30 juin 2005

Walid est grand mais le Liban est petit

Bizarrement, juste après l'élection de Nabih Berri au "perchoir", les escarmouches reprennent entre Hezbollah et l'armée israélienne : pour les Libanais, c'est Tsahal qui a commencé, et bien sûr le journal Haaretz affirme le contraire, prétendant qu'il s'agit de commandos libanais ayant franchi la frontière vers le Sud.
C'est ce moment que choisit le quotidien français Libération pour nous offrir une interview du derviche tourneur du Chouf, son éminence Walid Joumblatt, incroyable bonimenteur et retourneur de veste de première. Voici quelques extraits de ses pensées :

Vous avez soutenu la candidature de Nabih Berri à la présidence du Parlement, qu'il occupe depuis 1992. Pourquoi l'avoir choisi alors que tout le monde réclame du changement ?
C'est nous qui décidons du changement, ce ne sont pas les chancelleries occidentales si désireuses de se débarrasser de Nabih Berri. Il a été plébiscité lors des élections. La communauté chiite, le Hezbollah, ont dit : «Nous le voulons comme nouveau président de la Chambre.» On ne va pas s'amuser maintenant à dire non. Alors, si ce choix gêne certaines chancelleries occidentales ou certains milieux de droite chrétiens, ce n'est pas mon affaire. Amal et le Hezbollah ont été deux piliers très importants de la résistance libanaise. Grâce à eux, nous avons chassé les Israéliens. Cette résistance, c'est la nôtre, notre fierté, notre honneur national.
Cela signifie que vous ne voulez pas désarmer cette résistance comme l'exige la résolution 1559 de l'ONU ?
Elle doit garder ses armes. La communauté chiite a bien défini ses objectifs : défendre le Liban. Elle n'a jamais utilisé son armement à l'intérieur du Liban. Elle a dit : «Profitez de nos armes, de notre présence. On peut vous défendre si une agression israélienne a lieu.» De toute façon, cette question doit être réglée entre Libanais.


Et comme l'a prévu l'aigle druze, les Israéliens attaquent ! Quel timing ! Quelle démonstration frappante qu'il est urgent de ne rien changer et de laisser des armes entre les mains des combattants de la résistance ! Si vous voulez mon avis, avec des gens comme Joumblatt, on n'est pas sauvés. Heureusement, une petite note d'espoir :

Il y a des rumeurs qui courent et qui disent que je suis en danger. Même certains ambassadeurs occidentaux nous disent : «Faites attention.»

Allons, Walid, tu l'as dit toi-même, il ne faut pas écouter les ambassadeurs occidentaux.

|

29 juin 2005

Beyrouth, Texas

Hier soir, je me suis carapaté fissa du quartier de Beyrouth où je me trouvais car les pétarades se faisaient menaçantes (bizarre, comme j'emploie des mots dont je n'ai pas l'habitude aujourd'hui, doit être l'été). En fait, aux feux d'artifice se mêlaient des tirs de Kalachnikov en l'air pour saluer l'élection de Nabih Berry à la présidence de l'Assemblée, comme d'habitude. On prend les mêmes et on recommence... Le mouvement Amal que Berry dirige est le parti perdant par excellence, petit rival du Hezbollah mais néanmoins allié, qui ne représente rien sauf les ambitions dévorantes de l'avocat Berry, et n'a aucun projet si ce n'est de porter Berry encore plus haut. Et hier en était la démonstration éclatante. En tirant en l'air pour saluer la victoire du chef des bandits, le mouvement Amal en a rajouté dans la démonstration de force, effrayant la population, et blessant plusieurs passants, tuant une personne, une autre ayant trouvé la mort en manipulant des explosifs au Liban Sud. Ces imbéciles avaient oublié qu'une balle qui monte doit retomber un jour, et ce parfois sur quelqu'un. On se croyait loin de l'Irak, et on s'aperçoit qu'on a les mêmes connards criminels, aussi armés. Evidemment, ça promet pour l'avenir du pays où, comme chaque été, on n'a pas d'électricité toutes les quatre heures. M. Bush, revenez, ils sont toujours aussi fous.

