et mieux vaut connaître du monde et avoir plusieurs nationalités qu'être simple français. Les chiffres qu'on nous donne en milliers sur l'évacuation concerne en immense majorité des Libanais ayant reçu une nationalité supplémentaire pendant la guerre de 1975-1990. Les Libanais qui ne possèdent qu'un seul passeport sont condamnés à rester, quoi qu'il arrive. Ma meilleure amie m'a avoué que le seul moyen pour elle de dormir à Beyrouth avec les bombardements et le stress restait de se soûler, elle qui ne boit quasiment jamais et toujours avec modération.

Il existerait pourtant un droit de la guerre, ce que je découvre en lisant un article du Monde consacré à Louise Arbour, Haut commissaire de l'ONU aux droits de l'homme, qui lance un appel aux parties du conflit au Liban. Cela paraît assez surréaliste, mais il y aurait certaines règles à respecter dans un guerre, notamment "le principe de proportionnalité", Mme Arbour précisant que "le droit de la guerre autorise des destructions d'objets de nature civile, tels des ponts, mais à la condition que ceux-ci revêtent une dimension militaire indiscutable, et que cela n'affecte pas des besoins importants de la population. Ce qui n'est pas le cas, ajoute-t-elle, "dans le cas de destructions de centrales électriques, par exemple"."

Donc, à l'avenir, on pourrait estimer que des généraux ont commis des actes illégaux en bombardant tel pont, mais que pour tel autre, faisant partie de ceux qui "revêtent une dimension militaire indiscutable", ce sera OK. Il y aura même une espèce de permis à points pour les généraux, et quand ils n'auront plus d'unités sur leur laissez-tuer, ils devront passer un examen pour avoir le droit de refaire la guerre.

Pendant ce temps, le Hezbollah plastronne et continue sa propagande, notamment avec Al Manar. Il apparaît certain que si la guerre s'enlise, le Hezbollah sera le grand vainqueur même s'il a provoqué les hostilités. Dans un conflit médiatique, celui qui remporte l'opinion publique n'est pas celui qui a raison, mais celui qui apparaît comme la victime. Rappelons-nous le conflit des Balkans, où les Serbes sont apparus comme des bourreaux (ils n'étaient pas des anges) alors que pour les Croates, le mot "Oustachi" ne revenait jamais en mémoire ou dans la bouche des journalistes...

Heureusement, le Hezbollah n'abuse pas tout le monde, et je suis un peu étonné mais aussi très content de l'édito de Philippe Val, dans Charlie Hebdo cette semaine. Je vous livre une partie de sa réflexion consacrée à la guerre du Liban :

Le leader chiite Nasrallah est un héros au sourire si doux. Il vient juste de foutre le feu à la région, mais évidemment c'est la faute d'Israël. Israël n'est jamais agressé. Israël n'est jamais en danger. Israël a toujours tort. La cruauté ontologique de l'Israélien, au fond, est rassurante. Elle permet de mesurer à quel point on est du côté du bien, de la générosité, de l'irréprochable .Vous voulez qu'on vous trouve sympa et militant d'une gauche couillue et courageuse, portez un tee-shirt du Hamas à Paris-Plage.

Etonnant, venant d'un journal qui s'est toujours proclamé à gauche, la vraie gauche. Mais en même temps, Charlie Hebdo est l'un des rares journaux français à ne pas vivre de la pub, et à posséder des avis divergents dans ses colonnes entre rédacteurs. Siné évidemment vomit les Israéliens, mais Philippe Val, en plus de posséder une bonne plume, arrive à voir la situation autrement que par le prisme du "faible qui a toujours raison contre le fort". Je ne résiste pas à recopier la fin de l'édito :

Que l'on critique les décisions du gouvernement israélien, qu'on juge les ripostes excessives ou non, c'est une chose. Et qu'on se donne au moins la peine de rappeler que le camp adverse - en l'occurence le Hezbollah et sa jonction avec le Hamas - a aussi quelques responsabilités dans l'histoire. Pour les ambitions du Hezbollah - à savoir, fédérer pour le compte de l'Iran une grande force panislamiste - une paix entre Israéliens et Palestiniens serait une catastrophe. Ils font donc tout pour qu'une guerre fédératrice éclate, pendant laquelle l'Iran se hâtera d'achever son projet nucléaire Qu'on parle de la réalité, au lieu d'en taire sans cesse la moitié. A moins d'annoncer la couleur et d'avouer qu'on travaille dans un organe de propagande. Ce qui n'est pas le cas de Charlie.

La fin est un peu démago, je ne sais pas qui il vise quand il parle d'organe de propagande en se drapant dans la dignité de Chralie, mais je suis content qu'en France, on reconnaisse pour beaucoup de médias la responsabilité du Hezbollah. Mais les barbus vous diront que c'est à cause du lobby juif...

Alors même si la lutte sera longue, n'oubliez pas le Liban.
S'il vous plaît.

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21 juillet 2006

Nouvelle

Il y a six mois, j'ai fait un rêve étrange et dérangeant. Tellement pénétrant que quand je me suis réveillé, je l'ai couché par écrit pour m'en souvenir, et aussi parce que ce rêve ne ressemblait pas aux autres. Aujourd'hui, il me semble prendre une signification. Je vous laisse juge, soyez indulgents.

Je suis dans ma voiture, vraisemblablement sur l’autoroute, je pense que je reviens de Tripoli depuis le Nord. J’ai hâte de rentrer chez moi. Au bout d’un moment, je commence à voir de plus en plus de gens qui marchent, l’air désemparé. Traverser l’autoroute ne pose pas de problèmes pour certains et c’est un spectacle qu’on a l’habitude de voir, mais là, ils marchent carrément sur les voies. Je ne m’en inquiète pas. Je continue ma route, et je commence à voir des voitures qui sont arrêtées et je dois faire des virages pour les éviter. Des voitures qui s’arrêtent sur la voie ou même qui font marche arrière, j’en ai vu beaucoup sur l’autoroute, mais là, ils commencent à y en avoir beaucoup, et de plus en plus de gens aussi qui marchent entre les voitures. Au bout d’un moment, je suis obligé de ralentir pour rouler au pas, puis la masse des véhicules arrêtés et des marcheurs m’obligent à m’arrêter. Je ne peux plus continuer en voiture. Et surtout, je n’ai pas trouvé la moindre sortie pour retourner vers Beyrouth alors que je me souviens avoir roulé pendant des heures.

Je gare ma voiture n’importe où, sans même essayer de me rappeler où elle est pour la récupérer plus tard. Je commence à suivre le flot des marcheurs, qui fait au moins plusieurs milliers de personnes. Pas une parole n’est prononcée, nous cheminons vers le même objectif sans même savoir ce que c’est. Nous avançons, et c’est tout. Personne n’a l’air inquiet, énervé ou même vaguement curieux. Ça ne colle pas avec la mentalité libanaise. Suis-je bien au Liban ?
Nous arrivons à un portail qui ressemble à une entrée d’aéroport. Des policiers bien équipés nous canalisent à l’entrée, toujours sans dire un mot. Je commence à avoir un peu conscience de ce qui se passe mais je continue d’avancer. Je passe le portail et me retrouve dans un hangar. Nous sommes des milliers massés dans cet endroit. Au bout du hangar, deux grandes portes. La plupart de mes compagnons d’incertitude sont conviés à emprunter la porte de droite. Seuls quelques-uns prennent la gauche. Petit à petit, nous progressons vers une des deux portes. De temps en temps, la porte de gauche s’ouvre pour avaler quelques personnes, mais c’est la porte de droite qui sert le plus.

