27 octobre 2003

Indignation au Liban. "On s’interroge, dans des milieux bien informés au Liban, sur les raisons poussant les autorités libanaises à garder le mutisme face aux dangereuses allégations d’un candidat démocrate à la présidentielle américaine, le sénateur John Kerry.", nous informe M. Khalil Fleyhane dans L'Orient-le Jour. Kerry a en effet eu l'audace d'écrire au président Bush pour attirer son attention sur le fait que le Liban blanchit de l'argent qui sert à financer le terrorisme. Quelle honte ! Quel menteur ! Interrogé sur le sujet, une banquière nous affirme que c'est impossible, parce que "au-delà de 5000 dollars, on demande l'origine des fonds lorsque quelqu'un fait un versement". Nous voilà rassurés. En conséquence, M. Fleyhane conseille "que l’ambassade du Liban à Washington soit chargée d’entrer en contact, d’abord avec M. Kerry lui-même afin de l’éclairer sur la réalité du système bancaire libanais et ensuite avec des membres influents de la diaspora libanaise aux États-Unis, notamment ceux qui occupent des fonctions au sein du Parti démocrate, pour les inciter à agir afin de lever tout soupçon pesant sur les banques au Liban. " Bref, du lobbying habile. Avec peut-être une petite enveloppe pour sa campagne en sus ?

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24 octobre 2003

Plagiat

Je lis toutes les semaines, comme beaucoup de francophones au Liban, le billet de Gaby Nasr. Je me suis toujours demandé d'où il tenait ce style, fait de jeux de mots un peu foireux et d'argot archaïque, mais qui rend très bien. Aujourd'hui, une de ses phrases m'a intrigué et j'ai compris l'origine du style Nasrien. L'ami Gaby note avec ironie : "Quand on pense aux milliards de neurones qui s’échappent chaque semaine de 30 cerveaux réunis en Conseil des ministres...", ce qui est presque mot pour mot une vacherie du Canard enchaîné de la semaine dernière à propos des cardinaux catholiques qui s'indignaient de la perte causé par la masturbation. Bon, est-ce qu'on peut parler de plagiat ou d'hommage ? En tout cas, Gaby Nasr observe attentivement le Liban et ses environs, ce qui n'est pas le cas du Canard, qui en ferait pourtant ses perles.

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17 octobre 2003

Jacques Chirac représente le chancelier allemand Schröder. Bravo. Quelle belle preuve d'amitié. Les médias s'emballent devant ce couple franco-allemand unis pour la vie qui constitue le noyau de l'Europe. Et oublie de dire que justement, les intérêts allemand et français sont les mêmes, ceux de deux puissances économiques mondiales qui ne veulent pas perdre leurs prérogatives avec l'arrivé de dix mendiants en Europe. Pour éviter de parler de questions embarrassantes, un petit effet d'annonce, une extase généralisée, et on n'en parle plus. Visiblement, la communication remplace partout la politique, y compris à l'échelle européenne où, de toute façon, il n'y a jamais eu de politique.

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16 octobre 2003

"Frères arabes" ou "Avec des amis comme ça, pas besoin d'ennemis"

Les Arabes, si tant est que cette notion veuille dire quelque chose puisqu’elle désigne pêle-mêle les Irakiens, les Koweitiens, les Libanais comme les Marocains, les Arabes donc disais-je, sont des gens bien curieux et assez peu solidaires, comme le montre un article de L’Orient-le Jour en date du 16 octobre 2003 :

Le député israélien arabe Azmi Béchara a estimé hier, dans le cadre d’un entretien (le premier) accordé à La Voix du Liban, que « les mois qui précéderont l’élection présidentielle aux États-Unis seront très difficiles ».
M. Béchara a indiqué que ces mois « verront l’accroissement de la domination de la ligne aventuriste au sein de l’Administration US et d’Israël », et que « la nation arabe aura à passer plusieurs tests, dont le dernier en date aura été le raid israélien contre la Syrie, qui constitue un prélude à des événements plus dangereux pour l’avenir ». Concernant le Syria Accountability Act, M. Béchara a affirmé que cette loi « n’apporte rien de nouveau au niveau des relations syro-américaines, sinon le fait qu’elle officialise les mauvais rapports entre les deux pays ». « La Syrie ne souffrira pas particulièrement au plan économique » des sanctions américaines, a-t-il ajouté. « Concernant le Liban, la Syrie a raffermi ses relations avec ce pays et a établi un dialogue avec toutes les fractions de la société libanaise, sans donner de prévalence à une partie. La société libanaise a été traitée stratégiquement, en tant que société ayant des rapports amicaux avec la Syrie, depuis le patriarche maronite jusqu’à sayyed Hassan Nasrallah », a-t-il estimé. « Cela devrait être l’orientation syrienne (au Liban), qui devrait également établir de bons rapports avec les Arabes et l’Europe parce que les relations des Syriens avec les pays européens sont excellentes, même avec les alliés européens des États-Unis, tels que l’Espagne, la Grande-Bretagne ou l’Italie », a poursuivi M. Béchara. « Ces pays ont soutenu les États-Unis contre l’Irak, mais ils ne feraient pas partie d’une coalition contre la Syrie », a-t-il conclu.