|

24 juin 2005

Haaaaaaaaa, le Liban

Je pense que tout expatrié passe par des périodes de haine profonde, puis d'amour intense pour son pays d'adoption. Je suis dans la deuxième phase en ce moment. Je ne sais pas pourquoi, mais Beyrouth reste une des villes les plus excitantes que je connaisse, de par sa taille, pas trop grande et inhumaine, ni trop petite et "provinciale", de par son mélange d'orient et d'occident, de par ses aberrations, de par son courage, de par sa morgue, bref "My kind of town" aurait pu dire Sinatra qui se serait empressé d'aller flamber au casino.

Pourtant, c'est parfois difficile comme hier lorsque je me trouvais place des Martyrs et que des abrutis n'ont rien trouvé de mieux à faire que de lancer un énorme feu d'artifices. Croyez-moi, le bruit était tel que cela m'a rappelé quelques riches heures de bombardements. J'ai eu la chance de ne pas vivre dans ce pays pendant la guerre, mais j'ai eu l'occasion de me trouver au mauvais moment quand nos voisins du Sud venait montrer la preuve de leur savoir-faire en matière d'armements. Ce n'est pas une expérience très enrichissante.

Et puis quand je parle de bizarreries, en voici une que je trouve assez révélatrice d'un pays proofondément religieux. Haoui, le secrétaire général du Parti Communicste Libanais tué dans un attentat sera inhumé prochainement.

Le Liban fera des adieux populaires aujourd’hui à Haoui. Le convoi funéraire partira à 13 heures, de l’hôpital américain, et traversera certaines rues de Beyrouth. Les obsèques sont prévues à 14 heures, en l’église Saint-Georges des grecs-orthodoxes. L’ihnumation du corps se fera à Bteghrine.

Ne me lancez pas les oeuvres complètes de Karl Marx à la figure, mais j'étais persuadé qu'une des bases du communisme résidait dans la rupture avec l'opium du peuple. Il semble qu'au Liban ce soit différent. Quel pays.

|

23 juin 2005

Take the MIT Weblog Survey

|

22 juin 2005

"Georges Haoui, nouvelle victime du terrorisme antilibanais"
20 jours après Samir Kassir, une nouvelle victime d'attentat, le chef du parti communiste libanais.
Et la vie continue. Mais la fête de la musique a quand même été annulé.

|

18 juin 2005

Dernier virage
Les noms d'oiseaux continuent à voler entre le Général Aoun, controversé leader de la réforme, et Saad Hariri, héritier de son père. Aoun accuse notamment Hariri d'acheter des voix, alors que le jeune Saad considère que le Général s'allie avec les sbires de Damas.
Ma préférence va évidemment vers Aoun, non-confessionnel et décidé à normaliser les relations avec la Syrie et Israël. Mais on reste au Liban et il s'agit vraiment d'une bataille électorale, où tous les coups sont permis. Ainsi, si Aoun n'a pas les moyens ou la volonté d'acheter les électeurs, il peut les véhiculer vers les lieux de vote :

Le Courant patriotique libre (CPL) a annoncé, dans un communiqué, qu’il assure le transport dimanche vers le Liban-Nord, de 5h à 15h, pour les personnes qui désirent participer au quatrième scrutin 2005. Rassemblement à La Marina-Dbayeh.Pour plus d’informations, appeler aux 03/905481, 03/236547, 03/275057

Ces pratiques corses semblent courantes au Liban, mais ne lassent pas de m'étonner.

|

17 juin 2005

Bien dit !