Mon tour arrive. Un policier me regarde rapidement, et m’indique la porte de droite. Je ne sais pas quoi faire. Je ne suis pas dans mon pays, je n’ose pas protester. J’avance lentement vers la porte de droite, quand soudain, je me retourne, et je brandis mon passeport en hurlant :
Attendez, je suis européen ! Je suis européen ! Regardez !

Une femme policier s’avance vers moi, examine mon passeport, me souris et m’invite à la suivre. Nous nous dirigeons vers la porte de gauche, que nous traversons. Dehors, il fait nuit et nous nous retrouvons à un carrefour boueux. La policière, qui se révèle très jolie avec ses cheveux clairs et ses yeux bleus, me demande de choisir quelle direction je veux emprunter.
Gauche ou droite ? Mon instinct me dit d’aller à droite, alors je vais prendre à gauche.
Elle sourit. Je ne sais pas quelle est sa fonction encore, si elle est un bourreau ou si son devoir est d’aider l’humanité, mais son sourire me rassure avant qu’elle prenne la parole.
"Vous avez pris la bonne décision, vous seriez mort si vous aviez pris la droite".

Je suis glacé d’effroi. Avant même de pouvoir lui demander pourquoi je serais mort, j’ai descendu un petit couloir qui mène à un parking. De nombreuses voitures vrombissent et sortent en trombe dans la direction opposée. Je comence à trottiner pour trouver un véhicule qui pourrait m’accueillir ou au moins m’expliquer ce qui se passe. Il s’avère que ce sont des taxis, tous pleins, qui ricanent lorsque j’essaie de les arrêter. Il semble que j’ai échappé à la mort par deux fois, mais je dois encore réussir cette épreuve si je tiens à rester en vie. Il n’y a plus une voiture de libre sur ce parking. J’en avise une qui commence à quitter les lieux. Le conducteur me dit que les ceintures de sécurité sont cassées, mais au Liban, personne ne s’en harnache. Des réflexes inattendus me viennent en aide, comme quand j’ai brandi mon passeport. Je dis au chauffeur que s’il me libère une place, je lui donnerai 500 000 Livres. J’ajoute que les autres passagers ne le paient pas, alors que je suis certainement plus intéressant. Le chauffeur me demande ma parole que je le paierai, et dans ma tête je fais un rapide calcul : oui, il a ma parole, je vais vider mes comptes et lui donner l’argent. C’est promis.

Derrière lui, ses passagers sont des jeunes, des étudiants peut-être. L’un d’entre eux n’a pas cessé de ricaner devant mon infortune. Manque de chance, c’est lui que le chauffeur choisit pour rester sur le parking. Il l’agrippe par le col, et le jette hors de la voiture. Le garçon est interloqué, vexé, prêt à pleurer. Il reste dehors, à grelotter, en nous regardant sans comprendre. Non seulement je ne l’aide pas, mais en plus je l’injurie pour s’être moqué de moi auparavant. Nous démarrons en trombe, laissant l’étudiant seul sur le parking, attendant l’inconnu et sûrement sa propre fin.

Sur la route, le chauffeur de taxi salue des gens à de nombreuses reprises. Je m’aperçois qu’il s’agit de milliers de soldats, habillés comme des miliciens, qui encadrent la route, mais placés sur des hauteurs. Quelque chose se prépare. Le soleil est revenu, chassant les nuages ou était-ce la nuit qui est brisée par le lever du soleil. Le chauffeur est très amical avec les soldats, qui lui répondent gaiement en retour. Les voitures ont disparu de la route, peut-être est-ce une autre route, je ne sais pas mais j’ai l’impression que le conducteur du taxi nous emmène dans le sens inverse que j’avais pris. Au bout d’une heure, tout le monde semble assez joyeux dans la voiture. Nous stoppons en plein milieu de la route. Nous descendons et des soldats nous font signe de passer de l’autre côté de la haute barrière en fil de fer sur la gauche de la route. Un de mes camarades de taxi commence à me poser des questions. Qu’est ce que je fais ici ? Est-ce que je suis un scientifique ? Oui, je suis un scientifique. J’ai l’impression d’être beaucoup plus vieux. Je perds ma chaussure, un soulier sans semelle en nubuck beige que j’ai acheté cet été. Je n’arrive pas à le remettre à mon pied qui arbore une grosse chaussette de laine. Pourquoi avoir mis des chaussures d’été avec des chaussettes aussi chaudes ? Je ne sais pas, le soleil est chaud, et nous montons un petit escalier en bois pour franchir la barrière. De l’autre côté, je pourrai rentrer chez moi, et échapper à ce cauchemar.

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Guerre des mots

Les mots ont leur importance durant ce conflit, et on s'achemine de plus en plus vers une guerre mondiale de l'information. Témoin, dans le quotidien Le Monde, cette dépêche en apparence anodine qui exprime le soutien du peuple algérien au peuple libanais :

Le chef du gouvernement algérien, Abdelaziz Belkhadem, a exprimé jeudi la "solidarité du peuple algérien envers le peuple libanais", lors d'un entretien téléphonique avec le Premier ministre libanais, Fouad Siniora.
M. Belkhadem a exprimé à son homologue "les sentiments de solidarité du peuple algérien envers le peuple libanais, en ces douloureuses circonstances", indique un communiqué des services du chef du gouvernement.

Jusque-là, ça va, d'autant que l'Algérie va envoyer des secours au Liban, 15 médecins, mais aussi 60 tonnes de produits alimentaires, une tonne de médicaments, 300 tentes, 2.000 couvertures et des groupes électrogènes qui transiteront par Damas. C'est un geste apprécié, et l'Algérie doit être remercié pour ce geste. Mais il y a un discours derrière ces secours, comme pour l'aide iranienne :

"Nous sommes prêts à envoyer d'autres aides jusqu'à ce que le Liban qui vit une guerre génocidaire retrouve sa quiétude et sa sérénité", a déclaré, à l'occasion du départ de cette aide, le ministre algérien de l'emploi et de la solidarité nationale, Djamel Ould Abbès, cité par l'agence de presse algérienne APS.

Peut-être que la traduction n'était pas très bonne, mais le mot génocidaire est fort, trop fort par rapport à ce qui se passe en ce moment au Liban. Contre Israël, employer des mots connotés nazis n'est jamais innocent. La mécanique de propagande pour qualifier Israël d'Etat raciste et génocidaire, afin de blesser encore plus les juifs survivants de l'holocauste, ne connaît jamais de répit. Et à force de le répéter en permanence, certains finissent par le croire et oublier qu'en matière de démocratie, Israël n'a pas de conseils à recevoir de l'Algérie, et la liste des dictatures est longue dans les pays arabo-musulmans. Cela n'excuse pas cette agression, mais je reste dégoûté de ce racisme latent qu'est l'antisémitisme.