L’article suivant est la preuve des très bonnes relations libano-syriennes. Il est tiré de la même édition de L’Orient-Le Jour :

Le groupe de Saint-Laurent-sur-Sèvre de l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT-France) a collecté, à l’occasion d’un forum d’associations, cinq kilos d’anciennes clés auprès des habitants de la région, qui ont été envoyées à Mme Siba Nasser, ambassadrice de Syrie en France, « pour demander symboliquement à la Syrie d’ouvrir les portes de ses prisons et plus particulièrement de libérer Johnny Salem Nassif, (soldat des brigades de l’armée libanaise, alors sous le commandement du général Michel Aoun), enlevé au Liban le 13 octobre 1990 à l’âge de 16 ans et transféré en Syrie, où il est toujours détenu ».
Dans un communiqué, l’ACAT a par ailleurs indiqué qu’une pétition signée par plus de 300 personnes avait été adressée au président syrien Bachar el-Assad.
Le groupe a également relevé les contradictions flagrantes et répétées dans les déclarations des autorités syriennes concernant les Libanais détenus en Syrie et considéré que cela démontre « leur embarras dans le traitement du dossier de ces Libanais injustement incarcérés et soumis aux tortionnaires de l’univers fermé et impitoyable de leurs prisons ».
« La libération des prisonniers est impérative et nous ne manquerons pas de continuer à soutenir les familles et à sensibiliser les instances internationales sur la mauvaise volonté ou l’immobilisme des autorités libanaises et syriennes. Notre action se trouve légitimée par cette obligation des États de répondre aux requêtes pleinement justifiées des familles victimes de disparitions forcées », a ajouté le communiqué de l’ACAT.


Arabes, Arabes, on vous ment, on vous spolie, et franchement, pas la peine de chercher des complots sionistes ou anglo-saxons pour expliquer vos malheurs. Ils sont purement arabes, et viennent toujours de ceux que vous appelez vos « frères ». La preuve avec un dernier article, toujours tiré du même journal. Il évoque la brouille entre le Liban et la Libye, et le jour de la pomme qui s’est tenu dimanche pour encourager les Libanais à consommer local :

Les paumés de la pomme

Tout le monde se met désormais à la pomme. Avec ou sans dentier, les Libanais veulent désormais en croquer. Une, deux et même trois ou quatre, plus on en dévore et mieux on se sent, sur le plan national, mais aussi sur le plan physique. À ce train-là, tous les médecins du Liban se retrouveront au chômage et les Libanais, gonflés de vitamines, avec un arrière-goût d’insecticide, n’auront même pas de souci à se faire pour leurs frères libyens, privés de leurs pommes. La solidarité arabe a très vite joué et les Libyens peuvent désormais croquer les pommes de Syrie. Comme cela, tout le monde est heureux. Ni pommes de discorde ni raisins de la colère, l’honneur et la solidarité sont saufs et les Libanais sont en train de devenir des accros, en quelque sorte des paumés de la pomme, pour ne pas dire les dindons de la farce.

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15 octobre 2003

L'antisémitisme est une réalité quotidienne au Liban. Tout est question d'éducation, mais comment expliquer que les juifs sont des gens comme les autres à quelqu'un qui va avoir comme argument que "les juifs sont persécutés depuis 4000 ans. Il doit bien y avoir une raison, non ?". Non.

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14 octobre 2003

Excellent soirée sur l'antisémitisme qu'a proposé ARTE hier soir. Des propos effarants, comme le fameux "je ne suis pas antisémite, ma meilleure amie est juive" ou encore "nazisme et sionisme sont des doctrines raciales". Cette montée de racisme est effrayante, mais j'aurais préféré ne pas voir certains analystes s'exprimer. Alain Finkielkraut ne semble pas comprendre que, s'il n'est pas apprécié en France, ce n'est pas parce qu'il est juif, c'est parce qu'il est mauvais. Je me rappelle encore le mauvais procès qu'il avait fait à Emir Kusturica sur son film Underground, avant de reconnaître qu'il ne l'avait pas vu...