L'Orient le Jour rapporte les réactions officielles du gouvernement syrien qui s'insurge contre l'interventionnisme des pays occidentaux :

Dès le retrait des troupes syriennes (le 26 avril), ces mêmes ambassadeurs [occidentaux] n’ont pas arrêté d’intervenir dans les affaires du Liban. S’agissant des élections, ils ont participé à dresser les listes électorales, à financer certaines campagnes et même à visiter des bureaux électoraux », accuse Techrine.Ainsi, estime ce journal, « les parties étrangères et israéliennes veulent entraîner le Liban vers l’anarchie afin de réorganiser ce pays d’une manière à satisfaire Israël. C’est à cette fin qu’elles ont fait adopter la résolution 1559 » par le Conseil de sécurité de l’Onu.

Vous imaginez ?! Heureusement que la Syrie est là pour dénoncer ces comportements outranciers. Intervenir dans les élections, quelle honte. Jamais la Syrie, au temps de son amitié avec le Liban n'aurait songé à intervenir dans le jeu électoral libanais. Il y a danger mes amis ! Un jour, la France, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis iront jusqu'à donner de l'argent au Liban afin d'aider à sa reconstruction pour faire plaisir à l'ennemi sioniste ! Ils donneront des bourses pour que les jeunes Libanais aillent faire des études dans ces pays dépravés et en reviennent mieux éduqués et donc prompts à faire la paix avec l'ennemi sioniste ! Avant que ce jour n'arrive, mobilisons-nous et comme le président Bashar, relisons à l'envers le manuel du parfait petit propagandiste pas doué pour ouvrir les yeux des Libanais sur le danger qu'il y a à vouloir se moderniser, alors que le modèle syrien fonctionne si bien. Courage, reculons ! Le Moyen-Age est proche !

|

16 juin 2005

La France des héros

Je ne voudrais pas jouer les rabat-joies, mais après la libération de "Florence" et "Hussein", on a droit à un portrait du guide irakien dans Le Monde :

"Comme beaucoup d'anciens pilotes de chasse irakiens, il a été formé en France au début des années 1980, au plus fort de la coopération militaire entre les deux pays, selon Libération. Pendant quatre ans, il a combattu les Iraniens aux commandes de son Mirage F1. Ce qui lui a valu trois médailles, le grade de colonel, quelques cicatrices sur son crâne rasé et une réputation de bravoure parmi ses compagnons d'arme. Il a été démobilisé en 1991 à l'issue de la seconde guerre du Golfe."

Donc, ce Hussein est un ancien de l'armée de Saddam Hussein, qui si ça se trouve a fait le coup de poing contre les Kurdes et en tout cas contribué à terroriser la populace irakienne en tant qu'homme de main du dictateur. Mmh. Imaginez si Milosevic s'était reconverti en guide, pardon, en "fixeur" et qu'il avait été kidnappé avec un journaliste français, il aurait eu droit à une parade sur les Champs Elysées à sa libération. Mais bon, c'est la fête quand même.

|

14 juin 2005

Le blagueur du jour
Walid Joumblatt, l'André Santini de la politique libanaise, a déclaré après la victoire de Aoun Dimanche : "Les chrétiens ont voté pour le passé".
Moi, j'en ris encore.
Penser que ce gars a soutenu la Syrie, qui avait tué son père, pendant tout le temps de sa puissance, l'a récemment renié après la mort de Hariri, s'est allié avec les anciens du massacre de Sabra et Chatila, compare la fièvre aouniste à la fièvre lepeniste en France tout en distillant un venin antijuif depuis toujours... C'est sûr, Joumblatt, avec Hezbollah et Amal, les milices pacifistes, c'est le futur. No future.

|

12 juin 2005

Troisième tour des élections, 11:56 le soir
Je ne me souviens pas avoir jamais entendu autant de feux d'artifice et de klaxons à Jounieh. Je pense que Aoun n'a pas perdu.

|

09 juin 2005

On prend les mêmes

Après le flou qui a entaché le vote chiite à Beyrouth et la victoire enregistrée par la liste Amal-Hezbollah au Sud, le secrétaire général du Hezbollah a tenu hier à « bénir » la liste de « l’unité de la montagne », parrainée par Walid Joumblatt. 5L'Orient le Jour)