Merci à l'Algérie quand même.

N'oubliez pas le Liban.

S'il vous plaît.

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20 juillet 2006

Monsieur Plantu


On s'était rencontrés quand vous étiez venus à Beyrouth en 2000. On avait bu des coups, et j'avais été surpris de votre bonne connaissance de la politique dans la région. J'espère donc que vous ne m'en voudrez pas de reproduire ici un de vos dessins, parce qu'une fois de plus, il résume très bien la situation. Merci de votre compréhension, et surtout merci de vos talents d'observateur.

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Leçons 3

Comme je le craignais, l'attention des médias commence à se lasser du Liban. Sur LCI, il a fallu attendre quelque minutes, le temps de raconter les malheurs du hooligan Z i d a n e, puis la canicule en France, suivi des nouvelles de l'ours dans les Pyrénées, pour parler du Liban et de l'opération de communication du Hezbollah à Beyrouth. Comprenant qu'il est important de se gagner les faveurs des médias, quelques journalistes étaient conviés à une visite guidée des ruines de Beyrouth, afin de montrer la barbarie israélienne. Evidemment, ça et là, on pouvait trouver des jouets d'enfants, émouvants témoignages de la vie détruite dans cette guerre ignoble. Le Hezbollah a compris depuis longtemps l'importance de la propagande, notamment grâc à sa chaîne Al Manar, toujours interdite en France notamment, et entend convaincre le monde qu'il ne fait que se défendre et qu'il préfère la paix. Mais avant, le Hezb veut mettre les juifs à la mer. Pourquoi ? Je n'ai toujours pas compris pourquoi, mais je ne pense pas que le racisme ait une quelconque rationalité. Par la suite, le Hezbollah a montré son vrai visage en enlevant deux journalistes étrangers, accusés d'espionnage. Tout son bon travail de relations publiques en a pris un coup soudainement.

Pour beaucoup la guerre passe par la communication. J'ai eu la surprise de tomber sur ce site, où l'on explique comment diffuser la version de la guerre des partisans du Général Aoun, leader du Courant Patriotique Libre, allié électoral du Hezbollah. Un membre du forum, nommé "Bullet Magnet" (ça sent l'adolescent fan de jeu vidéo où on tue des monstres), sous titré "Genocide by the Genocided", arbore un "avatar", une représentation fantasmatique censé le définir, où on reconnaît Ehud Olmert, déguisé en superman, avec l'étoile de David en logo, et en légende "Hitler returns". Que du bon goût, de l'intelligence pure, le tout coordonné avec la leçon de propagande qui suit :

Dudettes and Dudes,
Here is a first project. Let's:
a) establish a list of US / Israeli / Lebanese blogs that attract serious traffic.
b) monitor thems and share our exeperience with them.
Let's tell our side of the story.Here is a preliminary list of blogs (*** means high traffic). Please PM/email anymore you want to add or ones that you are ready to monitor.

Je me retrouve dans la liste, mais je n'ai pas droit aux trois étoiles symboles de trafic fort, à moins que ce ne soit un code pour "amitiés super sionistes". Notre apprenti Goebbels conclut :

The Disciplines of Dialogue:
Listen
Suspend certainty
Slow down inquiry
Hold the space for differences
Speak from awareness

La guerre du Liban, qui déserte donc ls médias de masse, va s'amplifier sur Internet, et les blogs seront autant de mini-champs de bataille. Je ne vais pas me lancer dans la surenchère, et je vais manier la censure pour ne pas avoir à servir les intérêts de qui que ce soit, sauf de ceux qui souffrent dans ce conflit.

N'oubliez pas le Liban.
S'il vous plaît.

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Leçons 2

J'ai discuté ce matin avec un journaliste de France Info. Notre court entretien serait diffusé aujourd'hui après 17h sur la radio d'infos en continu.

J'espère que je n'ai pas trop dit d'absurdités. Quand je vois les réactions sur ce blog pour un mot, les critiques qui fusent quand on ne s'entend pas sur une définition, je n'ose pas penser aux confusions qui peuvent naître après un entretien de cinq minutes à la radio, qui durera 30 secondes après montage. J'ai déjà fait des interviews, mais jamais sur un sujet aussi sensible et important. Je vous laisse juge, si vous captez France Info. Vous pouvez critiquer ici.

Mais je voulais utiliser le titre "Leçons" une deuxième fois pour évoquer la vie au Liban pendant la guerre de 1974-1990 telle que l'on me l'a raconté. Je ne sais pas si vous vous en rendez compte, mais les Libanais qui sont restés dans leur pays ont du continuer à vivre, à étudier, à sortir, à travailler pendant que les bombes peuvaient de tous les côtés, que les alliances changeaient littéralement au jour le jour, et que les voisins d'hier devenaient les ennemis d'aujourd'hui. Malgré toute cette pression, ce danger de mort permanent, les jeunes Libanais qui sont nés avec la guerre ont reçu une éducation supérieure de grande qualité, et sont très recherchés comme professionnels dans le monde arabe, mais aussi en Occident.

Je suis très impressionné par cette obstination de vie. Quand j'ai fait mes études, on trouvait qu'on avait la vie dure parce qu'il fallait se lever tôt et réviser pour les exams. Au Liban, c'était plutôt pénurie d'eau, d'électricité (ça, ça a pas trop changé), routes défoncées par les obus, contrôles des milices à tous les carrefours, alertes à la bombe, profs qui venaient pas parce qu'ils avaient été kidnappés ou pire (le rêve des étudiants français), bref, un vrai parcours du combattant.

C'est une leçon pour moi que cette faculté de vivre, et pas seulement survivre, que les Libanais ont manifesté durant la guerre de 1975-1990. La guerre recommence aujourd'hui, pour des raisons similaires, et je suis un peu rassuré pour mes proches quand je repense à leurs exploits précédents. Je pense beaucoup à eux, je m'inquiète, mais en même temps, je sais qu'ils ont ces formidables réflexes d'adaptation aux situations extrêmes.

Pour autant, il faut que le conflit s'arrête vite. D'abord parce que la population souffre, et souffrira de plus en plus. Ensuite, parce que comme je le martèle, les médias et l'opinion publique se fatigueront vite d'un conflit auquel ils ne comprennent finalement pas grand chose. Et comment les blâmer, devant la complexité des enjeux, qui dépasse ce petit pays et ces habitants.

Malgré tout, n'oubliez pas le Liban.
S'il vous paît.

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Leçons

Si écrire ce blog depuis quatre ans m'a appris une chose, c'est que les mêmes mots vont évoquer des significations très différentes en fonction des lecteurs. Hier soir, assez épuisé, j'écris un plaidoyer pour le Liban, mais aussi pour Israël, Gaza, l'Afghanisatn, etc. En réponse, dans un de mes commentaires, on me répond que Gaza n'est pas un pays...

...