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Israël aurait des sous-marins nucléaires selon Der Spiegel et le LA Times. Le pays qui devrait s'inquiéter est l'Iran car Israël pourrait ainsi utiliser ses SLBM pour attaquer en seconde frappe cette puissance nucléaire islamique. Pourquoi l'Iran ? Quand on a des sous-marins nucléaires, on peut se rendre dans n'importe quelle région du monde. Israël aurait donc des armes de destruction massive qui peuvent toucher n'importe qui. Qu'est-ce qu'on va y faire ? Rien. Moi je ne trouve pas très rassurant qu'Israël ou la Syrie ait des vecteurs atomiques. En fait, je préférerais que personne n'en ait, un accident est trop vite arrivé.

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Comment expliquer le Liban à mes amis qui n'y sont jamais venus ? Difficile, difficile. Voilà un pays qui organise la journée de la pomme libanaise dimanche (pour lutter contre les importations notamment syriennes) et dont les produits agricoles sont renvoyés par l'Union Européenne avec la mention "hautement toxique" pour les raisins. Un pays où Walid Joumblatt, chef des Druzes et du Parti socialiste local, reçoit une délégation du parti communiste chinois, organisation hautement démocratique. Un pays qui poursuit en justice le Général Aoun réfugié en France parce qu'il a osé dire au congrès américain la vérité sur le Liban : qu'il est sous domination syrienne. Un pays qui justement va manifester avec fougue son soutien à la Syrie attaquée militairement par Israël alors que la Syrie fait tirer ses supplétifs depuis le Liban, et que fort logiquement c'est le Liban qui récoltait les obus jusqu'à présent. Un pays qui se refuse à donner le droit aux Palestiniens d'acquérir des biens, mais qui va hurler en permanence contre l'offense faite à ses frères arabes par les Sionistes.

Bref, un sacré merdier.

Mais c'est une expérience, et je ne connais personne qui, en venant ici, n'ait pas été séduit par les contradictions d'un pays qui, malgré ses puissants voisins et ses avocats teigneux, continue à vouloir exister avec ses différences.

Choukran Loubnan (Merci le Liban)

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09 octobre 2003

On est sauvés. Jacques Chirac visite un grand ami de la démocratie, Mohammed 6, pour lui faire part de son soutien immodéré. C'est déjà une grande nouvelle. Mais notre Président en profite pour affirmer son désaccord avec les menaces de sanctions économiques américaines à l'encontre de la Syrie. Là, je ne comprends plus. Notre pays, qui est censé porter haut les couleurs des droits de l'hommes, est dans son rôle lorsqu'il s'oppose à la guerre en Irak. Mais soutenir une des pires dictatures qui soient contre des représailles commerciales ? Non, là, je jette l'éponge. Je ne peux pas comprendre que la vision du monde de mon pays soit de s'entendre avec toutes les dictatures dans le but, soi-disant, d'aider à les mettre sur le chemin de la démocratie. Cette erreur a déjà été commise dans le passé, mais visiblement, Chirac comme Villepin ont du avoir de mauvaises notes en histoire à Sciences-Po.

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06 octobre 2003

En tout cas, écouter RFI reste un bonheur sans nom. En particulier le correspondant à Damas, dont je tairai le nom par pudeur, qui nous a fait une analyse des événements récents dignes des grandes heures du régime soviétique. La Syrie veut la paix, nous apprend-t'il, et c'est pourquoi les Syriens n'ont pas compris ce qui s'est passé, pourquoi Israël les a frappés alors même que la frontière entre les deux pays est d'un calme olympien. Forcément, quand on exporte sa violence aux autres, on peut se prétendre champion de la paix. Je le répète : je ne suis pas admiratif des raids guerriers, mais qu'Israël attaque la Syrie, après s'en être pris au Liban pendant des années, est un juste retour des choses. Et le gouvernement syrien, qui persiste à nier soutenir des organisations terroristes, arguant qu'il s'agit de résistance (ce qui est exactement la chose), sait très bien le pourquoi de cette attaque.
Quand je pense que c'est Kippour, donc le jour du pardon, j'ai quand même du mal à rester optimiste pour la région.