Bravo Joumblatt, le père de l'indépendance reprend ses bonnes habitudes de derviche tourneur.

|

07 juin 2005

Sacré Nouvel Obs
qui me référence encore, mais cette fois sous l'intitulé : "Un blog francophone au Liban traitant de la captivité de Florence Aubenas". Alors même si je suis attristé par l'affaire Aubenas, et que je souhaite sa libération prochaine (mais quel est le sombre crétin qui ne partage pas ce sentiment), je ne me focalise pas sur l'affaire "Florence" comme seul exemple de mauvais traitements aux journalistes en ce moment. Au Liban, on tue des éditorialistes et ça n'a pas l'air démouvoir les pouvoirs publics plus que ça.

Ceci dit, je pense que si Serge July venait au Liban, il trouverait assez vite un moyen de libérer sa journaliste vedette. Sans oublier son guide Hussein Hanoun, bien sûr, sinon les bobos vont dire qu'il y a du favoritisme.

|

Démocratie féodale

Il faudrait que je prenne des photos des posters des candidats aux élections, quelques-uns valent vraiment le détour : lunettes noires de mafieux, moustaches de dealer d'armes et surtout pas de sourire. Les candidats à la députation ont encore du boulot à faire en matière de communication, mais également en matière de projets car il semble que seul le CPL, le courant patriotique libre de Aoun, ait pensé à élaborer un projet électoral ! Les autres n'en voient pas l'utilité, les électeurs votant principalement par réflexe féodal. Voici quelques-unes des réactions par rapport au programme électoral recueillies dans l'Orient-le Jour par Jeanine Jalkh :

Interrogé sur l’absence de programmes électoraux, un candidat de Beyrouth – considéré pourtant parmi les réformistes – s’est contenté de dire devant les caméras de la télévision que « le peuple libanais n’est pas encore habitué à l’idée des programmes ».Abondant dans le même sens, un candidat du Liban-Sud déclare à la presse que les programmes électoraux « sont le propre des vieilles démocraties européennes et non du Liban ». « Pour ma part, ajoute-t-il, je continue de porter le flambeau de mon père (ancien ministre) qui avait présenté en 1937 un programme électoral auquel j’entends rester fidèle… »Un troisième candidat du Metn, qui dit se présenter sous la couleur écologique, répond laconiquement à un émigré libanais, spécialement venu des États-Unis pour voter, qu’il élaborera son programme électoral et le lui enverra « chez lui aux États-Unis, après avoir été élu ! »

|

Le sud sécessionniste
Bien sûr, l'alliance contre-nature Amal-Hezbollah a triomphé dans le Sud. Les journaux français nous apprennent que c'est grâce à un programme social très avancé et que les gens votent pour ces formations parce qu'elles scolarisent les enfants et coûtent "six fois moins cher" quand il s'agit de soins médicaux, selon France 2. Evidemment, les gens votent pour eux par intérêt, mais aussi par peur. Il se trouve que j'étais dans le Sud ce dimanche, et on peut pas dire qu'ils s'agisse d'un scrutin démocratique. La propagande qui règne dans le sud est palpable, notamment en se basant sur le retrait israélien qui serait le fruit de la "résistance". Israël se serait retiré du sud à cause du harcèlement du Hezbollah... ça laisse rêveur mais des gens y croient, comme cette maîtresse d'école du Hezbollah hier soir sur France 2 qui disait en faisant les liaisons qu'il était important que les enfants "aient des z-héros". C'est sûr qu'avec les intellectuels du H., les enfants auront des zéros comme modèles.