Qu'est ce que vous voulez que je réponde à ça ? Que je n'ai jamais dit que c'était un pays, que je dis juste qu'il faut y penser comme à tous ceux qui souffrent y compris les Israéliens, que justement ce n'est pas un pays, c'est peut-être là le problème...

Je ne réponds rien, je suis juste choqué parce que je n'avais pas envisagé ce genre d'objection à mon post.

Une autre guerre se déroule sur Internet, avec des sites web hackés, des blogs qui vocifèrent pour chaque camp, des vengeurs qui interviennent dans les commentaires pour rétablir la vérité ou juste émettre une idée raciste. La propagande reprend ses droits comme durant toutes les guerres : il s'agit de convaincre ceux qui ne le sont pas encore du bien-fondé de sa position pour gagner l'opinion publique.

Un commentateur me dit qu'Israël veut juste de l'air. Je plaide depuis des années au Liban pour la même chose : foutez la paix aux juifs, aux Israéliens, arrêtez de rejeter la faute sur eux en permanence comme des générations de connards l'ont fait dans pratiquement tous les pays du monde. Je ne dis pas d'aimer les Israéliens, les juifs ou les Américains, eux aussi détestés au Moyen-Orient et accusés de tous es maux des Arabes, je dis d'apprendre à les connaître, soit pour mieux les combattre, soit pour s'apercevoir que finalement l'ennemi n'était pas celui qu'on croit.

Et malgré cela, ceux qui me corrigent le plus et m'adressent le plus de commentaires désolbligeants pour le moins se situent tous dans le camp israélien. Alors que les Libanais sont prêts à admettre que le problème, ce n'est pas la population israélienne lorsqu'on en discute sérieusement, une majorité d'Israéliens, qui m'envoie des mails ou commentent, entend me montrer la réalité, me reproche chaque mot (Gaza n'est pas un pays... j'aurais atteint les limites de l'entendement humain), et voudrais finalement que je sois dans mon rôle, celui de défendre le Hezbollah, ce que je ne ferai jamais. Peut-être est-ce cela qui les trouble : chacun devrait être à sa place, lesIsraéliens contre le Hezbollah, et les Libanais (dont moi, il semble, bien que je n'ai même pas la nationalité après toutes ces années) contre les juifs.

Je me rends compte que ceux qui agissent dans ls forums et les commentaires ne représentent pas toute la population, et que c'est la peur qui fait surréagir tout le monde. Mais, s'il vous plaît, avant de me critiquer (ce que vous avez le droit et même le devoir, c'est pour ça que j'ai mis des comments et une boîte verte) avant de lire ce que je dis. Pas ce que vous voudriez lire, mais ce que j'écris. Si vous voulez, je le résume : dans ce conflit, je suis d'abord pour le Liban, puis pour le droit d'Israël de défendre son existence et enfin contre le Hezbollah qui représente un danger majeur.

C'est plus clair ? J'avais pourtant écrit une petite synthèse "War in Lebanon for Dummies", mais visiblement, c'était un peu long. Là, ma position fait deux lignes, donc elle est forcément grossière, mais par pitié, pas la peine de me dire que Gaza n'est pas un pays. Je le sais. Hélas.

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La roue de la mort

Cent civils meurent chaque jour en Irak. Selon un rapport de l'ONU, au moins 5 818 civils ont été tués et 5 672 blessés en mai en juin. "Le nombre de civils tués continue de croître, affirme le rapport. Les assassinats, les enlèvements et la torture demeurent fréquents."

Depuis le début de l'année, 14 338 civils sont morts. Par ailleurs, le ministère de la santé irakien a recensé depuis 2003 "50 000 morts violentes", un chiffre "probablement en dessous de la réalité".


Il existe visiblement une volonté de détruire l'Irak. Qui s'en préoccupe ? Pas moi, je suis comme tout le monde, je suis concentré sur le Liban parce que j'y ai des attaches très fortes. Dans une semaine, je serai encore focalisé sur le Liban, et 700 personnes seront mortes en Irak. Et l'opinion publique mondiale ? Elle sera ailleurs, c'est l'été, les vacances, la farniente, on coupe la télé, on éteint la radio, on achète "Marianne" ou "Paris Match" pour ne pas trop réfléchir. Je comprends tout ça. Heureusement qu'on a cette merveilleuse capacité d'oublier l'horreur, sinon on vivrait pas longtemps. Mais quand même, essayons de faire quelque chose pour le monde qui nous entoure. Quoi, je ne sais pas. Au moins, ne pas trop oublier les autres.

N'oublions pas le Liban, l'Irak, Gaza, Israël, l'Indonésie, l'Afghanistan et tous les pays où l'on souffre.
Mettons-le nous dans la tête à la place des aventures de Sarkozy et Ségolène (pour les Français, les autres, je ne sais pas ce qui vous divertit en ce moment)
Au lieu de s'insulter sur les blogs, essayons de dialoguer, de réfléchir ensemble à des actions communes, non partisanes, qui pourraient changer les choses.
Je sais, ça paraît naïf, j'ai du mal à croire que j'écris ce genre de propos. Mais la panique s'empare de moi quand je pense à ce qui se passe dans le monde, et la guerre au Liban accélère la prise de conscience.
Aidez-moi à aider les autres.
S'il vous plaît.

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Pompier pyromane

Pendant que la désinformation sur le thème de "Israël veut détruire le Liban, pas le Hezbollah" bat son plein, voilà le genre de gags qu'on peut trouver sur Islamic Republic News Agency, le site de propagande officiel de l'Iran.

Tehran, July 19, IRNA
Iran-Red Crescent-Lebanon The first aid shipment of Iran's Red Crescent Society (IRCS) including 3.5 tons of medicine and medical equipment was sent to Lebanon Wednesday.
According to the report of IRCS Public Relations office, considering the basic needs of injured Palestinians and Lebanese to medicine, medical equipment and relief, IRCS has dispatched its first consignment of aid items to the region.
Hundreds of civilians have been killed or injured by the barbaric attacks of the Zionist regime to people in Lebanon and Palestine during the past week.


Nous Iran, nous fournissons les armes au Hezbollah pour qu'il provoque la guerre, nous le soutenons diplomatiquement, puis nous envoyons des médicaments (tiens, exactement ce qui manque au Liban) pour apparaître comme les sauveurs. Youpi ! Quel bon plan ! Gloire à Khamenei le valeureux ! Et on ira tous au paradis ! Et un éléphant ça trompe énormément !

Avant, je me disais que ce genre de grosses ficelles feraient rire les Libanais, habitués à décoder les manipulations des fous de Dieu. Maintenant, je commence à en douter quand je lis ça, avec ses photos d'enfants tués et la légende "Israël, tueur d'enfants ! Sont-ils des combattants du Hezbollah ?". Car c'est bien connu que le Hezbollah, lui, possède des missiles qui ne tuent que les adultes juifs qui ont voté pour Kadima. (A l'attention des pro-Israël forcenés qui laissent des trolls : la phrase précédente contient de l'ironie).

La guerre fait perdre la tête à tout le monde. Il est temps qu'elle s'arrête.

N'oubliez pas le Liban.
S'il vous plaît.