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Le terrorisme a frappé Israël et Israël a frappé le terrorisme. Rien de réjouissant là-dedans, parce que ça risque de devenir une habitude et de mener à une succession de raids qui risquent de toucher le Liban. Mais une nouveauté : attaquer les responsables plutôt que les lampistes. Le Liban retient son souffle, en particulier les Palestiniens des camps qui s'attendent à être attaqués. Il faut attendre.

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02 octobre 2003

Pendant qu’un certain Florent Pagny chante pour sa liberté de pensée (ses impôts), les Libanais font ce qu’ils peuvent pour conserver leur liberté d’expression. C’est dur, mais il y a des bonnes volontés, je m’en aperçois chaque jour, et de très mauvaises, ce qui me déprime parfois. Passons sur l’affaire Aoun, qui consiste à engager une poursuite judiciaire (oui, c’est une manie dans ce pays d’avocats) contre un Libanais qui aurait nui aux relations libano-syriennes en parlant devant le Congrès américain. Aujourd’hui, L’Orient-le jour, le quotidien francophone, commente l’élection présidentielle à venir en 2004 :

« Selon un ministre influent, la situation économique et politique est trop critique pour que le pays puisse supporter davantage de tiraillements entre les présidents Lahoud et Hariri. Il est donc nécessaire que la Syrie, en tant que parrain, recherche les moyens à mettre en œuvre pour limiter les dégâts jusqu’à l’échéance présidentielle. »

On garde la même rengaine, comme quoi la Syrie serait la garante de la pseudo-stabilité du Liban. Et ce qui m’affole, c’est que même au Quai d’Orsay, on a l’air de penser la même chose, c’est-à-dire que les Libanais ne sont pas assez avancés pour se gouverner eux-mêmes. Un peu ce qu’on disait sur l’Algérie avant la décolonisation.

Je n’ai rien contre les Syriens, peuple estimable comme tous, mais ceux qui s’insurgent contre l’occupation des Territoires palestiniens par Israël n’ont pas la même opinion de l’invasion prolongée du Liban par la Syrie . Je suis même convaincu que si la Syrie entretenait des rapports normalisés avec le Liban, ce serait un bénéfice pour les deux pays. Mais les légendes ont la vide dure, et ça m’est arrivé aussi de penser que les Libanais, à force de se faire envahir régulièrement, n’ont même plus l’envie de devenir indépendant. Mais quand on se dit une nation, on doit assumer.

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01 octobre 2003

Pour continuer ma description de ce qui me révolte, hier, une discussion avec des amis à Beyrouth. On parle des droits de la femme. Un garçon répond qu'il ne voit pas une femme président de la république, parce qu'elle ne saurait pas plaisanter avec les autres présidents hommes. Je lui demande s'il accepterait que sa femme à lui gagne plus que lui. Il me répond sans rire qu'il ne sait pas encore s'il l'autorisera à travailler...
Et ce garçon était chrétien, car une amie me dit que le problème au Moyen-Orient, c'est la façon dont les musulmans traitent les femmes. Je lui réponds que chez les catholiques, la femme n'a pas le droit de faire carrière, puisqu'elle ne peut pas être curé, évêque ou cardinal, et même plus enfant de choeur depuis deux semaines grâce au pape qui pense qu'elle pourrait développer des envies d'ordination. Mon argument n'a pas fait mouche. Cette fille, qui était offusqué d'entendre des propos machistes, comprend en revanche fort bien la position du Vatican sur les femmes.
Bref, y'a du boulot. Et quand je pense que le Liban est le pays le plus avancé de la région, je frémis en pensant au niveau de développement des autres.
Sinon, G. Salamé, le ministre de la culture qui m'avait valu de façon indirecte les menaces de procès en diffamation pour mon ancien blog, a démissionné de son poste en Irak avec les Nations-Unies. Je pense que ça n'augure rien de bon là-bas et que ça risque d'exploser assez fort.

Pendant ce temps, le gouvernement libanais veut faire un procès au Général Aoun, réfugié en France, pour avoir critiqué la Syrie devant le Congrès américain. Sfeir, le patriarche maronite en visite en France, a pris sa défense avec intelligence, et j'espère qu'il saura expliquer la situation de la région à M. Galouzeau de Villepin, ministre des Affaires étrangères français qu'il rencontre aujourd'hui. La politique française dans la région est complètement illisible par les Libanais. Chirac va se recueillir sur la dépouille de Hafez el Hassad, mais assure les Libanais de son soutien. Y-a-t'il une politique arabe de la France ?

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