Ce sont deux Libans qui ne se comprennent pas, et sont prêts à en venir aux mains. Un Liban occidental et moderne, et un Liban oriental et arriéré. Je me demande parfois si finalement, la solution ne serait pas de diviser le Liban. Mais pas par religion : l'erreur fréquente consiste à croire que les Chrétiens sont modernes et les Musulmans arriérés. Pas du tout, on trouve dans les deux confessions majeures des modernes et des largement archaïques. Ma proposition : envoyer les supporters du sud en Iran et en Syrie, et purger enfin le Liban des éléments qui veulent tuer sa différence. Je sais que ça sonne fasciste, mais dans la région, le Liban est vraiment une oasis de douceur de vivre dans un désert démocratique.

|

03 juin 2005

15 ans en arrière

J'avais souvent parlé du journaliste Samir Kassir dans ce blog en disant que je ne l'aimais pas. Il a été assassiné hier dans sa voiture par 15 kilos de TNT. Je ne me joins pas au concert des louangeurs, mais je prends ma place dans celui qui ne comprenne pas comment on puisse tuer des journalistes, juste coupables de vouloir informer. La fermeture de la MTV, la télévision qui avait osé s'immiscer dans les élections du Metn, était déjà un signe inquiétant de baisse de la démocratie au Liban. L'assassinat de Samir Kassir confirme le danger qui guette ce pays, sans parler de la mort de Rafic Hariri. Et la question que chacun se pose : qui sera le suivant ? Après l'homme le mieux protégé du Liban, on s'en prend maintenant à quelqu'un qui n'avait pas de garde du corps ou de protection particulière, persuadé qu'il était finalement que le Liban respectait même ses voix discordantes. C'est triste. C'est inquiétant. C'est dégueulasse. J'espère que le prochain ne sera pas Ziyad MAKHOUL, l'excellent animateur sur Radio Liban et journaliste de l'Orient-le Jour, qui clame sa révulsion dans les rats. Je le reproduis intégralement ici :