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19 juillet 2006

Des nouvelles du pays

Enfin ! j'ai pu joindre mes proches au Liban. Ils tiennent bon, habitués à la guerre de 1975-1990, ils reprennent les bons vieux réflexes de survie. Il faudrait tout de même que ça ne dure pas trop longtemps, déjà les malades et les personnes âgées commencent à manquer de médicaments. Il paraîtrait que la nourriture et l'eau ne pose pas trop de problèmes, bien que l'inflation ait multiplié les prix. Courage.

D'un point de vue politique, j'avais peur qu'eux aussi fassent comme les bloggers que je suis régulièrement par openlebanon : certains se radicalisent nettement, en général ceux qui assistent impuissants aux événements depuis l'étranger. L'un d'eux expliquait même que maitenant, ils comprenaient les terroristes et ne verrait pas d'inconvénient à en devenir un. Mais il était à NYC, et c'est certainement la rage d'être éloigné de ses proches qui le faisait éructer. Les Libanais qui sont restés au pays savent que ceux qui les ont entraînés malgré eux dans cette catastrophe sont tranquillement à savourer le spectacle, à Damas, à Téhéran, et dans les bunkers du Hezbollah.

Ce qui m'inquiète le plus, quand les canons se seront tus, ce sont les réglements de comptes. Ils risquent d'être brutaux. J'espère que d'ici là, l'ONU et ses éminents membres permanents auront pris la seule décision qui s'impose : envoyer une vraie force d'interposition, qui remplacera notre pauvre FINUL qui se fait canarder des deux côtés.

N'oubliez pas le Liban.
S'il vous plaît.

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Tous responsables

Imaginez qu’on vous annonce que vous avez un cancer du poumon, et que vous n’en avez plus que pour quelques mois à vivre. Vers qui allez-vous vous tourner ? Qui est responsable ? Qui doit payer pour votre malheur ? Le médecin qui vous annonce la maladie ? Le chirurgien qui s’avoue impuissant devant l’avancée du cancer ? Les fabricants de cigarettes que vous avez fumées pendant des années ? Les publicitaires qui vous les font désirer ? Ou bien vous, parce que au final, vous auriez pu agir différemment ?

Tout le monde peut assumer une certaine part de responsabilité au final. Dans la vie, c’est comme ça : il n’y a jamais un seul coupable et c’est un travail complexe de justice que de définir les responsabilités.

Aujourd’hui, le Liban est attaqué par l’armée israélienne parce que celle-ci estime que le Hezbollah représente un danger mortel qui ne peut pas continuer à menacer l’intégrité du pays. Il faut trouver un coupable pour chaque camp, et chacun doit haïr l’autre en lui rejetant la faute. Mais les choses ne sont pas si simples, car au Moyen-Orient, nous sommes tous responsables de ce qui se produit en ce moment, qui n’est pas la destruction systématique du Liban comme certains veulent le faire craindre, mais qui va laisser un pays déjà meurtri dans une situation dont il risque de ne pas se relever. Et ce, pour la plus grande joie de ses vrais ennemis, la Syrie et l’Iran, bien sûr, mais aussi bien d’autres qui n’ont jamais aimé l’idée d’un Liban aussi prospère et libre.
  • Les Etats-Unis sont responsables, car dans le but de sécuriser leur approvisionnement en hydrocarbures, ils ont porté le fer dans des pays qui n’avaient pas suffisamment de culture démocratique pour profiter d’un changement de dirigeant. Peut-être parce qu’ils sont le fruit de révolutions, les Américains comme les Français, n’ont pas encore intégré le fait qu’on ne pouvait pas exporter la liberté par la force. Et ils sont responsables, en dernier point, parce qu’ils sont les seuls à avoir les moyens de mettre fin au conflit et qu’ils ne le font pas.
  • La France est responsable, car elle a trop longtemps tergiversé sur le Liban : Chirac à l’enterrement de Hafez el Assad, seul chef d’Etat majeur à assister aux obsèques d’un dictateur infâme, quel symbole pour le Liban ! Soi-disant mère du Liban, elle a toujours considéré son ancien mandat comme une alternative à Israël pour sa politique arabe, et n’a pas su l’aider dans les moments difficiles, bien qu’en tandem avec les USA, elle a poussé la Syrie à se retirer. La France, comme les Etats-Unis n’ont pas su continuer un bon travail de diplomatie conduisant à la souveraineté libanaise.
  • La Grande-Bretagne est responsable, car elle s’est débrouillée pour laisser des bombes à retardement dans tous les pays qu’elle a colonisé. Son comportement en Palestine, promettant un territoire aux juifs tout en essayant de ne pas ménager les Arabes a conduit à créer des camps de concentration à Chypre et une apparence de non-légitimité pour Israël qui a conforté les pays arabes dans leur désir d’exterminer la nation naissante.
  • La Syrie est responsable car, depuis des décennies, elle entretient les rivalités dans la région pour mieux assumer son rôle d’intermédiaire obligatoire. « Pas de guerre sans l’Egypte, pas de paix sans la Syrie », dit le proverbe diplomatique. La Syrie n’a jamais accepté la paix, à la manière d’une Angleterre du XIXe siècle, elle s’est débrouillée pour contrôler les alliances et affaiblir ses éventuels rivaux. Surtout, la Syrie n’a jamais accepté l’existence d’un Liban indépendant, et bien portant. Elle l’a saigné pendant trente ans, et aurait promis à Hariri de détruire le Liban si elle était amenée à retirer ses troupes de son petit voisin, tout en prétendant être seule garante de la stabilité régionale.
  • Les pays arabes sont responsables d’exporter leurs problèmes vers le Liban, de l’avoir encouragé à agresser Israël en 1948 alors qu’il possédait l’une des positions les plus fragiles des cinq pays alliés et de prétendre entretenir des rapports de fraternité entre eux tout en s’attaquant mutuellement dans le seul but de préserver leurs tyrans.
    L’Iran est responsable pour avoir établi un régime mortifère sur son territoire, et pour tenter maintenant de l’exporter au Liban en finançant, conseillant et soutenant diplomatiquement son extension extrémiste, le Hezbollah.
  • Israël est responsable pour n’avoir pas dialogué avec le régime libanais et tenté de soutenir un gouvernement dont la volonté de désarmer les milices a été constante mais dont les capacités n’ont jamais été à la mesure de la tâche.
  • L’ONU est responsable de ne pas avoir envoyé une véritable force d’interposition pour aider Israël à affirmer son existence face à ses voisins. L’ONU aurait également du procéder à une réforme de son fonctionnement, pour arrêter cette règle inepte du véto, et mieux tenir compte des nouveaux rapports de force dans le monde d’aujourd’hui, où les cinq vainqueurs de la Seconde guerre mondiale n’occupe plus la même position qu’il y a soixante ans.
  • Le Liban enfin est responsable d’avoir laissé planer l’idée qu’il puisse y avoir deux forces armées coexistant dans le même pays. Même si désarmer Hezbollah représente une tâche difficile et périlleuse, le Liban aurait du demander de ses dirigeants le courage de résoudre le problème Hezbollah qui lui, est irresponsable.

Je pourrais ajouter la Chine et ses ambitions de puissance dans la région, la Russie et son double langage (détruire les terroristes tchéchènes mais tolérer les autres), les Palestiniens qui ont choisi le parti le plus suicidaire qui soit…

Mais je conclus, nous sommes tous responsables, pas la peine de se rejeter la faute, l’important maintenant c’est d’arrêter le conflit, et trouver des solutions de coexistence. Tous les morts ont la même importance, qu’ils soient israéliens, libanais ou indonésiens. La différence avec le tsunami en Indonésie, c’est qu’on peut faire quelque chose pour éviter les victimes qui vont s’accumuler. Je pense que cela réclame également de repenser les rapports entre les pays riches dominants et les pays pauvres de plus en plus dominés, car un jour, toute cette violence ne sera plus confinée au Moyen-Orient. Le 11 septembre 2001 n’était qu’un modeste prélude de ce qui pourrait se passer si on continue de détourner le regard sur les affres du Moyen-Orient, ou trouver des solutions à court terme, comme envoyer Villepin montrer son brushing à des gens qui ne votent pas pour lui.


C’est notre intérêt, surtout à nous, ressortissants des pays riches, de réagir pour changer quelque chose. Je suis dans le train au moment où j’écris, et chacun mène sa vie paisible, lisant, bavardant, dormant tranquillement. J’ai envie que ça continue. Et le seul moyen c’est de renouer avec la solidarité entre les peuples, la vraie, pas l’aumône ou ce qui risque de se produire dans les jours qui viennent : l’attention de l’opinion publique qui sera détournée vers quelque chose de plus neuf, de plus sanglant peut-être, de plus intéressant sûrement, et le Liban retournera à ses problèmes. Qui ne manqueront pas un jour de venir frapper à notre porte, sauf que là, on ne pourra plus détourner le regard.

N’oubliez pas le Liban.


S’il vous plaît.

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18 juillet 2006

Des chiffres

Quarante-huit Irakiens ont péri hier dans une attaque menée par des hommes armés qui ont tiré sur la foule après l’explosion de voitures piégées sur un marché de Mahmoudiya au sud de Bagdad, au lendemain d’une journée sanglante en Irak qui a coûté la vie à 50 personnes.

Au moins 25 villageois ont été massacrés tôt lundi dans une attaque menée par des présumés maoïstes contre un camp de réfugiés dans l’État indien du Chhattisgarh (Centre), selon la police.

Le Liban a continué d’être la cible de raids israéliens qui ont fait 50 morts hier. Au moins 195 civils ont déjà été tués et 437 blessés au Liban alors que l’armée libanaise a eu 12 tués et 24 blessés dans ses rangs, selon un bilan établi par l’AFP.

Au moins 304 personnes ont été tuées et 430 ont été blessées lundi sur le rivage de l'île indonésienne de Java par un tsunami causé par un séisme sous-marin, a annoncé mardi le ministère de la Santé.

Le produit intérieur brut de la Chine a bondi de 11,3% sur un an au deuxième trimestre 2006, après avoir enregistré une progression de 10,3% au premier, a annoncé mardi le Bureau national des statistiques.

Et environ 5 fois plus de lecteurs se rendent sur mon blog depuis le début de la guerre. Mais je suis confiant, quand les médias se lasseront, que la routine de la mort s'installera, que l'ordre du jour sera différent, que la saison du foot reprendra, l'opinion publique se désinteressera du Liban. C'était la dernière fois qu'on voyait Villepin, cheveux au vent, venir récupérer des points de sondage en sautant d'un hélico à Beyrouth. Essayez de ne pas trop oublier le Liban à l'avenir, quel que soit l'avenir.

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17 juillet 2006

Précisions

Mes voisins, cet après-midi "Incroyable, il a suffit que la Syrie s'en aille pour qu'Israël en profite pour envahir le Liban."
...
Si c'est ce qu'on raconte sur TF1, que la Syrie protégeait le Liban d'Israël, on est mal barrés.

Cette image lors de la visite de Villepin : une jeune femme libanaise, qui tient son passeport-sésame français à la main, interpelle le premier ministre de façon autoritaire en lui disant de ne pas oublier les Libanais qui sont dans la merde. Et puis, elle prend le ferry pour se sauver.

Quelques commentateurs (mais très peu finalement, vous vous comportez pour la plupart de façon très civilisée, merci beaucoup) jugent bon de me reprocher ma "froideur", comprendre mon manque de coeur devant la situation au Liban. Je rappelle que, contrairement à ces gauchistes de salon qui voit toujours Israël comme le méchant parce que la puissance militaire dominante de la région, je n'ai pas grand chose à perdre dans cette guerre sauf ma famille, mes amis, mes collègues, mon appartement, mon boulot et ma voiture, dans l'ordre. Me reprocher de manquer de coeur, surtout venant de lecteurs aussi en sécurité que je le suis pour le moment, ça a tendance à m'énerver, en fait ça me rend furieux. Je ne défends pas Israël : Israël n'a pas besoin de moi. En revanche, je ne veux pas d'un Liban où le Hezbollah pourrait encore plus se glorifier de ses "exploits" militaires pour asseoir sa domination sur les autres partis et transformer le Liban que l'on aime en Iran bis. Parce que qui tire les ficelles derrière le Hezbollah ? Qui lui fournit les armes ? Qui lui a appris la dialectique du Grand et du Petit Satan ? Si vous voulez que le Liban devienne Barbuland, ce sera sans moi. Je suis contre cette guerre, elle me fait peur pour mes proches (la voiture, c'est pas grave, j'ai pas fini de la payer. Oups, j'ai manqué de coeur, là ?). Mais je préfère la logique israélienne à celle du Hezbollah, puisqu'il faut choisir entre les deux. Et à vous dire la vérité, je ne suis ni pour l'un, ni pour l'autre, je suis pour un Liban comme il a toujours été, sans peur des dieux, sans voile obligatoire pour les femmes, sans idéal morbide de faire la peau aux Israéliens et aux Américains, avec des rapports normalisés avec ses voisis. Que ceux qui me reprochent mon "manque de coeur" sortent de leur cocon douillet et aillent servir de bouclier humain au Hezbollah. Moi, je n'ai aucune pitié pour ces gens-là. Il paraît que l'antisionisme est le dernier repaire d'une certaine gauche en mal de combats. Qu'elle prenne les armes, comme dans les années 30, contre le fascisme. Mais en 2006, le fascisme, c'est le Hezbollah.

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Angoisses de Paris

L'Orient Le Jour a su, au fil des années, s'affirmer comme un journal de qualité avec des contributeurs (Ziyad Makhoul, Jean Issa, Christian Merville...) qui ont su apporter un style, certes plus d'éditorialiste plus que de journaliste. C'est un quotidien d'opinions plutôt que d'informations et c'est ce qui fait sa force. Malheureusement, il sera toujours considéré comme LE quotidien des chrétiens libanais, donc de droite, voire d'extrême droite, et j'ai même entendu dire fasciste par quelques abrutis. Donc, parfois, L'Orient a tendance a en rajouté pour montrer qu'il n'appartient pas qu'aux chrétiens, et qu'il ne compte pas poignarder le Liban dans le dos en attaquant le Hezb et en accueillant Tsahal avec des fleurs.