Dans le monde, les rats sont les rongeurs les plus connus et les plus répandus ; peut-être aussi les plus nuisibles. Ils ont deux fortes incisives et six molaires tuberculées à chaque mâchoire. Ils ont la queue longue, nue et écailleuse, leur pelage est brun grisâtre foncé, leur taille varie de 10 à 25 cm en moyenne, même si, parfois, dégénérés, ils sont énormes. Les rats sont les fléaux des industries alimentaires. Des maisons aussi. Ils sont fouisseurs, destructeurs de récoltes et d’intérieurs ; dangereux pour la santé publique. Leur morsure peut transmettre des maladies redoutables : la spirochétose ictéro-hémorragique, le sodoku, la rage ; ils peuvent aussi transmettre la peste, naturellement, ainsi que des amibiases, et plusieurs maladies à virus. Ils peuvent tuer. On les détruit avec des chats et des chiens ratiers, avec des gaz toxiques, comme la chloropicrine, ou avec des cultures de virus de Danysz qui les anéantit. On emploie des appâts à base de strychnine, de phosphore, d’arsenic. Sauf qu’il vaut mieux employer des pièges non toxiques pour les autres animaux : de la scille maritime en solution aqueuse stabilisée ou alors des appâts à base de dicoumarol.Au Liban, comme partout, il y a des rats. Beaucoup de rats. Sauf qu’ici, une bonne partie d’entre eux sont a visage humain ; juste l’apparence – et encore. Et c’est au cœur des (solides) ruines de l’appareil sécuritaire libano-syrien que ces rats pullulent, c’est dans les recoins de cette matrice autarcique, criminelle et métastasée qu’ils s’éduquent, se reproduisent, prospèrent. Ces rats sont assassins. Depuis trente ans, ils tuent, ou essayent de tuer ceux qui, citoyens, hommes politiques, journalistes, ne peuvent faire autrement que de leur mener une guerre quotidienne, ceux qui n’accepteront jamais qu’ils fassent main basse sur ce pays ou sur n’importe quel autre de ce Proche-Orient saint Sébastien, ceux qui leur disent non, ceux qui leur font peur. Ces rats sont fossoyeurs. Et nécrophiles : des cimetières qu’ils ont remplis, jour après jour, de ces charniers pas encore révélés aux yeux du monde, ils s’en vont voler les cadavres – cadavre de la démocratie, cadavre du droit, cadavre de la justice, cadavre des libertés, cadavre de la souveraineté, de l’indépendance, cadavre de l’intégrité, de la crédibilité, cadavre de la conscience – pour s’en draper, les enfiler, s’en travestir, puis s’exhiber, puis jouer la partition, puis jurer leurs grands dieux, puis anônner leurs innocences, puis aligner les âneries, puis promettre des tonnes de choses, puis parler de protection et d’avenir, puis construire des montagnes de mensonges. Puis s’en retourner aux châteaux. Ces rats, tous grades confondus, sont n’importe où, partout, ici, là-bas, tellement roués qu’ils ont parfaitement compris que c’est en pleine lumière, sous les spots, qu’ils trouveront les meilleures cachettes. Les chats ratiers du messianique Detlev Mehlis ont désormais de gigantesques travaux d’Hercule. Dans le monde, et notamment au Liban, il y a quelque chose, ignoble, de presque naturel, de résigné, de fatal, à ce qu’un homme politique puisse mourir, un jour, sous les griffes des rats qu’il s’est employé à éradiquer. Inacceptable, certes, sauf que c’est quasiment dans leur cahier des charges ; ils en ont la claire, l’innée conscience. Mais pas un journaliste. En tuant, entre tant d’autres, des Laouzi, des Taha, des Kassir, en éliminant des missionnaires, des passeurs, des diseurs, les rats sont persuadés de rester impunis. D’autant que personne ne s’est encore approché de leurs bouges, de leurs QG, de leurs palais, personne ne les a inquiétés, ou si peu, ni depuis René Moawad, ni depuis Hassan Khaled, ni depuis Marwan Hamadé, ni depuis Rafic Hariri et Bassel Fleyhane. Les rats se pensent invulnérables. Indélogeables. Et ils le seront. Ils le resteront. Jusqu’à ce que les Libanais expulsent, dératisent, blanchissent à la chaux. Mais pour cela, il faut être tous. Il faut être tout un Bristol devant ou derrière tout un peuple. Il faut être un 14 mars. Pas le 14 mars 2005, l’affectif, l’impulsif, l’instinctif, pas le 14 mars-symbole tout rose, pas le 14 mars du cœur ou des tripes. Mais un nouveau 14 mars, froid, métallique, implacable, un 14 mars rouleau compresseur, un 14 mars cérébral, mathématique, imparable ; un 14 mars radical, un 14 mars poison, un 14 mars raticide. Le 20 juin au matin, les rats ne devront plus être là. Tous les rats.

|

01 juin 2005

Hé bien oui, nous avons dit non
Je suis étonné des réactions que ce vote a provoqué. Ici, au Liban, on nous accuse d'avoir cassé l'Europe. Les Libanais avaient-ils le droit de vote durant ce scrutin ? Est-ce que nous avons titré dans les journaux français sur l'incapacité des Libanais à renouveler leurs élites politiques et à cesser leurs enfantillages communautaristes ? Ce scrutin nous regarde, nous sommes un peuple souverain, et si on nous demande notre avis, nous avons le droit de le donner. Certes, la décision de nommer le grand paon comme premier ministre n'est pas une bonne nouvelle, mais elle permettra de montrer à quel point cet homme a des idées surtout, mais surtout des idées. Or, en ce moment, c'est d'actions nous avons besoin, n'en déplaise aux partisans du oui qui nous font les gros yeux, persuadés qu'avec un oui dimanche, tout irait mieux lundi. En démocratie, on a le droit d'être crédules et de croire, mais pas d'emmerder les autres avec son fanatisme.
Hollandais, amis, bon courage aujourd'hui. Quant aux Libanais, qu'ils s'intéressent aux alliances contre-nature entre Joumblatt et le Hezbollah. Les ennemis intimes d'hier qui s'embrassent à pleine bouche aujourd'hui... Only in Lebanon ?

|
Weblog Commenting and Trackback by HaloScan.com