C'est la seule raison que je vois pour expliquer l'intervention de Scarlett Haddad sur France 3 à midi. Elle n'est pas journaliste, elle n'est sûrement pas très francophone, mais elle a quand même parlé au nom du quotidien pour dire que "maintenant, c'est clair, Israël veut détruire le Liban et pas seulement le Hezbollah". Pure propagande que le parti de Dieu entend faire répéter à chacun pour s'assurer du soutien aveugle de la population. Je pense aussi que Madame Haddad a peur, ce qui se comprend, et quand on a peur, on dit des bêtises. C'est certainement pourquoi elle a ajouté qu'elle était bien contente que Villepin vienne au Liban. Mes amis restés au Liban, voilà le plan : Gardez Villepin et échangez le contre les otages israéliens. Le Hezbollah négociera sa libération, ce qui reste son coeur de métier ; Israël récupère ses soldats et rentre au pays ; Et on parle enfin de Villepin comme d'un héros dans les journaux. C'était les bons plans de WIL. Gratos, pour vous.

Un mot sur l'évacuation des Français, ou plutôt deux. Certains Libanais se disent choqués qu'on rapatrie les étrangers, et qu'on les laisse dans la merde. Hors, la plupart des étrangers que l'on évacue sont des double passeports, Libanais de naissance naturalisés durant la guerre (car il n'y a certainement pas plus de 2000 Français à passeport unique au Liban). Les ambassades ne font pas la différence entre "de souche" et "naturalisés" et moi non plus, donc au final beaucoup plus de Libanais que d'étrangers seront déportés. A cela s'ajoute un petit point d'histoire : quand le conflit a éclaté en Côte d'Ivoire, qui a évacué les Libanais en même temps que ses ressortissants ? Oui, la France, mais c'est normal.

Il ne s'agit pas d'abandonner les Libanais, il s'agit d'entendre les Libanais et comprendre ce qu'ils veulent pour leur pays. Hors, c'est la cacophonie depuis longtemps. Les Libanais veulent être souverains, indépendants, libres. Noble souhait, qu'il faut assumer. Si le Liban ne veut pas d'alliés, arabes ou occidentaux, alors il doit être prêt à faire face à la situation actuelle. Seul. Ou alors qu'il nomme ses alliés, chose que le Hezbollah fait depuis longtemps en sous-main : Syrie et Iran, deux régimes parmi les plus attardés du monde. Nombreux sont les pays qui sont prêts à mieux aider le Liban, à commencer par la France, qui est resté au Liban durant la guerre de 1975-1990, malgré l'assassinat des soldats français et de l'ambassadeur, entre autres pertes. Que les Libanais s'expriment sur leur avenir, qu'on les laisse choisir. Et qu'ils assument plutôt que de subir.

En attendant, j'aimerais tellement que les enfants n'aient pas à subir cette saloperie de guerre. Si seulement on pouvait déplacer les petits Palestiniens, Libanais et Israéliens dans un endroit où ils seraient tous regroupés et apprendraient à se connaître pour ne pas recommencer les conneries de leurs parents ! Imaginez : des mariages libano-israéliens, des alliances palestino-libanaises, des idylles entre Palestiniens et Israéliens !

Bien sûr, je rêve. Quoi faire d'autre, sinon crier dans le métro comme un vieux fou "Y'a la guerre au Liban ! Bougez-vous !! Faites quelques chose". Mais il n'y a que des touristes dans le métro, et leur préoccupation concerne plutôt le repas de ce soir. Je les comprends. C'est si loin le Liban.

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Et ça continue

Les blogs libanais commencent à refléter la propagande qui sévit des deux côtés de la frontière. Même si au départ, la plupart des Libanais ont accusé le Hezbollah d'être à l'origine du conflit, beaucoup doutent maintenant et se retournent contre Israël. Comment leur en vouloir ? Impossible de garder la tête froide dans ces circonstances. Beyrouth reste le royaume de la rumeur, et on parle maintenant d'armes prohibées utilisées par Israël. Bientôt, on parlera de viols en série commis par l'armée, puis de charniers et enfin de camps de concentration. Déjà, quelques paroles ou dessins franchement antisémites commencent à éclore ça et là sur les blogs. Les bons vieux réflexes ressurgissent. Les vieux démons aussi : non au Hezbollah, non à Israël, non à la Syrie, non aux Etats-Unis. D'accord, très bien. Mais oui à qui ?

De leur côté, les Israéliens se font un devoir d'intervenir sur chaque post de chaque blog. Un semblant de dialogue s'installe, mais toujors les mêmes arguments. Non, il n'était pas facile pour les Libanais de se débarrasser du Hezbollah. Et oui, les fermes de Chebaa ne sont pas libanaises, mais elles ne sont pas israéliennes non plus. Il serait peut-être temps pour chacun de penser au-delà de la rhétorique de guerre, parce que nos dirigeants de tous bords éprouvent de la difficulté à le faire. Je continue à tirer mon chapeau à Siniora, le premier ministre libanais, qui poursuit la seule voie possible pour son pays : la diplomatie.

Le Hezbollah demeure étonnament calme, quand on connaît la capacité de gesticulations de son leader. Allons-nous vers une situation à l'irakienne, quand le ministre de l'information promettait la mort à chaque Américain avec en plus tortures et expédition en enfer ? Nasrallah tempête et menace Israël, mais finalement on voit assez peu son potentiel militaire. Tant mieux. On peut encore éviter la guerre, même si elle est déjà bien engagée.

Curieusement, on a assez peu parlé du cargo égyptien qui a été coulé par le Hezbollah, on a préféré se concentrer sur le navire de guerre israélien. Petit à petit, on comprend mieux les bombardements. Voilà une phrase atroce à écrire, mais je me demandais pourquoi Israël s'en prenait aux ports de Jounieh ou de Tripoli. Maintenant, c'est plus clair : pour aveugler les radars côtiers. Cela n'excuse pas les bombardements, mais ça permet de comprendre. Vous trouvez ça cynique ? Moi, ça m'aide à tenir le choc, d'essayer de comprendre.

Quand Israël pilonnait Gaza, il y a seulement quelques jours, personne n'a réagi au Liban. Maintenant, tout le monde critique la barbarie d'Israël. Foutue race humaine. On est obligés de vivre le malheur pour l'éprouver, incapables de comprendre l'empathie. Et en France ? Le Liban apparaît dans tous les journaux, mais comme l'Irak, si le conflit venait à s'enliser, on le mentionnerait entre le foot et la météo. Ou le drame de Z i d a n e, qui montre que la violence peut être parfaitement acceptée par l'opinion publique quand elle provient d'un millionnaire.

L'Orient Le Jour a fait voter ses lecteurs sur son site en ligne sur la question "La guerre menée par Israël contre le Liban fera-t-elle plier le Hezbollah ?" 1700 personnes ont voté à l'heure où j'écris. Le résultat : Oui à 49%, non à 50%. Où est passé le 1% décisif ?

Dernière minute : Dominique de Villepin doit se rendre à Beyrouth dans la journée. On est sauvés ! Il va te me le faire un discours en alexandrins qui va mettre tout le monde d'accord. Villepin à Beyrouth... Sortir du VIIIe arrondissement constitue déjà un exploit pour lui, j'espère juste qu'il ne va pas insulter les Américains comme à son habitude, ou créer des émeutes dans les banlieues, sa spécialité. A moins qu'il ne suggère à Siniora de dissoudre l'Assemblée nationale. Avec Domi, tout est possible ! Libanais, tenez bon, on vous envoie OSS 117 !

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16 juillet 2006

War in Lebanon for Dummies (mais en français)

Tout serait parti d'une opération du Hezbollah, "promesse tenue", que le mouvement terroriste chiite libanais soutenu par l'Iran et la Syrie signe maintenant comme ses ennemis jurés. En kidnappant deux soldats israéliens, le parti de Dieu avait certainement l'intention de braver une fois de plus Israël, mais ne s'attendait pas à une réplique d'aussi grande envergure de la part de l'Etat hébreu. Israël possède un objectif dans la région : sécuriser ses frontières avec des voisins qui aspirent au contraire à sa destruction. Luttant en permanence pour sa survie, Israël a oublié depuis longtemps la mesure en ce qui concerne ses opérations militaires, et peut se vanter de posséder les forces militaires et de renseignement les plus puissantes de la région, les seules ayant progressé depuis la fin de la guerre froide, au contraire de la Syrie notamment dont l'armée s'écroule depuis la fin des financements massifs de l'URSS.

Pour Israël, il s'agit donc d'une opération de police : en finir avec le Hezbollah, dont les provocations depuis 2000 sur ses capacités de mettre à bas l'Etat israélien commencent à devenir réalité avec l'importation d'armements et de cadres militaires iraniens, transitant par la Syrie, seul pays allié à l'Iran dans la région. Même si le triangle Syrie-Iran-Hezbollah est isolé des autres pays dans les Territoires palestiniens qui demande l'attention de l'armée israélienne, et surtout ce nouvel axe peut compter sur le conflit sur le nucléaire qui oppose le régime iranien et les grandes puissances occidentales, celles-ci tergiversant sans fin sur la réponse appropriée à donner à un pays qui produit du pétrole en quantité mais prétend avoir tout de même besoin du nucléaire pour tirer son énergie.

Ajoutons à cela un Liban divisé depuis quasiment sa création. L'armée libanaise n'a aucune influence sur le sud du pays, contrôlé par le Hezbollah qui a fait quelques concessions à son frère ennemi Amal. Même si elle en aurait largement les capacités, l'armée ne peut s'opposer au Hezbollah sans reproduire le même schéma que durant la guerre de 1975-1990 : un affrontement entre communautés dont les Libanais ne veulent pas. Le statu-quo sur le rôle du Hezbollah est donc maintenu, devant la fièvre de ses militants à qui Nasrallah, chef religieux et leader politique, offre ce qui manque le plus dans les pays arabes : la fierté, mais aussi un soutien financier versé généreusement par l'Iran. Pouvant se targuer donc d'un soutien populaire, le Hezbollah possède aussi des députés et des ministres, ce qui ancre sa légitimité, bien qu'il soit considéré comme terroriste par les Etats-Unis, Israël et la Grande-Bretagne.

Le problème de ce conflit est donc le suivant : un Etat qui agresse militairement un autre Etat en prétendant vouloir détruire un groupe sous-national qui prétend représenter le pays plus que ses instances dirigeantes officielles. Un peu comme si les Italiens bombardaient Nice pour empêcher les bandits corses de s'échapper. Dans le même temps, le Hezbollah représente une réelle menace pour Israël, l'objectif de ce parti politico-religieux étant la destruction de l'Etat israélien, et l'islamisation du Liban (je n'invente rien, ce n'est pas un fantasme, il existe nombre d'interviews de chefs du Hezb déclarant qu'il verrait d'un bon oeil que le Liban se conforme à la Chariah). Les Libanais sont donc tiraillés entre leur haine du Hezbollah pour une grand majorité d'entre eux et une haine pour les bombardements israéliens qui se font sans discrimination, le Hezb dissimulant ses hommes et son équipement militaire parmi les civils.

Plusieurs scénarios se présentent aujourd'hui :

  • Scénario 1 : L'opération se prolonge et le gouvernement libanais ordonne à l'armée de faire face à Israël. Probabilité : 2%
  • Scénario 2 : L'opération se prolonge et le gouvernement libanais ordonne à l'armée de neutraliser le Hezbollah avec l'assentiment de la population. Probabilité : 5%
  • Scénario 3 : L'opération se prolonge et la population libanaise excédée se rebelle contre l'envahisseur israélien. Probabilité : 10%
  • Scénario 4 : L'opération se prolonge et la population libanaise excédée se rebelle contre le Hezbollah. Probabilité : 15%
  • Scénario 5 : L'opération se prolonge et le conflit s'étend à la Syrie. Israël fait face à plusieurs fronts, mais peut ainsi régler en même temps des problèmes liés entre eux. Probabilité : 20%
  • Scénario 6 : L'opération s'arrête au bout de quelques jours : le Liban et Israël parviennent à un accord incluant la démilitarisation du Hezbollah, le déploiement de l'armée su Sud et le retour des deux soldats israéliens. Probabilité : 25%
  • Scénario 7 : L'opération s'arrête au bout de quelques jours : l'ONU envoie des forces d'interposition qui se font tirer dessus des deux côtés, mais qui évite une escalade du conflit. Probabilité : 30% (c'est ma préférée, donc je gonfle la probabilité)
  • Scénario 8 : Le Hezbollah conquiert Israël et massacre tous ses habitants. Probabilité : 0%
  • Scénario 9 : Embrasement général avec l'Iran qui teste ses nouveaux missiles sur Tel Aviv et les Américains qui entre dans Téhéran. Probabilité : Je ne veux même pas y penser %
  • Scénario 10 : James Bond révèle qu'en fait, c'était le SPECTRE qui avait provoqué la guerre, notamment en lançant de missiles sur Haïfa. 007 nous fait bien rire en commentant en écossais : "Pensez-vous réellement que le Hezbollah saurait utiliser des drones ou des missiles ?". Probabilité : 15%
Vous pouvez m'envoyer vos scénarios, il en manque beaucoup y compris celui des aliens ou celui de Nasrallah qui en fait règle une querelle d'amoureux à coups de katiouchas.

Voilà. C'est ce que je pense être une vision honnête de la situation qui ne manquera pas de provoquer des réactions qui me diront que je n'ai rien compris. Ce qui marche bien en ce moment, ce sont les échanges sur les blogs entre Israéliens effrayés et Libanais terrorisés, avec quelques Occidentaux qui ont du mal à comprendre la situation. C'est pour eux que j'ai essayé de résumer la situation, de façon légère bien sûr, mais qu'est-ce que vous voulez faire d'autre quand vous avez votre famille au Liban, et que vous pensez à vos neveux et nièces qui n'ont même pas dix ans pour la plupart.

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